WITCH DOCTOR
Chronique du comics : WITCH DOCTOR
Date de publication : 2011
Auteurs : Brandon Seifert (scénario) et Lukas Ketner (dessin)
Genre : Horreur, Comédie
Éditeur VF : Delcourt
WITCH DOCTOR est scénarisé par Brandon Seifert et dessiné par Lukas Ketner. La série est publiée en 2 tomes en VF, contenant les épisodes WITCH DOCTOR #0 à #4, le one-shot RESUSCITATION puis les épisodes #1 à #6 de WITCH DOCTOR : MALPRACTICE
Ouvrez la bouche et faîtes « aaaah »
C’est un comics indépendant publié entre 2011 et 2013 qui emprunte beaucoup au cinéma d’horreur des années 80 et ses ambiances gores et gluantes, comme les films FROM BEYOND, HELLRAISER ou RE-ANIMATOR, eux-mêmes souvent inspirés des récits de H.P Lovecraft. Et le comics ne cache pas non plus son amour pour les bestioles Lovecraftiennes étranges.
D’ailleurs, tout commence dans la ville d’Arkham (qui pour ceux qui l’ignorent, est une ville fictive inventée par H.P Lovecraft, dont le nom sera plus tard repris par les auteurs de BATMAN pour nommer l’asile d’Arkham. Les protagonistes sont le docteur Vincent Morrow, et ses assistants Eric Gast, infirmier, et Penny l’affreuse, une jeune femme qui partage son corps avec un démon nécrophage qui a le pouvoir d’anesthésier les gens avec ses griffes. En fait, avant d’être l’assistante de Morrow, Penny était une patiente. Car la spécialité du docteur Morrow, c’est d’exorciser ou soigner toutes sortes de « maladies » liées à des possessions démoniaques, des parasites gluants de l’enfer ou autres trucs complètement dégueulasses et bizarres.
On notera au passage le nom amusant de Penny en VO : Penny Dreadful. Tiré d’une célèbre expression britannique (aussi reprise pour le titre de la série TV PENNY DREADFUL avec Eva Green), l’expression « A Penny Dreadful » (que l’on pourrait traduire en français par « un roman à deux sous ») a évolué pour finalement désigner des publications privilégiant les sensations fortes et vendues à un prix plus que modique. Soit un clin d’oeil direct au type d’oeuvre qu’on est sur le point de lire : du divertissement horrifique ne réinventant pas la roue, mais fun.
Le quotidien du Witch Doctor
Le ton choisi par les auteurs est celui de la comédie. Même s’il est évident qu’il ne faut pas mettre ce comics entre toutes les mains pour cause d’éclaboussures de sang et de mucus nauséabond, de corps dévorés et autres monstres écorchés répugnants, il s’agit d’une comédie d’horreur.
Le personnage de Vincent Morrow est une sorte de mélange entre Dr House pour son caractère un peu cynique et prétentieux, et le Dr Strange pour son côté mystique et la nature de ses travaux. Il possède divers artefacts qui lui permettent de faire face à certaines créatures démoniaques, comme une épée anti-démons qui « apprend » à tuer, ou un parapluie orné de symboles qui repoussent les démons. Mais il ne peut pas toujours soigner tout le monde. Penny en est un exemple. Elle et Morrow ont un deal : Morrow lui fournit à manger (donc parfois les corps des bestioles) et Penny lui file un coup de main quand c’est nécessaire. Car la miss est dangereusement forte. Cet arrangement offre du temps à Morrow pour trouver un moyen de la séparer de son démon.
Penny et sa dualité humaine/démon
Le comics se présente comme une succession de courtes histoires. Morrow et ses assistants vont sauver un enfant qui attire les démons, comme si son système immunitaire était vulnérable à la possession. Ils vont enquêter sur un bébé très étrange qui s’avèrera être un enfant de fée qui a été échangé à la maternité (les fées sont d’horribles bestioles aussi dans ce comics), ils vont étudier une créature du Lac noir et tomber sur un culte d’hommes-poissons. Beaucoup de choses tirées de l’univers de Lovecraft avec notamment la mention des Archaeons, des énormes créatures aux pouvoirs immenses qui sont venus à l’aube des temps et ont éradiqué les dinosaures, et sont à présent en sommeil (s’ils ne portent pas le nom d’Arhaeons chez Lovecraft, il s’agit clairement des grands Anciens.) Tout ceci est traité évidemment de manière plus légère puisqu’on est dans une comédie horrifique.
A un certain point, on va apprendre l’existence de l’Université invisible, une sorte de conseil qui distribue les licences mystiques et auquel Morrow a des comptes à rendre. Il n’est donc pas le seul docteur mystique. Morrow rencontrera notamment Catrina Macabrey, une femme séduisante qui travaille sans licence et qui a ramené à la vie sa fille mort-née Ophelia sous forme d’ectoplasme qui ressemble à un bébé déformé. Evidemment cela fait partie de l’humour de la série de voir ces personnages faire des trucs dingues de ce genre. Lorsque Morrow lui demandera pourquoi elle a fait ça, Catrina lui dira seulement « parfois c’est difficile de tourner la page ». En tous cas ce nouveau personnage féminin ne laissera pas notre bon docteur indifférent même s’il ne voudra surtout pas le reconnaître.
Oui ce truc, c’est un enfant de fée
Les personnages sont développés au fil des histoires. On aura l’occasion de comprendre que malgré son grand savoir, Morrow est nul socialement avec les gens, et surtout le sexe opposé. Et on en apprendra davantage sur Penny et son conflit intérieur avec sa partie démon et sa partie humaine. L’infirmier Eric Gast est le type le plus rationnel, celui avec lequel on découvre un peu cet univers puisqu’il ne travaille pas depuis longtemps pour Morrow. C’est un peu le personnage qui se rapproche le plus du lecteur.
Le tome 2 contient la seconde mini série qui est une suite directe WITCH DOCTOR : MALPRACTICE. Il contient également un one-shot THE RESUSCITATION qui fait le lien entre les deux séries. C’est notamment dans ce récit qu’apparait le personnage de Catrina.
Un docteur plus à l’aise avec les démons qu’avec les femmes
Cette fois la 2ème série ne raconte qu’une seule histoire, plus longue, dans laquelle Morrow est confronté à un « collègue » sorcier. Morrow se retrouve la cible d’une dénommée Charlotte Fever qui est infectée par un Strigoi (à la base c’est une sorte de vampire ou de mort-vivant dans le folklore roumain, mais dans le comics c’est un ver qui remplace la langue.) Seulement cette femme ne semble pas consciente qu’elle est infectée, et a parfois des absences. Notamment quand le ver prend le contrôle. Mais quelqu’un semble se servir d’elle pour infecter Morrow. Pendant ce temps, des gens sont retrouvés assassinés par des monstres que le docteur identifie comme une Soucouyant (Dans le folklore des Caraïbes, la Soucouyant est une vielle femme qui retire sa peau la nuit et, sous l’apparence d’une boule de feu avec un visage, entre dans les maisons et suce le sang de ses victimes.) et un Penanggalan (un vampire du folklore de l’Asie du Sud-est comme les Philippines ou l’Indonésie, et qui se caractérise par une tête flottante d’où pendouille les boyaux qui se détache de son corps pour aller dévorer les fœtus dans le ventre des mamans.) En gros les plus mignons des obscurs monstres de mythologies peu connues.
Il va s’avérer que ce sont les assistants du sorcier Peter Tiberius Nostrum qui sont maudits et ce trio de vilains essaie de dérober des secrets au bon docteur. L’intrigue menace cette fois dangereusement la vie de Morrow, il y a une évolution des rapports entre les personnages, un passage de baston « mystique » entre la forme astrale du docteur et le Strigoi, et également une jouissive référence à HELLRAISER lorsque Morrow convoque des créatures étranges d’une autre dimension appelés les Chirurgiens. Ils sont détenteurs de secrets mais également extrêmement dangereux et ont clairement une allure de Cénobites.
Nous sommes les chirurgiens. Qui nous a appelés ?
Bref, en gros les antagonistes de ce récit cherchent à se libérer d’une malédiction mais sans devoir en payer le prix et usent de méthodes discutables. Nos héros vont donc devoir les arrêter, aidés de Catrina et aussi de Charlotte une fois qu’ils auront réussi à lui faire comprendre qu’on se sert d’elle.
Bref vous l’aurez compris, c’est du délire horrificomique (oui j’invente des mots si je veux !) très divertissant avec des personnages amusants, un dessin très efficace pas du tout glamour qui convient très bien à l’ambiance. Seul défaut : ce n’est pas plus long. Apparemment ça n’a pas rencontré de franc succès et même si le format « courtes histoires » garantit que vous n’allez pas vous retrouver avec un « à suivre » frustrant à la fin du tome 2, eh bien on aurait apprécié encore de lire quelques histoires avec ces personnages, et peut être avoir une évolution de certains statuts (Penny va-t-elle rester possédée ? Le docteur Morrow va-t-il trouver l’amour ? etc.)
Mais bon ce n’est pas bien grave. Le tome 2 a une conclusion. Et c’est toujours mieux d’avoir une courte série originale que n’avoir rien du tout.
En gros je conseille. Ce n’est pas un chef d’œuvre ni une lecture profonde et intello, mais un très bon divertissement politiquement incorrect à l’humour noir et référentiel. Si vous êtes fan d’horreur, des séries B des années 80, de Lovecraft, c’est un comics à tenter.
Oups, Penny a mangé le corps du Penanggalan
Merci pour cette découverte, totalement inconnue au bataillon en ce qui me concerne.
Je suis agréablement surpris qu’une série (enfin, 2 séries et un one-shot) de ce type ait trouvé preneur en VF, je suis impatient de découvrir ce qui semble être un titre assez foutraque. Hommage aux séries B (mais je prends jusqu’à Z !) des années 80, c’est pour moi !