
LE ROI DE LA PEUR
Introduction à l’univers des adaptations des oeuvres de Stephen King sous les médiums télévisuel et la bande-dessinée.

Au départ : des livres…
Cet article est une introduction sur l’œuvre de Stephen King dans le registre des adaptations, principalement au cinéma et à la télévision (car il y a aussi des comics).
Maître du fantastique et de la peur, grand Manitou des geeks, spécialiste du suspense et des ambiances à mystères, celui que l’on surnomme le « King » est avant tout un créateur littéraire de premier plan. Boudé par l’intelligentsia et l’élite du monde de la littérature dite « sérieuse » (celle qui n’aime pas la littérature de genre et plus généralement le domaine du fantastique), le bonhomme n’a pas attendu d’être reconnu par ces mêmes élites pour nous livrer une œuvre d’une richesse sans égale dans la création contemporaine.
Parce qu’il plait avant tout aux marginaux de la contre-culture, aux fans d’histoires à donner le frisson et à tous les garnements du monde entier, sa présence à C.A.P était d’emblée une évidence. Cet article n’est donc que la partie immergée de l’iceberg, car il sera complété de toute une série de chroniques mettant en lumière, à chaque fois, une des adaptations de l’œuvre de Stephen King en particulier.
Je vous propose, pour le moment, un tour d’horizon afin d’explorer les thèmes de prédilection qui parcourent l’œuvre de l’écrivain. Et ce à travers quelques films soigneusement sélectionnés…
Alors soyez prêts à trembler dans vos chaumières, pauvres mortels !

Premières versions, au cinéma et à la Télé…
Pourquoi les films ? Et pourquoi pas directement les livres ?
J’entends d’ici les puristes grincer des dents tout en se préparant à m’immoler sur l’autel impie de la dénaturation, parce que les œuvres de Stephen King, ce sont avant tout ses romans et ses nouvelles !
C’est vrai.
Toutefois, cela fait à présent une cinquantaine d’années que ses écrits sont publiés et qu’ils sont adaptés sur un écran (CARRIE, son premier roman, est publié en 1974 et adapté au cinéma deux ans plus tard à peine !), qu’il soit petit (la télévision) ou grand (le cinéma) !
Les adaptations de l’œuvre de Stephen King, ce sont avant tout des noms prestigieux comme ceux de Stanley Kubrick, John Carpenter, Brian De Palma, David Cronenberg, Tobe Hooper, George A. Romero ou Rob Reiner. Aucun doute, la chose est depuis longtemps sortie du cadre du livre pour devenir des images, des icones totalement épanouies dans l’art multimédia et la culture geek. Au point que l’écrivain lui-même se soit adonné à l’exercice de ses propres adaptations à maintes et maintes reprises, allant même jusqu’à s’essayer à la mise en scène (le film MAXIMUM OVERDIVE), au jeu d’acteur (CREEPSHOW) et à l’écriture du scénario (nous y reviendrons dans les autres articles).
Ainsi, on peut l’écrire, le dire et même le crier sans risque : Stephen King et les adaptations, ce sont des épousailles réussies qui s’apprêtent à fêter leurs noces d’or. Et il est fort probable que ce mariage survive à l’écrivain lui-même, tout comme ses livres…
Si aujourd’hui il n’est nullement question de minimiser la valeur des livres pour eux-mêmes (certains étant de toute manière quasiment inadaptables), il est néanmoins possible de célébrer celle de leurs adaptations comme une communion de tous les médias (on en trouve donc également au rayon des comics), et un terrain de prédilection pour nous, les amateurs de récits de genre…

Deuxièmes versions, uniquement à la Télé…
Les pendules ayant été remises à l’heure, on peut à présent se pencher sur ce qui fait la richesse de l’œuvre de notre écrivain favori : Ses thèmes.
Les histoires écrites par Stephen King, ce sont effectivement des thèmes constamment recyclés en boucle. En voici le florilège :
– L’enfance.
– La séparation entre le monde des adultes et celui des enfants.
Ces deux premiers thèmes, liés, vont traverser l’œuvre du King et revenir à maintes reprises, qu’ils soient développés de manière frontale ou au contraire sous-jacente, voire traités en arrière-plan.
– Les relations entre la littérature et le réel.
Ou lorsque l’écrivain donne corps à ses fictions par le pouvoir de l’écriture.
– Le problème des addictions.
Stephen King a souffert d’une longue et pénible période d’alcoolisme et autres dépendances, expérience qui a donc nourri plusieurs de ses récits, parfois dans le simple sens du détail, dissimulé au milieu d’une histoire plus vaste.
– Le charme vénéneux de la région du Maine et de la Nouvelle-Angleterre.
C’est la région natale de l’écrivain et celle où il a passé la majeure partie de sa vie et fondé sa famille. Le Maine est un état du nord de l’Amérique dominé par les forêts, qui distille une évidente fascination, comme l’ensemble de cette région de la Nouvelle-Angleterre dans laquelle se trouve également Providence (dans le Rhode Island), la ville natale d’un certain H.P. Lovecraft, un écrivain dont Stephen King est un héritier assez évident.
– Les dissonances au sein de la cellule familiale
– La critique sociale par le biais de la vie dans les petites villes
– La maison maudite
– Le mal qui s’immisce dans le quotidien d’une bourgade
– La forêt comme métaphore de la peur de l’inconnu
– Le mal incarné dans une comptine pour enfants
Tous ces thèmes, même s’ils n’en ont pas l’air, sont liés sous la bannière d’un autre thème majeur de l’œuvre du King :
– La fragilité de l’équilibre social américain
Ainsi, plus d’une nouvelle ou un roman traite du mal qui s’immisce dans le quotidien d’une bourgade et on retrouve le thème dans ses adaptations (ÇA, SALEM, LE BAZAAR DE L’ÉPOUVANTE, LA TEMPÊTE DU SIÈCLE). Qu’une maison soit maudite et c’est toute la ville qui devient contaminée (SALEM), sinon les rapports entre les gens et le monde (ROSE RED). Que l’écrivain utilise le décor de la forêt comme métaphore de la peur de l’inconnu (SIMETIERRE, LES TOMMYKNOCKERS, STAND BY ME, DREAMCATCHER) et, là encore, c’est tout l’équilibre d’une famille, d’un groupe ou d’une ville qui est renversé. La science-fiction et les extraterrestres sont toujours abordés non pas comme une fin, mais comme un moyen de développer, par exemple, la peur de grandir (DREAMCATCHER) ou, de nouveau, la critique sociale par le biais de la vie dans les petites villes (LES TOMMYKNOCKERS). Ce sont toutes ces paraboles sous-jacentes qui dénoncent la fragilité de l’équilibre social américain, où les aspects négatifs de la nature humaine en général sont exacerbés face à la moindre perturbation surnaturelle.

C’est parfois même plus célèbre à la TV qu’au cinéma…
Bien entendu, tous ces thèmes peuvent se dédoubler, se décliner et s’enrichir de tout un tas d’itérations corolaires. Par exemple, dans « ÇA », les adultes qui ne remarquent rien de ce clown démoniaque venu tourmenter et dévorer leurs enfants expriment la cécité d’une société qui s’est détournée des valeurs humaines élémentaires (l’entraide, la protection du plus faible) en se réfugiant (tout comme dans SALEM) dans l’ignorance, par pure lâcheté. Une fois encore, tout l’équilibre social s’écroule face aux manifestations surnaturelles.
Dans SHINING, l’intrigue horrifique n’est que le vernis derrière lequel se dresse une éprouvante toile de fond sur la détérioration de la cellule familiale. L’hôtel (de nouveau une maison maudite), qui isole cette famille du reste du monde social et la confronte à elle-même, canalise ainsi toutes les menaces qui pulvérisent son équilibre (l’alcoolisme, les déviances du quotidien comme la maltraitance de l’enfant due aux colères parentales, l’effritement des sentiments amoureux, la précarité financière et la perte de confiance). Là aussi, le fantastique qui s’immisce dans le quotidien vient imploser son équilibre précaire.
Toujours dans la lignée de la Maison maudite, on peut voir certains personnages tisser des liens malsains avec leur demeure (SALEM, SHINING, ROSE RED et LE JOURNAL D’ELEN RIMBAUER), qui développera de manière vengeresse et ostentatoire toutes leurs malveillances inconscientes.
Le thème de l’Écrivain en quête de rédemption se substitue également de manière fréquente à celui des relations entre la littérature et le réel. À maintes reprises (LA PART DES TÉNÈBRES, DÉSOLATION ou SAC D’OS), King met en scène le personnage d’un écrivain qui cesse d’écrire, sortant ainsi du confort de l’imaginaire afin de lutter contre le mal de façon concrète. Une manière pour l’auteur lui-même de signifier, entre les lignes, ses regrets et ses angoisses de ne pas vivre pleinement le réel durant toutes ces longues heures passées à écrire… Mais le thème de la littérature qui se mêle au réel, l’écrivain donnant corps à ses fictions par le pouvoir de l’écriture demeure néanmoins
l’un de ses thèmes favoris (SHINING, MISERY, LA PART DES TÉNÈBRES, FENÊTRE SECRÈTE, CHAMBRE 1408, BAG OF BONES, LES AILES DE LA NUIT, LYSEY’S STORY).

Beaucoup de matière à adadpter !
Tous nos prochains articles dédiés à Stephen King se focaliseront à chaque fois sur un récit emblématique de l’écrivain, et de ses adaptations au cinéma et/ou à la télévision. Nous en profiterons à chaque fois pour vérifier la thèse selon laquelle l’œuvre de Stephen King est d’une richesse sans commune mesure et qu’elle demeure, comme nous l’aimons à C.A.P, une preuve bien réelle que la littérature de genre, et par extension ses adaptations sous les médiums visuels, c’est aussi de la culture de qualité…
See you soon !!!
Bravo pour cette initiative Matt + Tornado.
Longue vie au BAC !
Merci ! Tu restes le boss ! 😉
En même temps il poste sur un article nommé LE ROI DE LA PEUR…