
CHRONIQUES VINTAGE
Chronique des débuts de la série SAVAGE SWORD OF CONAN – LES CHRONIQUES DE CONAN
Date de publication : 1971-1976 pour le contenu des trois premiers tomes
Auteurs : Roy Thomas (scénario) John Buscema (dessin) + divers autres dessinateurs.
Genre : Heroic fantasy. Aventures. Fantastique. Dark fantasy.
Éditeur VF : Panini Comics

De vieilles couvertures, bien connues des vieux lecteurs VF de ©Lug
Cet article portera sur la série SAVAGE SWORD OF CONAN, publiée en VF chez Panini Comics dans une collection intitulée LES CHRONIQUES DE CONAN. Nous nous focaliserons sur les trois premiers tomes de cette superbe collection en noir et blanc, qui en compte tente-neuf au total. 39 tomes regroupant l’intégralité d’une série ayant duré vingt-et-un ans, de 1974 à 1995.
SAVAGE SWORD OF CONAN est la grande sœur de la série CONAN THE BARBARIAN. Ces deux séries furent dirigées de concert par le scénariste Roy Thomas jusque dans les années 80, puis le vétéran reprit le contrôle de SAVAGE SWORD OF CONAN dans les années 90, jusqu’à son achèvement. SAVAGE SWORD OF CONAN et CONAN THE BARBARIAN virent de nombreux dessinateurs se bousculer au générique. Mais l’un d’eux se démarqua plus que les autres : “Big” John Buscema.

La VO
“Non” ! C’est ce que répond Stan Lee à Roy Thomas, en 1969, alors que ce dernier propose au taulier des éditions Marvel une adaptation de Conan Le Barbare en une série de comics. Roy Thomas rêve d’adapter l’univers de l’écrivain Robert E. Howard, avec une velléité de s’éloigner des super-héros habituels de la “Maison des idées” pour aborder quelque chose d’un peu plus “réaliste”, destiné à un lectorat moins enfantin.
Toutefois Stan Lee ne voit pas d’un bon œil la publication d’une série à ce point différente des super-héros maison (comme Spiderman ou les 4 Fantastiques). Il faut donc passer au-dessus de sa tête et Thomas doit cette fois convaincre Martin Goodman (alors PDG de Marvel Comics) de payer les droits aux gérants des œuvres de Robert E. Howard !
À force d’obstination, Roy Thomas obtient gain de cause en 1970 et la série CONAN THE BARBARIAN devient ainsi la première du genre en bande-dessinée. Le succès est immédiat. Il faut dire que le scénariste a la chance d’avoir avec lui un jeune dessinateur So british, le grand Barry Windsor-Smith (BWS), qui fait alors ses débuts dans le métier.

CONAN THE BARBARIAN : Les débuts de notre héros dans le monde des comics, sous la houlette du grand Barry Windsor Smith !
Avec le temps, Roy Thomas finira par remporter son pari et offrira au personnage créé par Robert E. Howard un second souffle, rejoignant le panthéon des auteurs ayant apporté au mythe du Barbare ses lettres de noblesse. À partir de 1974, la seconde série THE SAVAGE SWORD OF CONAN, celle qui nous intéresse aujourd’hui, fait son entrée et le succès ira croissant jusque dans les années 80.
La grande nouveauté et la principale différence qui oppose la série THE SAVAGE SWORD OF CONAN à sa petite sœur CONAN THE BARBARIAN, c’est son mode de publication. Car tout comme ce fut le cas avec les comics d’horreur de l’éditeur Warren Publishing (CREEPY, EERIE et VAMPIRELLA), SAVAGE SWORD est publié dans un format-magazine. Soit un dérivé des comic books, son format distinct lui permettant d’échapper à la censure en apparaissant chez le marchand de journaux, non pas aux côtés de BATMAN ou SPIDERMAN, mais plutôt de Playboy !

Les magnifiques couvertures de Boris Vallejo, dans la droite ligne de Frank Frazetta !
La publication de THE SAVAGE SWORD OF CONAN s’étalera ainsi sur plus de vingt ans, et tous les épisodes, jusqu’au début des années 80, seront écrits par Roy Thomas. Le scénariste et les dessinateurs qui l’accompagnent y développeront l’univers visuel du barbare sans recourir à la censure du Comics-code, en s’adjoignant les couvertures de Boris Vallejo, lui-même très inspiré des illustrations du grand Frank Frazetta, qui avait popularisé avec tellement de génie érotique la figure de Conan dans les années 60, en illustrant les recueils regroupant les nouvelles de Robert E. Howard et ses plagiaires.
Le travail de l’équipe regoupée autour de Roy Thomas est d’ailleurs dans la droite ligne d’Howard et de Frazetta. Si le Comics Code Authority l’oblige à édulcorer tout le souffre de cette mythologie dans la série CONAN THE BARBARIAN, elle parvient, dans la série SAVAGE SWORD OF CONAN, à imposer la dimension violente, arride et iconique de “l’âge Hyborien”. John Buscema, en particulier, réussit à saisir une réelle ambiance. Son Conan est une montagne de muscles aux yeux de braise et à l’allure sauvage. L’atmosphère poisseuse et vénéneuse des nouvelles d’Howard est bien retranscrite, sans oublier sa dimension érotique. Soit un monde cruel et angoissant, glauque et viscéral.

Le superbe noir et blanc : Less is more !
Certes, il faut avoir le goût des oldies pour apprécier la chose. À noter que cette collection VF des CHRONIQUES DE CONAN donne la part-belle au noir et blanc, pour un résultat mille fois plus beau que les versions publiées jadis par Lug et consorts, à la colorimétrie relativement fruste !
Bien qu’ils accusent le poids de l’âge et peuvent paraître surannés, il faut reconnaître à ces épisodes un superbe travail de reconstitution mythologique. C’est à travers ces séries que les lecteurs se sont définitivement fait une idée visuelle de la mythologie Hyborienne et de l’heroic fantasy barbare destinée aux adolescents et aux adultes friands d’entertainment. Tous les archétypes du genre ont été entérinés dans les pages de ces comics désormais légendaires. On peut dire de Roy Thomas et de ses collaborateurs qu’ils ont véritablement creusé les sillons de l’heroic fantasy -voire de la Dark fantasy- en bande-dessinée.

Violence, bruit et fureur pour Conan et ses lecteurs !
Il faut préciser par ailleurs que la Fantasy selon Howard est bien différente de celle d’un SEIGNEUR DES ANNEAUX. Il n’y a ni dragons, ni elfes, ni Seigneurs des ténèbres dans le monde de Conan, mais des tribus et des peuplades guerrières plus ou moins civilisées. La magie est bien présente, mais opère davantage dans le monde de l’horreur et du surnaturel : morts vivants et goules côtoient ainsi quelques reptiles géants et des créatures quasi-abstraites, bien plus proches de la Dark Fantasy et du Mythe de Cthulhu (Lovecraft était un ami intime d’Howard) que d’une iconographie à la DONJONS & DRAGONS.
Comparé aux comics de super-héros de l’époque, les séries liées à Conan diffèrent radicalement. Elles sont bien plus violentes. Les personnages s’expriment clairement, dans un langage médiéval poussif mais sans avoir recours aux bulles de pensées. Ils ne se présentent pas eux-mêmes à la troisième personne et ne commentent pas leurs moindres faits et gestes. Et surtout, ils tuent ! Têtes tranchées, personnages brûlés vifs, sang qui gicle et sabres transperçant les corps abondent dans THE SAVAGE SWORD OF CONAN.

Le scénariste Roy Thomas pris en flagrant-délit de bavardage…
Afin d’adapter au mieux son matériel littéraire, Roy Thomas a tendance à les paraphraser en plaçant de nombreux encarts de texte un peu partout dans les vignettes. On a du coup l’impression de revenir à une sorte de version “archaïque” de la bande dessinée, comme dans les TARZAN que le dessinateur Burn Hogarth adaptait dans les années 40. Celui-ci se contentait de mettre le texte d’E.R. Burroughs sur ses dessins, sans aucune bulle de dialogue ! Le travail de Roy Thomas peut parfois rappeler cette période, pour un résultat tout de même plus sophistiqué. Mais soyons sincères : le plus grand plaisir que procurent ces comics réside dans leurs superbes planches en noir et blanc et en grand format !
Nous allons à présent égrainer les trois premiers tomes de la collection LES CHRONIQUES DE CONAN, histoire de plonger dans les débuts de la série, alors qu’elle se cherchait encore et que, paradoxalement, elle était intéressante justement parce qu’elle essayait plusieurs formules, tandis que pas la suite elle deviendra beaucoup plus homogène.

Une version en noir et blanc de la célèbre nouvelle de Robert E. Howard : LES CLOUS ROUGES.
Tome 1 – 1971-1974 :
Contrairement aux suivants, le premier tome de la collection LES CHRONIQUES DE CONAN ne regroupe pas seulement les épisodes de la série SAVAGE SWORD OF CONAN. On y trouve d’autres récits introductifs au monde de Conan mais aussi les cinq premiers épisodes de la série SAVAGE TALES. Cette dernière série était destinée au lancement de certains concepts pour les tester auprès du lectorat. Par exemple, le concept d’une adaptation plus “musclée” dédiée au personnage de Conan s’étant révélé concluant, celui-ci quitta donc les SAVAGE TALES au bout de cinq épisodes pour obtenir sa propre série, à savoir THE SAVAGE SWORD OF CONAN !
On se retrouve pour le coup avec deux bijoux graphiques : LA NUIT DES GÉANTS DU GEL et LES CLOUS ROUGES, dessinés et encrés par le talentueux Barry W. Smith qui, comme précisé plus haut, inaugura la naissance du personnage dans le monde des comics.
Je souligne l’importance de l’encrage, car il est tout à fait décisif dans l’intérêt de cette collection en noir et blanc. Pour en être convaincu, il suffit de comparer tous les épisodes dessinés par John Buscema. Ceux qui sont encrés par Alfredo Alcala, grand maître du noir et blanc gothique en bandes dessinées, se hissent très largement au dessus du lot.
D’autres épisodes, notamment celui dessiné par Neal Adams mais encré par Gil Kane, doivent ajouter une “semi-colorisation” au lavis pour tirer leur épingle du jeu. Mention spéciale à l’épisode entièrement illustré par Tony De Zuniza, somptueux, mais risque de tirer la gueule à la vision des immondes planches de Walt Simonson… Pour le reste, on peut encore admirer les planches très old-school de ces bons vieux Jim Starlin et Al Milgrom !

Le chef d’œuvre de BWS : LA NUIT DES GÉANTS DU GEL.
Tome 2 – 1975 :
1975 est encore l’époque où la série se cherche, car plus tard elle ne proposera que de longs récits adaptant fidèlement les nouvelles originales de Robert E. Howard. Paradoxalement, donc, c’est certainement à cette époque qu’elle est la meilleure, ou à tout le moins la plus originale, la plus fraiche, la plus étonnante. Roy Thomas se permet d’expérimenter toutes les formules et livre des épisodes très intéressants, tantôt en adaptant les récits d’autres écrivains plagiaires d’Howard, comme Lin Carter, tantôt en prenant des libertés avec la mythologie hyborienne. Pour l’anecdote, c’est Roy Thomas qui a amené le personnage de Red Sonja dans l’univers de Conan, car à l’origine, il s’agissait d’un personnage secondaire, une femme mystérieuse apparaissant dans une unique nouvelle, THE SHADOW OF THE VULTURE, dont l’action se situe dans l’Europe du XVIème siècle.
Parmi les neuf récits qui composent cette année 1975, les plus originaux sont également les plus courts. Ma préférence va à l’épisode entièrement dessiné par Alex Nino (LE PEUPLE DE L’OMBRE : PEOPLE OF THE DARK – THE SAVAGE SWORD OF CONAN #6). Il s’agit d’une histoire onirique qui mêle temps présent et passé en faisant coïncider le parcours de Conan avec celui d’un écossais rendu fou d’amour par une femme, éprise d’un autre. L’occasion de pointer les réminiscences mythologiques du monde de Conan de façon très particulière, le tout magnifié par les planches expressionnistes d’Alex Nino, à qui Roy Thomas a certainement dû lâcher la bride…

Le magnifique épisode onirique dessiné par Alex Nino.
Il y a également CHANT DE MORT DE CONAN LE CIMMÉRIEN (DEATH SONG OF CONAN THE CIMMERIAN – THE SAVAGE SWORD OF CONAN #8), qui adapte un poème de Lin Carter en dix pages, mises en images par Jess Jodloman, dont les planches sont laissées à l’état de crayonnés. Au rayon des classiques, LES OMBRES SOUS LA LUNE (IRON SHADOWS IN THE MOON – THE SAVAGE SWORD OF CONAN #4) et LA CITADELLE AU CŒUR DU TEMPS (THE CITADEL AT THE CENTER OF TIME – THE SAVAGE SWORD OF CONAN #7) sortent du lot, notamment grâce au talent combiné de John Buscema & Alfredo Alcala, les dessins du premier se trouvant sublimés par l’encrage du second, tous deux maîtres de leur art.
LA CITADELLE AU CŒUR DU TEMPS est en outre le récit le plus ouvertement Fantasy, plein de magie et de créatures fantastiques. Pour les amoureux du film CONAN LE BARBARE avec Schwarzenegger, l’épisode NAÎTRA UNE SORCIÈRE (A WITCH SHALL BE BORN – THE SAVAGE SWORD OF CONAN #5) fera son petit effet, puisque c’est celui où Conan se fait crucifier sur “l’arbre de la mort”… Dans l’ensemble, la qualité est fluctuante (notons que Sonny Trindad, Tim Conrad, Jess Jodloman, Gil Kane et Pablo Marcos relaient ce bon vieux John Buscema aux crayons), mais 1975 se hisse dans le haut du panier des meilleures adaptations issues du run de Roy Thomas.

Un classique…
Tome 3 – 1976 :
1976 est l’année où le dessinateur John Buscema devient l’artiste attitré de la série. Certains de ses collègues le relaient encore, parfois, mais il dessine tout de même la plupart des épisodes. Tous les épisodes réunis dans le tome 3 sont inégaux mais dans l’ensemble de très bonne qualité. Les récits courts, tels qu’on pouvait encore en lire l’année précédente, ont disparu. Roy Thomas se dévoue de plus en plus à l’œuvre de Robert E. Howard et s’attelle à la tâche d’en livrer des versions de plus en plus fidèles.
Côté graphisme, cette collection des CHRONIQUES est toujours aussi réjouissante puisqu’elle permet d’admirer le travail des dessinateurs dans un somptueux noir et blanc, le tout en grand format imprimé sur un papier de très bonne qualité. Même si la plus-part des histoires sont dessinées par Buscema, elles possèdent un rendu graphique fluctuant selon l’encreur qui les finalise. Celles qui sont encrées par le grand Alfredo Alcala sont de loin les plus belles. Par ailleurs, l’épisode LES HANTISES DE CASTEL POURPRE (THE HAUNTERS OF CASTEL CRIMSON – THE SAVAGE SWORD OF CONAN #12), dessiné par Buscema et encré par Alcala, est probablement le meilleur de ce recueil. Un grand moment de Dark Fantasy qui retranscrit parfaitement l’esprit glauque et poisseux des écrits de Howard !

Dark Fantasy !
La collection va continuer encore sur tente-six autre tomes ! D’autant qu’à partir de l’année 1978, Panini Comics commence par couper chaque année en deux, voire trois tomes. Roy Thomas fera ses au-revoirs en 1981. Mais la série va perdurer encore un moment après son départ et il y reviendra dans les 90’s pour achever son parcours et celui de sa création…
Bref, un pur bonheur vintage, daté, parfois naïf mais pas infantile, graphiquement splendide, et peuplé de créatures mythiques tout au long d’une séries d’épisodes qui ne le sont pas moins.
En réalité, le seul véritable problème de cette collection vient surtout d »une traduction VF très… fluctuante. Malgré tout, elle n’arrivera pas à entacher une compilation vintage aussi fabuleuse ! Par Crom !!!

Reconnaissons que c’était quand même vachement moins bien en couleur !
That’s all folks !!!
Effectivement SWOC c’est du grand art ! (Et oui en noir et blanc c’est mieux qu’en couleur ^^ les versions colirisées par Aredit/Artima étaient d’ailleurs hideuses !)
Par contre ce qui me pose problème avec cette édition Panini c’est que les comics (si je puis dire) ne sont pas toujours publiés intégralement (et parfois pas dans l’ordre) !
C’est l’avantage de la nouvelle publication en omnibus : c’est la 1ere fois que les revues sont présentes en intégralité (avec édito et pub d’époque ^^)
Hello Patrick !
Je ne me souviens pas du désordre de piblication dans cette collection des CHRONIQUES. Mais c’est tout à fait possible. Non, le pire c’est la traduction, en fait…
Pour les omnibus, moi je ne suis quand même pas fan du tout d’avoir un quintal dans les mains en guise de lecture… ^^
Le mieux ça doit rester la publication Hachette, dans l’ordre et en petits tomes, pas en gros omnibus. Et avec quelques améliorations de trad par rapport à Paninouille (comme sur les X-men qu’ils ont publiés)
Bon après…on peut encore faire mieux parce que c’est sur papier mat. En noir et blanc ça passe pas trop mal mais bon…peut mieux faire (encore)