
LES PLUS GRANDS MONSTRES DE L’UNIVERS
– UNIVERSAL MONSTERS 2ème PARTIE –
Chronique des films de monstres du studio Universal
2ème partie : LA MOMIE, L’HOMME INVISIBLE, les suites de FRANKENSTEIN, DRACULA, LE LOUP-GAROU et LE FANTÔME DE L’OPÉRA
Date de sortie des films : 1932-1943.
Genre : Fantastique, horreur, gothique.
Niveaux d’appréciation :– À goûter
– À déguster
– À savourer
SOMMAIRE :
- LA MOMIE
- L’HOMME INVISIBLE
- LE MONSTRE DE LONDRES
- LA FIANCÉE DE FRANKENSTEIN
- LA FILLE DE DRACULA
- LE FILS DE FRANKENSTEIN
- LE LOUP-GAROU
- LE FANTÔME DE L’OPÉRA
Voici la suite de notre article sur les films de monstres produits par le studio Universal dans les années 30 et 40. Plus communément nommés les Universal Monsters.
Après vous avoir dressé un panorama de la série, après avoir chroniqué DRACULA, FRANKENSTEIN et DOUBLE ASSASSINAT DANS LA RUE MORGUE, soit les trois premiers Universal Monsters, nous allons à présent passer en revue pas moins de huit films emblématiques de cet âge d’or du cinéma fantastique.
La liste est subjective, mais ne fera pas l’impasse sur les films majeurs de l’époque.

Le retour de Karloff !
LA MOMIE (THE MUMMY), par Karl Freund (1932) –
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LA MOMIE est le quatrième film de la Universal dans le registre de l’HORREUR.
L’horreur. Voyons… Que reste-t-il de cette notion dans LA MOMIE près de 100 ans (!) après sa sortie ? Revoir le film aujourd’hui, peut-être encore davantage que les autres films estampillés Universal Monsters, nous fait prendre conscience à quel point la perception de l’horreur est relative dans l’histoire du Septième Art. En effet, LA MOMIE a complètement perdu cette dimension aujourd’hui.
Mais la question mérite d’être posée : Les films d’horreur d’aujourd’hui auront-ils encore le moindre impact dans 100 ans ? Ceci étant dit, on peut revenir sur cette version originelle de 1932. Car ses qualités formelles sont encore bien présentes.
Le réalisateur Karl Freund était chef opérateur sur DRACULA et FRANKENSTEIN. Il confère ainsi à son film toute l’esthétique qui a imposé leur succès, basée sur l’expressionnisme et ses contrastes clairs-obscurs. Plastiquement, c’est incontestable, le film demeure somptueux. Qui plus-est, les maquillages sont toujours effectués par Jack Pierce et le grand Boris Karloff incarne encore le monstre de l’affiche, distillant charisme, stature et présence monolithique avec son génie habituel. Parallèlement au Frankenstein sous lequel se dissimulait l’acteur, jamais une momie ne sera finalement aussi réussie, aussi « vivante », aussi douloureusement humaine…

Boris Karloff : Le premier « Walking Dead » !
À l’époque de sa sortie, le film en imposait tout particulièrement car il s’inspirait de la « Malédiction de Toutankhamon« , qui avait défrayé la chronique quelques années auparavant. L’imaginaire gothique qu’exhalait alors la lointaine Égypte avec ses sarcophages maudits faisait réellement peur et la seule évocation de la momie pétrifiée revenant à la vie terrorisait le monde occidental. À ce titre, ceux qui s’intéressent un tant soit peu à la figure de la Momie dans l’histoire du cinéma constateront à quel point ce premier film sur le sujet demeure le plus épuré et le plus réaliste de tous ! Aucun effet grotesque, aucune prose ampoulée, aucune mise en scène outrageusement théâtrale ne vient gâcher le spectacle. Alors oui, le film ne fait aujourd’hui plus peur. Mais miraculeusement, de par son équilibre et sa justesse de ton, son interprétation principale et son épure conceptuelle, il ne fait toujours pas rire…

Jack Pierce, ou le génie du maquillage.
Construit sur un schéma narratif similaire à celui du DRACULA de Tod Browning réalisé un an plus tôt (un monstre défie la mort afin de revivre son amour par delà le temps), le film de Karl Freund aura posé les bases de toute une mythologie maintes fois reprise, et pas seulement au cinéma, puisque E. P. Jacobs s’en inspirera directement pour son célèbre MYSTÈRE DE LA GRANDE PYRAMIDE.
Alors, bien que le film ait vieilli, souffrant d’un rythme hiératique et d’une atmosphère bavarde propre aux premiers films de l’ère du parlant, bien que sa dimension horrifique ait disparu, LA MOMIE demeure le classique absolu dans le genre des monstres pétrifiés revenant à la vie…

Tout est dans le titre…
L’HOMME INVISIBLE – 
(THE INVISIBLE MAN), par James Whale (1933)
C’est le sixième film de la série, tourné après THE OLD DARK HOUSE (une autre réalisation de James Whale). Il s’agit de l’adaptation du roman éponyme de H.G. Wells.
L’histoire est celle de Jack Griffin, un jeune scientifique qui invente en secret la formule d’invisibilité. Ne parvenant pas à trouver l’antidote et victime de la curiosité de ses concitoyens, Jack perd peu à peu la raison et tombe dans une folie meurtrière, poursuivi par ses pairs, dans un fatal engrenage.
La grande réussite du film tient à la fois de la solidité exceptionnelle du scénario, du rythme implacable de la mise en scène, et bien entendu de la qualité intemporelle des effets spéciaux, aujourd’hui encore quasi-indécelables ! Lors du tournage, le mot d’ordre à propos de ces effets spéciaux était que le spectateur devait « voir » l’homme invisible ! La terreur se révélait ainsi dans cette présence d’autant plus inquiétante et intense qu’elle restait invisible…
Contrairement à d’autres, je ne prétendrais pas que le film n’a pas pris une ride. Le jeu des acteurs a vieilli, les scènes d’exposition et les scènes de dialogue souffrent d’un style ampoulé aujourd’hui obsolète. Mais la réussite n’en est pas moins là, au point de faire de ce sixième long métrage l’un des meilleurs de la série, et l’un de ceux qui aura effectivement le mieux traversé l’épreuve du temps.

Voyez l’Homme-invisible !
Je reste aujourd’hui ébahi par la qualité des films d’horreur de la Universal, qui bénéficiaient alors d’un traitement luxueux que le genre ne retrouvera presque jamais par la suite (à part sur des grandes relectures baroques comme le DRACULA de F.F. Coppola). C’est ainsi qu’à la beauté des décors et à la qualité de la mise en scène, venait toujours s’intégrer une toile de fond scénaristique passionnante, à l’épaisseur incontestable. L’HOMME INVISIBLE marche ainsi sur les traces de Dr JEKYLL & Mr HYDE, nous mettant en garde contre les dangers d’une science employée sans conscience, faisant ainsi honneur au roman originel de H.G. Wells.
Mention spéciale à la scène finale, poignante et magnifique, qui dévoile enfin les traits de l’acteur Claude Rains, demeuré jusque-là invisible.
Le film connaitra un nombre incalculable de suites, tout en restant le meilleur de tous…

The first one !
LE MONSTRE DE LONDRES – 
(WEREWOLF OF LONDON), par Stuart Walker (1935) :
Le pitch : Le Dr. Glendon, un botaniste, monte une expédition dans le fin-fond du Tibet afin de trouver une fleur extrêmement rare, qui ne fleurit qu’au clair de lune… Il se fait mordre par un loup-garou et ramène sa malédiction à Londres…
LE MONSTRE DE LONDRES est le neuvième film de la série. Mais surtout, il s’agit du premier film de loup-garou de l’histoire du cinéma (si l’on ignore trois autres films antérieurs, réalisés à l’époque du muet…).

Un premier loup-garou au poil !
Il faut dire qu’avec le recul, ce LE MONSTRE DE LONDRES ne brille pas beaucoup au milieu d’une série de films à la splendeur visuelle et iconique incomparable. Face aux autres films d’horreur de la Universal, il fait vraiment pâle figure autant du point de vue visuel que de la mise en scène, plutôt plate et sans saveur. À aucun moment les décors parfaitement gothiques du Londres nocturne et brumeux ne sont utilisés, et le film a d’ailleurs probablement été tourné dans les studios californiens ! C’est très décevant lorsque l’on pense aux superbes images que le réalisateur (un artisan à la carrière très moyenne) ne nous offre jamais.
Il est probable que la production ait tout misé sur le maquillage du monstre, réalisé par Jack Pierce, le grand spécialiste du studio. Il s’agit naturellement d’un loup-garou à l’ancienne, « humanoïde », à savoir l’acteur principal (Henry Hull) richement maquillé.
C’est ainsi que ce premier film sur la lycanthropie sera éclipsé dans la mémoire cinéphilique par celui réalisé six ans plus tard par George Waggner (THE WOLF MAN), qui imposait une splendeur visuelle, une toile de fond shakespearienne et un décorum nettement supérieurs…

Man made wants to love
LA FIANCÉE DE FRANKENSTEIN – 
(THE BRIDE OF FRANKENSTEIN), par James Whale (1935)
Dans le FRANKENSTEIN de 1931, le monstre, joué par Boris Karloff, était laissé pour mort. Cette suite démarre exactement au moment où le film précédent s’était arrêté et nous révèle qu’il a survécu à l’incendie du moulin. Il convoque le même casting, auquel viennent s’ajouter quelques acteurs, comme Ernest Thesiger, qui interprète le Dr Pretorius.
Unanimement célébré par les critiques comme étant l’un des plus grands chefs-d’œuvre de l’histoire du cinéma, cette séquelle est également considérée comme la suite la plus réussie de tous les temps (avec STAR WARS : L’EMPIRE CONTRE ATTAQUE). En tout point supérieur au premier, le film nous bouleverse avec une créature plus humaine et plus pathétique qu’elle ne le sera jamais dans aucune autre adaptation. Bénéficiant d’un rythme plus soutenu, de la musique du grand Franz Waxman, d’un scénario plus riche et d’une fin bien plus dense, LA FIANCÉE DE FRANKENSTEIN garde, près d’un siècle après sa sortie, toute sa fraicheur et sa puissance émotionnelle.

To love to love to love !
Les images expressionnistes installent d’emblée un climat envoûtant, baroque, tragique, à peine entamé par les hurlements comiques de la vieille rigolote de service sensée détendre l’atmosphère (la même que dans <span style= »text-decoration: underline; »>L’Homme Invisible</span>, au passage).
<span style= »text-decoration: underline; »>La Fiancée de Frankenstein</span> demeure évidemment le sommet de la série des Frankenstein, qui déclinera à partir du film suivant, et par extension la meilleure adaptation, tout medium confondu, du roman originel. Il faut dire que James Whale confère à son œuvre un sous-texte d’une richesse remarquable qui sera copié ensuite par toutes les générations successives de cinéastes, traumatisés à la fois par le fond et la forme de cette référence ultime : La peur de l’inconnu, la vanité humaine, l’intolérance que génère la différence et la dictature de la normalité, le besoin d’exister à travers l’amour et le regard des autres, la science et ses limites éthiques, le refus de la mort… Une richesse thématique souvent copiée, certes, mais combien de fois égalée ?
Pas de doutes, voilà un des grands chefs-d’œuvre de l’Histoire du 7° art.

Le poids de l’héritage.
LA FILLE DE DRACULA – 
(DRACULA’S DAUGHTER), par Lambert Hillyer (1936)
Le pitch : Le Comte Dracula est mort. Marya Zaleska, sa fille, vient brûler son corps, espérant ainsi être libérée de la malédiction puisqu’elle est elle-même un vampire. Mais il semblerait que la malédiction soit tenace…
Douzième film de la série, LA FILLE DE DRACULA est la suite directe du DRACULA originel, avec Béla Lugosi. En revanche, Lugosi ne joue pas dans le film, contrairement à ce que prétendaient la plupart des affiches racoleuses de l’époque ! Ici, c’est l’actrice Gloria Holden, au physique très slave, qui interprète le monstre.
Les scénaristes s’inspirent vaguement de L’INVITÉ DE DRACULA, une courte nouvelle écrite par Bram Stocker dans laquelle Jonathan Harker fait la connaissance d’une femme-vampire en Transylvanie. Cette figure féminine est ici reprise comme un prétexte (« et si c’était la fille de Dracula ?« ).

I don’t wanna be Dracula’s daughter !
Cette suite forme une sorte de boucle avec le premier film, puisqu’elle est construite sur le schéma inverse : Le récit débute à Londres et s’y déroule en majeure partie sous une forme de huis-clos entre une poignée de personnages, avant de se terminer en Transylvanie dans les dix dernières minutes. L’acteur Edward Van Sloan reprend le rôle du professeur Van Helsing et le film commence au moment même où ce dernier vient de planter un pieu dans le cœur du Comte Dracula, que l’on aperçoit dans son cercueil (un mannequin avec un masque de cire reprenant les traits de Béla Lugosi !).
Pour l’essentiel, LA FILLE DE DRACULA souffre des mêmes défauts que le film de 1931 : Il s’agit d’un enchaînement de séquences extrêmement bavardes et statiques, hormis les dix minutes dans lesquelles l’action se situe en Transylvanie, où l’on reprend d’ailleurs les mêmes décors que le film original. L’esthétique gothique et les images au noir et blanc expressionniste sont bien présentes, mais sous-exploitées puisque la majeure partie de l’action se déroule dans les pièces de quelques maisons londoniennes qui procurent un résultat apathique proche des pièces de théâtre.
Il s’agit donc d’une suite en forme de film mineur perdu au milieu de la prestigieuse série des Universal Monsters. Elle sera de toute manière plus ou moins « oubliée » par le studio puisque plus tard, à partir de HOUSE OF FRANKENSTEIN, le Comte Dracula et son cercueil réapparaitront, comme si ce dernier n’avait jamais été brûlé par sa fille, à laquelle il ne sera d’ailleurs plus jamais fait allusion…

Quelle affiche !
LE FILS DE FRANKENSTEIN – 
(SON OF FRANKENSTEIN), par Rowland V. Lee (1939)
Le pitch : Vingt cinq ans après les événements de FRANKENSTEIN et LA FIANCÉE DE FRANKENSTEIN, Wolf, le fils du Baron Von Frankenstein, revient dans son château natal. Son retour est extrêmement mal perçu par les villageois, qui craignent qu’il succombe à son héritage et réanime le Monstre. Arrivé dans son domaine, Wolf fait la connaissance d’Ygor, le vieil assistant de son père. Celui-là même qui, jadis, déterrait les morts…
LE FILS DE FRANKENSTEIN est le troisième film de la série des FRANKENSTEIN, et le dernier interprété par Boris Karloff, dans le rôle du monstre. Bien que plastiquement superbe, c’est le moins réussi des trois « Karloff ». Le casting est pourtant exceptionnel, qui réunit Basil Rathbone, fraichement auréolé de son interprétation pour le rôle de Sherlock Holmes dans la première version du CHIEN DES BASKERVILLE ; Lionel Atwill, et le duo de monstres Boris Karloff/Béla Lugosi, ce dernier interprétant le maléfique bossu Ygor.

La splendeur visuelle comme atout majeur de la série.
Les décors sont particulièrement soignés et majestueux, de même que l’éclairage tout en ombres portées. Le film souffre toutefois de plusieurs défauts qui le soumettent à la comparaison par rapport aux deux films précédents. Tout d’abord, le script aligne les incohérences pour ceux qui ont vu les deux premiers segments. Par exemple, le prénom du Baron a changé (Henrich à la place d’Henry), ainsi que celui du bossu (qui devient Ygor à la place de Fritz) ! Et le château, censé être une vieille forteresse médiévale, ressemble à une architecture futuriste ! Le scénario n’était pas prêt lorsque le tournage commença et il dû être réécrit de nombreuses fois avant la fin. En découle un récit un peu décousu, bavard et souvent répétitif.
L’autre élément qui le fait un peu rougir de cette comparaison est bien évidemment l’absence de James Whale, le réalisateur des deux premiers films. Son sens de la parabole et sa sensibilité théâtrale exacerbée, qui en faisaient un auteur de premier ordre, ne se retrouvent pas dans cette troisième partie, qui ne décolle jamais vraiment, malgré ses grandes qualités de mise en forme et d’interprétation.
Le film est à prendre comme une très belle compilation des éléments fondateurs de la série des Universal Monsters : Décors et atmosphère gothiques et expressionnistes, acteurs taillés pour les rôles ténébreux. Mais dans le fond, il reste une œuvre mineure.

Under the bad moon…
LE LOUP-GAROU – 
(THE WOLF-MAN) par George Wagner (1941)
Le pitch : Larry Talbot est de retour chez lui après dix-huit ans d’absence. Il doit prendre la suite du domaine de son père, riche propriétaire terrien, après le décès de son frère ainé. Sitôt arrivé, il se heurte à moult superstitions sur le mythe du loup-garou…
Ce second film sur le thème de la lycanthropie impose une très belle affiche, avec Lon Chaney Jr. dans le rôle principal, Claude Rains et Béla Lugosi pour le reste du casting luxueux.
Les années 40 sont déjà éloignées de l’âge d’or du cinéma horrifique de la Universal. De ce point de vue, le film ici présent vient relancer l’intérêt pour les monstres, avec panache et élégance. Le maquillage de la « bête », toujours signé Jack Pierce, marque les esprits, de même que l’interprétation hallucinée de Lon Chaney Jr, fils de son illustre géniteur…
L’opinion publique a longtemps décrié les performances du fils, considérant que par rapport à son père (un génie incontestable du 7° art), il faisait bien pâle figure. Mais manifestement, les connaisseurs ont fini par réhabiliter son talent, qui dissimulait, derrière une bonhomie pataude, une réelle épaisseur. Soit un exemple flagrant de la malédiction de l’héritage chez les artistes, toutes catégories confondues…

La malédiction…
Fidèle à la magnificence des films du studio mythique, LE LOUP-GAROU mêle sa beauté plastique à une toile de fond d’une belle richesse, qui fait écho aux tragédies grecques, dans lesquelles les hommes étaient victimes d’un engrenage fatal, qui plongeait les héros et tout leur entourage dans la destinée la plus dramatique. Ainsi, le thème de l’animal qui sommeille en chacun de nous est-il exposé avec emphase, frappant le héros pourtant enclin à la plus grande bienveillance, mais qui succombe aux tentations matérielles de la chair lorsqu’il en vient à convoiter la belle de ces lieux… L’ombre de Shakespeare plane ainsi sur les protagonistes, notamment lorsque le père de Larry (Claude Rains) décide de prendre sa destinée en main, jusqu’à devenir lui-même l’instrument ultime de la malédiction…
Le scénario convoque également quelques légendes européennes parmi les plus gothiques, dans la grande tradition de la série.
Ceci étant dit, je m’inscris un peu en faux par rapport à ceux qui considèrent LE LOUP-GAROU comme un chef d’œuvre absolu. Je trouve, mais ce n’est qu’un avis personnel, que le script de Robert Siodmack, malgré sa densité, regorge d’incohérences. Les apparitions du monstre souffrent d’une mise en scène qui manque d’implication viscérale. Les décors de studio baroques trahissent un aspect factice envahissant. Et l’on peine à retrouver la puissance minimaliste des films de la décennie précédente.
Néanmoins, il convient de reconnaitre que toute la mythologie lycanthrope de l’Histoire du cinéma en découle, son influence ayant marqué l’inconscient collectif d’une pierre blanche, et de manière particulièrement tenace, au point qu’il demeure éternellement l’archétype du genre. Un très beau remake lui sera consacré en 2010 : WOLFMAN de Joe Johnston.

Fantôme d’opérette…
LE FANTÔME DE L’OPÉRA – 
(PHANTOM OF THE OPERA), par Arthur Lubin (1943) :
Cette adaptation de 1943 est la seconde effectuée d’après le roman homonyme de Gaston Leroux, après le mythique LE FANTÔME DE L’OPÉRA de 1925, et la première réalisée en technicolor.
Le film s’impose d’ailleurs comme l’un des seuls tournés en couleur dans la série des Universal Monsters.
Cette luxueuse version est loin d’être la meilleure, aussi bien en ce qui concerne son sujet que par rapport aux autres films de la série. Bien contents de profiter des somptueux décors de la précédente adaptation (avec Lon Chaney Sr, réalisés d’après les croquis d’un graphiste français qui connaissait parfaitement les lieux !), les géniteurs de ce remake ont eu l’idée de tout miser sur cette reconstitution grandeur nature de l’Opéra Garnier, qui fut réemployée à l’envie dans tous les films hollywoodiens qui s’y prêtaient…
Ainsi, l’essentiel de l’intrigue expose les représentations lyriques en long, en large et en travers, reléguant celles dévolues au Fantôme à de très succinctes apparitions. L’idée aurait pu se tenir si les séquences en question étaient réussies. Mais pour des problèmes de droit liés aux difficultés inhérentes au conflit mondial, le studio ne réussit pas à adapter de vrais airs d’opéra, et confia au compositeur Edward Ward (alcoolique notoire) le soin d’en écrire de sa main, tout en récupérant quelques extraits de concertos et autres symphonies libres de droit… Le résultat est assez calamiteux et, notamment lors de la scène d’introduction, c’est davantage à une opérette qu’à un grand opéra que le spectateur a l’impression d’être convié !
Le second écueil vient du fait que, allez savoir pourquoi, les producteurs ont eu l’idée d’employer les services de l’un des réalisateurs attitrés des deux nigauds Abbott & Costello (duo d’acteurs comiques dont on parle plus loin dans l’article) : Arthur Lubin, qui de son côté, a cru bon d’imprégner son film d’une sérieuse dose d’humour lourdingue ! Évidemment, cet humour plombe rapidement le film et l’on se demande quand l’interprète du rôle du fantôme, le grand Claude Rains, va enfin venir nous épouvanter…

Bon, les deux comiques, vous pouvez laisser la place au fantôme maintenant ?
À l’arrivée, LE FANTÔME DE L’OPÉRA version 1943 est une adaptation bling-bling qui ne recèle que de très rares moments de grâce (en gros, lorsque Claude Rains n’apparaît pas, le film ressemblerait presque à une comédie de Luis Mariano…). Paradoxalement, il fut, lors de sa sortie, l’un des plus grands succès remportés par le studio (les spectateurs, paraît-il, étaient morts de rire !) et réussit à décrocher deux oscars (photographie et décors), en grande partie motivés par l’emploi du technicolor…
La reconstitution des lieux demeure tout de même rigoureuse, notamment lors de la grande scène dans de laquelle le fantôme fait tomber le grand lustre central sur le public, qui voyait alors les spectacles en pleine lumière, car davantage intéressé par les spectateurs mondains que par la pièce elle-même (de nos jours, faites une visite guidée de l’Opéra Garnier, on vous expliquera tout) !

Le retour de Claude Rains !
En 1962, le roman de Gaston Leroux connaîtra une nouvelle adaptation par le studio Hammer. Puis une autre par Dario Argento en 1999. Mais sa plus belle adaptation demeure probablement la sublime comédie musicale écrite par Andrew Lloyd Webber, jouée à Londres et à Broadway (certainement le plus beau spectacle qu’il m’ait été donné de voir). Un film en fut d’ailleurs tiré en 2004 par Joël Schumacher. On peut encore ajouter à cette liste la plus belle adaptation officieuse du mythe (davantage une variation sur le sujet plutôt qu’une adaptation au sens propre) : Le PHANTOM OF RHE PARADISE de Brian De Palma !
Je vous donne à présent rendez-vous dans la troisième partie de notre article pour vous parler encore de films de monstres…
1ère partie : L’histoire des Universal Monsters + les trois premiers films
2ème partie – Vous êtes ici : LA MOMIE, L’HOMME INVISIBLE, les suites de FRANKENSTEIN et de DRACULA, LE LOUP-GAROU et LE FANTÔME DE L’OPÉRA
3ème partie : Les crossovers !
4ème partie : Les Outsiders !
5ème partie : Les suites de LA MOMIE, de L’HOMME INVISIBLE, les Deux Nigauds et L’ÉTRANGE CRÉATURE DU LAC NOIR
See you soon !!!