Les années 1990/1992
Chronique du volume DÉCAPITÉES
Date : 1990 – 1992
Auteur : Junji Ito
Genre : Horreur
Publication VF : 2025
Éditeur : Mangetsu
Dans cette 3ème partie consacrée au mangaka d’horreur Junji Ito, nous allons nous pencher sur le volume DÉCAPITÉES. Toujours dans l’optique de chroniquer ses travaux dans un ordre relativement chronologique (autant que le sommaire des albums puisse le permettre). Cette fois, ce volume regroupe 12 histoires courtes toutes écrites entre 1990 et 1992.

LE FIL ROUGE DU DESTIN (1990)
Ishii se fait plaquer par sa petite amie et voit ensuite apparaitre sur son corps des fils rouges. Comme le fil rouge de l’amour qui, rappelons le, est une légende orientale. Mais là le fil devient visible et se multiplie sur tout son corps comme s’il était parcouru de coutures qui se promènent sous sa peau. Ishii va tenter de couper ce fil mais rien n’y fera, et le médecin de son école n’aura pas d’explication non plus. Plus les jours passent et plus il va ressembler à une pelote de fil.

Pelote d’amour !
C’est une histoire curieuse. On peut ressentir du malaise face à une transformation corporelle inarrêtable et face à laquelle les professionnels de santé n’ont aucune réponse. On peut interpréter ce phénomène surnaturel comme un caprice du destin qui refuse que les deux personnes se séparent avec un fil qui se déroule de plus en plus alors que les anciens amants s’éloignent (surtout que le jeune homme a un mal fou à tourner la page.) C’est original mais assez déroutant. L’idée est simple et se satisfait bien du format court, et on peut voir ce fil qui envahit le corps du malheureux comme une prison ou une malédiction qu’il s’inflige lui-même. Sympa, mais sans plus.

LE VIEUX VINYLE (1990)
Nakayama écoute une chanson envoutante sur un vinyle chez une amie. Obnubilée par ce chant, elle va voler le disque et alors que son amie la poursuit pour récupérer son bien, Nakayama la tuera par accident en la frappant avec une pierre. Curieusement à peine ébranlée par ce qu’elle vient de faire, elle va ensuite chercher une platine pour lire le disque et tomber sur un vendeur dans une boutique de disques. Là, elle va comprendre que le disque appartenait au gérant et que son amie décédée avait elle aussi volé le disque. Elle va finir poursuivie par le gérant du magasin, puis plus tard par des clients d’un bar dans lequel elle aura joué la musique. Mais pourquoi une telle obsession pour ce disque ? Selon un client du bar, il s’agirait du chant d’une artiste qui venait de décéder et dont la voix s’est pourtant fait entendre une dernière fois.

L’irrésistible chant de la mort
Une idée originale pour une histoire qui s’achève de manière un peu abrupte. Junji Ito a tendance a faire des fins abruptes lors de ses histoires courtes, parfois juste après une révélation et sans se soucier du destin de ses personnages (ils peuvent être sur le point de mourir). Cela fonctionne pour certains récits très simples et mystérieux traitant d’une malédiction inéluctable. Et techniquement, c’est un peu le cas ici avec cette idée de chant d’outre tombe qui hypnotise tout le monde au point de devenir leur raison de vivre et leur faire perdre tout sens moral. Mais Junji Ito touche justement du doigt un concept qui semble plus profond, trop profond pour une histoire courte, avec cette idée d’appel de la mort irrésistible. On aurait espéré un meilleur développement, peut être en récit apocalyptique avec une folie de masse, des émeutes engendrées par la musique…en bref exploiter cette obsession partagée par tous les humains. Or, le récit s’achève lorsqu’il devient intéressant, dès que le disque passe dans d’autres mains que celles de Nakayama. Un peu court, jeune mangaka ! Mais bonne idée de fond.

UNE INFINIE GÉNÉROSITÉ (1991)
Un hypnotiseur de renom est engagé pour faire en sorte de modifier le comportement d’un riche industriel cruel et égoïste qui exploite ses subalternes et bat son fils. L’hypnotiseur y parvient une nuit, puis disparait. Bien des années après, il revient constater que le fils de cet homme (autrefois battu) distribue des cadeaux dans la rue, des figurines de bois à l’effigie de son père. Étonné, l’hypnotiseur va comprendre que son envoutement a été pris un peu trop à la lettre lorsqu’il a introduit dans l’esprit du riche industriel l’injonction qu’il « donne davantage de sa personne ». Cela s’est visiblement traduit par une obsession pour créer des figurines à son effigie pour les distribuer en cadeaux aux gens. Si l’objectif a malgré tout été rempli en transformant cet homme en quelqu’un de plus doux, ses cadeaux que son fils continue à distribuer même maintenant qu’il est décédé, ne plaisent à personne. Et son fils se fait chasser et ridiculiser par les passants dans la rue.

Des cadeaux qui ne plaisent pas
Une histoire plutôt ratée hélas. La faute à un concept encore moins exploité que celui du VIEUX VINYLE. Cette idée de faire de quelqu’un d’égoïste et horrible un homme généreux mais d’une façon forcée et malhabile pouvait avoir du potentiel. En le faisant finir comme un pariât alors qu’il a de bonnes intentions, cela peut s’apparenter à une critique de la nature humaine prête à repousser et humilier quelqu’un de doux simplement parce que ses cadeaux ne sont pas assez jolis ou utiles. Mais c’est un bien curieux choix d’utiliser le fils comme souffre douleur plutôt que l’industriel directement concerné (l’auteur donne une explication mais c’est un peu bancal.) Et quelle est la morale ? Bah rien. La fin verse dans le surnaturel lorsqu’un phénomène se produit avec les figurines à l’effigie du père, mais on ne sait pas trop où l’histoire veut en venir. Dommage.

LE PONT (1991)
Une jeune femme rend visite à sa grand mère qui vit dans une maison isolée dans les bois, vestige d’un village abandonné. Sur le pont près de sa maison, elle va apercevoir toute une procession d’habitants, en état avancé de décomposition, scandant le nom de sa grand mère. Celle-ci expliquera à sa petite fille que ce sont les fantômes de ses anciens voisins et amis qui l’appellent depuis l’au-delà. Même si la grand-mère sait que son heure est bientôt venue, elle est terrifiée à l’idée de subir le rituel autrefois réservé aux défunts de ce village. En effet il était de coutume de laisser dériver les corps le long du fleuve, sur un tatami, et de voir s’ils passaient sous le pont et pouvaient rejoindre l’au-delà ou s’ils chutaient dans le fleuve sans jamais pouvoir trouver la paix. Peu de temps après avoir conté son histoire, la grand-mère meurt. Quel sort lui sera-t-il réservé ?

Le pont des damnés
Une histoire réussie au concept simple mais efficace sur la crainte de rejoindre des âmes en peine égarées qui errent encore autour de nous. Un pur récit d’horreur sans message de fond particulier. Mais on n’en demande pas plus à ce genre d’histoire. Certains sont déçus des courts récits de Junji Ito car ils regrettent un manque de substance. Mais il y a rarement de substance dans les récits d’horreur, si ce n’est des morales simples et des concepts tournant autour du pécheur punit par là où il a péché (comme dans les EC comics). Junji Ito supprime souvent cette notion de morale, et il n’y a pas de punition divine pour les méchants. Il met surtout l’emphase sur l’insignifiance de l’être humain face aux règles naturelles ou surnaturelles de l’univers. Ce qui font de ses histoires des récits parfois tristes ou traumatisants parce que rien ne semble juste. C’est un peu le cas ici avec une conception de l’au-delà peu engageante.

LE CIRQUE EST LÀ (1991)
Un cirque arrive dans un petit village. C’est un véritable évènement tant il y a peu d’activités dans cet endroit reculé, et une bonne partie du village se rend à la représentation. Mais rapidement quelque chose d’anormal se passe. Les numéros sont tous plus catastrophiques les uns que les autres, se terminant souvent par la mort de l’artiste qui trébuche, rate son lancé de couteau, chute du trapèze, etc. Une véritable hécatombe. Seule la magnifique jeune funambule et le gérant du cirque (monsieur Loyal) restent. Quant au public, tétanisé, il ne peut s’empêcher de rester pour la jeune femme. Qu’est-ce qui se cache derrière ce spectacle pitoyable qui ne semble pas déranger leur monsieur Loyal ?
Rien d’extraordinaire ici, si ce n’est un plaisir coupable à voir des numéros de cirque échouer lamentablement. Mais difficile de dire si c’est de l’humour noir de la part de l’auteur ou non. Le récit n’est pas vraiment effrayant, il ressemble plutôt à une comédie satirique. Je ne sais pas si Junji Ito déteste le cirque ou si c’est l’inverse, mais l’explication derrière les morts à répétition des artistes est surtout un prétexte pour ridiculiser les numéros de cirque.

LE NID DE FRELONS (1991)
Takano, un jeune homme qui collectionne des nids d’insectes rencontre un étrange garçon qui semble avoir le don surprenant d’être en harmonie avec les insectes qui ne l’attaquent pas même quand il déplace leur nid. Ce garçon ne fait pas une collection mais va poser les nids ailleurs, dans une grotte, à l’abri des humains. Takano, lui, il s’en fout des insectes, il veut juste des nids. Vêtu d’une tenue de protection, il va aller retirer les nids de la grotte secrète du garçon et alors que ce dernier va essayer de l’en empêcher, Takano va le tuer plus ou moins par mégarde. Des gens vont se questionner sur la disparition du garçon, des rumeurs vont courir comme quoi il aurait été assassiné et enterré dans la forêt. Takano prend peur qu’on découvre son méfait et prévoit d’aller déplacer le cadavre la nuit suivante. Mais le moment venu, le destin va lui jouer un mauvais tour.

Pas mauvais, mais voilà typiquement une histoire qui au contraire aurait gagné à être plus courte. La majorité de l’histoire est en réalité un flash back durant lequel on apprend que Takano est un meurtrier. Et non seulement on perd trop de temps avant cette révélation, mais en plus celle-ci n’est même pas vraiment traitée comme telle, au point qu’on se demande pourquoi on a voulu nous le cacher. L’histoire aurait pu commencer par nous montrer Takano commettre son crime, puis continuer par un flash back pour nous présenter ce qui l’a conduit ici. Le final est cependant réussi avec un twist à la TALES FROM THE CRYPT bien trouvé et dérangeant. Pour le coup ce récit est plus moral (chose rare pour l’auteur) avec le coupable puni par le surnaturel, d’où le sentiment de lire un EC comics. Mais c’est un peu long juste pour ça.

LES PLANS (1991)
Un couple sans argent cherche un endroit pour passer sa nuit de noces et se retrouve dans une ville remplie de cartes et dont l’entière population se perd à longueur de journée. En effet, comme l’explique un habitant, de la même manière que la composition du sol de certans lieux empêchent le fonctionnement des aimants, il y a quelque chose dans cette ville qui perturbe la « boussole » interne des humains. Et curieusement depuis quelque temps, quelqu’un s’amuse à gribouiller sur les plans, rendant leur lecture impossible. Il y a également d’étranges annotations faisant état de la présence d’un trésor enfoui quelque part. Le couple étant le seul à avoir le sens de l’orientation, il va s’en servir pour trouver ce trésor, avant d’être poursuivi par les habitants de la ville. Pour leur échapper, ils vont alors gribouiller les plans. Ah, tiens ! Étrange, non ?

Un labyrinthe de l’esprit
Le récit fonctionne plutôt bien même s’il reste obscur sur pas mal de points. L’étrangeté du lieu ne semble pas se limiter à une influence néfaste sur le sens de l’orientation des habitants. La vandalisation des plans commencée avant même l’arrivée du couple qui se poursuit ensuite à leur initiative laisse supposer qu’il y a des anomalies temporelles également dans la ville. Si la fin est prévisible (à votre avis il va se passer quoi pour le couple de protagonistes qui détruit les plans ?), l’idée est cependant plutôt bonne avec une ambiance paranoïaque efficace. Mais là encore on pourra trouver que le concept est sous-exploité car trop de phénomènes bizarres n’ont aucun développement (qui a indiqué la présence d’un trésor sur une carte ? Si c’est quelqu’un qui l’aurait déjà trouvé auparavant mais que le trésor était revenu en place, ça pourrait valider l’hypothèse à peine esquissée d’anomalie temporelle). Je ne demande pas une explication, mais au moins une certitude de l’existence du phénomène. En l’état, c’est un peu trop brouillon.

DÉCAPITÉES (1991)
Monsieur Okabé est un professeur et sculpteur amateur qui travaille dans le club d’art d’une école. Un jour, il est retrouvé assassiné, sans sa tête. Il avait un apprenti, le jeune Shimada, lui-même membre du club, qui l’aidait dans ses travaux. Depuis le meurtre, Shimada agit bizarrement et porte toujours un masque médical devant sa bouche. Rumi, une amie de Shimada s’inquiète et va se rendre avec lui dans l’atelier d’Okabe pour en apprendre davantage. Cette histoire on ne peut plus simple bénéficie d’un concept horrifique assez efficace visuellement. Par contre, la narration laisse un peu à désirer parce que beaucoup trop prévisible. Trop d’indices nous font comprendre la chute.

A en perdre la tête
Il aurait été facile de ne pas dévoiler les sculptures sur lesquelles travaillait Okabe pour préserver un effet de surprise (au lieu de ça on les voit en couverture et dans le titre). La fin est également un peu abrupte, même s’il faut admettre qu’il n’y avait plus rien à raconter. C’est une de ces fins sans pitié pour les personnages qui s’arrêtent avant même de nous montrer leur mort, renforçant leur aspect inévitable. Cependant l’idée de départ et le traitement graphique en font un récit macabre assez fort et pour une fois, particulièrement gore. L’idée peut aussi s’inscrire dans les mythes animistes du Japon qui prête aux objets des esprits et en l’occurrence ces statues ont été créées « handicapées », justifiant la tournure des évènements. Sympathique pour l’effet choc la première fois, mais pas assez mémorable.

LA FLEUR DE L’ÂGE (1991)
Des jeunes filles assez peu gâtées par la nature physiquement deviennent progressivement de plus en plus belles, telles des fleurs qui éclosent. Mais alors qu’elles atteignent une beauté divine, elles se flétrissent, faiblissent, et meurent. Elles sont comme les éphémères (qui était le titre de la précédente traduction). Une légende urbaine se répand alors prétendant que le seul moyen de ne pas mourir serait de prendre la vie d’une autre jeune fille chaque mois. Que sont prêtes à faire ces jeunes filles pour rester belles ?

Cette histoire est un nouveau concept étrange mais particulièrement intéressant qu’on peut voir comme une métaphore sur le caractère éphémère de la jeunesse et la beauté du corps, et qui questionne jusqu’où les gens sont prêts à aller pour préserver ce don. Le personnage principal est une fille pas très jolie qui voit son amie (pas très jolie non plus) devenir de plus en plus belle mais également de plus en plus cruelle. Et l’histoire se termine en nous laissant penser que cette étrange maladie se répand, annonçant les prémices d’une fin de l’humanité. C’est une des meilleures histoires de ce recueil.

FRISSONS (1991)
Un jeune homme découvre que sa jeune voisine souffre d’une étrange « maladie » : elle est pleine de trous sur sa peau. Comme une ruche humaine. Mais elle ne semble pas souffrir. Et les blessures ne saignent pas. Ce qui le choque, c’est qu’il se souvient que son grand-père souffrait du même mal et qu’il a fini par en mourir. Il va découvrir le journal intime de son grand-père et en apprendre davantage sur la possible origine de cette affliction surnaturelle. Elle semble impliquer une très vieille statue en jade et un mystérieux médecin.
Voilà une histoire fort réussie, avec une ambiance un peu Lovecraftienne pouvant rappeler « l’appel de Cthulhu », jusque dans la narration en partie épistolaire avec le journal du grand-père qui révèle le passé d’un phénomène mystérieux et d’une idole maudite en forme d’insecte qui provoque l’apparition de trous sur le corps de son possesseur.

Malédiction ancestrale
Le visuel est également super efficace, avec une transformation physique développée au point où l’auteur parle de l’étrange bruit que ferait le vent en traversant les trous et le froid dont souffre les victimes à cause de leur corps poreux. C’est une histoire de malédiction efficace, à vous donner des frissons justement, en particulier à ceux souffrant de trypophobie. Un camarade du personnage principal va se mettre en tête de dérober l’objet pour se faire de l’argent. Mauvaise idée. L’étrangeté de la transformation, et l’absence de souffrance physique malgré un état physique supposé mortel fait naitre un sentiment efficace d’inconfort chez le lecteur. Encore du body horror ingénieux qui ne sombre pas dans le gore, et des images percutantes.

LES ÉPOUVANTAILS (1991)
Un homme plante un épouvantail devant la tombe de sa fille pour ennuyer son ex-amant (à la fille, hein !) qu’il n’a jamais apprécié. Seulement voilà…peu à peu, au fil des jours, l’épouvantail va prendre les traits de la jeune fille. Devant un tel spectacle, tous les habitants en deuil vont décider de planter un épouvantail devant la tombe de chacun de leur proche dans l’espoir de revoir des visages qu’ils chérissent.
Alors là c’est du bon ! Chef d’œuvre ! Très belle histoire à la fois poétique et malsaine car elle aborde le sujet du deuil difficile et de la complaisance des gens à rester attachés à une image de ce qu’ils ont perdu. Car les épouvantails restent des épouvantails. Ils ne parlent pas, ne bougent pas, ce sont juste des sortes de cadavres qui ne se décomposent pas.

Malaise émouvant
C’est un concept à la fois morbide mais également émouvant, dont se dégage une sorte de poésie. Il n’y a pas de jugement de la part de l’auteur. Le thème du deuil est quelque chose qui revient souvent dans les œuvres de Junji Ito, et peut être les seules histoires qui contiennent de la bienveillance. Ceci dit, Ito n’oublie pas qu’il est aussi là pour nous faire frissonner et nous gratifie en supplément d’une histoire d’assassinat résolue post-mortem avec un épouvantail qui va prendre le visage d’un petit garçon figé en une expression effrayante qui semble regarder son meurtrier depuis l’au-delà. En bref, une idée géniale et très bien racontée.

DERNIÈRES VOLONTÉS (1992)
Taeko, une jeune fille ayant récemment appris qu’elle avait été adoptée, se suicide en se jetant sous un train, en laissant une lettre maudissant une personne inconnue. Sa sœur Hiroko va se demander si la malédiction de sa sœur lui était destinée, car elle l’a longtemps provoqué et martyrisé. Mais refusant de croire que les chamailleries de sœurs puissent justifier une telle haine, elle va se renseigner auprès des amies de sa sœur si elle pouvait en vouloir à quelqu’un d’autre. Il y aurait bien une autre fille, Keiko, mais celle-ci avait déménagé depuis des mois et les deux rivales avaient donc cessé de se fréquenter. Pourquoi un suicide après tout ce temps dans ce cas ? Puis soudainement, le fantôme ensanglanté de Taeko se manifeste dans la demeure familiale, terrorisant sa sœur et ses parents. Est-ce que Taeko nourrirait réellement une rancœur terrible envers sa famille adoptive, ou s’agit-il encore d’autre chose ?

Drama familial
Une histoire de fantôme sympathique, moins cruelle que d’habitude pour du Junji Ito. Avec un twist qu’on ne devine pas et qui se révèle bien écrit. Comme souvent dans les histoires japonaises impliquant des fantômes, ces derniers ne sont pas des formes éthérées invisibles mais un croisement entre un mort-vivant tangible et un esprit capable de flotter. Les manifestations de ce revenant sont la composante visuelle horrifique de cette histoire. Et là encore, on a vu pire. C’est une histoire plus soft pour l’auteur, presque « jolie » (ce qui n’est pas un reproche) dans laquelle personne ne meurt (bon bah…à part la suicidée du début, quoi…) Mais un récit réussi tout de même.
En conclusion ce volume est un peu mi-figue mi-raisin, avec quelques très bonnes histoires, mais d’autres assez oubliables. Il serait cela dit dommage de passer à côté de certaines d’entre elles comme LES ÉPOUVANTAILS, LA FLEUR DE L’ÂGE, LE PONT, FRISSONS ou même DERNIÈRES VOLONTÉS. Comme souvent dans les recueils anthologiques, il y a à boire et à manger. Mais il est vrai que ce volume est moins équilibré que l’était LE DÉSERTEUR.

Le « docteur » de FRISSONS
On peut reconnaître à Ito que même quand ses histoires ne sont pas à la hauteur, il nous livre des idées fraiches, inventives et parfois vertigineuses. Il n’y a guère qu’une poignée d’auteurs d’horreur qui savent inventer des concepts horrifiques véritablement effrayants sans incidents de parcours. Ici, Ito échoue à plusieurs reprises en testant des concepts ayant du potentiel mais sans trop savoir comment les développer. Par rapport aux histoires du DÉSERTEUR, on constate qu’il cherche moins à véhiculer un message de fond (ce qui n’est pas un reproche en soi) mais plus à créer un malaise avec des idées terrifiantes, en se reposant davantage sur son dessin. Et son dessin s’est en effet amélioré comme en témoigne un récit comme FRISSONS par exemple. Seulement voilà, les récits qui échouent sont plus oubliables sans sujet de fond derrière pour relever le niveau.