
* GRIM, GRITTY ET BIEN PLUS ENCORE ! *
Chronique de la série : MIRACLEMAN, par Alan Moore – tome 2
Date de publication originelle : de 1983 à 1986
Auteurs : Alan Moore (scénario) Alan Davis (dessin) + divers artistes.
Genre : Science-fiction, Super-héros.
Éditeur VF : Panini
Éditeur VO : Marvel Comics

On dirait pas, mais ça va chier…
Cet article porte sur le deuxième tome de la série MIRACLEMAN par Alan Moore.
Il couvre les épisodes MIRACLEMAN #5 à 10. Ce deuxième arc narratif a été réalisé entre 1983 et 1986 en une quinzaine de segments de six à douze pages chacun, publiés à l’origine dans le magazine anglais Warrior, puis dans le magazine américain Eclipse Comics.
Les dessins sont réalisés par divers artistes successifs, à commencer par Alan Davis, suivi de John Ridgway, Chuck Austen, Rick Bryant et Al Gordon.
En VF, l’intégralité des épisodes de MIRACLEMAN par Alan Moore a été publiée en trois tomes chez Panini.
Sur C.A.P, nous allons consacrer un article sur chaque tome de la série, dont les trois premiers par Alan Moore. Vous trouverez l’article sur le premier tome ICI.

Le méphitique Dr Gargunza : Des entrées en matière toujours plus travaillées et conceptuelles…
Le pitch : Miracleman semble avoir pris le dessus. C’est désormais lui qui couche avec sa femme, Liz, et qui réussit à la mettre enceinte, ce que son avatar sans pouvoirs Michael Moran n’avait jamais réussi à faire. Mais, du coup, le bébé à naitre ne sera certainement pas comme les autres. Il n’en faut pas plus pour déclencher une série d’événements, à commencer par le kidnapping de Liz par l’infâme Dr Gargunza, détenteur des secrets de la création du surhomme. Des événements qui vont rapidement bouleverser la vie de cette famille en quête de sa propre réalité, tandis que nous plongeons encore plus loin dans les origines mystérieuse de Miracleman. Car jusqu’ici, tout ne nous avait pas encore été révélé…
Nous avions exploré l’essentiel du concept de la série lors de l’article précédent, consacré au premier tome. Nous savons désormais tout de sa genèse et de son apport révolutionnaire au monde jusque-là cloisonné et enfantin des comics de super-héros (pour mémoire, la reprise de la série MIRACLEMAN par Alan Moore correspond au moment où le Comics Code Authority commence à perdre une grande partie de son influence).
Les premiers épisodes donnaient le ton avec une approche extrêmement mature et adulte du medium, avec un point de vue grave et inédit sur le sujet, appuyé par une narration tout aussi novatrice, qui teintait le récit d’une dimension philosophique incomparable, avec un sens de la mise en scène quasi-cinématographique, dominée par des soliloques inspirés (s’il existait encore quelques bulles de pensée dans les premiers épisodes, elles ont ici complètement disparu !), qui fait encore école aujourd’hui.

Qu’il est loin, le temps des comics enfantins et inoffensifs de Mick Anglo !
Ce second arc narratif enfonce le clou en plongeant le lecteur et tous les personnages de la série dans un bain de sang et de folie, dans une ambiance glauque et malsaine encore assez édifiante malgré tout ce temps passé depuis sa publication initiale. Il apparait désormais évident que le scénariste, dans son entreprise visant à explorer toutes les notions jusque-là interdites aux histoires de super-héros (la violence littérale, la nudité crue de la chair laide, la folie et la cruauté psychotique), a tenté d’aller au bout de ses expérimentations. Et l’on peut ainsi s’attendre, sachant qu’il reste encore un troisième tome écrit par Alan Moore (regroupant les épisodes #11 à 16), à ce que les aventures de Michael Moran nous entraînent toujours plus loin dans cette exploration narrative inédite.
À l’arrivée, notre série est l’une des premières à s’émanciper des carcans manichéens des comics de super-héros standards et elle explore sans complexe de nouveaux horizons : Miracleman n’est pas un héros. C’est un homme normal qui s’est retrouvé affublé de superpouvoirs. Et lorsqu’il doit affronter ses ennemis et sauver sa femme, son comportement n’a rien d’héroïque, tandis que ses capacités hors du commun stimulent son agressivité et sa violence animale et instinctive. Le résultat n’est pas, comme dans les comics habituels, inoffensif et cathartique, mais au contraire choquant, malsain et dérangeant.

Les sidekicks, c’est plus ce que c’était…
Pour ceux qui le connaissent, le style du scénariste est immédiatement reconnaissable et il est toujours aussi impressionnant de constater l’avance qu’il possédait, à l’époque, sur l’ensemble de la profession en matière de technique narrative, tout en maîtrisant comme personne l’art de manipuler les concepts.
Et c’est d’ailleurs directement à l’issue de ces épisodes qu’il réalisera ceux du mythique WATCHMEN.
Certains lecteurs pourront sans doute pinailler sur l’aspect un peu vieillot de l’ensemble (ce que je trouverais étonnant dans la mesure où ces mêmes lecteurs ne pinaillent étrangement jamais à propos des vieilleries de chez Marvel et DC Comics !), et surtout sur la laideur relative des dessins, et ce malgré la remastérisation des planches bénéficiant d’une toute nouvelle colorisation (mais là, pour le coup, ce sont les puristes qui viennent pinailler !). Il est vrai que les dessins ne sont pas très jolis, pas même ceux des premiers épisodes réalisés par le grand Alan Davis. D’un point de vue graphique et esthétique, c’est effectivement daté et très inégal.

Non, non, ce n’est plus du comics de super-héros pour les petits…
Il n’en demeure pas moins que ces épisodes, bien que légèrement en-dessous de ceux du premier tome car ils étirent peut-être un peu trop le même concept, possèdent une classe narrative et un art du découpage, une profondeur et une toile de fond d’une richesse telle, qu’elle les destine à trôner à des années lumières célestes au-dessus du tout-venant de la production de comics super-héroïques. Et s’ils sont sans doute moins directement séduisants et divertissants, ils sont, aujourd’hui encore, nettement plus novateurs, matures, profonds et intéressants que 99% de ce que le médium est arrivé à nous proposer depuis sa création. C’est en tout cas cette sensation qui nous submerge à l’issue de cette lecture, lorsque l’on prend conscience que l’on vient de découvrir quelque chose d’une qualité supérieure à la moyenne, qui, en plus, ne nous a pas déjà été raconté un bon millier de fois…
Cette collection Panini (qui reprend le modèle américain) est décidément une aubaine et un bonheur pour les fans. En format deluxe (la couverture est superbe), elle ajoute en fin de recueil un certain nombre de bonus, avec un court épisode amusant de quatre pages effectué par un collaborateur du journal Eclipse Comics, une très belle galerie de croquis, de planches en noir et blanc et d’illustrations diverses.
Rendez-vous au prochain tome !

Le super-héros, déconstruit et mis à nu !
See you soon !!!
