
HOMME ET LOUP, JOUR ET NUIT présente :
* LES MONSTRES DE L’HAMMER : LOUP-GAROU ET
AUTRES MONSTRES DE LA PLEINE LUNE *
Chronique des films du studio Hammer : LA NUIT DU LOUP-GAROU, LA GORGONE, LA FEMME REPTILE + LA LÉGENDE DU LOUP-GAROU
Date de sortie de films : de 1961 à 1975.
Genre : Fantastique, horreur, gothique.
Nos dossiers sur les films de la Hammer :
1ère partie : Les films FRANKENSTEIN
2ème partie : Les films de Vampires 1
3ème partie : Les films de Vampires 2
4ème partie : Les films de Momie
5ème partie – Vous êtes ici : Les films de Loup-garou et autres monstres de la pleine-lune
6ème partie : Dr Jekyll & Mr Hyde, double personnalité et autres potions
7ème partie : Le Fantôme de L’Opéra, les Zombies et ceux qui ne veulent pas mourir
8ème partie : Sorcellerie et satanistes
9ème partie : Thrillers psychologiques
10ème partie : Le Yéti et la trilogie Quatermass

Le Logo qui tue…
Sur les dizaines de films d’horreur produits par la Hammer entre la fin des années 50 et le début des années 70, on trouvera de nombreuses figures issues du grand grand bestiaire du fantastique classique, tel qu’il avait été popularisé par le studio Universal dans les années 30 et 40, comme Dracula, Frankenstein, la Momie, le Loup-garou ou encore le Fantôme de l’Opéra, auxquelles s’ajouteront également Dr Jekyll & Mr Hyde ainsi que les zombies !
Cette 5ème partie portera sur quatre films d’horreur, dont trois produits par le studio Hammer entre 1961 et 1966, ainsi qu’un outsider de 1975, dédiés à la figure du loup-garou et de ses dérivés.
SOMMAIRE :
- 1) LA NUIT DU LOUP-GAROU – 1961
- 2) GORGONE, DÉESSE DE LA TERREUR- 1964
- 3) LA FEMME REPTILE – 1966
- 4) LA LÉGENDE DU LOUP-GAROU – 1975
Niveaux d’appréciation :
– À goûter
– À déguster
– À savourer


La momie. Elle revient et elle n’est pas contente !
1) LA NUIT DU LOUP-GAROU – 
(THE CURSE OF THE WEREWOLF) – 1961
Après avoir lancé toutes les grandes figures du fantastique (Dracula, Frankenstein, la Momie, Dr Jekyll & Mr Hyde), c’est encore Terence Fisher qui réalise LA NUIT DU LOUP-GAROU. Étrangement, c’est le seul véritable film sur le thème du loup-garou de la Hammer, le studio en ayant par ailleurs produit une quinzaine sur le thème du vampire (dont huit dédiés à Dracula (nous avons été obligé de leur consacrer deux articles !)), sept films sur Frankenstein et quatre sur la momie.
Le pitch : L’Espagne, au XVIII° siècle. Parce qu’il joue de malchance en arrivant en plein milieu de la cérémonie de mariage de l’odieux marquis Siniestro, un mendiant se retrouve enfermé dans les geôles du château. Oublié dans sa sinistre cellule pendant des décennies, il finit par devenir fou et par régresser à un certain état animal. Et lorsqu’une servante se retrouve dans sa cellule pour avoir osé repousser les avances du vieux marquis, il la viole.
Quelques mois plus tard, la servante meurt en couche en mettant au monde un petit garçon, prénommé Léon. L’enfant est élevé et adopté par le vieux professeur Alfredo Carido.
Dix ans plus tard, les chèvres de la région sont retrouvées égorgées par un loup sur lequel tire le gardien du troupeau. Le lendemain matin, il faut extirper la balle de la jambe du petit Léon.
Dix ans plus tard, encore, Léon est devenu un homme grand et fort. Il semble avoir vaincu la malédiction du loup-garou grâce à l’amour de ses parents adoptifs. Mais que va-t-il se passer à présent qu’il part découvrir le monde ? un monde nettement plus cruel que sa bienveillante cellule familiale…
Le pauvre Léon aura du sang sur les mains…
Toute la force du film est de faire du neuf avec du vieux, et pas seulement en mettant le mythe du loup-garou sous les feux du Technicolor (jusqu’ici, le loup-garou hantait les classiques de la Universal des années 30 et 40 ainsi que quelques films pour ados dans les années 50, mais ils étaient tous en noir et blanc). Car le script d’Anthony Hinds (qui adapte le roman LE LOUP-GAROU DE PARIS de Guy Endore) apporte une dimension psychanalytique inédite à cette grande figure du fantastique.
Maudit par une ascendance malheureuse, Léon doit ainsi lutter constamment contre sa nature sauvage. Et seuls une bonne éducation et un milieu sain peuvent lui permettre de remporter ce combat intérieur. Soit la métaphore lumineuse de l’homme civilisé, capable du pire comme du meilleur selon sa condition familiale, son éducation, son milieu social, son parcours et ses choix personnels. C’est-à-dire selon le contexte dans lequel il évolue.

Petit Léon deviendra grand ?
Au niveau de la tragédie et de l’horreur, Terence Fisher n’y va pas avec le dos de la cuiller et réalise un film d’une violence extrême pour l’époque. Comme il est de coutume de le faire chez la Hammer, le film est d’une plastique somptueuse, ce qui permet de faire passer les pires horreurs sous le vernis étincelant du gothique flamboyant qui fut sa marque de fabrique.
Par ailleurs, c’est l’époque où le studio britannique ne réalise aucun compromis et aligne les projets et les concepts forts. À ce titre, LA NUIT DU LOUP-GAROU est un véritable diamant noir, un modèle du genre qui parvient à réunir en son sein tous les antagonismes en faisant cohabiter miraculeusement la pire des tragédies et l’horreur la plus glauque avec la grandeur romanesque du récit et la beauté fulgurante de ses tableaux gothiques expressionnistes.
Le script n’épargne ainsi personne et va au bout de la tragédie, au sens grec du terme, sans chercher à séduire le spectateur autrement que par sa brillante mise en forme. Par la suite, les échecs au box-office condamneront la Hammer, peu à peu, à abandonner cette intégrité artistique pour essayer diverses formules, de plus en plus commerciales.

Innocence et sauvagerie animale…
Dans le rôle de Léon, le grand Oliver Reed trouve ici à la fois son premier grand rôle principal (il avait fait une courte apparition dans LES DEUX VISAGES DU DOCTEUR JEKYLL) et l’une des ses plus belles et bouleversantes prestations.
Au rayon maquillage, l’apparence du loup-garou, calquée sur celle de la Universal mais également sur LA BELLE ET LA BÊTE de Jean Cocteau, est une éclatante réussite, l’acteur parvenant à extérioriser une violence doublée d’une innocence impressionnante. Mention spéciale, enfin, au long prologue du film, où l’affreux marquis Siniestro règne sur un banquet de toutes les cruautés et marque ainsi, par un enchainement du destin, l’ascendance maudite du pauvre Léon Carrido. Une séquence démente, d’une intensité cathartique quasiment égale au prologue, indépassable, du CHIEN DES BASKERVILLE (dont on parlera dans un autre article dédié à la figure de SHERLOCK HOLMES).


Entre vert clair et vert foncé…
2) GORGONE, DÉESSE DE LA TERREUR –
(THE GORGON) – 1964
Terence Fisher est de retour pour réaliser GORGONE, DÉESSE DE LA TERREUR. Il retrouve par ailleurs le compositeur James Bernard, ainsi que les acteurs Peter Cushing et Christopher Lee. L’actrice Barbara Shelley, une habituée de ce type de cinéma, participe également au casting.
Le pitch : Dans l’est de l’Europe, autour du lugubre château Borski, plusieurs personnes sont retrouvées mortes, changées en pierre. Le médecin du village, un certain Dr. Namaroff, refuse de céder aux croyances et autres superstitions qui prétendent que l’une des gorgones de la mythologie erre dans les ruines du château, les nuits de pleine-lune (tel le loup-garou, donc…). Mais il semblerait que le bon docteur ne dévoile pas toute la vérité…
D’un côté, GORGONE, DÉESSE DE LA TERREUR se démarque des habituelles productions Hammer dans le sens où le monstre de l’histoire n’est pas issu de la littérature gothique victorienne (comme l’avaient été Dracula, Frankenstein et Dr Jekyll & Mister Hyde), mais de la mythologie grecque. Mais d’un autre côté, il est étonnant de voir à quel point Terence Fisher et son équipe parviennent à plier cette figure mythologique à leur patine habituelle, dans une série de tableaux gothiques dans la plus pure tradition du studio.
Le chef opérateur habituel, Jack Asher, est ici remplacé par Michael Reed, alors que le scénariste John Gilling fait son entrée. Mais ce changement d’auteur et de techniciens ne transparait nullement à l’écran, ce qui démontre à quel point le studio avait réussi à mettre au point une véritable continuité thématique et esthétique, à travers lesquelles se développaient une imagerie gothique somptueuse, aux couleurs flamboyantes, teintée de passionnantes métaphores sur le code moral et les tabous de la société victorienne. Car cette interprétation de la Gorgone est bel et bien une savante métaphore sur le pouvoir sexuel que pourrait exercer une femme sur les hommes, dans la mesure où le code pénal s’effacerait devant la part animale et sauvage de l’âme humaine, qui permettrait ainsi de briser les tabous et les entraves de la société…

Voilà que les grecs vont se faire voir chez la Hammer…
Esthétiquement, le film est un bijou, tirant le meilleur parti de ses décors factices et de sa magnifique photographie, teintée de toute une gamme de verts, allant de l’émeraude à l’ocre, rehaussée par les clair-obscur expressionnistes des scènes de pleine-lune.
Les apparitions du monstre, savamment distillées, sont tétanisantes, bien aidées par la musique de James Bernard, beaucoup plus lugubre et envoûtante qu’à l’accoutumée…
Christopher Lee et Peter Cushing héritent chacun d’un rôle assez inhabituel, à des années lumières des personnages manichéens qui pullulaient alors dans le cinéma horrifique.
Un très bon Hammer, sans doute un peu trop bavard et théâtral, mais une franche réussite pour l’époque, à l’atmosphère unique en son genre. Tim Burton s’en souviendra certainement en réalisant son SLEEPY HOLLOW, tant certaines de ses images semblent sortir directement de cette GORGONE, DÉESSE DE LA TERREUR de 1964…

Ne regardez pas, malheureux !


La femme serpent-garou !
3) LA FEMME REPTILE – 
(THE REPTILE) – 1966
John Gilling passe cette fois au poste de réalisateur à l’occasion, comme le titre français le laisse imaginer, d’une étonnante déclinaison du mythe du loup-garou, transposé au royaume des serpents !
Le pitch : De retour d’un long voyage en Inde, un vieux docteur vit reclus dans son château dans une région reculée des Cornouailles en compagnie de sa fille. Autour d’eux, les habitants sont les victimes d’un abominable monstre, qui les empoisonne la nuit par une morsure au cou. Le châtelain et sa fille seraient-ils eux-mêmes les victimes d’une malédiction ? C’est ce que vont essayer de découvrir les époux Spalding, qui viennent d’hériter d’un cottage sur la lande voisine…

La belle et la bête. Comment ça c’est la même ?
Nous en avions déjà parlé dans l’article dédié aux momies de la Hammer : les films de John Gilling sont reliés par des thématiques récurrentes et une mise en forme plastique étonnamment cohérente, notamment dans cette période où le réalisateur opère pour le cinéma horrifique.
Comme il l’avait déjà développé avec L’INVASION DES MORTS-VIVNTS, John Gilling réitère dans la parabole sociale en inversant cette fois son propos. Si le peuple était victime d’une caste dirigeante à vocation industrielle dans le film précédent, c’est au tour de la bourgeoisie de subir les affres des populations indigènes dans un retour de bâton opéré depuis les colonies. La malédiction prenant sa source depuis les profondeurs de l’Inde…
D’un point de vue plastique, Gilling se démarque de Fisher par une palette de couleurs complètement différente. Si le décor reste celui de la plupart des films du studio (lande brumeuse et château en ombres portées sous le clair de lune), les teintes se parent d’un camaïeu de gris colorés aux dominantes brunes et vertes qui s’oppose aux couleurs vives des films de Fisher, où dominent le rouge, le vert, le mauve et le lilas. Il suffit de comparer GORGONE, DÉESSE DE LA TERREUR à LA FEMME REPTILE pour s’apercevoir du traitement distinct des deux cinéastes sur exactement le même sujet égrainé sur deux films de la même période au sein du même studio, quand bien même le précédent est réalisé par Terence Fisher sur un scénario de John Gilling !

À l’arrivée, LA FEMME REPTILE et sa toile de fond doublée d’une vision mythologique de la virginité pervertie par le mal (où quand la femme blessée se fait monstrueuse sous l’aspect de l’animal l’ayant jadis corrompue dans le jardin d’Eden !) s’impose néanmoins comme un grand classique du cinéma d’horreur et comme une pièce maitresse du studio Hammer.


L’affiche envoie du bois. Le film, lui…
4) LA LÉGENDE DU LOUP-GAROU – 
(LEGEND OF THE WEREWOLF) – 1975
Le pitch : Au 19ème siècle, en France, une meute de loups tue un couple de bohémiens dans la forêt et élèvent leur nouveau-né. Devenu adolescent, ce dernier est recueilli par les propriétaires d’un cirque ambulant qui font de lui leur attraction principale : L’enfant-loup. Il évolue toutefois rapidement, au point de devenir le meilleur acrobate de la troupe, qui le nomme Étoile.
Par une nuit de pleine lune, Étoile se transforme soudain en loup-garou et attaque un membre de la troupe. Effrayé, il s’enfuit pour Paris, où il est engagé dans le zoo municipal pour ses aptitudes à communiquer avec les loups. Il ne tardera pas, hélas, à se transformer de nouveau à la pleine lune…
Bon, c’est pas vraiment la Hammer du coup…
Freddie Francis réalise LA LÉGENDE DU LOUP-GAROU en 1975, au moment où la Hammer s’apprête à mettre la clé sous la porte. Dans les années 60, le succès de la Hammer avait motivé d’autres studios britanniques à produire des films d’horreur. On se souvient notamment de la Amicus, qui était devenu son principal concurrent, bien qu’en réalité la Hammer trônera toujours au-dessus des autres. J’ai vu plusieurs fois, je ne sais plus où, que LA LÉGENDE DU LOUP-GAROU était un film de la Hammer, alors qu’il a été produit au sein du studio Tyburn Film Productions Limited, une société extrêmement mineure, fondée par Kevin Francis, le fils de Freddie Francis, qui espérait en faire un successeur de la Hammer. Au final, la Tyburn ne produira que trois longs métrages pour le cinéma de manière assez confidentielle, ainsi que trois téléfilms dont un seul notable : SHERLOCK HOLMES ET LES MASQUES DE LA MORT, avec Peter Cushing dans le rôle-titre.
Cette confusion Hammer/Tyburn vient probablement du fait que Kevin Francis avait réussi à s’entourer de quelques transfuges de la Hammer (qui avaient de toute manière l’habitude d’aller d’un studio à l’autre), dont certaines pointures comme les scénaristes Anthony Hinds et Jimmy Sangster, et bien entendu son paternel qui emmène avec lui Peter Cushing, lesquels portent quasiment LA LÉGENDE DU LOUP-GAROU sur leurs épaules.
Notons que Freddie Francis, s’il fut l’un des grands chefs opérateurs de l’histoire du cinéma (on lui doit la photo du film LES INNOCENTS de Jack Clayton – la plus belle adaptation du roman LE TOUR D’ÉCROU d’Henry James – ou encore celle d’ELEPHANT MAN de David Lynch !!!), n’a finalement jamais été au même niveau sur le terrain de la mise en scène.

La vie d’Étoile file à toute allure…
Une fois tout ceci posé, il ne reste pas grand chose à ajouter. LA LÉGENDE DU LOUP-GAROU est un petit film fantastique qui étire un filon à l’époque déjà bien trop étiré. Si la Hammer n’a guère représenté le genre loup-garou, sa concurrente la Amicus l’a davantage égrainé au fil de quelques films à sketches. Quant au Mexique et surtout à l’Espagne avec la saga des Waldemar Daninsky, personnage de loup-garou interprété par l’acteur Paul Naschy dans une bonne dizaines de longs-métrages à la même époque, c’est carrément l’overdose !
Bien qu’il tente de marcher sur les traces de la mythique Hammer, le studio de Kevin Francis est très loin d’avoir les moyens de ses ambitions et l’on ne retrouve ni l’ambiance démente, ni le sous-texte brillant, ni la splendeur visuelle des films de la Hammer en général et de LA NUIT DU LOUP-GAROU en particulier. Ajoutons que le script de cette LÉGENDE DU LOUP-GAROU sent un peu beaucoup le réchauffé, et l’on se retrouve avec une petit film d’exploitation certes vaguement divertissant, mais extrêmement quelconque, perdu au milieu d’un genre surexploité…

Avouons qu’on est quand même loin d’une ambiance à la Terence Fisher…
Nos dossiers sur les films de la Hammer :
1ère partie : Les films FRANKENSTEIN
2ème partie : Les films de Vampires 1
3ème partie : Les films de Vampires 2
4ème partie : Les films de Momie
5ème partie – Vous êtes ici : Les films de Loup-garou et autres monstres de la pleine-lune
6ème partie : Dr Jekyll & Mr Hyde, double personnalité et autres potions
7ème partie : Le Fantôme de L’Opéra, les Zombies et ceux qui ne veulent pas mourir
8ème partie : Sorcellerie et satanistes
9ème partie : Thrillers psychologiques
10ème partie : Le Yéti et la trilogie Quatermass
See you soon !!!
