DANS L’ESPACE, PERSONNE NE VOUS ENTENDRA JOUER
Chronique du jeu ALIEN ISOLATION par The Creative Assembly
Genre : Survival horror
Date de sortie : 2014
Plateformes : PC, Playstation 4, Nintendo Switch, Android
Aujourd’hui on va se pencher sur un jeu-vidéo que j’ai beaucoup aimé : ALIEN ISOLATION. Développé par The Creative Assembly et édité par SEGA. Sorti en 2014 sur presque toutes les plateformes, il est arrivé également sur Nintendo Switch en 2019.
Un jeu bien meilleur que les derniers films de la franchise
Il s’agit d’un jeu vidéo de type survival-horror. Pour les néophytes, il s’agit de jeux dont le gameplay ne repose pas tant sur l’action, mais sur la survie dans un contexte horrifique. Les représentants du genre les plus célèbres sont les jeux SILENT HILL ou RESIDENT EVIL. Oui je sais, dans RESIDENT EVIL il y a techniquement toujours eu de l’action, et plein d’armes. Mais…jamais beaucoup de munitions. Il fallait les économiser, contourner les ennemis quand on le pouvait. Parce qu’avoir plein d’armes sans munitions…eh bien ce n’est pas très utile, figurez-vous !
Du coup non, on ne défouraillera pas 3000 aliens à coup de fusil à pompe. Il y a grosso modo un seul alien dans le jeu, sauf vers la fin.
En gros un survival-horror c’est ça : ce sont des jeux dans lesquels on est : soit désarmé, soit armé mais sans que ça nous serve beaucoup (ou du moins pas contre tous les ennemis), et où il faut contourner les ennemis quand c’est possible, économiser nos ressources, ou se cacher si cette mécanique de gameplay est prévue dans le jeu. Certains jeux de ce type comme la série des OUTLAST ont même poussé le concept jusqu’à nous mettre dans la peau d’un personnage incapable de se défendre. Seulement équipé d’une caméra à vision nocturne, le gameplay se résumait à devoir se cacher, trouver des objets pour ouvrir des portes, etc…sans jamais se faire voir. C’était innovant…mais pas fait pour tout le monde. Certains trouvaient ça ennuyeux…même si pour le coup, c’était sacrément stressant.
Un petit trailer
Dans ALIEN ISOLATION, on joue Amanda Ripley, la fille d’Ellen Ripley, dans une aventure se déroulant entre le premier et second film. Je rappelle que Ripley a passé 57 ans en hibernation perdue dans l’espace suite au premier film. Et que dans le director’s cut du second film ALIENS de James Cameron, on apprenait que Ripley avait une fille nommée Amanda…récemment décédée à un âge avancé.
Le jeu nous propose de jouer Amanda donc, en quête de réponses sur la disparition de sa mère. Elle travaille en tant que mécanicienne pour la fameuse « compagnie » comme sa mère en attendant d’avoir des nouvelles. En début de jeu, elle est avertie par un collègue que la station spatiale Sevastopol a retrouvé la boîte noire (journal de bord, tout ça…) du Nostromo (le vaisseau de Ripley) Pas de trace d’Ellen Ripley évidemment puisqu’elle s’est éjectée en capsule de secours, mais c’est un début de piste. Ripley se rend donc sur Sevastopol avec 2 collègues. Et c’est là que débute l’Enfer.
Sevastopol, immense station silencieuse et mourante
Parce que la station spatiale Sevastopol est un immense complexe dans lequel nous allons évoluer durant tout le jeu…et il y a un Alien qui se balade dedans. Mais pas seulement. Au fil du jeu, en trouvant des vidéos sur des ordinateurs ou des messages audios, on apprend qu’après avoir lu le contenu de la boite noire du Nostromo et appris pour le signal de détresse de l’étrange vaisseau que l’on voit dans le premier film, une expédition s’est rendue à ces coordonnées…et un Alien s’est retrouvé à bord.
Mais pour que l’histoire fonctionne dans un jeu qui dure bien 8h ou 10h, il a fallu ajouter d’autres éléments. Après avoir appris la présence de cet organisme à bord, les androïdes de la station ont reçu l’ordre de ne plus aider les humains et de sécuriser l’organisme alien (un peu comme Ash dans le film de Ridley Scott. Sauf que là les androïdes sont clairement moins évolués et plus agressifs.) Certains humains ont aussi perdu les pédales, et se sont rassemblés en petits groupes qui s’entretuent. Et notre personnage Amanda Ripley est lâchée en plein milieu de tout ceci.
ALIEN ISOLATION est un jeu à la première personne (en vus subjective quoi…comme les jeux de tir…sauf qu’on ne tire pas des masses là…) qui propose à la fois la mécanique de se cacher comme les jeux OUTLAST (la seule solution contre l’alien) mais aussi quelques objets pour se défendre (une clé à molette, un flingue, un lance flammes) et tout un système de « craft » permettant de créer quelques objets utiles. En gros on ramasse de la camelote par ci par là, une pile, une bouteille, etc…et quand on en a assez, on peut créer un cocktail Molotov ou un diffuseur de bruit qu’on peut lancer quelque part pour attirer l’alien loin de nous (ou sur d’autres ennemis humains.) Cela permet de varier le gameplay.
Il y a également quelques phases de jeu dans lesquelles l’alien est absent et où on se retrouve contre d’autres ennemis, comme des humains qui ont pété les plombs ou des androïdes synthétiques pas très amicaux.
Il ne voit pas toujours très bien dans le noir, mais vous, vous allez frôler la crise cardiaque.
Vous disposez aussi du détecteur de mouvements comme dans les films. Avec le petit radar qui fait « bip bip » pour indiquer une présence. Rien de tel pour savoir si l’alien est proche, et prévoir de se cacher. C’est un outil qui vous sauvera la vie…mais qui contribuera aussi à vous stresser à mort.
Vous pouvez vous cacher dans les placards, sous les tables, etc. Une mécanique de gameplay vous proposera même, lorsque l’alien se rapproche trop près de votre cachette, de retenir votre respiration en pressant sur un bouton. Sinon c’en est fini de vous !
Autant le dire tout de suite, l’alien n’est pas tuable. Parce que…s’il l’était, il n’y aurait plus de jeu. Seul le lance flammes sera utile pour le repousser et le faire fuir un instant. Mais cachez-vous vite ensuite, parce qu’il va revenir !
Et c’est là qu’on peut parler d’une des plus grandes qualités du jeu : l’intelligence artificielle de l’alien. Ouais je sais, ce n’est pas une IA au sens propre du terme, mais on appelle ça comme ça dans le jeu-vidéo : en gros comment se comporte l’ennemi. Est-il stupide au point de rester devant vous quand vous lui tirez dessus ? Ou sait-il se cacher, réagir vite, vous contourner, etc ? C’est de la programmation de comportement en fonction des situations.
Vous pouvez tirer, oui. Mais souvent il vaut mieux SE tirer !
Qu’est-ce qui fait que l’alien est si bien programmé au point qu’on n’a jamais vu ça ailleurs ? (ou pas souvent) Eh bien il n’a aucun pattern. « c’est quoi un pattern ? » me direz-vous. J’explique : dans les jeux, et à plus forte raison dans les jeux d’infiltration où il faut se cacher, les ennemis ont toujours un chemin prédéfini lorsqu’ils ne sont pas alertés par votre présence. Par exemple il y en a un qui va aller de droite à gauche au fond d’une pièce, un autre qui fait une ronde en faisant le tour d’un bâtiment. Et ils répètent ces gestes en boucle. On appelle ça un pattern. Le pattern peut être plus ou moins complexe pour simuler un comportement réaliste. Et le but du joueur est de trouver l’angle mort, la fenêtre de quelques secondes, la faille dans la surveillance des ennemis pour pouvoir se faufiler d’un endroit à un autre sans être vu. Si les ennemis faisaient absolument n’importe quoi, ce serait peut-être plus réaliste, mais cela pourrait aussi rendre le jeu trop facile…ou infaisable, avec zéro angle mort et aucune solution pour passer. Et on n’attend pas d’un jeu qu’il soit trop simple…ni plus difficile que l’infiltration du Pentagone en portant une ceinture de casseroles !
Lorsqu’ils sont alertés, les ennemis ont également un pattern. Par exemple ils seront étonnés pendant 5 secondes, et si vous parvenez à vous cacher avant la fin des 5 secondes, l’ennemi aura le pattern suivant : il va venir là où il a cru vous voir, tourner autour de la zone 2min, puis abandonner et repartir reprendre son pattern de patrouille précédent. S’il vous voit il est évident qu’il vous attaquera.
Ici, dans ce jeu, l’alien n’a aucun pattern. Cela veut dire qu’on n’est jamais certain de savoir où il est, où il va, quand il va revenir vers nous, ni quoi que ce soit. Et du coup c’est le stress. On ne peut que se fier à notre détecteur de mouvements face à une créature qui, au final, agit de manière bien plus réaliste et pas comme un ennemi de jeu vidéo conventionnel.
Donner vie à l’alien
Mais alors comment les développeurs ont pu faire en sorte qu’on croise quand même parfois l’alien ? Ou au contraire qu’il ne nous colle pas aux basques constamment, rendant le jeu infaisable comme j’expliquais plus haut ?
Eh bien le comportement de l’alien est basé sur son temps de présence proche de vous. Si ça fait longtemps que vous ne l’avez pas croisé, il risque de vous rendre une petite visite dans votre secteur prochainement. Et si ça fait longtemps qu’il vous colle aux basques, il va finir par partir (à condition que vous restiez discret.) En gros c’est quand même très imprévisible. Et très flippant.
Lorsqu’il est près de vous, il peut aussi faire des trucs imprévisibles. S’il sort de la pièce, ne sortez pas tout de suite de votre cachette en pensant « c’est un perso de jeu vidéo, il ne va pas re-rentrer juste après être sorti » Si ! Il peut. En fait l’alien dispose d’une série d’actions possibles qui se déclenchent de manière aléatoire, ou en fonction de vos actions. Et comme indiqué plus haut, il a des réactions logiques. Si vous lui tirez dessus au lance flammes, il va fuir un moment. Mais il sait où vous êtes. Si jamais il revient, il va directement revenir là où il faut sans vous chercher bêtement ailleurs. Et peut-être par un autre chemin. Cachez-vous ! Parce qu’un avantage de l’alien, c’est qu’il se balade dans les conduits d’aération au plafond. Si votre radar indique qu’il est là mais que vous ne le voyez pas…il est surement au-dessus de vous. Ne passez pas sous la bouche d’aération. Il peut vous tuer directement. En général il y a un indicateur de sa présence : de la bave qui coule de la bouche d’aération. Mais il suffit d’être un peu pressé, de ne pas le remarquer, et paf vous êtes mort.
Les morts sont assez cinématographiques. Je crois que celle dont je me souviendrais toujours est justement une fois où j’ai vu sa bave, j’ai attendu que ça ne coule plus en me disant que je passerai après…et je ne sais pas, je ne l’ai pas entendu, il a dû descendre derrière moi…paf d’un coup sa queue me traverse le bide par derrière et je suis mort. On aurait dit une mort scénarisée ! Le saligaud, il m’a contourné et je n’ai rien vu.
Des fois, ceci arrive. Parce que s’enfuir bruyamment, c’est risqué…
Vous vous demandez peut-être « mais du coup…ce n’est pas un peu dur comme jeu ? » Un peu, ouais. Inutile de jouer en mode difficile, sauf si vous êtes maso. En mode normal vous allez déjà morfler. Le jeu peut parfois être frustrant, mais c’est tellement bien fait malgré tout, et tellement efficace dans son gameplay et son atmosphère stressante, qu’on lui pardonne.
Car oui, je n’ai pas parlé de l’atmosphère. Tout est extrêmement fidèle aux films, et en particulier au premier film de Ridley Scott. Avec les sons du film, le côté « rétro-futuriste » avec les vieux écrans de PC dans un univers de SF (c’est ce qu’on connaissait en 1979 en fait lors de la création du film. Et le jeu prend le parti de tout respecter.) Il y a même quelques bonus avec des contenus additionnels proposant de rejouer deux séquences du premier film avec Ellen Ripley, Ash, Lambert, etc. Et c’est le casting original qui a fait le doublage (en VO hein, pas en VF.)
Évidemment, on se doute bien que Amanda ne va pas retrouver sa mère, puisque le jeu s’insère dans la chronologie des films et que les deux femmes ne se sont jamais revues.
On se doute aussi qu’Amanda ne va pas mourir malgré la fin inquiétante du jeu puisqu’on sait qu’elle meurt à un âge avancé au début de ALIENS. Mais c’est un prétexte pour pousser notre personnage dans la gueule du loup et nous faire vivre une expérience de jeu oppressante hyper fidèle à l’ambiance du film, et ultra efficace dans son gameplay.
Mais il faudra de la patience. Et du sang froid. Le jeu ne propose d’ailleurs aucun point de sauvegarde automatique. Vous devez trouver des bornes pour sauvegarder le jeu. Cela rend le jeu punitif, mais d’un autre côté si vous pouviez sauvegarder toutes les 30 secondes, le stress et la peur s’envoleraient.
Et merde, ils sont là eux aussi…on s’en serait bien passé.
Si je devais trouver un reproche à faire ? Pour ce type de jeu stressant, il est peut-être un peu long. On se plaint souvent que les jeux sont trop courts, mais ce n’est pas un jeu auquel on peut jouer 3h de suite (enfin certaines le peuvent peut-être…) C’est intense et flippant, on ne se sent jamais en sécurité. Du coup un jeu comme ça qui dure plus de 10h…on n’en voit pas le bout. J’ai bien mis 2 mois à le finir.
Quelques passages sont un poil frustrants aussi, comme lorsque notre détecteur de mouvement est perturbé par des champs électromagnétiques et qu’il ne sert à rien. Et comme par hasard on est dans un nid avec des saletés de face-huggers (les araignées qui pondent les œufs aliens) qu’on a du mal à voir se balader au sol et qui nous tuent d’un seul coup en se jetant sur notre visage. Je sais que c’est totalement voulu, mais Dieu que ce n’est pas facile de sortir de là !
Pour le reste, c’est juste excellent. Le scénario est simple oui, mais c’est ce qui fait la force de ce genre d’expérience horrifique. Pas des histoires pseudo religieuses à 2 balles qui essaient d’expliquer le pourquoi du comment de l’existence supra-compliquée des aliens comme dans ces stupides films PROMETHEUS et COVENANT qui ont au passage perdu toute tension. On s’en fout ! On n’a pas besoin d’expliquer ce que sont les aliens. Vous avez besoin d’expliquer ce que sont les lions ? Pourquoi ils existent ? Bah parce que la nature les a créés, point barre. Cette manie de tout vouloir relier à l’homme est agaçante.
ALIEN, ce n’est pas un concept qui nécessite un gros background. C’est la dangerosité de l’étrange, de l’inconnu, la tension qui résulte de situations désespérées avec des gens coincés avec un monstre qui est intéressante. C’est l’isolement face au danger, c’est ça la force des films ALIEN. Qui aurait cru qu’un jeu tiré d’une licence de film puisse être aussi réussi et mieux comprendre son concept que les derniers films ? ça n’arrive pas souvent. En général un fois les droits de la licence payés, il ne reste plus grand-chose du budget du jeu et on se retrouve avec une grosse bouse vidéoludique toute naze. Là c’est loin d’être le cas. C’est un des meilleurs jeux d’horreur de ces dernières années, et une des meilleures adaptations en jeu d’un univers cinématographique.
Un passage en flash-back où on incarne un membre de l’équipe qui a eu le malheur de retourner sur le vaisseau du premier film bourré
d’œufs aliens.