
* PIZZA POMMES DE TERRE… *
– JUDGMENT DAY, par ALAN MOORE –
Chronique de la série : JUDGMENT DAY, par Alan Moore
Date de publication originelle : 1997
Auteurs : Alan Moore (scénario), Rob Liefeld, Gil Kane + divers artistes.
Genre : Science-fiction, Super-héros.
Éditeur VF : Les épisodes de JUDGMENT DAY ont fait l’objet de deux magazines chez feu les éditions Génération Comics (ancienne version de Panini qui avait également publié les premiers épisodes de SUPREME).
Éditeur VO : Image Comics / Awesome Entertainment

En VF : Deux magazines.
Cet article porte sur la mini-série JUDGMENT DAY imaginée par Alan Moore pour la maison Awesome Entertainment de Rob Liefeld à la fin des années 90.
Soit les épisodes JUDGMENT DAY ALPHA (#1), JUDGMENT DAY OMEGA (#2), FINAL JUDGMENT (#3) et AFTERMATH, publiés initialement de juin à octobre 1997.
Un article a déjà été consacré, sur C.A.P, au run d’Alan Moore au sein de la série SUPREME pour la même maison Awesome Entertainment de Rob Liefeld.

Les arcanes de l’univers Awesome !
Le pitch : Knightsabre, l’un des membres de Youngblood (première et principale équipe super-héroïque de l’univers Awesome), est accusé du meurtre de la jeune Riptide. Meurtre dont il ne se souvient pas puisqu’il était en état de très forte ébriété.
S’ensuit alors, depuis l’enceinte de la Citadelle Suprême à l’intérieur de laquelle tous les héros de l’univers Awesome sont convoqués, un procès qui va prendre des proportions gigantesques. Car, pour mettre à jour une preuve qui viendrait confirmer ou pas la culpabilité de Nightsabre, la solution se trouverait dans un mystérieux livre relatant tous les événements super-héroïques survenus à travers les différentes époques de la Terre version Awesome.
C’est ainsi que le lecteur va remonter le temps et découvrir les origines, le passé et l’histoire de cet univers partagé…

Du super-héros qui tâche…
Après avoir confié à Alan Moore la série SUPREME, Rob Liefeld va rapidement demander au créateur de WATCHMEN d’imaginer les origines de son univers partagé Awesome. L’idée est d’écrire une mini-série relatant l’histoire de cet univers, depuis ses origines à l’aube du temps jusqu’à nos jours (en 1997, date de la publication de la dite-mini-série pour être plus précis).
La mission est de grande envergure : Déconstruire puis reconstruire les fondations de l’univers Awesome en offrant une origine globale et cohérente à tous ses personnages, puis créer un nouveau terreau afin de les engager dans une toute nouvelle direction. Dans l’idée, bien sûr, nul autre qu’Alan Moore ne pouvait être l’homme de la situation !

Et quand ça tâche, on a du mal à s’attacher…
Le scénariste va ainsi imaginer une trame tentaculaire à base de procès, renvoyant chaque accusation ou chaque simple instruction, via des flashbacks, à diverses époques du passé, mettant en scène des dizaines de personnages super-héroïques inventés pour l’occasion, avec le leitmotiv du mystérieux livre comme dénominateur commun…
Alors que la série SUPREME permettait de réinterpréter l’univers partagé DC Comics et l’histoire de Superman en particulier, JUDGMENT DAY fera sans cesse référence à l’univers partagé Marvel. À cette occasion, Alan Moore va puiser dans les recoins les plus obscurs de cette mythologie et invoquer des références non pas à Spider-man ou aux 4 Fantastiques, mais à des personnages moins connus ayant évolué dans le passé. Ses choix se portent la plupart du temps sur des personnages à la résonnance universelle, comme par exemple un ersatz de Conan le barbare (devenu une icône générique de l’heroic fantasy) ou un autre évoquant Ka-zar, c’est-à-dire, par extension, Tarzan ou n’importe quel autre bon sauvage héroïque…

Bram le Berserk : Un Conan qui ne dit pas son nom…
Évidemment, le docteur es-comics se régalera de reconnaitre toutes ces références cryptiques allant de Black Knight (personnage ridicule ayant fait partie des Avengers) aux Howling Commandos de Nick Fury, en passant par Two-gun Kid et ses pistoleros, en bref, tout un tas de personnages qui peuplaient apparemment le passé de l’univers Marvel.
Le lecteur plus intellectuel féru d’ésotérisme pourra même trouver dans les diverses couches de lecture, notamment dans l’épisode dédié au personnage de Glory, une interprétation de la Kabbale et plus précisément des Sefiroths, ces royaumes symboliques superposés le long d’un arbre géant sacré (plus on monte, plus on se rapproche du divin, et plus on descend, plus on se rapproche du matériel, le dixième royaume, celui d’en bas, étant la Terre des hommes…). Un épisode vertigineux, cryptique et amphigourique à souhait dans la lignée d’un PROMETHEA (qui évoquait déjà la Kabbale), qu’il vaut mieux ne pas lire un soir de fatigue après une dure journée de labeur…

On dirait pas, mais c’est très intello et ça parle de la Kabbale…
Une nouvelle fois, Moore se sert de l’histoire éditoriale d’un éditeur important pour nourrir l’histoire fictive d’un nouvel univers partagé, faisant œuvre de collecte “archéologique” dans le domaine du comic book super-héroïque. Une manière de mettre en lumière la richesse d’un médium qui a réussi à évoluer et à se débarrasser peu à peu de ses naïvetés pour trouver une forme de noblesse à travers certains auteurs talentueux, pour se hisser au rang de véritable mythologie moderne.
Le scénariste est ici accompagné d’une pléthore d’artistes venus se partager le labeur en illustrant chacun une époque du passé de l’univers Awesome. Se succèdent ainsi rien moins que Rob Liefeld, Chris Sprouse, Stephen Platt, Keith Giffen, Adam Pollina, Dan Jurgens, Steve Skroce, Jim Starlin, Terry Dodson, Marat Mychaels, Cedric Nocon, Jeff Johnson, Rick Veitch, Ian Churchill et enfin Gil Kane, à qui l’on offre l’honneur de conclure le récit dans un épisode à sa propre gloire de légende du comic book.

Grim’n gritty…
Alors, après l’article de SUPREME vous allez encore me dire : “Et pourquoi c’est pas un chef d’œuvre” ? D’autant que j’ai lu moult dithyrambes à propos de cette mini-série, fréquemment qualifiée de chef d’œuvre justement, bien que pas grand monde encore avant moi ne s’était risqué à la chroniquer…
Mon avis est donc à prendre pour ce qu’il est : Une critique complètement personnelle et subjective.
Dans l’éditorial consacré aux deux magazines publiés en VF par Génération Comics, Christian Grasse tente de rassurer le lecteur en lui promettant qu’il n’a pas besoin de connaitre les antécédents des héros de cette histoire pour bien comprendre et prendre plaisir à lire ces aventures. Soit le bonhomme était alors d’une mauvaise foi édifiante, soit il venait de se fumer 27 moquettes au moment de sa rédaction. Car très franchement, je n’ai pas saisi grand-chose de toute cette histoire à ma première lecture au milieu de ce maelstrom de personnages flashy et, il faut bien le dire, particulièrement antipathiques (c’était les excès de la période grim’n gritty, quand les auteurs de comics exerçaient leur écriture sans talent : remplacer les personnages vertueux de jadis par de simples connards…) ; de ces bonds dans le temps intempestifs au changement de dessinateurs et de styles constants, pour un résultat très indigeste frôlant dangereusement la migraine carabinée…

Qui veut encore s’infliger du Rob Liefeld aujourd’hui ?
Davantage encore que SUPREME, cette mini-série s’adresse, selon votre serviteur, à des lecteurs bien précis, fans et familiers de l’univers Awesome, et avant tout amateurs de super-héros mainstream basiques et, comme le décrit Christian Grasse dans son éditorial, “In your face”. Car c’était la mode dans les années 90, les lecteurs fans de super-héros recherchant avant tout des histoires prétextes à de l’action principalement représentée par des dessins pleine-page semblant déborder des planches. Et diable que tout cela a extrêmement mal vieilli…
Mon verdict est donc le suivant : Malgré mon admiration sans bornes pour Alan Moore, cette mini-série est au jour d’aujourd’hui son travail que j’ai le moins aimé. Ça reste de la bande-dessinée de qualité, principalement pour son second niveau de lecture et ses nombreuses couches de sous-texte (là aussi, la chose gagnera en plaisir de lecture à chaque nouvelle approche). C’est évidemment largement au-dessus du tout-venant super-héroïque, surtout à l’époque de sa publication et davantage encore au sein de l’univers partagé en question. Mais ça reste avant tout un travail de commande réservé à un public averti, venu à la fois pour lire du Alan Moore, et à la fois pour lire du Awesome. Disons que, pour ma part, je n’étais bien sûr pas venu pour le deuxième…

Le grand Gil Kane pour le mot de la fin, avec une planche à la Moebius.
That’s all, folks !!!

Adonc…
Que penses tu de DEATHBLOW BYBLOWS ou de la mini série VIOLATOR qu’Alan Moore a également écrit, certainement pour payer une pension alimentaire du temps où Image l’avait récupéré en solde?
surtout VIOLATOR, j’vais trouvé ça très…heu…nul?
J’ai VIOLATOR et tout ce qu’a fait Moore pour SPAWN, ainsi que tout son run sur W.I.L.D.CATS, et dans les deux cas je n’ai jamais encore trouvé le courage d’y lire. Et c’est justement à cause de ce JUDGMENT DAY qui était franchement indigeste !
DEATHBLOW BYBLOWS je ne vois même pas ce que c’est…
HA HA HA
De mémoire, c’est pas sur VIOLATOR qu’un se fait une hernie au cerveau.
DEATHBLOW BYBLOWS c’est perché mais assez original mais en même temps peu charismatique et ça tombe à plat. il déconstruit le personnage de DEATHBLOW (mercenaire qui se sachant condamné accepte la mission de protéger le nouveau messie dans l’attente de trouver une rédemption et éventuellement un petit miracle, une série sympa en douze chapitres) en le faisant changer de sexe et d’ethnie. Aujourd’hui ça passerait sur un commentaire méta…. ^^
C’est une période qui va lui servie de laboratoire pour son univers ABC. Tu le souligne ses séries Voodoo, et surtout GLORIA annoncent très clairement PROMETHEA tout comme SUPREME annonce TOM STRONG