– Tarte Tatin et Scooter de l’Espace ! –
Chronique du film : FLASH GORDON
Date de sortie : 1980. Réalisateur : Mike Hodges. Producteur : Dino de Laurentiis.
Durée : 108 minutes.
Genre : Science-fiction.
Genre nouveau : Œuvre d’art CULTE, d’une nouvelle espèce, mais culte quand même…
Dès que l’on pense “Space-opera”, STAR WARS et STAR TREK s’imposent immédiatement à notre esprit. Mais si l’on vous dit “Space-opera classique” (et que vous les connaissez, vos classiques) ou, encore mieux, “héros cosmique”, vous ne pouvez faire autrement que de songer à l’un des fleurons du genre, j’ai nommé FLASH GORDON (même si BUCK ROGERS ou encore JOHN CARTER peuvent également concourir pour le coup du « héros cosmique »). Issu d’un comic-strip préhistorique créé en 1934 par Alex Raymond (quatre ans avant l’avènement de SUPERMAN, premier véritable super-héros de l’âge d’or des comics), le personnage était un classique instantané du genre qui nous intéresse tout de suite là maintenant. Nous allons ainsi honorer son adaptation sur grand écran la plus célèbre à ce jour. Alors ? nanar ou pure œuvre d’art que cela ? Are you ready to begin ?

La préhistoire des comics : Flash Gordon, par Alex Raymond !
Le pitch : Flash Gordon, superstar de football américain, se retrouve accidentellement propulsé dans l’espace en compagnie du Dr Zarkov et de la journaliste Dale Harden. Ils y rencontrent un tyran intergalactique, l’empereur Ming, qui habite la planète Mongo. Le tyran, qui est extrêmement méchant (il parait que c’est comme ça quand on est un tyran) souhaite immédiatement faire de Dale sa nouvelle concubine. Car il est méchant, mais il est également lubrique, ce qui à priori n’est pas incompatible. Evidemment, Flash ne l’entend pas de cette oreille, parce que Flash aime Dale, vu que tout héros possède son amoureuse, et Ming le fait emprisonner aussitôt, ordonnant naturellement son exécution (une véritable ordure, on l’a compris…).

L’empereur Ming et sa fille Aura. Ils sont très méchants !
Un retournement de situation se met en place très vite : Effectivement, la Princesse Aura, la fille de Ming, vient délivrer notre héros. Car la coquine (elle est méchante, mais elle est également coquine, ce qui à priori n’est pas incompatible, vu qu’elle est la fille de son père…) n’est pas insensible aux charmes du superbe terrien. Que nenni ! Flash aime Dale, et il est hors de question qu’il trompe sa dulcinée avec la première princesse venue, car lui c’est le gentil, et il est fidèle, faut pas déconner non plus ! Cette dernière, revancharde mais toujours sous le charme, décide alors de le confier à la garde de son amant, le prince Barin. Hélas, celui-ci est tellement jaloux qu’il va aussitôt entreprendre d’éliminer son rival, qui parvient néanmoins à s’échapper !
Le Prince et ses archers, qui ressemblent tous étrangement à certains habitants de la forêt de Sherwood, se lancent à la poursuite du héros, mais ils se retrouvent tous cernés par les hommes-oiseaux du prince Vultan, encore un prince extraterrestre qui en pince pour la belle Aura, qui ne fait rien qu’à émoustiller tout ce côté de la galaxie ! Les volatiles (qui ressemblent à des vikings ailés !) emmènent les captifs sur leur ville-planète qui flotte dans l’espace, ce qui est totalement logique puisque ici tout le monde vole, sans même souffrir de la pressurisation. Là, Flash retrouve Dale et le Dr Zarkov, qui ont également réussi à fuir le palais de l’empereur…

Thimoty Dalton : Un Prince Barin qui ne se prend absolument pas pour Robin des bois !
Ming intervient alors et dupe tout le monde (souvenons-nous que c’est un tyran !). C’en est trop pour toutes ces races extraterrestres, qui décident ainsi, en cinq minutes, de s’allier afin de mettre fin au règne de cet empereur intergalactique qui est décidément trop tyrannique …
À la fin, les gentils l’emportent sur les méchants et le héros roule une pèle à sa dulcinée sous l’œil attendri de toute l’assemblée. Mais ne comptez pas sur moi pour vous spoiler le scénario…

Le Prince Vultan : L’important, c’est le look ravageur !
Lancé à l’époque dans le sillon de la saga STAR WARS et vendu comme un grand spectacle familial du niveau de celui de George Lucas, FLASH GORDON est un nanar flamboyant qui gagne un peu plus ses galons d’œuvre culte au fil des années et l’un des plaisirs régressifs les plus hallucinants de toute l’histoire du 7° art.
Le casting est carrément prestigieux : Max Von Sydow dans le rôle de l’Empereur Ming, Ornella Mutti dans celui de la Princesse Aura, Timothy Dalton dans celui du Prince Barin. La musique est assurée par un groupe Queen au faite de sa gloire. Et… Danilo Donati, le concepteur des décors et costumes attitré de Federico Fellini assure la partie esthétique ! Alors, il est où le problème ?
En réalité, le problème vient surtout du fait que le producteur Dino de Laurentiis, complètement mégalo et trop fier d’avoir damé le pion à Lucas en le privant des droits d’adaptation de la bande dessinée d’Alex Raymond, alors que le papa de STAR WARS en rêvait depuis l’enfance et que c’est d’ailleurs pour ça qu’il se “contentera” d’imaginer la saga des Skywalker à la place, le problème disais-je, est que le producteur italien finance le projet comme s’il était bourré, ou aveugle (je veux dire artistiquement parlant, puisque le budget du film est pharaonique !). En découle un machin qui se donne des airs de spectacle grandiose et inédit à coup de décors en carton empruntés dans les boîtes disco du coin, de costumes recyclés à partir de pyjamas aux couleurs fluo, d’effets spéciaux indignes d’un spectacle de David Copperfield (je parle du magicien de Las Vegas) et de scènes d’action chorégraphiées comme un spectacle de maternelle tel qu’on peut en voir dans les écoles de campagne.

Et hop ! des décors en carton-pâte !
Alors que le scénario se contente de transposer l’œuvre graphique originale en s’inspirant au plus près des planches d’Alex Raymond, ne cherchant jamais ou quasiment à “adapter” ni à moderniser un matériel d’une naïveté d’une autre ère, le voilà qui saupoudre néanmoins cet hommage à priori révérencieux de notes piquantes et salaces d’un mauvais goût absolument édifiant, puisque justement le fond et la forme ne vont pas du tout ensemble ! Ainsi, Ming et la Princesse Aura s’adonnent à l’inceste le plus naturel sur fond de conte manichéen, alors que la princesse, complètement nympho, épouse le Prince Barin pour mieux le tromper avec le premier venu. Pendant ce temps-là, l’acteur Sam Jones, qui incarne le héros, joue comme une patate et roule des muscles avec un charisme d’huitre (et dire que le rôle était initialement destiné à Arnold Schwarzenneger, qui fut obligé de le refuser pour achever sa carrière de culturiste !) tandis qu’Aura (encore elle !) se fait fouetter telle qu’en elle-même (c’est-à-dire en petite coquine sado-maso)…

Le père, la fille, l’inceste… Yeah !!! We are free !!!
Et jusqu’à la fin, le spectateur est invité à se marrer comme une baleine devant une avalanche de scènes inénarrables !
Ainsi, pour commencer, Flash, un footballeur (!), quitte la Terre et s’en va dans l’espace avec un tee-shirt blanc marqué d’un logo rouge à son effigie (par dessus un pantalon à pinces très “80’s”) et un brushing magnifique (c’est SON costume de super-héros ultra cheap). Et au vu du coup total de la production, tout le monde devrait trouver ça normal !

Anachroniques, nous ?
Alors qu’il arrive sur la planète Mongo et qu’il a l’occasion de jouer un match de foot extraterrestre (!!!), on lui a déjà préparé un débardeur rouge avec un “Flash” sur la poitrine !!! Vachement sympas ces extraterrestres belliqueux, qui pensent à tout, y compris à coudre spécialement un nouveau costume (tout aussi cheap que le premier) pour leur ennemi terrien ! Et puis bien sûr, personne ne viendra noter que ces nigauds de E.T.s pratiquent le même sport que le héros, le défiant ainsi sur son terrain, si l’on peut s’exprimer ainsi…

Le match du siècle : Terre VS l’espace (bientôt, Flash aura son débardeur rouge spécial) !
Plus tard, lorsqu’il manque de se noyer dans un marécage boueux et visqueux, notre valeureux héros en ressort propre comme un sou neuf et toujours sous un brushing nickel ! Qu’est-ce à dire ? Que les marécages de l’espace ont été conçus avec un système “non salissant” et “brushing-friendly” ???

Messieurs mesdames ! S’il vous plait un peu d’attention !
Je sors à l’instant d’un marécage boueux ! Alors ne venez pas me salir et me décoiffer !
Les scènes comme celles-ci sont légions ! Mais ma préférée, celle dont je ne suis jamais parvenu à me lasser, c’est lorsque le héros, pas content (mais tout sourire), retourne sur Mongo afin d’attaquer la planète tout seul sur un scooter volant au son du tube de Queen qui scande son nom : “Flash ! Flahaaaaash” ! (comment respire-t-il dans l’espace, là n’est pas la question…). De leur tour de garde, les vigiles de l’empereur Ming nous lancent alors (dans la version VF) un sublime “Attention !!! Flash Gordon attaque à bord de son scooter de l’espace !”.
Inutile de préciser que la carrière de Sam Jones s’est arrêtée net. Aujourd’hui, il a rejoint le panthéon des icônes cultes, à moins que ce soit celui des icônes gai ? On l’avait pourtant vu l’année précédente dans le très beau “10” de Blake Edwards (“ELLE” en VF), où il campait le mari -certes un peu falot- de la sublime Bo Derek. Par la suite, il interprétera des petits rôles dans des films sans intérêt, où on lui refilera souvent le rôle du méchant !
Le réalisateur britannique Mike Hodges avait dirigé quelques films intéressants sans toucher jusqu’ici au nanar. Il réalisera une carrière modeste et son film suivant, L’IRLANDAIS, avec Mickey Rourke, connaîtra un relatif succès.
Quant au producteur Dino De Laurentiis, il nous aura tout de même infligé, en six ans seulement, moult nanars d’anthologie aux allures de superproduction internationale, dont quatre nous intéressent au plus haut point, ici à C.A.P : FLASH GORDON, CONAN LE DESTRUCTEUR, KALIDOR et KING KONG 2 ! Avant et après, reconnaissons-lui tout de même une carrière bien fournie, ponctuée de films marquants (lorsque le réalisateur sortait du lot) comme par exemple LA STRADA et LES NUITS DE CABIRIA de Federico Fellini (1954 et 57), BARABBAS de Richard Fleisher (1961), UN JUSTICIER DANS LA VILLE de Michael Winner (1974), LES TROIS JOURS DU CONDOR de Sydney Pollack (1975), CONAN LE BARBARE de John Milius (1982), DEAD ZONE de David Cronenberg (1983), DUNE de David Lynch (1984), L’ANNÉE DU DRAGON de Michael Cimino (1985), ou encore LE SIXIÈME SENS de Michael Mann (1986). Au rayon fantastique, “série B” ou flm fantastique dit “bisseux”, notons ULYSSE De Mario Camerini (1954), DANGER : DIABOLIK de Mario Bava et BARBARELLA de Roger Vadim (1968), KING KONG de John Guillermin (1976), LE BISON BLANC de Jack Lee Thompson et ORCA de Michael Anderson (1977), CAT’S EYE de Lewis Teague et PEUR BLEUE de Daniel Attias – deux adaptations de nouvelles de Sephen King – (1985), EVIL DEAD 3, L’ARMÉE DES TÉNÈBRES de Sam Raimi, ainsi que plusieurs suites des sagas HALLOWEEN, AMYTIVILLE et autres HANNIBAL LECTER.

Sam Jones : Un acteur, une icône, une endive ?
La première fois que j’avais vu le film, enfant, je l’avais beaucoup aimé. Mais quelque part, insidieusement, je sentais déjà qu’il y avait quelque chose de bizarre, quelque chose de louche, un truc qui n’allait pas… S’agissait-il des relents sadomasochistes cachés dans le sous-texte ? Et d’ailleurs, le sous-texte en question était-il volontaire ? Evidemment, à cet âge là, on ne se pose pas toutes ces questions. Mais tout de même, le film exhalait déjà un parfum vraiment très, très spécial… On peut d’ailleurs se demander jusqu’à quel point Danilo Donati, concepteur des décors, accessoires et costumes, ne s’est pas éclaté en douce en imaginant les connotations les plus déviantes possibles !

Matez-moi ça, madame !
S’agissait-il de l’iconographie anachronique imaginée par Alex Raymond (sorte de mélange entre les folklores celtes et nordiques, le tout transposé dans un univers de type space-opéra !), sachant que son comic-strip flamboyant ne supportait certainement pas le passage sous un autre médium ? Ou en tout cas, comme on l’a évoqué plus haut, encore aurait-il fallu “adapter” le matériel en le transposant dans une version crédible pour un film live tourné près de soixante ans plus tard ! Et reconnaissons tout de même qu’une telle transposition, et bien ce n’est pas gagné, à tout le moins…

Un volontaire pour adapter littéralement cet univers en film ?
Pourtant, à chaque fois que je revois le film, c’est la fête ! J’ai beau connaitre chaque scène par cœur, il me semble la redécouvrir à chaque vision, tant je n’en crois ni mes yeux, ni mes oreilles !
Toutes ces incohérences scénaristiques loufoques, tous ces sous-entendus tellement salaces qu’on se demande encore s’ils étaient volontaires, tout ce mauvais goût criard et bling bling avant l’heure finissent en définitive par faire la richesse d’un film que l’on regarde comme on hallucine. Comme s’il s’agissait d’une Tarte Tatin, délicieuse dans sa formule ratée, car cuite à l’envers. Comme si le film, dans sa version foireuse et kitschissime, était devenu une œuvre d’art exquise, à ne déguster que pour ses côtés ratés ! Ce faisant, Dino De Laurentiis, Mike Hodges, Sam Jones et tout le reste de la bande ont réussi à atteindre le paroxysme de l’art régressif, où notre sensibilité humaine civilisée côtoie le plaisir de régresser par procuration, en contemplant le mauvais goût et le kitsch. Pour se marrer.
Pour toutes ces raisons, n’ayons pas peur des mots : FLASH GORDON est l’un des plus flamboyants nanars de l’Histoire du cinéma !
Bref, un chef d’œuvre d’un genre totalement à part, de celui qui crée les cultes du 7ème art…

Ah la belle s… Ah la belle s… Arf ! Ah la belle silhouette…

Le fouet comme leitmotiv d’un film jamais avare de connotations fétichistes sado-maso !
Alors que depuis des années ce sous-genre de la science-fiction qu’est le Space-opera revient sur le devant de la scène, que le modèle du “héros cosmique” semble renaitre après tant d’années passées dans les limbes de l’oubli, il serait peut-être bon de repenser au fiasco artistique du film de Mike Hodges & Dino de Laurentiis, qui ruina le genre en le ringardisant d’emblée aux yeux du monde et de l’élite intellectuelle. Après tout, c’est vrai, la figure du “héros cosmique” souffrira longtemps de son bagage désuet et ringard, tant il est impossible de ne pas penser au mauvais goût ostentatoire de ce film de 1980.
Aujourd’hui, néanmoins, des légions de fans s’insurgent et tentent de réhabiliter la chose en jurant que tout est parfaitement voulu, qu’il s’agit-là d’un spectacle parodique assumé et subtil, et non d’un nanar, qui joue des codes du comicbook de SF en les transposant sur grand écran pour mieux s’en amuser. Subtil ? Pourquoi pas, mais encore une fois rien n’est moins sûr, et c’est bien là le plus fascinant, finalement !

Hé Barin ! Mon poteau ! Tu connais la blague à Toto ?
En 1936, Flash Gordon apparaissait déjà au cinéma, dans un serial de 13 épisodes diffusé en première partie de soirée !
Quarante quatre ans séparaient cette première adaptation sous forme de serial de la superproduction de Laurentiis. À l’heure où j’écris ces lignes, quarante quatre ans se sont également écoulés depuis que Sam Jones a remis son costume au vestiaire.
Une série animée du studio Filmation fut réalisée en 1979, probablement afin de devenser le projet de Dino de Laurentiis. Elle dura jusqu’en 1982, le temps de deux saisons et un téléfilm. Bien qu’imparfait (bourré de scènes filmées en rotoscopie et décalquées en boucle), le téléfilm à lui-seul (intitulé FLASH GORDON : LA PLUS GRANDE DE TOUTES LES AVENTURES) est probablement bien plus convaincant que le film de Mike Hodges en termes d’adaptation !
Il y eut d’autres adaptations à la télévision, mais aucune digne d’être relevée plus avant. Notons tout de même les deux films FLESH GORDON (deux parodies érotiques respectivement réalisées en 1974 et en 1989), dont le premier semble avoir pavé la voie du film de Mike Hodges afin d’associer l’univers d’Alex Raymond avec toutes les connotations salaces possibles !
La future adaptation, si future adaptation il y aura pluisque ce projet est sans cesse remis aux calandes grecques, sera-t-elle meilleure que le film de 1980 ? Haha ! Pas facile de répondre à cette question, hein ! Sera-t-elle aussi intéressante artistiquement parlant et deviendra-t-elle un objet de culte au même titre que son ainée ? Rien ne parait moins sûr car, de ce point de vue et on le répète, on tient là le maître-étalon du genre !

Le sérial des années 30 !

La série des années 80 !
That’s all, folks ! !
… Mè ce n’est pas un nanar du tout, m’enfin !?
Évidemment que tout est voulu et très précisément orienté : pourquoi, sinon, être allé pêcher la plus que charnelle Ornella muti en princesse nymphomane, ou même avoir travesti Timothy Dalton en Robin Des Bois d’opérette ?
Loin de trahir l’oeuvre originale, visuellement parlant, De Laurentiis et ses comparses ont très fidèlement rendu l’univers du Comic d’origine, constitué du gloubi-boulga type de l’époque, mélange d’ignorance crasse et de traditions patriarcales et guerrières moyenâgeuses, pleines d’idéal naïf, associées arbitrairement aux nouvelles notions scientifiques qui promettaient déjà d’envahir le quotidien. Il n’y a pas une once de prétention au réalisme, dans l’adaptation : comme dans le Comic, les impossibilités sont gommées d’office tant on ne s’y intéresse pas, pourvu que l’action soit épique ! C’est un véritable Space-Opera, tant le Romantisme du tout est outrageusement mis en avant (motivations des intervenants, look pacotille assumé des décors, mise en scène entièrement dévolue aux personnages et au spectaculaire de leurs actions, Etc…), au détriment de la moindre « vraisemblance » scientifique.
Mais pas scénaristique : l’univers de Mongo, cette congrégation constituée d’une planète centrale environnée de ses satellites-vassaux, n’est pas plus absurde que les melting-pots très improbables et manichéens mis en scène dans Star-Wars, Star-Trek et compagnie. Aucune « vraisemblance » là non plus, juste un parti-pris subjectif, de la part des auteurs et de notre part aussi, d’y associer de-facto une forme de lecture plus « réaliste » : les enjeux dramatiques appuyés, les décors dépouillés de joliesse trop évidente, un déroulement de l’action étudié pour accentuer une tension… Et si Flash peut se balader d’une « Lune » à l’autre en scooter de l’espace -ce qu’il m’a fait rêver, ce machin !!-, hé ben peut-être est-ce parce que la technologie de l’empereur permet ce genre de prodige : les capacités naissantes de l’I.A. ne vous semblent pas un peu de l’ordre du magique (cauchemardesque, mais c’est un autre débat…), à vous ?!
De Laurentiss voulait faire des sous, persuadé que le public se ruerait sur cette production très opportuniste. Malheureusement pour lui (et heureusement pour nous !), le fait d’avoir quasi donné carte blanche à tous ses talentueux collaborateurs a abouti à cet Ovni cinématographique, à l’esprit Camp très assumé (sinon jamais Brian Blessed -oh my !- n’aurait été affublé d’un costume pareil !!) qui, non content de moquer de manière très adulte et cultivée le goût traditionnel des Américains pour l’aseptisé, en leur exposant sans paravent -sinon le bling-bling du décorum- tous les discours suggestifs et déviants (voire souvent réactionnaires) inhérents à leurs productions « tous publics » les plus célèbres, leur propose en plus une lecture définitivement Latine dans sa caution libertaire de ces mêmes travers, transfigurés ici par cette absence d’hypocrisie textuelle, et très spectaculairement exposée (Ming/Aura, Ming/Dale, Aura/Flash/Barin, les prisonniers à demi-nus, les mœurs décidément sexistes et machistes (et donc, logiquement Homophiles/Homophobes) des Hommes Des Arbres, le traitement très adolescent attardé de la femelle (prostituée sexuelle ou vierge intouchable) ainsi que la toute puissance du mâle, outrageusement et très physiquement exhibée par Vultan (ô joie !).
Tout en brassant des thèmes présents dans nos mythologies depuis l’aube des temps, et en les transposant sous cette forme quasi-inusité de « Blockbuster » à TRÈS large spectre (…), l’omniprésence de la musique « symphonique » de Queen renforçant encore un langage cinématographique volontairement simplifié pour laisser la part belle aux « tableaux » (comme dans tout bon opéra traditionnel), le film offre un spectacle résolument jouissif et nouveau, pour l’époque ; pourvu qu’on soit amateur de farce énorme, le héros nous indiquant clairement, par son rôle si transparent au sein des évènements et son imperméabilité à ceux-ci, comment appréhender l’histoire. On est là pour se distraire, et de la manière la plus fantaisiste. Le brushing inamovible, par exemple ; mais ça vaut aussi pour tous les personnages : une « convention » de lecture mise en place dés les premières images, via le pupitre extra-terrestre de contrôle… EN ANGLAIS !
Il n’est pas possible d’entretenir de doutes sur le volontaire de tout ce qui fait la spécificité de ce film, trop d’aspects pointant tous dans la même direction : mise en scène systématiquement théâtrale, dialogues tour à tour ampoulés et/ou ridicules (mais toujours pleins de signifiant souterrains…), outrances colorées des costumes et décors, superficialité des personnages, réduits à de simples caricatures, simplification extrême et traduction enfantine (en accord avec le médium d’origine) de la totalité du contexte S.F. de l’histoire, Etc…
Par contre, je comprends complètement qu’on puisse détester : il faut une certaine sensibilité -très cadrée, pour le coup, par les auteurs, visiblement tous au faîte d’une certaine culture Historique Homophile transgressive- pour pleinement apprécier l’ensemble, ou alors avoir un regard particulièrement jeune, et dépourvu d’expérience dans le genre, au visionnage. Ce récit simpliste ne nécessite pas d’en apprécier touts les aspects pour s’amuser aux affres de ces ahuris en goguette cosmique.
« Culte » ne fait pas vraiment parti de mon vocabulaire, quand je me réfère à une création quelconque ; mais cette pièce-montée-là fait partie de ces films que j’ai le plus revus, au fil des années : l’humour des sous-entendus, si raccords avec ma sensibilité assez orientée (!) n’étant pas étranger à mon plaisir de spectateur.
… Mais aussi, j’avoue, la gueule pas possible de Brian Blessed, rare véritable personnage de BD en chair et en os plus vrai que nature -les nombreuses anecdotes ayant parsemé sa vie confirmant sa « démesure » gaguesque…- qu’on est jamais aperçu sur grand écran.
Alors je partage certains de tes avis (j’adore également ce film ! Je me marre comme une bête et je kiffe grave son volet kitsch assumé et sans limites). Mais tu n’arriveras pas à m’enlever de l’esprit que c’est du pur nanar quand même. Parce que, même si les auteurs ont voulu le résultat en le faisant exprès (et franchement j’ai un gros doute sur la moitié), ils n’avaient quand même pas les moyens de leurs ambitions. Là où çe restera toujours un nanar pour moi, c’est parce que le manque de moyens en rapport avec le sujet limite quoiqu’il en soit le résultat. Si vraiment c’était une parodie, ça se verrait plus, comme avec le ROCKY HORROR PICTURE SHOW par exemple (et pourtant je lui préfère largement FLASH GORDON !). Mais je suis d’accord aussi : Si tout était vraiment premier degré, il n’y aurait pas Danilo Donati, probablement trop subtil pour ne pas s’être aprçu du niveau de kitsch de sa direction artistique !
Alors moi je dis que le film est un ovni parce que justement il se balade entre deux univers : Entre la parodie et le pur nanar. Il vole quelque part entre les diverses étoiles sans jamais pouvoir être classé distinctement.
Faudrait peut être que je revoie ce film que j’avais juste trouvé ridicule à une lointaine époque, alors que le concept de nanar m’échappait d’ailleurs.
Non, il est franchement hyper fun et unique en son genre. Mais le nanar, par principe, c’est le film qui n’a pas les moyens de ses ambitions. C’est le film qui veut être LE SEIGNEUR DES ANNEAUX avec trois acteurs et deux grottes en cartons. Pour moi, FLASH GORDON souffre du contraste entre l’ambition de son producteur Dino DeLaurentiis, qui veut faire un STAR WARS bis, et le fait qu’il n’ait absolument pas les moyens d’y parvenir. Du coup, toute l’équipe du film se retrouve à devoir faire un STAR WARS en carton. C’est comme ça que je le vois. Après, oui, tu vois que c’est assumé par une équipe qui préfère s’amuser plutôt que de trop se prendre au sérieux.
Matt, si tu l’as trouvé ridicule la première fois (et que tu n’y es plus revenu depuis), il y a peu de chance que ça te parle d’avantage aujourd’hui : il ne s’agit pas d’absolument y voir un Grand Film -ce qu’il n’est pas vraiment. C’est juste un magnifique exercice dans l’art de faire rire tout en faisant rêver, mais dont l’attrait est terriblement restreint par ses choix esthétiques, situationnels, scénaristiques, Etc… Sans oublier son sous-texte. À ce niveau de spécialisation (subtile et moins subtile, voire carrément publicitaire !), il faut vraiment avoir des atomes crochus avec les créatifs aux commandes (et là je parle de vécu et/ou de forts points communs intimes…), pour fonctionner au film, sous peine de rester à la remorque. Ça n’a rien d’un « incontournable » et, si on n’est pas sensible à la sauce du truc, ça n’est pas si grave : on peut très bien s’en passer. J’ai fait ma vie sans Le Parrain, Citizen Kane ou Voyage Au Bout De L’Enfer, et je ne m’en porte pas plus mal.
Tornado, le seul argument qui pourrait (éventuellement, mais j’en doute) soutenir ta perception est qu’il t’a manqué certaines clés, très culturellement circonscrites, la première fois que tu l’as vu ; et tes retours à l’oeuvre, à la recherche de ce qu’elle ne possède pas, ont cristallisé ce ressenti « nanar ». Je ne les possédais, pour ma part, que très peu lors de mon premier visionnage (à la télé : j’avais quinze ans, je crois, et ne savais pas du tout à quoi m’attendre) et, cependant, mon goût (assez inné et surtout très précoce) pour le transgressif/suggestif a fait que j’ai clairement ressenti la volonté politiquement incorrecte qui présidait à cette démonstration pailletée. D’abord, évidemment, tous les plans sensuels « gratuits » les plus évidents, le slip de cuir de Vultan étant, bien sûr, le plus agressif du lot et, pour un garçon en pleine bourre hormonale branché mecs, un choc érotique d’autant plus violent qu’il exprimait -enfin- une réelle authenticité virile Homophile, loin des clichés en vogue (…), pleins de gitons « efféminés », et à laquelle je pouvais m’identifier. À côté, la robe fendue jusqu’à l’aisselle (!!) de Aura fait figure de timide exhibitionnisme banal, par exemple. Ensuite les incessants traits d’humour, déviant systématiquement le sérieux de chaque scène en y ajoutant un commentaire presque méta, et toujours comique, bien mieux amené et appréciable que les laborieux paragraphes qu’on nous assène à l’heure actuelle. « … On se croirait invités à une réception à l’hôtel de ville ! »…! Exactement le sentiment du spectateur, en contemplant ce décor clinquant sensé être la cour de l’empereur de l’univers ; et pourtant on fonctionne : c’est QUOI tous ces guignols déguisés ?!
Un nanar véritable, forcément amateur à de nombreux points de vue, car pas maitrisé en tant que création mais se prenant tout de même un peu au sérieux (Plan Nine, Abyss, Prometheus, Interstellar, Etc…) ne pourrait avoir été réalisé avec autant de soins, ne serait-ce même que par cette propension à la traduction systématiquement comique/grandiloquente de la moindre scène. Allons : même les Hawkmen poussent des cris de mouettes, quand ils sont touchés !! C’est tellement énorme que c’en est indécent ; ce qui est, précisément, un autre aspect du genre Camp.
Peut-être Dino De Laurentiis s’attendait-il, lui, à autre chose : culturellement, il était déjà de l’ancienne époque, et tout le décorum outré du film de 1980 aurait pu passer pour autre chose que de la blague, pure et simple même si inspirée, dans les années cinquante ; le sujet S.F. justifiant automatiquement l’énormité de la mise en images, forcément « exotique », des univers représentés. Mais le film étant contemporain de Star-Wars et Cie, il est inconcevable que cela relève de l’erreur ou de l’expérimentation. Et aussi, ce qui lui ajoute ce cachet unique, est qu’il y a eu une corrélation miraculeuse -ça arrive souvent, en création- entre le rendu « cheap » des effets spéciaux (De Laurentiis trimballe une réputation d’économe radical, dans ce domaine, préférant minimiser les frais.) et la direction scénographique du tout, délibérément « légère » dans la forme et résolument moqueuse dans le fond. Les deux se renforcent : le Kitch des nuées et des vaisseaux multicolores complimentant parfaitement l’outrance théâtrale et caricaturale du comportement des héros.
Au pire, je soupçonnerais presque les décideurs d’avoir, une fois le sujet du film bien défini entre leurs mains, et avant d’en commencer la production, préféré l’aborder sous cet angle parodique/coquin afin de minimiser les risques probables, rapport à son succès en salle, conscients qu’ils étaient de leur impossibilité à battre la concurrence dans un genre ayant tout récemment changé de formule -en tous cas pas au niveau de la forme.
C’était aussi il y a 20 ans, et j’avais d’autres choses à voir. Je n’avais pas de patience ou d’appréciation pour les films ratés ou nanardesques.
Ben apparemment c’est compliqué. Pour Bruno le film a l’air vraiment réussi ! Pour d’autres, il est lamentablement raté.
Pour ma part, c’est vraiment un ovni. Je le qualifierais volontiers de nanar flamboyant ! Le film a vraiment quelque chose qui en fait un spectacle jouissif. Mais je me répète : Ma sensibilité me dit que le film est vraiment à cheval entre une ambition et un résultat totalement en décalage. Une ambition démesurée par un producteur paradoxalement pingre, qui n’a donc pas les moyens de ses ambitions. Après, l’esprit du film lui-même (sa réalisation, ses acteurs, son scénario), est juste complètement fou. Mais le résultat, j’en suis convaincu, est totalement différent que ce qui était au départ sur le papier. Impossible de me convaincre que tout était voulu comme ça dès le départ.
Après, je sais pas. Peut-être effectivement dois-je le revoir en le prenant à la manière de Bruno ? Peut-être en l’abordant différemment, y verrais-je quelque chose que je n’y avais pas vu jusqu’ici ? Cet esprit « camp » délibéré ?
Difficile, quoiqu’il en soit, se souscrire à l’idée que le film soit « fait exprès comme ça » quand il a l’air aussi bancal.
Si c’est ton ressenti, tu as certainement de bonnes raisons : je crois avoir compris que tu possèdes un solide bagage « technique », en rapport avec la « structure » de tout ce qui constitue la création cinématographique ; et peut-être des errements patents de ce côté-là nourrissent-ils ta perception, et passent à l’as en ce qui me concerne.
Une analyse spontanée beaucoup moins évidente pour moi, qui ne peut prétendre à cette approche que pour ce qui est vraiment flagrant. Pour les films, j’ai tendance à absorber le tout en une fois, globalement, quand je fonctionne ; et à n’identifier ce qui m’a plu, au delà de ce qui est évident, qu’à force de réflexion.
À contrario, quand je n’aime (vraiment) pas, je sais immédiatement pourquoi ; mais c’est vrai que c’est plus souvent en rapport avec un « déséquilibre » (perçu surtout inconsciemment) au niveau du signifiant, et des choix -plus ou moins honnêtes- présidant à la façon dont on me le transmet, plutôt que dû à des maladresses de constructions/langage cinématographique purs (même si je n’apprécie pas non plus). Par exemple : Tarantino m’a sciemment baladé dans son Road-Movie vaguement Roots pendant les trois quarts de sa Nuit En Enfer pour, dans les dernières minutes, me plonger en plein Buffy Contre Les Vampires ; et je dois dire que je n’ai pas apprécié.
Bon, étant donné que le film t’amuse -ce que je pense sincèrement être son but le plus objectif- la catégorie dans laquelle tu le ranges importe peu, finalement. Ou alors Space-Péplum-Opera, option Gay Friendly 80’s ?!
Hahaha ! Et que dis-tu de Camp-Space-Péplum flamboyant ? 😀
Mais oui, le film m’amuse énormément. Beaucoup plus qu’un ROCKY HORROR PICTURE SHOW ou même qu’un FLESH GORDON, pour tout dire.
La preuve : C’est le premier article que j’ai choisi pour le blog (le premier article du blog, tout court !). Et c’était déjà un des premiers articles que j’avais donnés à Bruce au moment de la création de Bruce Lit (celui-ci en est une version grandement améliorée). Et on a décidé dès le départ, avec Matt, de n’écrire sur C.A.P que des articles sur des oeuvres qu’on aime. Jamais le contraire (on n’écrit pas d’article pour démolir une oeuvre).
Le fait-est que j’adore le genre nanar (je vais encore faire plein d’articles nanar sur C.A.P). De là à trouver que FLASH GORDON est un nanar parce que j’ai un regard particulier sur le film dans ce sens (parce que je le prends comme ça dès le départ), c’est possible aussi.
Pour ma part en lisant l’article comme ça (vu que je me souviens pas assez du film) je dirais que les dialogues délirants et incestueux ne peuvent pas être passé sous le nez du réal sans qu’il le remarque…
Du coup peut être que ça se voulait un film d’aventure/action avec de l’humour décalé (comme un blockbuster d’aujourd’hui) mais que même les parties censées être sérieuses sont devenues ridicules à cause du manque de moyens. Et donc au final t’as un truc parfois volontairement comique et parfois pas du tout.
Possible aussi que l’humour voulu soit complètement timbré et d’un goût douteux, ce qui rend le truc ahurissant.
Tornado, si tu admets adorer les « nanars », il y a de forte chance que tu y trouves certaines qualités qui, selon les cas (pas tous, forcément), en font de vrais œuvres à part entières, et non de réels ratages, quitte à être les seules représentantes de leur genre. Dans ce cas-là, tu devrais les aborder dans un état d’esprit différent, je suis d’accord.
Matt : l’humour que tu trouves timbré et d’un goût douteux est l’essence même du Camp, et ici dans ses illustrations les plus « grand public ». Une approche burlesque de certains des « travers » comportementaux condamnés officiellement par nos sociétés et, cinématographiquement parlant, évidemment pas les plus populaires, même si très souvent exploités « en biais » par nos chers réalisateurs.
Dans le genre, mais sans filtre, essaye Pink Flamingos, de John Waters. LÀ, on est vraiment dans l’essence du truc OUARFF ! Pas « mon » truc (pas assez de distance), mais résolument clair comme discours (critique) et volonté : se moquer en choquant et en s’amusant.
Après, ça n’est pas l’humour du premier venu : on est tous câblés différemment, la perception étant un truc franchement tributaire de trop d’influences diverses (extérieures et intérieures) pour être facilement analysable et/ou cataloguée « bonne » ou « mauvaise ». Je ne pourrai jamais apprécier un Slasher, par exemple, quelle que soit ses qualités : je serais incapable d’endurer le suspense et/ou de ne pas souffrir mille morts avec chaque zigouillage de rigueur. Sam Raimi ou Peter Jackson, avec leurs œuvres des débuts, me passent complètement par dessus la tête : je n’y trouve aucun intérêt, alors que des foules de fans continuent d’en redemander. Mais comme je suis, moi aussi et comme tout le monde, inféodé (malgré moi) à ce que je suis intrinsèquement, additionné de tout ce que j’ai assimilé au fil du temps, je ne peux m’empêcher d’avoir, parfois, une lecture complètement différente de la plupart de mes contemporains et, ainsi, chaque fois que je me suis penché sur le pourquoi de mes avis contraires -et relativement marginaux au sein des critiques officielles et générales-, hé ben j’ai souvent trouvé des raisons valides à mes affections et/ou désaffections.
Je suis sûr de moi en ce qui concerne l’essence du film Flash Gordon : c’est un film de genre, maitrisé dans son discours et sa réalisation volontairement « décalée » ; mais, selon vos critères à vous, vous avez parfaitement le droit de le qualifier de nanar, si vos arguments vous paraissent tenir la route. À mes yeux, The Thing est burlesque et grotesque, et cela très manifestement sans l’avoir voulu ; donc, selon ma perception des choses, un nanar de première ; mais ça n’est évidemment pas l’avis de la majorité.
Et bien : Depuis que j’écris des articles et que je discute des oeuvres chroniquées avec ceux qui les lisent, je n’ai eu de cesse de devoir renoncer à mes certitudes !
Si j’aime le genre nanar, c’est parce que les films sont décalés, drôles (la plupart du temps involontairement) et qu’ils sont dans le genre que j’aime (fantastique, SF, fantasy, etc.). Du coup, ils deviennent culte. Un jour j’essaierai de vous parler de NIGHT OF THE GHOULS d’Ed Wood, de SUPERMAN CONTRE LES FEMMES VAMPIRES ou de DESTINATION PLANÈTE HYDRA !
Je suis en vacances en fin de semaine. Je vais me refaire FLASH GORDON. Et je vais tâcher de le regarder en l’abordant dans un esprit camp pour voir.
Encore faut-il s’entendre sur la définition d’un nanar. Tout le monde ne le définit pas de la même façon donc après ça devient des débats inutiles.
En fait là ou je comprends le point de vue de Bruno, c’est que FLASH GORDON ne semble pas mal foutu jusqu’au bout. les costumes, mêmes ridicules, ont l’air d’avoir été confectionné avec soin. Un nanar (pour moi) c’est fauché et ça enchaine des plans bourrés de faux raccords, éclairés différemment d’un plan à l’autre parce qu’il y a un énorme manque de compétence technique (et aussi de budget, mais pas que.) C’est en général aussi mal joué. Du coup on se bidonne parce que c’est du niveau d’un spectacle pour enfants alors que c’est fait par des adultes avec malgré tout un peu de pognon mais qui semblent pas du tout maitriser leur truc et des acteurs au talent…très discutable.
FLASH GORDON parait trop soigné niveau production dans un sens. Et il y a plein de bons acteurs.
Mais d’un autre côté certains qualifient GODS OF EGYPT de nanar pété de thunes. Parce que c’est idiot et ridicule. Mais y’a des moyens et de la maitrise technique. Donc bon…pas facile de discuter déjà si on ne s’entend pas sur la nature d’un nanar.
THE THING n’est pour moi pas un nanar même pour quelqu’un qui n’aurait pas peur et trouverait les effets grotesques et drôles, déjà parce que la peur c’est tellement subjectif que tu peux pas ranger un film dans un genre sous prétexte qu’à toi il te fait aucun effet. Il faut des trucs objectivement mal foutus. C’est pour ça que moi je mentionne souvent de terribles manques de moyens et un aspect technique ultra fauché qui se ressent dans la plupart des plans. THE THING est très bien filmé, c’est pas du niveau d’un spectacle pour enfants. Les décors crédibles, les acteurs bons. Ok si on trouve les effets de « peur » ratés et ridicules le film ne marchera pas. Mais nanar ? Non. Il faut un truc plus objectif que ça.
Sans doute que STARCRASH rentre plus facilement dans la case « nanar » que FLASH GORDON. Acteurs pas très doués ou mal dirigés (ils se comprenaient même pas sur le plateau entre les italiens et les américains), décors et maquettes…hum…quand même en dessous des trucs de FLASH GORDON^^, etc.
Mais après je pense aussi qu’il y a des films assez inclassables. Ou plein de talents sont réunis mais que ça accouche d’un truc involontairement drôle ou ridicule parce que simplement le média du cinéma ne se prête pas à une transposition d’un comics au premier degré.
Je me rangerais volontiers à ta dernière remarque (« films assez inclassables. Ou plein de talents sont réunis mais que ça accouche d’un truc involontairement drôle ou ridicule parce que simplement le média du cinéma ne se prête pas à une transposition d’un comics au premier degré »).
Pour moi, le nanar c’est le résultat d’un décalage entre le projet et le résultat. C’est le film qui n’a pas les moyens de ses ambitions. C’est pour cette raison que je range FLASH GORDON dans la case nanar : Dino de Laurentiis voulait faire un STAR WARS-level, mais toute l’équipe qu’il a réuni pour le faire n’avait pas les moyens de le faire. Et que l’équipe en ait profité pour s’éclater ne change finalement pas les choses de ce point de vue : Ça reste un spectacle complètement nanardesque en ce que le niveau de kitsch est trop en décalage avec le projet. Et puis de toute manière, c’est ce que j’ai essayé de dire dans l’article, pour adapter au premier degré un truc aussi périmé que le comics d’Alex Raymond, il faut adapter et changer plein de choses.
Donc, je vais essayer de revoir le film avec une approche camp. Mais dans mon esprit, je ne suis pas certain que ça change mon opinion sur l’aspect nanardesque de la chose.
Mais, là où je veux rassurer Bruno, c’est que ma « perception » de la notion de nanar n’a rien de méchant. J’éprouve une grande affection pour certains nanars très attachants (que je préfère largement à plein de films plus sérieux et plus « réussis »). Et je le dis aussi dans l’article : Si peut-être tout est voulu dans FLASH GORDON, le résultat demeure quand même très bancal, très spécial, très bizarre, et c’est finalement ça qui rend le film unique et fascinant !
Quand aux oeuvres camp en général, on voit mieux que c’est fait exprès quand même. Avec John Waters ou avec le ROCKY HORROR PICTURE SHOW, on voit mieux que le délire est volontaire. Même si on n’a pas forcément cette sensibilité au départ (mais je pense l’avoir quand même un peu. Je ne suis pas gay mais j’ai toujours bien aimé ce délire que je côtoie pas mal. Même si effectivement il y a des choses que je ne peux sans doute pas comprendre de la même manière).
C’est vrai qu’il y a cette notion importante aussi de l’involontaire, où tu sens que c’est pas ce qui était voulu. Du coup ça fait marrer.
ça arrive que dans certains films on puisse douter. Notamment quand ça devient tellement WTF que tu te dis que c’est forcément fait exprès…mais du coup tu comprends plus l’intention du réalisateur parce que le début semblait sérieux. Du coup c’est involontaire ou pas ? Le réalisateur est fou ou pas ?
Et j’ajoute qu’il ne faut pas confondre le nanar avec le navet !
Le navet, c’est un film raté parce qu’il est nul. Qu’il ait les moyens ou pas, il est juste raté.
Le nanar boxe dans une autre dimension : C’est un film qui a les yeux plus gros que le ventre. Et c’est le décalage entre ce qui est voulu et ce qui est finalement produit qui crée l’amusement, tout en lui procurant une certaine magie « décalée ».
Bon ! J’ai revu le film, ça y est.
Alors je me suis bien mis en position de le regarder au 2nd degré, avec l’esprit camp en tête.
Je suis d’accord, j’ai bien vu le 2nd degré en question. On sent bien que tout le monde s’éclate d’ailleurs, et assume le côté barnum bling bling joyeusement artificiel. Tout le volet coquin est également très détaché. Très burlesque.
Maintenant ça reste un spectacle hyper-ultra-kitsch, qui ne peut absolument pas en sortir.
Du coup je me dis qu’un spectateur comme Bruno et un autre comme moi, on a tous les deux raison : C’est à la fois burlesque et nanardesque. C’est un ovni qui zigzague sans cesse entre les deux. Mais ça reste un super spectacle ! Je n’ai pas vu passer les quasi deux heures.
Ça a dû être quelque chose le tournage, quand même. Entre un producteur qui voulait faire son STAR WARS et une équipe qui a fait son « Moulin rouge dans l’espace », ça devait être croquignol !
Brian Blessed (toujours lui…) a notamment raconté une anecdote particulièrement rigolote -je ne retrouve plus la vidéo, et c’est dommage parce que c’est bien plus gaguesque, conté avec son emphase théâtrale.
Pour la scène de l’abordage du vaisseau Atlas par les Hawkmen, la préparation du plateau a pris un temps de dingue : rien n’est Numérique, bien sûr, et la mise en place des feux d’artifices et autres effets pyrotechniques de l’époque, des fonds colorés, des éclairages, des câbles où suspendre les nombreux figurants sensés voler, Etc… sous entend une organisation monstrueuse et -surtout- beaucoup de fric. Brian Blessed trépigne d’impatience de se ruer au milieu du chaos programmé, armé de son M-16 de pacotille…
Vient le « ACTION » du directeur et tout se déclenche en même temps : les acteurs glissent sur leurs câbles, atterrissent (tant bien que mal…) sur l’aile/plateau du vaisseau, les explosions multicolores se succèdent conformément à ce qui est prévu… Et un Vultan déchainé déboule, arme au poing, en gueulant comme un veau : » ZOUUUM ! ZOUUUM !! POUM ! POUM !! TA-TA-TA-TA-TA !!… » !! Et au milieu du bordel, De Laurentiis qui accours : » COUPEZ ! COUPEZ !! ».
Tout s’arrête ; la scène est foutue et tout est à refaire. Le producteur (à priori plus amusé que contrarié) se dirige vers Brian Blessed, qui ne comprend pas se qui se passe : » Brrrian, Brrrian (accent Italien prononcé, apparemment)… Il n’y a pas besoin de faire les bruits ! On ajoutera le son après, au montage… ». Hilarité générale, et un acteur shakespearien (pas mal mortifié, quand même) qui s’est fait là un souvenir impérissable.
Voilà. Cette anecdote montre bien les deux versants assez extrêmes du films, avec d’un côté une ambiance de tournage à la rigolade, un état d’esprit bien fun et léger, et de l’autre un total manque de compétences professionnelles pour la réalisation d’un blockbuster SF ! Ce joyeux bordel se ressent du coup vachement au visionnage !