– PINK FLOYD :
WISH YOU WERE HERE –
Chronique de l’album WISH YOU WERE HERE
Sujet de l’article : La genèse de l’abum et son rayonnement sur la culture populaire
Genre : Musique, Pop-rock, Rock progressif
Contenu : Article émaillé d’images et de vidéos youtube
Artistes : David Gilmour, Nick Mason, Roger Waters, Richard Wright (illustration des quatres musiciens : © Ed Illustratrice)
Ambiance à la coule…
Notre article est consacré au neuvième album studio de Pink Floyd enregistré en 1975 : WISH YOU WERE HERE.
Mais on parlera également d’autre chose. On décortiquera le contexte de sa genèse, bien sûr, mais on évoquera aussi les liens qui unissent parfois la musique (en l’occurrence le rock) à d’autres médiums pop, comme le cinéma et la bande-dessinée. L’article se divise en quatre parties : On commencera par un voyage dans le temps, pour ensuite enchainer sur la musique, le cinéma et, in fine, sur la bande-dessinée…
Ça commence comme ça…
Première partie : Secret Origins (again)
J’étais un tout petit garçon. Je crois que ça devait être en 1978.
Quand on a 5 ou 6 ans, quand il fait nuit très tôt et que l’atmosphère est morne, on n’aime vraiment pas l’hiver. Je me souviens qu’après l’école, la nuit tombait très vite et que le seul moment agréable, après les devoirs, c’était quand je regardais Récré A2 avec GOLDORAK, puis L’ÎLE AUX ENFANTS.
En ce temps-là, ma mère avait une lubie : Dès que les émissions de jeunesse étaient terminées et que je partais jouer dans ma chambre, elle éteignait toutes les lumières de l’appartement, s’allongeait sur le divan et se passait le vinyle WISH YOU WERE HERE de Pink Floyd. Pour l’enfant que j’étais, c’était un moment terrifiant que d’entendre cette musique flippante et anxiogène se répandre dans la maison, baignée dans la pénombre. Je n’osais alors sortir de mon repère peuplé de jouets, le seul encore éclairé d‘une lueur rassurante… Je ne saurais dire combien de temps cela a duré, mais je ne comprenais pas cette étrange passion pour cette musique du diable. Les longues minutes de SHINE ON YOU CRAZY DIAMOND (13,31’), qui ouvraient l’album, s’égrainaient chaque soir dans l’angoisse et la peur, tandis que j’essayais de donner le change en me concentrant sur mes Playmobil et mes inoffensifs animaux en plastique…
Je manquais de mourir de peur avec le deuxième titre de l’album, le monstrueux WELCOME TO THE MACHINE. Là, tous les jouets du monde ne pouvaient me mettre à l’abri du cauchemar, alors que « la machine » me pourchassait de son hurlement inhumain jusqu’au fond de ma cambriole, comme pour me révéler quelque chose que je refusais d’entendre : la voix de la terreur et son épouvantable vision du réel…
La fin de la face A (et de WELCOME TO THE MACHINE) annonçait la libération, puisque ma mère se passait rarement la face B. La maison retrouvait alors lumière et sérénité, et le cauchemar s’évaporait. Mais l’épouvante me rattrapait parfois, lorsque je tombais sur la pochette de l’album, qui trainait toujours dans un coin du salon. Une pochette qui me réservait quelques images aussi angoissantes que la musique…
Regardons-la en détails, cette pochette issue des studios Hipgnosis et signée Storm Thorgerson, designer indissociable des albums de Pink Floyd : À l’origine, le vinyle était vendu dans un étui en cellophane avec deux mains robotiques se joignant au-dessus des quatre éléments. Sur le devant de la pochette à proprement parler, on voit des bâtiments sinistres au milieu desquels deux types en costard se serrent la main (l’un d’eux prend feu). Un foulard orange fantomatique (il parait qu’il y a une silhouette de femme à l’intérieur) tente de résister au vent dans un paysage morne lorsque l’on sort l’étui intérieur. De l’autre côté, au milieu des crédits et des paroles des chansons, une jambe se reflète dans un lac lunaire tel un tableau de Dali. Enfin, un homme sans visage, sans poignets et sans chevilles au milieu des dunes, nous tend un disque en argent avec des billets à ses pieds. C’est sur le dos de l’album, et il y a des marques de brûlure sur la pochette…
Toutes ces images prolongeaient ma terreur juvénile et pourtant, étrangement, je n’arrivais pas à m’en détourner. Je ne m’en rendais pas compte. Pas encore. Mais la fascination commençait à l’emporter sur la peur et l’angoisse…
Cherchez l’intrus !
Jusqu’au jour où je décidais de briser la glace et de demander enfin à ma mère pourquoi diantre il fallait s’infliger ces moments d’horreur sonore. Sa réponse fut stupéfiante : « Mais c’est magnifique ! » s’écria-t-elle, comme si elle n’avait jamais remarqué ma détresse ! Elle s’empressa alors de repasser le disque, en plein jour pour le coup, ne cessant d’attirer mon attention sur les premières notes cristallines de guitare. Je n’en croyais pas mes yeux tandis que les siens se fermaient : chaque note faisait apparaitre sur son visage un sourire incoercible, doublé d’une interjection quasi transcendantale. Et c’est là, à ce moment précis, pour la première fois de ma vie, comme si je n’avais encore jamais entendu ce morceau, que je perçus le pouvoir de la musique, en l’occurrence de la guitare électrique, un pouvoir capable de transformer tout d’un coup la peur en sensation sublime. Le déclic.
À l’origine, l’intro était uniquement jouée avec des verres de vin frottés avec les doigts mouillés (pour un projet d’album abandonné) !
Ma vie en fut changée pour toujours. Ma passion pour la musique et mon goût pour la guitare étaient nés en même temps que je prenais conscience des émotions qu’ils pouvaient générer (et jamais je ne me préoccuperais de tout ce qui tourne autour de ça, notamment de l’attitude des musiciens, de leur incarnation et de leur philosophie).
Plus tard, j’essaierais d’apprendre la guitare pour marcher sur les pas de David Gilmour et de ses solos inouïs. Peine perdue en m’apercevant que j’en étais proprement incapable, tandis que je découvrais que je pouvais jouer naturellement de la batterie, comme si j’avais toujours su le faire sans avoir à l’apprendre (va comprendre)…
C’est une sensation puissante que de faire de la musique, avec des musiciens, une alchimie de chair et de sons !
Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, cet album de Pink Floyd restera éternellement celui au-dessus de tous les autres. Je ne m’en suis jamais lassé et je l’écoute encore régulièrement. LA pièce maitresse de toute ma discothèque…
Quatre garçons dans le vent : David Gilmour – Roger Waters – Nick Mason – Richard Wright (chaque lien mène à l’article dédié).
© Ed Illustratrice
Deuxième partie : Groupons.
L’histoire de WISH YOU WERE HERE, l’album, n’a rien d’une sinécure. En 1975, le groupe vient d’achever la tournée de THE DARK SIDE OF THE MOON et jouit enfin d’un succès planétaire. Un succès mérité puisque ce dernier album s’imposera au fil du temps comme l’un des principaux chefs d’œuvre de l’histoire du rock. Mais ses membres craignent de devenir des artistes blasés. Roger Waters, le capitaine (celui qui mène la barque en écrivant désormais tous les textes) prend du recul. Il invoque le thème de “l’absence” sous toutes ses formes, notamment à travers le souvenir de Syd Barrett, l’ex-front man du groupe parti en fumée de LSD après le premier album.
THE DARK SIDE OF THE MOON (et l’un des plus beaux titres du Floyd)
SHINE ON YOU CRAZY DIAMOND, la pièce maitresse qui ouvre et clôture le nouvel opus, cristallise l’absence regrettée d’un Barrett devenu fou. Tout comme l’éponyme WISH YOU WERE, titre central qui fonctionne à double sens si l’on considère que Waters (et le groupe) craint de se perdre lui-même…
Les deux autres chansons, WELCOME TO THE MACHINE et HAVE A CIGAR, critiquent quant à elles l’industrie du disque par le biais d’une charge contre le star-system et les requins de la finance qui sont en train de la gangréner. Une gangrène dont Roger Waters se rend compte qu’elle n’épargne ni son groupe, ni lui-même, et qu’elle pèse beaucoup dans la chute de Syd Barrett, l’ami perdu. Un ami que personne n’a plus revu depuis des années et qui, comme pour conférer à la genèse de l’album une dimension mythologique, décide d’effectuer une visite surprise pendant l’enregistrement de SHINE ON YOU CRAZY DIAMOND ! Une fatalité qui lui passera manifestement au-dessus de la tête car son esprit instable ne comprend pas que la chanson parle de lui. Ses anciens camarades ne réagissent d’ailleurs pas immédiatement : obèse et chauve, il est devenu tellement méconnaissable qu’ils en pleurent…
L’album WISH YOU WERE est finalement à l’image de ce que je percevais dans mon enfance : Une chose sinistre et effrayante, à l’intérieur de laquelle se cache une splendeur. Comme un bijou, dont l’éclat se dissimulerait derrière un écran de fumée délétère…
Syd Barrett, l’ancien ange du psychédélisme brille sur son diamant fou…
Et quel bijou : les trois chorus de guitare égrainés lors de la première moitié de SHINE ON YOU CRAZY DIAMOND (soit les parties #1 à 5) sont incroyablement brillants. Une ambiance planante inédite, étrangement perturbante, parcourue de sonorités évanescentes et nébuleuses.
La monstrueuse et tétanisante beauté froide de WELCOME TO THE MACHINE cloue le bec de ceux qui estiment que le groupe était mort depuis 1972 avec cette litanie lassante et ridicule, claironnant que Pink Floyd avait perdu tout intérêt depuis le départ de Syd Barrett, et qu’il s’était définitivement égaré dans l’infâme variété commerciale avec THE DARK SIDE OF THE MOON. Aujourd’hui encore, il y en a toujours qui pensent que Pink Floyd aurait composé d’autres titres comme ARNOLD LAYNE si Barrett était resté à bord, alors qu’il est admis que le groupe se focalisait sur les longues plages progressives dès 1967, et qu’il ne concédait quelques chansons courtes qu’à la demande des producteurs espérant ainsi façonner des singles et des albums plus commerciaux. En définitive, ceux qui pensent que THE PIPER AT THE GATES OF DOWN était moins commercial que WISH YOU WERE HERE se plantent dans les grandes lignes…
Les autres détracteurs du Floyd, ceux qui étaient plus facilement impressionnés par les formations progressives ou hard rock démonstratives, ceux qui lui ont sans cesse reproché d’être techniquement limité, ont également raté le coche en ne saisissant pas l’intérêt d’un jeu aussi dépouillé, élégant et aéré. Car c’est bien cela qui a fait la grandeur de Pink Floyd : Jamais une note n’est en trop. Chacune est juste là où il le faut, pensée à la perfection pour l’émotion voulue au moment donné. Une épure d’une précision virtuose qui atteint justement tout son potentiel avec l’album THE DARK SIDE OF THE MOON et qui se concrétise avec WISH YOU WERE HERE.
La seconde face n’est pas au niveau de la première et ce déséquilibre a quelque-peu joué en défaveur de l’album. HAVE A CIGAR souffre à la longue du fait qu’elle soit chantée par Roy Harper (invité sur l’album) et non par Roger Waters, lequel n’était pas satisfait de sa propre performance vocale. Et la deuxième moitié de SHINE ON YOU CRAZY DIAMOND, malgré ses qualités (notamment le final joué aux claviers par Rick Wright, qui laisse entendre furtivement quelques ritournelles de Syd Barrett), ne rivalise pas avec la première.
Reste la chanson WISH YOU WERE HERE, belle ballade touchante dans sa volonté éphémère de resserrer les liens entre les membres du groupe. Arpèges et refrain sont particulièrement réussis, à tel point qu’ils feront les beaux-jours de plusieurs générations de jeunes babas, qui les reprendront en cœur autour d’un feu de camp (que celui qui n’est jamais tombé dans ce cliché lève le doigt).
Il existe une version alternative de cette chanson avec Stéphane Grapelli au violon !
Bien qu’imparfait, cet album, au sens purement artistique, est le plus abouti de la discographie floydienne (c’est le plus fréquemment cité par les groupes de new-prog). Avec le recul, on arrive bien à expliquer pourquoi : Si, à partir de 1973, Roger Waters se passionnait de plus en plus pour l’écriture des textes et le développement des concepts thématiques (les conséquences de la société moderne sur l’humanité dans THE DARK SIDE OF THE MOON, le thème de l’absence et celui des méfaits de l’industrie musicale dans WISH YOU WERE HERE, la dénonciation des conditions sociopolitiques délétères de notre civilisation dans ANIMALS, etc.), les autres membres du groupe préféraient quant à eux s’adonner aux expérimentations sonores et aux longues plages musicales collectives (c’est la raison principale qui a conduit le groupe à la rupture). Au milieu de ce conflit qui explosera en même temps que le mur de THE WALL, l’album WISH YOU WERE HERE est celui qui trouve le meilleur équilibre entre ces deux horizons distincts.
Troisième partie : Silence, ça tourne…
Qui étaient les Pink Floyd ? Cette question me poursuivra longtemps puisqu’on ne les voyait pas sur les albums que nous avions à la maison. Pas plus sur THE DARK SIDE OF THE MOON que sur ANIMALS ou THE WALL.
Les pochettes de ces albums étaient autant d’objets fascinants, qui nourrissaient mon imaginaire en refusant de montrer qui chantait et jouait cette musique pas comme les autres. Ils n’apparaissaient pas davantage à la télévision, demeurant dans un ailleurs mystérieux et inaccessible.
Pour le commun des mortels, cette musique et ce groupe étaient au-dessus du lot. Une aura qui lui permit assez rapidement d’être courtisé par le monde du cinéma et, en 1972, il avait déjà participé à trois films, respectivement MORE de Barbet Shroeder, ZABRISKIE POINT de Michelangelo Antonioni et LA VALLEE (également réalisé par Barbet Shroeder). Nous n’oublierons pas, bien entendu, le film THE WALL d’Alan Parker, projet inédit, parsemé de séquences d’animation traumatisantes, tenant à la fois du cinéma et de l’opéra rock.
Le thème principal du film MORE, chronique d’un couple de junkies…
Et enfin, il y a autre chose : Une histoire de fou. Un moment hallucinant qui a marqué l’histoire de la culture populaire alors même qu’il n’a jamais existé. Un objet de culte virtuel ayant grandi au fur et à mesure des décennies en influençant tout le cinéma de science-fiction : le film DUNE d’Alejandro Jodorowsky ! En 1973, Jodorowsky s’attaque effectivement à l’adaptation de la saga cosmique de Frank Herbert. Complètement dingo, le réalisateur franco-chilien imagine une gigantesque fresque métaphysique de douze heures pour la modique somme de quinze millions de dollars ! À l’époque, le producteur du projet, Michel Seydoux, lui laisse carte blanche.
Pink Floyd fait son cinéma…
Pour les besoins de son approche démesurée et visionnaire, Jodo commence par démarcher une dreamteam éclectique d’artistes parmi lesquels se distinguent les dessinateurs Moebius, H.R. Giger, Chris Foss et Richard Corben, les techniciens des effets spéciaux Dan O’Bannon et Douglas Trumbull (le mec de 2001, L’ODYSSEE de l’ESPACE), les acteurs David Carradine, Alain Delon, Orson Welles, Mick Jagger, Udo Kier, Amanda Lear et… Salvador Dali (!). Quant à la bande-son, pourquoi prendre un banal compositeur de musique de film ? Ainsi sont approchés, dans l’idée que chacun illustrera musicalement une planète distincte du space-opéra, Mike Olfield, les groupes Magma, Gong, Tangerine Dream et bien sûr Pink Floyd ! En ce temps-là, les membres du Floyd travaillent sur des compositions qu’ils expérimentent en concert et qui serviront de terreau pour les albums à venir. Il est très difficile de le savoir avec certitude puisque personne ne l’a dit de manière officielle, mais il est fort possible que le projet du film DUNE de Jodorowsky ait, à ce moment-là, interféré de manière plus ou moins forte avec la musique du groupe…
Le film sur le film qui n’existe pas !
SHINE ON YOU CRAZY DIAMOND était-elle au départ une composition pour le film DUNE ? C’est une question difficile car le groupe en jouait déjà une version archaïque sur scène en 1974 (en même temps que YOU GOTTA BE CRAZY et RAVING AND DROOLING qui deviendront un jour DOGS et SHEEP sur l’album ANIMALS de 1977). Mais on sait que Jodorowsky est venu voir le groupe lors de l’enregistrement de DARK SIDE OF THE MOON (en 1973, donc) et, qu’à l’issue d’une rencontre mouvementée (le réalisateur s’est fait royalement ignoré par le groupe qui bouffait des hamburgers, puis il s’est barré en les insultant, puis Gilmour l’a rattrapé en s’excusant !), l’affaire était entendue pour que le Floyd compose la bande-son de son film.
La version live archaïque de SHINE ON YOU CRAZY DIAMOND.
Rétroactivement, le fait que le groupe expérimentait en live (comme à son habitude) de nouveaux titres très instrumentaux et cosmiques à cette période précise, laisse penser que, à tout le moins, ils avaient en tête leur participation au film qui ne verra jamais le jour… Etant donné qu’en musique comme ailleurs, rien ne se perd, rien ne se crée mais tout se transforme, on peut alors imaginer que des compositions aient été recyclées ensuite sur les albums du groupe, et complètement redéfinies pour servir d’autres projets musicaux…
Recherches graphiques et story-boards détaillés, effectués par Moebius pour le DUNE de Jodorowsky (au total plus de 3 000 dessins) !
Quatrième partie : Vers un monde de papier, et au-delà…
Rien ne se perd non plus dans le monde de la bande-dessinée. Ainsi, l’intense collaboration entre Alejandro Jodorowsky & Moebius allait-elle faire des petits (et des grands) à travers ce dernier medium.
La rencontre entre les deux auteurs s’était faite en 1970 sur le film EL TOPO de Jodo (un western new-âge), pour lequel Moebius avait réalisé l’affiche. Le projet de DUNE ayant pris l’eau (Hollywood refusa au final de le financer), les deux compères décidèrent de garder une partie de leur travail et de le recycler sous la forme d’une série de bande-dessinée inédite. Ce sera L’INCAL.
Ayant écrit un très long article sur le sujet, je serais bref : L’INCAL deviendra rapidement l’une des séries de bande-dessinée majeures de son temps (à la base d’une mythologie qui engendrera une foultitude de séries dérivées) et ses deux auteurs se hisseront au zénith de leur discipline respective, à savoir le scénario et le dessin.
L’INCAL fut la toute première bande-dessinée véritablement adulte que je découvrais au lycée, et ma seconde plongée dans l’univers du space-opéra après STAR WARS. Quelque part, mon parcours depuis l’écoute des premières notes de SHINE ON YOU CRAZY DIAMOND jusqu’à l’univers de L’INCAL m’apparait, avec le recul, parfaitement limpide : Il y a comme une filiation naturelle, une association de genres qui s’est constituée dans une sorte de logique intrinsèque. Et il est par exemple de coutume que je m’écoute un album de Pink Floyd en me relisant les créations de Moebius & Jodorowsky.
À gauche : La rencontre entre Jodo et Pink Floyd révélée ! À droite : La rencontre entre le rock progressif français et le futur créateur d’ALIEN !
Dans LES MYSTERES DE L’INCAL, le livre qui reconstitue la genèse de la série et de son univers, on peut lire le passage où Jodorowsky tente d’embaucher Pink Floyd pour le projet DUNE. Une anecdote parmi tant d’autres qui permet d’effectuer des ponts entre les différents mediums et de se rendre compte qu’ils étendent leurs ramifications dans tous les coins de la culture populaire.
Aujourd’hui, il n’est pas rare que certains albums du Floyd soient cités au détour d’une séquence de film, d’une vignette de bande-dessinée ou dans un dessin animé. Et la sphère de la contre-culture a fini par former une boucle à l’intérieur de laquelle les choses sont liées, nombre de groupes de rock citant également les comics dans leur univers.
Depuis les hivers terribles de la fin des années 70 où je tremblais dans le noir des sombres claviers de WELCOME TO THE MACHINE, jusqu’à cet été depuis lequel j’écris ces lignes bien des années plus tard, la musique de Pink Floyd et les histoires de science-fiction ont fini par forger une belle partie de mon imaginaire et de mon ADN. Mon quotidien le plus banal est jonché de cet héritage. La pochette de l’album WISH YOU WERE trône ainsi sur mon lieu de travail, en compagnie d’une statue de Goldorak de 65 cm de haut et de quelques autres marques de ma culture populaire.
Vous avez encore un doute sur l’influence de cet album dans le monde des geeks ?
Les géants de la pop culture ont fusionné par effet « boule de neige ». Jodorowsky, l’un des auteurs majeurs de la bande-dessinée (dans le TOP 3 de votre serviteur avec Alan Moore et Jean Van-Hamme), a croisé la route de Pink Floyd, l’un des plus grands groupes du XX° siècle. Un peu comme si les Beatles avaient demandé à Hergé de dessiner une pochette d’album, ou lorsque Frazetta illustre les recueils de CONAN LE BARBARE. Et d’ailleurs, H.R. GIGER a illustré la pochette de l’album ATTAHK de Magma après que Jodorowsky ait présenté l’artiste aux membres du groupe lors du processus créatif de DUNE, et ce même Giger retrouvera Dan O’Bannon et Chris Foss, pour reformer l’équipe montée par Jodorowsky, afin de concevoir le visuel d’une des grandes sagas du cinéma de SF : ALIEN ! Et le succès d’ALIEN permettra au réalisateur Ridley Scott d’adapter un roman de Philip K. Dick qui sera renommé BLADE RUNNER ! Et n’oublions pas que moins de deux ans après que le projet DUNE ait été abandonné, Hollywood tentera de se rattraper en produisant un space-opéra de moindre coût nommé STAR WARS !
Vous l’avez compris ? DUNE est à la base de tout cela !
À l’arrivée, la conjonction de ces étoiles forme une galaxie hétérogène et cohérente, avec ses astres et ses astéroïdes qui dessinent les cieux. Ils font partie de notre vie en animant nos passions et en définissant nos intérêts, nos joies, et en apportant à nos existences quelque chose de plus. Il fut un temps où les membres de Pink Floyd étaient mes idoles, bien davantage que les acteurs musclés balançant du bazooka au milieu des années 80. Et aujourd’hui que je n’ai plus les cheveux longs, leur musique est toujours là. Surtout WISH YOU WERE HERE…
Bonus : HAVE A CIGAR – ALTERNATIVE VERSION (Roger Waters sung)
Roger Waters détestait son interprétation et le groupe avait invité le chanteur Roy Harper pour le remplacer. Franchement, dans cette version initiale, le bassiste du Floyd ne démérite pas derrière le micro. Il annonce même ses futures envolées déchirantes telles qu’on les entendra dans THE WALL ou THE FINAL CUT quelques années plus tard.
That’s all, folks !