STOPMOTION
Chronique du film : STOPMOTION
Date de sortie : 2024
Durée : 93 minutes
Réalisateur : Robert Morgan
Genre : Horreur
Méfiez vous de vos propres créations
STOPMOTION est un film d’horreur américain sorti en 2024 réalisé par Robert Morgan avec Aisling Franciosi (THE NIGHTINGALE, LE DERNIER VOYAGE DU DEMETER.)
Le pitch : Ella vit avec sa mère, une célèbre réalisatrice de films d’animation en stop motion (si vous ne savez pas ce que c’est, direction ici !) et l’aide à terminer son film car cette dernière souffre d’arthrite et ne peut plus se servir de ses mains. Elle n’est donc plus capable d’animer elle-même les marionnettes. Autoritaire et intransigeante, elle ne laisse pas sa fille lui suggérer la moindre idée, et cette situation devient un fardeau pour Ella jusqu’au jour où sa mère tombe dans le coma. Sous le choc mais aussi libérée de l’ombre de sa mère, Ella s’installe dans un studio pour finir le film. C’est là qu’une petite fille (carrément insolente) croisée dans les couloirs s’intéresse à ce qu’elle fait et commence à lui suggérer des idées, de plus en plus glauques. Le film vire en conte d’horreur dans lequel Ella s’abime la santé tandis que sa propre perception de la réalité est remise en question.
Le concept du film m’a intrigué car je suis un grand fan du travail de Ray Harryhausen. Et le réalisateur de ce film l’est sans doute aussi puisque les marionnettes qu’on nous présente sont conçues de la même façon (une armature en métal dans un corps en latex ou en cire), sans doute un processus un peu daté que plus personne n’utilise, même si je ne suis pas un expert. Cela ressemble en tous cas à un hommage à Harryhausen.
Le film de la mère d’Ella a même un cyclope comme personnage principal.
Mais où pouvait-on aller avec cette idée d’inclure des marionnettes en stop motion dans un film d’horreur ? Il y avait un risque, en prenant ça au premier degré, de faire quelque chose de kitsch à base de poupées tueuses comme CHUCKY ou autres PUPPET MASTER. Mais le film s’oriente vers l’horreur psychologique. Le personnage d’Ella se tue au travail alors qu’elle vient de subir un traumatisme. Je ne parle pas juste de la condition de sa mère, mais aussi de sa vie avec elle depuis des années qui l’avait transformée en un instrument dépourvu de voix, elle-même marionnette sous son autorité. Ironiquement, elle va sembler devenir la marionnette de quelqu’un d’autre : la gamine insolente dont elle va devenir dépendante. Ella ne semble pas pouvoir trouver ses propres idées. Elle va commencer à avoir des absences, oublier ce qu’elle a fait, perdre ses repères et voir des choses, ce qui sera un bon prétexte pour introduire les marionnettes dans sa réalité.
La petite fille envahissante
L’intérêt principal du film c’est ses visuels inquiétants, ses marionnettes de plus en plus glauques tout d’abord seulement présentes dans le film d’animation dont on suit la création, puis dans la réalité. L’histoire est intéressante mais il faut reconnaitre que le format de 1h30 est peut-être un peu long. C’est souvent le souci de beaucoup d’idées horrifiques. Certaines fonctionnent mieux comme un épisode de série TV ou un sketch dans un film anthologique. Je dis ça parce que, sans spoiler, si vous êtes habitués aux films d’horreur psychologique, on comprend assez facilement qui est réellement la petite fille. Et le film en est conscient lui-même parce qu’il n’en fait pas un twist de fin et nous le révèle assez clairement en milieu de métrage. Ce qui est une bonne chose dans un sens parce que ça n’aurait pas tenu sur la longueur. Mais du coup, une fois l’intrigue de la fillette écartée, le film doit se recentrer sur autre chose pour finalement virer en direction d’une fin jusqu’au-boutiste bien perchée qui m’a moyennement convaincu.
Des marionnettes de cauchemar
Néanmoins, les sujets abordés sont intéressants. Que ce soit le conflit générationnel, l’emprise que peut avoir une personne sur une autre, la frustration d’avoir eu si longtemps sa créativité muselée et le danger de devenir esclave de ses créations. Sans entrer dans les détails, je vais faire un parallèle : qu’est-ce que les auteurs de comics ont fait lorsque le comic code authority (une censure bridant la créativité) a été supprimé en Amérique ? Des comics violents, des comics d’horreur, parfois too much, parce que c’était un exutoire. Bon, eh bien imaginez juste ça dans un film d’horreur avec un personnage traumatisé et en complet burnout.
Je ne connaissais pas le travail du réalisateur Robert Morgan, mais apparemment il réalise des courts métrages en stop motion depuis 20 ans, toujours avec des personnages à l’allure cauchemardesque semblant tout droit sortis des enfers. Ses courts métrages sont visibles sur sa chaine Youtube. On peut facilement imaginer que ce film est une sorte d’introspection sur son art.
Le métier difficile et exigeant d’animateur
Ce que représentent les marionnettes qui s’animent, c’est l’imagination d’Ella qui lui échappe, l’expression de son désir d’émancipation hors de contrôle. Mais on est dans un film d’horreur, donc ça va aller trop loin. L’idée est vraiment intéressante et originale. L’atmosphère est pesante et réellement inquiétante parfois, surtout si vous êtes sensible à l’aspect malsain que peut revêtir l’animation en stopmotion (et avec des marionnettes qui ont déjà une trogne pas possible.) De plus, la performance de Aisling Franciosi est très convaincante.
En bref, je dirai que le film a pas mal de qualités : une atmosphère sonore et visuelle au top, des effets spéciaux créatifs et malsains, un sujet intéressant, de bons comédiens, mais qu’il souffre de sa durée. Cela donne l’impression que le film abat certaines cartes trop tôt (et on se dit « ah tiens…mais il reste 50min encore »), il y a des longueurs, et parce qu’il n’y a plus beaucoup d’autres options, le final se sent obligé d’aller très (trop ?) loin dans une surenchère un peu WTF qui n’était pas (à mon sens) ce qu’il y avait de plus intéressant à faire. Ce n’est jamais facile de passer d’un format court à un métrage de 1h30. Le réalisateur s’en sort plutôt bien malgré mes quelques réserves (qui n’engagent que moi.)
Cela reste une idée originale, traitée de manière assez glauque. Je ne sais pas si vous passerez un « bon » moment devant, mais c’était intéressant.
Un court métrage de Robert Morgan