
* HOMME ET LOUP, JOUR ET NUIT présente *
– LA COMPAGNIE DES LOUPS,
par NEIL JORDAN –
Chronique du film LA COMPAGNIE DES LOUPS (THE COMPANY OF WOLVES)
Rubrique HOMME ET LOUP, JOUR ET NUIT
Date de sortie du film : 1984
Durée : 95 minutes
Genre : Fantastique, conte, horreur.
Réalisateur : Neil Jordan

Les règles du conte…
Cet article est inscrit dans le cycle dédié aux films de loup-garous que nous appelons HOMME ET LOUP, JOUR ET NUIT. Soit un sous-genre à part entière du cinéma fantastique et horrifique qui contient en son sein un panel assez conséquent de films importants.
Nous reviendrons de temps en temps vous présenter d’autres films de la rubrique. Mais chaque chose en son temps. Aujourd’hui, nous retournons en 1984 afin de remettre, sous la lumière de la pleine lune, une histoire de petite fille qui part voir inconsciemment sa mère-grand à travers les bois…
Pour entamer la lecture de l’article dans les meilleures dispositions, quoi de mieux que d’écouter la BO de George Fenton en même temps…
Le pitch : Isolée dans sa chambre, Rosaleen, une jeune adolescente bourgeoise, rêve qu’elle mène une existence de contes de fées…
Elle rêve qu’elle vit avec sa famille, cent ans auparavant, au cœur de la forêt. Elle rêve de la mort de sa grande sœur, tuée par une meute de loups, tandis qu’elle part vivre chez sa grand-mère, à l’autre bout de la forêt. La vieille femme lui raconte alors tout un tas d’histoires, dans le but d’éveiller sa conscience à la menace des loups, mais aussi des hommes, qui risquent de s’intéresser bientôt à cette jeune femme naissante. C’est ainsi que dans les histoires de la grand-mère, homme et loup ne font qu’un…
Relecture du PETIT CHAPERON ROUGE mâtinée de tout un tas de références à d’autres contes (BARBE BLEUE, par exemple, voire LA BELLE ET LA BÊTE), LA COMPAGNIE DES LOUPS est avant tout une brillante déclinaison effectuée sur le mythe du loup-garou.
Mêlant l’univers des fables avec le genre Horreur, le film de Neil Jordan est assurément l’une des œuvres de fiction les plus originales et les plus intelligentes dédiées à la figure du lycanthrope. Ce dernier se meut ici en symbole, personnifiant le prétendu “mal” qui guette les jeunes filles vierges au moment de leur puberté, lorsqu’elles sont promptes à succomber à la tentation du “mâle” et à l’attrait de la chair, synonyme de bestialité au regard de la bonne éducation familiale.
Épousant tout d’abord la cause de la grand-mère, le film évolue vers davantage de nuances, avant que le postulat ne s’inverse lors d’un dénouement sans concessions, symbolisant quant à lui le passage à l’âge adulte et l’acceptation, pour la jeune femme, de sa sexualité, elle-même symbolisée par ce chaperon écarlate, dont l’éclat vermeil fait écho, bien évidemment, aux menstruations de conséquence…

La forêt, lieu de tous les mystères et de tous les dangers…
Plastiquement, le film est une merveille du début à la fin tant il profite magnifiquement de ses décors et de sa forêt de studio, dont le charme théâtral et la perfection esthétique rappellent parfois le merveilleux du LEGEND de Ridley Scott.
Mais le traitement est unique en son genre, car il est pimenté d’une orientation horrifique et de quelques scènes gores qui ne destinent pas la chose aux enfants. Ces derniers, outre qu’ils puissent être effrayés par cet aspect sanglant, risquent de toute manière de ne rien entendre à la toile de fond psychanalytique et à la métaphore sexuelle qui se cache derrière cet ensemble de séquences parfois assez abstraites, qui méritent assurément plusieurs visionnages.
Spectacle onirique total, LA COMPAGNIE DES LOUPS est une illustration décalée (dont les champignons géants font office de liant psychédélique…) où les thèmes adultes de la psychanalyse sont mis en lumière par le truchement des fables enfantines, faisant ainsi écho au célèbre livre de la PSYCHANALYSE DES CONTES DE FÉES de Bruno Bettelheim.

Rosaleen : Une adolescente soumise à toutes les tentations…
Ce long métrage à l’atmosphère envoûtante ne ressemble ainsi à aucun autre et nous transporte dans une époque aujourd’hui révolue où le cinéma grand public pouvait tout se permettre. Car bien qu’il n’ait pas pris une ride après toutes ces années, LA COMPAGNIE DES LOUPS garde néanmoins le parfum de la nostalgie à travers son ambiance indolente et son casting d’époque, alignant de nombreux acteurs de premier plan tels David Warner, Angela Lansbury, Terence Stamp, Stephen Rea et Brian Glover.
On peut enfin rendre honneur à Neil Jordan, réalisateur qui aura tourné peu mais bien (raison probable pour laquelle il a si bien réussi à garder le contrôle de ses films en tant qu’auteur), esthète exigeant dans le fond et dans la forme, qui nous laisse aujourd’hui une remarquable trilogie fantastique sur les grandes figures du genre avec LA COMPAGNIE DES LOUPS, ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE réalisé en 1994 et le méconnu mais tout aussi envoûtant BYZANTIUM réalisé en 2012.
Pas de film de loup-garou sans transformation !
Au registre du film de loup-garous, WOLFEN avait, le premier, ouvert la voie d’une période riche en lycanthropie sur pellicule. Un sous-genre qui verra plusieurs de ses chefs d’œuvre éclore entre 1981 et 1984.
La seule année 1981 nous avait offert trois films emblématiques avec WOLFEN, LE LOUP-GAROU DE LONDRES et HURLEMENTS. La série s’achève ainsi en beauté en 1984, avec LA COMPAGNIE DES LOUPS (elle perdurera même quelques années avec d’autres films mineurs, comme par exemple PEUR BLEUE, d’après Stephen King en 1985, voire le segment introductif du clip THRILLER de Michael Jackson)…
See you soon !!!
