LA SÉDUCTION DU MAL
Chronique du fumetti : SATANIK
Auteurs : Max Bunker & Magnus
Genre : Fantastique, Horreur, Thriller
Éditeur VO : Corno
Éditeur VF : Éditions de poche (partiellement) dans les années 60
Nous revoilà pour parler de Magnus, cet auteur de fumetti neri dont j’ai parlé à deux reprises : ici et là.
Cette fois nous allons nous pencher sur la série SATANIK scénarisée par Max Bunker, un compagnon de Magnus de longue date puisqu’ils ont écrit ensemble les séries KRIMINAL, SATANIK et ALAN FORD qui leur ont survécu. Cet article se veut un hommage à la série. Il sera peut être dépassé le jour où tout ceci sera édité convenablement en France, mais pour l’instant, tout ce que je peux faire, c’est vous présenter les lambeaux éparpillés que j’ai du bricoler moi-même pour en découvrir le plus possible sur ce fumetti.
SOMMAIRE
Dr. Bannister & Sister Satanik
LES FOUILLES ARCHÉOLOGIQUES
J’avais mentionné dans mon article d’introduction sur Magnus à quel point les parutions françaises de ces BD italiennes étaient chaotiques et publiées à la va-comme-je-te-pousse dans 150 revues différentes « pour adultes » dans les années 1960, et avec des titres qui changeaient tout le temps.
Bon…eh bien il s’avère que pour lire les premiers épisodes de SATANIK (un épisode = environ 120 pages petit format), ce n’est pas encore trop compliqué. Elles sont publiées dans la revue DEMONIAK aux éditions de poche. Et au départ, le nom de Satanik est bien conservé pour le personnage principal. Ça se gâte vachement si on veut lire beaucoup d’épisodes par la suite. Car passé les 4 premiers épisodes, il y a déjà des trous, des épisodes sautés ou publiés ailleurs, et bientôt Satanik s’appelle Demoniak dans les histoires. Puis Desdémone, Satanix, etc. Vous savez pourquoi ? Eh bien parce que figurez vous qu’en France, on a appelé SATANIK la revue qui publiait KILLING, un fumetti curieux à base de photos. Histoire de simplifier.
Les fruits de ma chasse aux trésors vintage
Bref…commençons par le commencement. Les 4 premiers épisodes de SATANIK : LA LEGGE DEL MALE (la loi du mal), NELLE SPIRE DEL DIAVOLO (l’esprit du diable), SETE DI GLORIA (soif de gloire) et MAGIA NERA (magie noire) sont les 4 premiers tomes de DEMONIAK (première série de 1967 hein…parce qu’il y a eu un retour au numéro 1 de DEMONIAK en 1968…et ce sont d’autres histoires piochées au hasard.) Jusque-là, ça va à peu près.
Par la suite, l’épisode 5 de SATANIK est…introuvable. Le 5ème tome de DEMONIAK publie l’épisode 7 LA CROCERIA DEL TERRORE (la croisière de la terreur.) Il y a donc déjà un trou de 2 épisodes. J’ai trouvé l’épisode 6 ATROCE VENDETTA (qui porte le nom VF La vengeance de Satanik) dans le DEMONIAK hors-série du deuxième trimestre 1967 (pfiou !) Ensuite le DEMONIAK 6 publie donc l’épisode 8 DELITTO PERFETTO (crime parfait.) Puis le DEMONIAK 7 fait encore un bond et publie l’épisode 11 IL VOLTO DE LA VERITA (le visage de la vérité.)
Les épisodes 9 IL TRIANGOLO DELLA MORTE (le triangle de la mort) et 10 IL SEGRETO (le secret), où qu’ils sont passés ma bonne dame ? Dans le DEMONIAK hors-série du 3ème trimestre 1967 (argh !)
Et dans un autre hors-série, nous trouvons les épisodes 14 LA BEFFA DI MEZZANOTTE (traduit « au douze coups de minuit »), et 21 LA LUCE CHE UCCIDE (la lumière qui tue.)
Bon bref on va s’arrêter là parce que passé ce point, ça devient imbuvable pour s’y retrouver. Il est donc plus ou moins possible de se choper les 11 premiers épisodes (sauf le 5 dont je n’ai pas retrouvé la trace et que j’ai finalement traduit directement depuis une version italienne.) Si vous en voulez plus, autant apprendre l’italien et aller lire la VO, ça ira plus vite.
Ah oui et faut pas confondre avec ça aussi. Ça, c’est la revue SATANIK française qui publie KILLING, des « photohistoires ».
Pour ma part, après m’être procuré les petits formats d’époque au papier jauni, je les ai scannés et arrangés pour mon confort personnel. J’ai pu comparer les 4 premiers tomes de DEMONIAK avec une version italienne, et j’ai constaté de la censure de quelques pages sur les 3 premiers tomes (pas le 4ème curieusement.) Quand je parle de censure, je ne parle en aucun cas de dessins coquins. En vérité, SATANIK n’a rien d’une BD érotique. Je soupçonne que sur certaines cases, Satanik a été rhabillée avec une culotte et un soutien-gorge noirs (bien pratique le noir pour dessiner par-dessus n’importe quoi), mais c’était déjà présent sur la version italienne et même sans la censure, il ne s’agirait de toutes façons que d’un érotisme ultra soft. Pas de porno. Il n’y avait dans cette BD que quelques scènes proto-érotiques avec une jolie femme en petite tenue.
Satanik n’a bizarrement plus de soutien-gorge ni de culotte dès qu’elle a enfilé son peignoir qui suffit à la rhabiller convenablement
La censure dans DEMONIAK s’apparente aussi à des choses qu’on a pu voir dans les magazines STRANGE de Lug. Des images en moins comme ça, sans qu’on sache trop pourquoi. Parce que souvent il ne s’agit que d’une image montrant des passants, ou un bâtiment. On sent que l’éditeur voulait surtout limiter le nombre de pages de la revue pour que ça ne sorte pas des clous (118 pages et pas 120 hein, Marcel !! Déconne pas où on va perdre 2 centimes de franc !) J’ai évidemment remonté ces épisodes avec les images tirées de la version italienne (et j’ai traduit). D’ailleurs j’ai passé des mois sur la restauration et traduction de plus d’une vingtaine d’épisodes (certains introuvables en VF, traduits directement depuis la VO.)
Mais vous vous en foutez de ça sans doute. Vous voulez que je vous parle de la BD, non ? C’est quoi SATANIK ? Et est-ce que c’est bien ? Bah déjà si je me suis donné tant de mal, c’est que moi j’aime bien.
Erotisme tellement soft que ça ne ferait même pas rougir grand-mère
LE FEUILLETON SATANIK
SATANIK c’est une BD de type feuilleton. Même si techniquement les histoires sont indépendantes, souvent le statut de Satanik en début d’histoire est une conséquence de l’histoire précédente.
SATANIK, c’est donc l’histoire de Marny Bannister, une femme assez laide (qui aurait la trentaine même si elle semble en avoir 50.) Elle a deux sœurs très belles et des parents odieux qui lui mènent la vie dure, même si elle est intelligente, professeure de chimie et que ses sœurs ne sont que des pimbêches qui cherchent à se marier sans travailler. Marny travaille en secret sur une formule pour devenir belle en se basant sur les recherches d’un certain alchimiste du nom de Masopust. Elle trouve cette formule (même si la transformation la fait passer par un stade monstrueux où elle ressemble à un cadavre) et elle va se servir de sa nouvelle beauté parfaite de rousse volcanique pour prendre une revanche sur le monde.
La douloureuse transformation qui rappelle la parodie DR JERRY ET MISTER LOVE de Jerry Lewis, qui exploitait déjà l’idée de la transformation en beau gosse cruel
Le personnage de Satanik est une anti-héroïne meurtrière, cruelle. Donc tout d’abord, posons nous la question : pourquoi ai-je trouvé ça prenant, limite addictif, ce feuilleton immoral ? ça peut paraitre curieux quand on y pense (parce qu’après tout, nous sommes tous foncièrement bons, non ?…non ?)
Je pense que cela tient à plusieurs raison. La première, c’est que le personnage est une femme, et c’était très audacieux, à l’époque de la publication de cette BD dans les années 60, de mettre en scène ce type de personnage. Parce que oui, Satanik est une ordure, mais c’est aussi une femme cultivée, intelligente, indépendante, implacable, extrêmement douée ! Elle remballe avec fureur les hommes qui lui disent qu’elle devrait plutôt penser à se marier plutôt que reprendre des études (SATANIK 34), elle se venge de ses sœurs qui sont des pimbêches idiotes (SATANIK 1, 5, 47), elle surpasse en intelligence la plupart de ses adversaires, etc. Et à la base, c’est aussi une femme laide méprisée à cause de cela, malgré ses autres talents. Elle s’est arrangée pour devenir belle via ses expériences, mais on sent la critique du culte de l’apparence.
Certains pourraient trouver que ce type de personnage reflète une misogynie des auteurs car elle est mauvaise, impitoyable, meurtrière, et malgré la revanche qu’elle avait à prendre sur la vie à cause de son physique ingrat, la punition n’est plus du tout à la hauteur du crime tant elle a massacré d’innombrables personnes. Elle est au-delà de toute rédemption.
Les deux visages de Satanik
Ce qui nous amène à la deuxième raison pour laquelle cette BD est plaisante. On est dans une BD « too much » à l’humour noir, dans une fiction mettant en scène une super-vilaine. Cela n’a pas pour but de traiter de réalité sociale. C’est du divertissement provocateur. C’est même un parti pris de pousser le lecteur à se ranger dans le camp d’un personnage qui n’a rien de noble. Et ça fonctionne, car elle affronte très souvent d’autres ordures, des mafieux, des escrocs, et beaucoup d’hommes stupides, obsédés, cupides…qu’il est très amusant de voir tomber dans les pièges qu’elle leur tend. Il y a cet aspect important aussi : elle est seule contre tous. Il y a donc une sorte de complicité étrange qui se crée entre le lecteur et cette femme fatale sexy et impitoyable, malgré sa cruauté. La facilité avec laquelle elle piège et élimine les gêneurs, et la façon de le montrer sont tellement outrancières que c’en devient drôle. Donc misogyne ? Je ne trouve pas.
Elle a littéralement un costume de super-vilaine
Pour moi de toutes façons, le féminisme ne consiste pas à prétendre que toutes les femmes sont nobles. Non, ça c’est du féminisme de pacotille qui glorifie la femme pour contrebalancer le machisme, mais de manière tout aussi discriminatoire. Le féminisme n’est pas une question de morale, mais de droits et de reconnaissance. Une femme doit avoir les mêmes droits que les hommes, son travail doit être aussi bien reconnu, et qu’elles soient sympas ou non d’ailleurs. Et franchement si SATANIK ne véhicule rien de tout ça, j’ai loupé un épisode. C’est clairement une femme qui repousse toutes les barrières.
Est-ce qu’il faut prendre exemple sur un tel personnage ? Evidemment que non (tout comme vous ne prenez pas exemple sur un personnage comme le Punisher qui assassine tous les criminels possibles. Du moins j’espère…) Est-ce qu’il véhicule un message d’émancipation, d’indépendance, de force de caractère ? Complètement !
Bref, tout ça pour expliquer pourquoi il s’avère amusant de voir une anti-héroïne cruelle faire tourner en bourrique ses adversaires.
Elle les fait baver…et leur en fait baver
Dans un registre plus technique, il y a bien évidemment le graphisme qui rend la lecture agréable. Je dois dire que j’apprécie beaucoup la fluidité de lecture de cette BD. Loin des pavés de texte des EC comics (que j’aime quand même hein ! Mais admettons le : parfois c’est lourd tous ces encarts de texte.) Ici, les textes sont réduits au minimum. Il peut même y avoir une ellipse de 3 jours d’une case à l’autre sans la moindre indication temporelle. Mais le personnage va simplement se plaindre qu’il travaille sur un truc depuis 3 jours, et paf on a compris. La BD ne prend pas le lecteur pour un demeuré, et il en découle une fluidité comparable aux BD franco-belges d’époque et bien loin des comics US un peu lourdauds. Et puis bien sûr, je suis toujours aussi fan du trait de Magnus, mais j’en ai déjà beaucoup parlé.
Un dessin toujours simple mais efficace, avec ce qu’il faut d’ombres pour l’ambiance
CRITIQUE DES ÉPISODES
EPISODES 1 A 4
Les 4 premiers épisodes sont essentiels. Parce que le 4ème marque l’incursion de plain-pied de la série dans le fantastique, une composante qui reviendra régulièrement par la suite, donc les 4 ensemble constituent une bonne introduction à la série. Il n’y a cela dit pas encore autant d’humour noir que dans les épisodes suivants. Satanik nous est donc présentée comme une belle garce impitoyable qui élimine tout le monde sur son chemin. Elle va se marier, assassiner, hériter, faire face à des truands, les rouler, devenir star de cinéma, etc. Dans le tome 1, il s’agit surtout de son origin story. Comment la moche Marny Bannister est devenue une femme fatale. On fait la connaissance de ses sœurs aussi, dont une qui meurt assez vite, ainsi que du lieutenant Trent, un adversaire récurrent de Satanik qui va la traquer sans relâche.
Face à des truands
Dans le tome 2, elle fait face à des truands qui en ont après le père de son amant occasionnel (à qui elle veut soutirer de l’argent bien sûr.) Dans le 3, elle ne cherche pas à faire quoi que ce soit d’illégal mais se retrouve face à des producteurs véreux et des stars jalouses dans un monde du cinéma dépeint de manière bien noire, sans paillettes. La formule qui fonctionne le mieux dans cette série est celle qui consiste à placer Satanik au milieu d’une autre bande de filous, et la voir produire l’étincelle qui va tout faire partir en vrille et pousser toutes les ordures présentes à s’entretuer. Quant à l’épisode 4, Satanik recherche un livre de magie noire dans un bled paumé et se retrouve face à une secte maléfique dont les membres volent l’énergie vitale de victimes pour rester immortels. C’est un changement appréciable qui vient ajouter un peu de variété, et marque l’entrée de la série dans une sorte de « n’importe quoi » décomplexé réjouissant.
Face à des adeptes de magie noire
EPISODE 7 : La croisière du vice
J’adore les récits qui se passent sur un bateau en plein milieu de la mer, avec meurtres et magouilles sans échappatoire possible. Ici, Satanik cherche juste à quitter l’Amérique à bord d’un paquebot mais découvre qu’une bande d’escrocs a organisé un trafic quelconque, avec gaz soporifique pour endormir l’équipage et échange de marchandises en pleine mer. Elle va seulement vouloir se choper une part du gâteau et va déclencher la suspicion des escrocs qui nourrissent en plus des querelles secrètes entre eux en rapport avec des coucheries et autres joyeusetés. C’est l’exemple parfait du schéma où Satanik vient jouer le rôle du grain de sable dans un plan de truands pour rafler la mise et déclencher une réaction en chaine de meurtres en tous genres.
L’épisode 8 est un peu dans le même genre, avec davantage d’humour noir. Le 8 est d’ailleurs peut-être le premier épisode à jouer ouvertement et explicitement la carte de l’humour noir avec trahisons en tous genres, personnages qui meurent de manière ridicule, et expressions faciales plus outrées, comiques. On sent la progression du style de dessin de Magnus qui va de plus en plus accentuer les visages caricaturaux.
La croisière s’amu…s’amenuise ?
EPISODE 11 : Le visage de la vérité
Celui-ci je l’aime bien même si l’histoire ne casse pas trois pattes à un canard, parce qu’on y voit Satanik faire un peu d’introspection. Elle se remet un peu en question, semble culpabiliser d’avoir tué tant de monde, et se retrouve cette fois victime d’un vol et de la destruction de sa demeure alors qu’elle n’avait rien demandé. Evidemment, par la suite, malgré ses remords temporaires de cet épisode, elle continuera ses méfaits. La continuité n’est pas un élément très important pour les auteurs. Mais de temps en temps, dans quelques épisodes, ils nous rappellent que Satanik est humaine. Elle pleure parfois, elle tombe amoureuse, etc. Aux alentours du tome 60, elle se marie même avec un homme qu’elle aime sincèrement, un journaliste du nom de Max Lincoln rencontré mais laissé pour mort dans le tome 38. Bref tout ça pour dire que même si la morale et les comportements du personnage sont un peu fluctuants, cet épisode est sympathique pour la voir dans un rôle où elle se pose des questions et n’aime pas ce qu’elle est devenue.
Une Satanik un peu perturbée
EPISODE 15 : Le portrait d’Alex Bey
Il s’agit d’une sorte d’adaptation du PORTRAIT DE DORIAN GRAY. Assez bien fichue d’ailleurs. Sauf que là l’homme s’appelle Alex Bey. Un épisode qui sort un peu du lot. Satanik fait face à un adversaire à sa hauteur cette fois, intelligent et cruel, pour lequel elle va même éprouver des sentiments (les salauds s’attirent.) Mais elle n’arrivera pas à séduire Alex Bey comme elle le fait avec la plupart des hommes. Ce dernier est peut-être encore pire qu’elle. Comme dans le classique de la littérature, Bey dispose d’un portrait qui « absorbe » ses crimes, ses méfaits, la décrépitude de son corps et son âme. Il est donc toujours jeune et beau tandis que son portait devient une illustration de cauchemar. Mais il devient le mal incarné, le pendant masculin de Satanik. Cette dernière va enquêter sur cet homme qui la fascine, tenter de s’associer avec lui, lui proposer son amour, mais cela va mal finir.
Alex Bey, un homme diabolique impossible à manipuler
EPISODE 18 : La veuve noire
Sans doute l’épisode le plus marrant parmi ceux que j’ai. Satanik se fait passer pour la veuve d’un truand et rentre en deuil dans sa belle-famille en Corse, en espérant toucher l’héritage. Alors…cette lecture est déconseillée aux Corses susceptibles ! Les auteurs ridiculisent complètement une famille mafieuse pleine de traditions très strictes. Dans cet épisode, la mamma (qui ressemble à un mec, avec de la moustache !) interdit à quiconque d’approcher la veuve, de la regarder, d’être attiré par elle, parce qu’elle est sacrée et ce ne serait pas correct pour le défunt. Et le cousin Doumé, sensible de la gâchette, sera là pour rappeler cette règle à ses frères et cousins. Et là c’est le festival ! Satanik se met en maillot pour aller se baigner ? Un truand ne peut pas s’empêcher de regarder et le cousin Doumé lui refait une boutonnière à coup de mitraillette ! Un autre veut finir dans son lit ? Il subit le même sort. Ce qui est amusant, au-delà de ça, c’est que tout le monde a peur de cette famille, donc on voit le médecin légiste diagnostiquer une insolation mortelle à un cadavre troué de balles ! Et au passage…je crois bien que Satanik ne lève la main sur personne dans cet épisode ! Toute la famille s’auto-massacre stupidement, et c’est franchement poilant !
Un véritable soleil de plomb qui tue ces pauvres mafieux !
EPISODE 34 : Le métal qui rend fou
C’est dans cet épisode qu’il y a une petite critique de la condition féminine. Satanik s’intéresse aux recherches d’un scientifique du nom de Cents sur un super métal indestructible. Evidemment elle voit l’intérêt financier de la découverte car c’est Satanik et elle est cupide. Mais elle respecte les scientifiques, étant elle-même chimiste. Au début de l’aventure, elle sort avec un type qui souhaite l’épouser, mais qui malgré tout lui refuse sa requête lorsqu’elle dit avoir besoin d’argent pour se lancer dans des recherches sur le super métal elle-même, prétextant qu’elle ferait mieux de lui demander un collier ou un manteau de fourrure. Furieuse, Satanik se met à la recherche de Cents, va travailler avec lui, ils vont découvrir le super métal (partiellement…) et pour une fois, elle ne va pas se débarrasser de son associé, elle va partager ses gains avec Cents et lui souhaiter une bonne retraite. Au-delà de ça, c’est aussi une aventure qui se moque de l’obsolescence programmée des produits qu’on nous vend puisqu’à la fin, les industriels qui se sont bêtement arrachés la formule du super métal réalisent qu’un métal inusable ne sera pas rentable. Très bon épisode, amusant et plutôt satirique !
Allons, tu es une femme. Reste à ta place, enfin !
EPISODE 45 : L’île des monstres
Cet épisode est un hommage évident aux récits de H.P Lovecraft. D’ailleurs, cela se déroule à Innsmouth, petit village de nouvelle Angleterre dans lequel Satanik se cache pour échapper à la police. Rapidement, elle apprend qu’il se passe des choses étranges sur une petite île au large, l’île du diable. Elle dérobe une amulette magique à un marin qui l’a trouvée sur cette île (après l’avoir tué bien sûr, on ne compte même plus les meurtres de la miss !) Et elle va découvrir que cette amulette a des pouvoirs. Notamment celui de repousser des monstres, ou plutôt des humains transformés qui vouent un culte maléfique à des entités millénaires d’une autre dimension. Ça ne vous évoque rien ? Il va s’avérer que l’amulette empêchait ces créatures de débarquer dans notre monde, et qu’en la récupérant, le marin a lâché les monstres sur Innsmouth. Satanik va devoir trouver un moyen de stopper ça (même une criminelle n’a pas envie que le monde soit envahi de monstres !) Durant les péripéties qu’elle va vivre, elle va se faire capturer et emmenée par les monstres dans un autre village…Dunwitch (ça va les références ? Z’avez tout suivi ?) Bref, très sympathique épisode qui change des autres, dans une atmosphère horrifique bien mise en valeur par Magnus.
Ambiance horrifique
EPISODE 47 : Le phare du golfe noir
Cet épisode est un prétexte à un gros flash-back sur la vie de Marny Bannister avant qu’elle devienne Satanik. Dans le présent, elle se retrouve impliquée dans un vol de virus du cancer (dont elle espère trouver un vaccin figurez-vous…mais pour s’enrichir bien sûr !) et doit récupérer le virus auprès de truands complètement stupides. Mais c’est surtout un prétexte pour la faire se rendre en un lieu qu’elle a connu dans sa jeunesse : le phare du golfe noir. On y apprend qu’elle y a rencontré un homme, Albert, qui s’intéressait à elle malgré sa laideur, en particulier parce qu’elle était intelligente et cultivée, passionnée par l’art et la science. Mais on apprend aussi que sa sœur Dolly a pris un malin plaisir à séduire cet homme pour le lui voler et la ridiculiser. L’histoire finit mal avec Marny qui tente de fuir en plein tempête, le cœur brisé, et Albert qui tente de la sauver et meurt à sa place. C’est une sympathique aventure qui nous rappelle, malgré ce qu’est devenue Satanik, qu’avant tout ça, elle était humaine, avait des émotions, qu’elle a souffert et que c’est sans doute en partie pour ça qu’elle est devenue le monstre qu’elle est aujourd’hui.
Marny a failli être heureuse autrefois
Il existe bien d’autres épisodes encore avec des aventures plus folles les unes que les autres. Satanik fera face à plusieurs reprises au comte Wurdalak, vampire de son état, qui veut faire d’elle son épouse immortelle, et elle voyagera même dans une autre dimension. Mais je n’ai évidemment pas pu tout lire ni traduire.
LE FILM
Consacrons un petit paragraphe sur l’adaptation cinématographique de SATANIK sortie en 1968. Hélas ce n’est pas très glorieux. Certains fumetti de Max Bunker et Magnus ont eu droit à des adaptations en film, comme KRIMINAL et sa suite LE RETOUR DE KRIMINAL, et puis SATANIK. Si le premier KRIMINAL est correct (rien d’extraordinaire non plus), on ne peut pas en dire autant des autres.
Le pitch : Marny Bannister tue un scientifique pour expérimenter sur elle-même une formule régénérative des cellules. Elle devient super canon. Elle va se servir de sa beauté nouvelle pour…draguer. Sauf que la potion ne dure qu’un temps. Quand elle est découverte, elle tue. Et pendant ce temps, la police ne sert à rien.
Pour faire simple, le film SATANIK gâche son sujet. Satanik est censée être un génie du crime, et tout ce qu’elle fait dans le film c’est des stripteases pour séduire des hommes et les tuer. « Après les avoir épousés pour hériter de leur fortune ? » Ah non non, juste pour les tuer. « Elle se venge alors ? » Ah non, elle ne connait pas ses victimes, et tue quand son secret est découvert. D’ailleurs elle tue plus souvent quand elle est Marny que quand elle est Satanik, alors que le concept de base c’est que sa nouvelle beauté est censée la changer en criminelle. Même le film te dit « attention hein, il y a des effets secondaires à cette potion, ça rend agressif. » Sauf que Marny ne semble pas avoir besoin de ça pour la pousser au meurtre vu qu’elle tue avant même d’y avoir gouté. Les crimes qu’elle commet en étant Satanik sont…euh…un vol de voiture ? La pauvre est ballotée dans un scénario auquel elle ne prend jamais part (elle a dragué un truand donc va se retrouver au milieu d’une fusillade.) Mais jamais elle ne profite de la situation pour échafauder un super plan.
Les dialogues sont sans intérêt, la mise en scène est plate et la personnalité vindicative de Satanik aux oubliettes. On dirait même que la production était frileuse à l’idée de faire quelques chose de politiquement incorrect. Même montrer un peu d’érotisme. Il y a bien un vague plan nichons histoire de dire mais nous ne sommes pas dupes. Le film n’ose pas jouer sur le caractère immoral qui fait le charme du fumetti.
Et que dire de la production value ? Bah c’est très pauvre. Le film fait vraiment fauché. La première scène de transformation n’a aucune tension ni mise en scène particulière (regardez plutôt la scène de DR JERRY ET MISTER LOVE pour avoir un aperçu de comment on filme une scène de transformation saisissante.) Il y a vaguement une tentative de scène d’action ou de poursuite en voiture par ci par là, mais c’est complètement cheap. Et le maquillage pour rendre Marny Bannister laide (jouée par la même actrice) est assez risible. Est-ce qu’elle est moche ou est-ce qu’elle s’est étalé de l’argile sur la tronche ? Difficile à dire. Ah par contre on pourra observer Satanik dans plein de toilettes différentes, ça oui.
Je sais me déshabiller mais j’suis pas super douée pour le maquillage
En gros, c’est un beau gâchis. Sans exiger évidemment que le film s’aventure dans les intrigues les plus folles du matériau d’origine (vampires, sorcellerie), on aurait pu attendre du film une bonne intrigue de thriller et une Satanik machiavélique qui trompe son monde pour se venger, séduit des hommes pour rafler un pactole avant de disparaitre. Et le tout filmé avec plus de panache (érotisme, crimes sanglants, un peu d’action.) Rien de tout ça hélas. Le plus triste, c’est que ce n’est même pas assez mal fait pour être un nanar drôle. On s’ennuie juste.
Dans le rôle de Satanik, ils ont choisi Magda Konopka. Je n’ai rien contre elle, elle fait ce qu’elle peut dans cette production du pauvre et ne s’en sort pas trop mal, mais elle manque un peu de charisme et n’a jamais l’air menaçante (la faute au script aussi.) Pour la petite anecdote, pour ma part j’aurais bien vu dans le rôle de Satanik l’actrice allemande Helga Liné. Celle-ci joue d’ailleurs dans les deux KRIMINAL et aussi dans pas mal de films de genre italiens de l’époque tels que LE MANOIR DE LA TERREUR, LES AMANTS D’OUTRE TOMBE, FOLIE MEURTRIERE, TERREUR DANS LE SHANGHAI EXPRESS.)
Helga Liné : osez me dire que vous ne l’imaginez pas en Satanik
Pas très connue, abonnée aux seconds rôles, j’ai toujours trouvé qu’elle avait une présence assez impériale avec son regard dur, son charisme et son air un peu malicieux, rusé, tout en étant séduisante. Elle jouait d’ailleurs souvent des antagonistes ou de subtiles manipulatrices. Et je trouve son visage allongé, la forme de ses yeux et de son nez assez proches du dessin de Magnus. La voir dans KRIMINAL puis enchainer sur le film SATANIK ne fait que renforcer l’idée que le rôle de Satanik lui aurait convenu. En tous cas c’est l’actrice que j’ai retenue lorsque j’ai dessiné une affiche pour un film fictif que j’imaginerais à la hauteur du personnage, ci dessous :
CONCLUSION
En bref, SATANIK est donc une variante du DR. JEKYLL qui emprunte des codes aux films noirs et fantastiques, avec une anti-héroïne immorale, le tout écrit sur un ton provocateur avec une dose d’humour noir. On dirait un peu du EC comics mais sans la morale de fin où le méchant est puni. Quoique…techniquement tous les truands et escrocs qui s’opposent à Satanik finissent pas y passer…mais Satanik s’en sort toujours. C’est une série qui a un certain charme suranné un peu naïf mais beaucoup moins enfantin que d’autres BD de l’époque, le tout illustré de bien belle manière. L’intérêt de la BD réside un peu dans son côté feuilleton, et c’est pourquoi vous n’allez pas crier au génie en lisant juste le premier épisode qui raconte la transformation de Marny. Cela devient plaisant à suivre au fil des aventures quand on se met curieusement à s’amuser des crimes du personnage principal trop surnaturel pour être vrai. La série a eu 231 épisodes publiés entre 1964 et 1974 mais je ne sais pas à partir de quand exactement Magnus a quitté le navire.
De belles pages d’introduction
Je suis pour ma part content d’avoir pu mettre la main sur ces BD (même si évidemment cet article n’est pas là pour vous inciter à en faire de même puisque les vieux formats de poche ont pris un coup de vieux, sont chers, et qu’il faut être un grand maniaque comme moi pour réunir tout ça et restaurer les versions non-censurées.) En tous cas il est dommage que rien de tout ceci ne soit réédité chez nous. Dans le climat actuel en plus, ce serait surement jugé trop immoral. Sauf si quelqu’un m’entend et que l’idée fait son chemin dans l’esprit de certains éditeurs.
Non, SATANIK, ce n’est pas pour tout le monde. Et ce n’est pas non plus de la grande BD révolutionnaire (mais les comics de super héros de l’époque ne l’étaient pas non plus si on va par là.) Mais c’est divertissant, joliment dessiné, et délicieusement anti bien-pensants.