
FRANKENSTEIN’S HAMMER !
Chronique des films du studio Hammer – 1ère partie : FRANKENSTEIN
Date de sortie de films : de1957 à 1974.
Genre : Fantastique, horreur, gothique.
1ère partie : Les films FRANKENSTEIN – Vous êtes ici
2ème partie : Les films de Vampires 1
3ème partie : Les films de Vampires 2
4ème partie : Les autres films d’horreur 1
5ème partie : Les autres films d’horreur 2
6ème partie : Les autres films d’horreur 3
Niveaux d’appréciation :– À goûter
– À déguster
– À savourer

Peter Cushing : Frankenstein forever !
Cet article portera sur toute la série des films dédiés à Frankenstein produite par le studio Hammer entre 1957 et 1974.
Il y a sept films en tout :
FRANKENSTEIN S’EST ÉCHAPPÉ ! (1957)
LA REVANCHE DE FRANKENSTEIN (1958)
L’EMPREINTE DE FRANKENSTEIN (1964)
FRANKENSTEIN CRÉA LA FEMME (1967)
LE RETOUR DE FRANKENSTEIN (1969)
LES HORREURS DE FRANKENSTEIN (1970)
FRANKENSTEIN ET LE MONSTRE DE L’ENFER (1974)
Nous vous proposons un tour d’horizon en passant en revue chaque film, dans l’ordre chronologique…

Le savant fou, et ses créations monstres…
Sur les sept films qui composent cette série, six sont interprétés par l’acteur Peter Cushing et cinq sont mis en scène par Terence Fisher.
C’est plutôt compliqué mais, à l’inverse de la série des DRACULA, ces sept films ne se suivent pas tous et l’on peut distinguer au moins deux continuités distinctes, ainsi qu’un film à part (LES HORREURS DE FRANKENSTEIN) complètement déconnecté de l’ensemble :
FRANKENSTEIN S’EST ÉCHAPPÉ ! possède une suite directe avec LA REVANCHE DE FRANKENSTEIN. Mais ce second film ayant été un échec commercial lors de sa sortie (contrairement au premier, qui fut un immense succès, allez comprendre !), la Hammer resta frileuse et préféra attendre six ans avant de sortir un troisième film qui ignorerait le précédent, en devenant ainsi une nouvelle suite au premier : Ce sera L’EMPREINTE DE FRANKENSTEIN.
FRANKENSTEIN CRÉA LA FEMME semble ainsi prendre la suite de L’EMPREINTE DE FRANKENSTEIN, ce qui parait logique dans la mesure où le baron, que l’on avait vu au milieu de l’incendie de son château dans la dernière scène du film précédent, y revient avec des mains brûlées…
Mais avec LE RETOUR DE FRANKENSTEIN, les choses changent de nouveau. Et l’on retrouve notre bon Victor en pleine forme (sans les mains brûlées), plus cynique que jamais, qui semble davantage sortir de la continuité de LA REVANCHE DE FRANKENSTEIN.
Enfin, FRANKENSTEIN ET LE MONSTRE DE L’ENFER vient à point nommé pour mettre un point d’orgue aux deux continuités jusqu’ici distinctes ! On y voit un baron vieillissant, les mains brûlées comme à la fin des films 3, 4 (et même 5), qui poursuit sa quête avec une froideur et un cynisme qui nous rappelle les films 1, 2 et 5. Soit un final pouvant aussi bien être posé sur les deux continuités…

Horror in color !
FRANKENSTEIN S’EST ÉCHAPPÉ ! – 
(THE CURSE OF FRANKENSTEIN) – 1957
C’est le premier film d’horreur de la Hammer, société de production britannique, qui entreprend de revisiter les classiques du genre en reprenant les grandes figures des Monstres de la Universal.
Suivront, entre autres, LE CAUCHEMAR DE DRACULA en 1958 et LA MALÉDICTION DES PHARAONS (THE MUMMY) en 1959.
L’Horreur en couleur ! Tel est le fil conducteur de ces relectures des classiques du patrimoine horrifique. Avec la Hammer, les grandes figures de la littérature gothique brillent sous les feux du technicolor. Les images sont flamboyantes et le sang coule en rouge vif !
Mais il ne s’agit pas là du seul intérêt de ces nouvelles adaptations des classiques du genre. Tout d’abord, les films de la firme britannique sont vraiment des relectures ambitieuses, qui évitent scrupuleusement de recopier ceux des années 30 et 40.
FRANKENSTEIN S’EST ÉCHAPPÉ !, par exemple, se démarque complètement du FRANKENSTEIN de 1931 avec Boris Karloff. Ici, le récit est entièrement centré sur la figure du Baron Frankenstein (interprété par Peter Cushing), reléguant le rôle du Monstre (Christopher Lee) à une poignée de scènes tardives. La caractérisation du Baron est étonnante et se mêle à la figure du « savant fou » : Victor Frankenstein est un riche orphelin, fier de l’être, qui ne pense qu’à la science et désire par-dessus tout créer un être de chair. Il ignore parfaitement toutes les considérations d’éthique et de bienséances qui se dressent ponctuellement entre lui et son « œuvre« . C’est un homme froid et cynique, qui n’hésite pas à commettre les pires actes afin de parvenir à son objectif. La morale, la religion et le code pénal sont autant d’obstacles qu’il évacue d’un tour de main, prétendant que la science n’a pas à s’embarrasser de telles inepties obsolètes !
Le scénario prend ainsi ses distances, aussi bien par rapport au film de 1931 qu’avec le roman de Mary Shelley, et s’impose comme une véritable relecture du mythe.

Frankenstein (ici entrain d’abuser de sa servante). L’éthique, il n’en a cure !
Et puis il y a le réalisateur Terence Fisher. Ce dernier met en scène ses films avec une intelligence incroyable. Les couleurs vives, les décors soignés et le vernis somptueux de ces images gothiques flamboyantes ne sont en réalité qu’un moyen de distiller une horreur manifeste tout en douceur. Désirs morbides, pulsions sexuelles, malveillance latente. Tout ce qui s’élève contre la pudibonderie est ici emballé avec soin dans de belles images.
Les pires cauchemars célébrés dans l’esthétique la plus chatoyante, tel aura été le thème de prédilection de cet auteur majeur du cinéma anglais. Ou quand l’horreur devenait belle, offrant aux spectateurs privilégiés l’occasion de découvrir les fantasmes interdits qui se cachent sous les figures monstrueuses ; où le Monstre, parfois dissimulé sous les traits d’un être à l’apparence tout à fait commune, devenait l’incarnation de l’interdit libertinage, avec un refus absolu du romantisme à l’eau de rose (toute histoire d’amour finissant très mal !). Une manière de révéler les tréfonds de l’âme humaine sous le vernis d’une séduction des plus vénéneuses !

Une esthétique magnifique, pour un film horrible ! (Ouh qu’il est pas beau le monstre ! Il aurait dû garder les bandages !)
Les amateurs de film d’action et tous ceux qui n’aiment pas les films lents et bavards devront s’abstenir. Car FRANKENSTEIN S’EST ÉCHAPPÉ ! est un film dénué d’action et quasiment filmé en huis-clos puisque le château du Baron demeure, avec la forêt alentour, le seul décor dans lequel se déroule le récit. Le film ne fait désormais plus peur à personne, entendu que la notion de « peur » au cinéma souffre rapidement du poids de l’âge. Les scènes d’horreur ne sont pas très nombreuses et, la plus-part du temps, se déroulent hors-champ. Mais il y a tout de même trois ou quatre plans bien gores pour l’époque.
Le titre français est complètement grotesque. Mais c’était une mode de l’époque (remember KING KONG S’EST ÉCHAPPÉ !).

Tout est dans le titre !
LA REVANCHE DE FRANKENSTEIN – 
(THE REVENGE OF FRANKENSTEIN) – 1958
Le pitch : Condamné à la guillotine à la fin du film précédent, le baron Frankenstein réussit à échapper à son courroux en faisant décapiter le prêtre à sa place !
En Allemagne, notre baron présumé mort se fait désormais appeler « Dr Stein » et il s’occupe des pauvres qu’il soigne dans une sorte d’hospice. Parallèlement à ces activités respectables, notre bon docteur entreprend bien évidemment de poursuivre ses recherches sur la création de la vie…
Comme on l’a vu plus haut, la grande spécialité de la Hammer est de réactualiser les icônes de l’horreur. Certains éléments issus de la galerie des FRANKENSTEIN version Universal Monsters sont repris (l’assistant difforme), tandis que d’autres sont évacués au profit d’une approche beaucoup plus frontale et sanglante, où le spectateur peut contempler directement les organes sanguinolents qui composeront bientôt la nouvelle créature de Frankenstein…

Cette fois, la créature sera parfaite !
De cette différence d’orientation découle un changement total au niveau des thèmes puisés dans le contenu de l’œuvre séminale de Mary Shelley. Dans les années 30, la figure du monstre interprétée par Karloff était principalement le vecteur d’un vibrant plaidoyer pour le droit à la différence. Avec la vision de Terence Fisher et du scénariste Jimmy Sangster, celle du baron en quête de gloire scientifique préfère donner dans la charge lourde contre la pudibonderie et le conservatisme bigot des sociétés occidentales de l’ère victorienne persistante. Le thème central du roman de Mary Shelley, à savoir le « danger d’une science exercée sans conscience« , demeure. Mais il est sans cesse contrebalancé par le développement de la personnalité complexe du baron, qui s’élève au-delà des considérations manichéennes du bien et du mal religieux afin de se consacrer à sa seule tâche : Les progrès de la science et les mystères de la création.

En haut : La créature découvre son physique parfait. Mais c’était avant le drame (en bas)…
Peter Cushing donne toute la mesure de son talent avec l’interprétation d’un baron Frankenstein de plus en plus complexe. Obsédé tout à la fois par le morbide et le don de la vie, Victor n’hésite pas un instant à passer à l’acte : Tuer les personnes de son entourage ou amputer certains des malades de son institut pour les pauvres devient ainsi la seule voie logique lorsqu’il s’agit de constituer sa créature (et donc sa création).
Le personnage évolue continuellement au fil de la série et c’est dans ce deuxième opus qu’il trouve son itération la plus complexe, si bien qu’il est absolument impossible de le réduire à la trop simple définition du bien et du mal.
Tandis qu’il ment à ses malades afin de les amputer, il choisit le bras d’un pickpocket (choix à priori acceptable puisque l’homme est condamnable), tout en justifiant froidement son choix sur l’idée que de telles mains sont d’une dextérité exceptionnelle ! Affable ou impitoyable au gré de ses recherches, Victor demeure néanmoins chaleureux avec son entourage, capable d’exprimer une réelle empathie envers Karl, son assistant difforme auquel il promet un corps parfait, ce qui ne l’empêche pas de faire décapiter un prêtre à sa place en méprisant toutes les conventions et toute l’éthique dictée par sa profession…
Si le premier film se terminait sur le jugement indiscutable du baron, condamné à mort pour ses actes impies et pour avoir osé s’élever sur le chemin de Dieu en lui disputant le don de la création, LA REVANCHE DE FRANKENSTEIN (titre tout à fait approprié !) va ainsi beaucoup plus loin en franchissant un palier définitif. Car en devenant au final le réceptacle de ses propres expériences (littéralement sa propre créature !), Victor Frankenstein s’élève au-dessus des lois et bafoue les règles de l’éthique en trompant lui-même la mort ! Victorieux, il est ainsi prêt à poursuivre son travail dans le prochain film…
On notera enfin que les créatures de Frankenstein selon Terence Fisher arborent désormais une allure humaine parfaite, comme pour montrer la victoire effective de son personnage sur la civilisation hypocrite qui lui refuse obstinément le droit de bafouer les lois du seigneur…

Universal Hammer !
L’EMPREINTE DE FRANKENSTEIN –
/
(THE EVIL OF FRANKENSTEIN) – 1964
Comme nous l’avons vu en introduction, ce troisième opus n’est pas la suite du précédent, mais une suite différente du premier film !
Ignorant que le Baron avait été condamné à la guillotine à la fin de FRANKENSTEIN S’EST ÉCHAPPÉ !, voilà donc que nous le retrouvons en train de continuer ses expériences, incognito, dans un village perdu dans la vieille Europe. Expériences qu’il est néanmoins obligé d’abandonner lorsque les villageois, effrayés par ses activités scientifiques impies, débarquent dans son laboratoire afin de le détruire.
Le baron n’a d’autre choix que de retourner à son château familial, désormais laissé à l’abandon. Là, il découvre son ancienne créature qu’il croyait anéantie, conservée intacte au cœur de la montagne, dans un bloc de glace. Rapidement, la tentation est grande de réanimer sa création…
Freddie Francis succède ici à Terence Fisher au poste de réalisateur et la tonalité de la série prend une toute autre tournure.
Au départ, Francis est un chef opérateur parmi les meilleurs de l’histoire du cinéma (on lui doit la photographie du sublime LES INNOCENTS de Jack Clayton (1961) et de plusieurs films de David Lynch, dont ELEPHANT MAN). Mais il demeure un metteur en scène modeste, dont l’essentiel de la carrière dans ce domaine s’est déroulé au rayon des petites productions gothiques.
Son approche sur la figure de Frankenstein est ainsi plus naïve que celle de Terence Fisher et l’on n’y retrouve pas aussi frontalement les thèmes développés par ce dernier. De plus, le scénariste Jimmy Sangster est également remplacé par Anthony Hinds.

Les monstres se suivent mais ne se ressemblent pas, contrairement au château, le même dans tous les films de la Hammer !
Plutôt que de poursuivre dans la veine naturaliste et cynique entamée par Fisher & Sangster, Francis & Hinds choisissent de rendre hommage aux films de la Universal, notamment à travers le look de la créature, qui évoque le maquillage jadis porté par Boris Karloff. Un retour aux sources inattendu puisque la caractéristique principale du studio Hammer était jusque-là de trancher avec ces figures des années 30, principalement à travers celle de Frankenstein !
Pour autant, cette approche n’est que formelle puisque le thème central du film demeure la charge contre l’hypocrisie et le conservatisme bigot des sociétés occidentales de l’ère victorienne, évitant ainsi de reprendre le plaidoyer pour le droit à la différence qui était l’apanage de la version Universal.
L’EMPREINTE DE FRANKENSTEIN manque cependant de puissance en comparaison des deux films précédents, notamment parce qu’il fonctionne comme une redite et une suite consensuelle, revisitant le folklore entourant le personnage plus qu’il ne développe son thème principal.
Du côté de la mise en forme, le spectacle demeure agréable mais il exhale un parfum de routine tranquille. Quant au monstre, il convient d’avouer que son maquillage « karloffien » (un simple masque plutôt grossier) n’est pas une franche réussite, et que cette représentation connotée est à prendre comme un véritable retour en arrière après la version précédente.
Reste un très beau spectacle visuel propre à la Hammer, avec de superbes tableaux gothiques aux multiples couleurs et une fin en bonne et due forme… Avant de passer au film suivant.

Le monstre est belle à en mourir !
FRANKENSTEIN CRÉA LA FEMME –
/
(FRANKENSTEIN CREATED WOMAN) – 1967
Ce quatrième opus prend la suite du précédent, ce qui parait logique dans la mesure où le baron Frankenstein, que l’on avait perdu au milieu de l’incendie de son château dans la dernière scène de L’EMPREINTE DE FRANKENSTEIN, nous revient ici avec des mains brûlées…
Le pitch : Frankenstein travaille désormais avec le docteur Hertz, dont il occupe le logis, ainsi qu’avec le jeune Hans, fils d’un bandit notoire ayant fini guillotiné.
Hans est amoureux de Christina, une jeune serveuse estropiée et défigurée, dont se moquent les jeunes du village. Lorsque ces derniers commettent un meurtre, c’est Hans qui est suspecté, à cause de son ascendance. Il est jugé coupable et guillotiné car il renonce à son alibi, refusant d’entacher la réputation de Christina avec qui il a passé la nuit. Désespérée, Christina se jette dans le fleuve et meurt à son tour.
C’est le moment que choisit Frankenstein pour expérimenter ses théories : Ayant mis au point un dispositif pour préserver l’âme des mourants, il réussit à capter celle de Hans, qu’il transmet alors dans le cadavre de Christina, avant de le ranimer…

Christina : Une délicieuse créature qui aime converser avec la tête de son ancien amant…
Quel pitch ! Son obsession de vaincre la mort prend ici des atours surprenants puisqu’elle conduit Victor Frankenstein à transférer l’âme d’un homme dans le corps de sa maitresse ! Le résultat est morbide à souhait car, étant donné que les deux amants ont été les victimes de la malveillance des hommes, ils se retrouvent unis dans une quête vengeresse sans issue autre que la mort et le nihilisme le plus extrême. Et comme d’habitude avec les films de la Hammer, les histoires d’amour vont très mal se terminer…
On retrouve le réalisateur Terence Fisher sur la série. Ce dernier n’a pas l’air très à l’aise avec cette suite d’un troisième opus lui ayant complètement échappé, avec une incarnation du baron assez terne, à la personnalité mal dessinée, qui ne possède pas la profondeur cynique d’autrefois.
L’ensemble bénéficie tout de même d’une plastique et d’une atmosphère d’époque qui porte la marque de fabrique du studio, dont le visuel est toujours somptueux. Pour le reste, il développe une toile de fond qui ne rivalise pas avec celle des deux premiers films, dont le concept était beaucoup plus fort, plus simple mais plus juste. Moins farfelu.
Cette rupture empêche Terence Fisher de développer ses thèmes de prédilection de manière idéale et l’absence du scénariste Jimmy Sangster se ressent au niveau de la caractérisation du personnage principal, ici moins habité que d’habitude.
Le concept du récit est cependant bien glauque et l’on passe un très agréable moment de film gothique à l’ancienne, en attendant que Fisher reprenne les rennes de la série de manière plus personnelle avec le film suivant…

Le retour de la revanche !
LE RETOUR DE FRANKENSTEIN – 
(FRANKENSTEIN MUST BE DESTROYED) – 1969
Terence Fisher revient ici à ses fondamentaux en reprenant la première continuité et en ramenant au premier plan une incarnation du personnage principal beaucoup plus froide et cynique, avec une folie sous-jacente toute en retenue glaciale et effrayante.
Victor Frankenstein, qui traverse la Bavière sous des noms d’emprunt afin de fuir les autorités, échoue dans une pension de famille. Par un odieux chantage, il oblige sa jeune logeuse et son fiancé, lui-même médecin émérite, à travailler à sa solde.
En réalité, Frankenstein recherche le docteur Frederick Brandt, un ancien médecin jadis obsédé, comme lui, par la résurrection de la vie, avec lequel il entretenait une correspondance vivace. Ce dernier a perdu la raison et il semble condamné à une mort prochaine, dans l’asile du village. Frankenstein convoite ainsi le cerveau de son ancien correspondant, qu’il espère transférer dans un nouveau corps. Ce faisant, il pourra lui dérober toutes ses connaissances sur les secrets impies de la résurrection…

Il ne reculera devant rien !
Terence Fisher semble manifester un plaisir certain dans l’optique de renouer avec cette incarnation cynique et amorale du personnage. Dans cette échelle de la folie et de l’obsession paradoxale pour le morbide et le combat contre la mort, le réalisateur monte clairement d’un cran avec une fuite en avant jusqu’auboutiste dans laquelle le baron se dédouane complètement d’une quelconque relation avec l’éthique. Seule compte sa victoire contre la mort et, pour arriver à ses fins, toutes les solutions sont bonnes, y compris les plus radicales. Faisant fi de toute compassion, oubliant toute notion de respect ou de tolérance, il manipule son entourage, assassine et, par-dessus tout, méprise tout le monde.
Une scène est plus choquante que les autres : c’est celle où le baron, qui passe devant sa logeuse (sublime Veronica Carlson), a soudain envie de la violer, et passe à l’acte. Une décision du producteur qui souhaitait apporter une tonalité sexuelle à l’ensemble du film. Il s’agit d’une séquence gratuite, ajoutée au montage à la toute fin du tournage. Une scène que regretteront Terence Fisher et surtout Peter Cushing, qui se confondra en excuses auprès de sa partenaire !
LE RETOUR DE FRANKENSTEIN demeure néanmoins l’un des films les plus forts et les plus intéressants de la série. Développant jusqu’à leurs extrémités les thèmes amorcés avec FRANKENSTEIN S’EST ÉCHAPPÉ !, ce cinquième opus est d’une âpreté et d’une noirceur qui confine à la maniaquerie, le tout emballé dans les images les plus esthétiques possibles, illustrant par là-même la propension des films estampillés Hammer à développer, sous le vernis illusoire de ses belles images, les pires tourments de l’âme humaine…

Frankenstein meets Dark Vador
LES HORREURS DE FRANKENSTEIN –
/
(HORROR OF FRANKENSTEIN) – 1970
Dans notre série des sept films de la Hammer, celui-ci est à part et c’est d’ailleurs le seul où le rôle principal (celui du Baron) n’est pas interprété par Peter Cushing.
Jimmy Sangster, jadis scénariste des deux premiers films de la série, livre ici, entant qu’auteur à part entière, sa vision définitive du mythe créé par Mary Shelley deux siècles auparavant.
Le scénario revisite ainsi la vie de Victor Frankenstein. Complètement déconnectée du roman originel, cette nouvelle « biographie » commence au moment où le jeune baronnet sort de l’adolescence et se termine peu après la création de la créature.
Sangster s’adonne ici à sa vision cynique du personnage et pousse le concept jusqu’à son extrémité. Selon lui, Frankenstein est un génie complètement déshumanisé, obsédé par son ambition de créer la vie, de vaincre la mort, et bien décidé à ne laisser personne se mettre en travers de sa route.
L’auteur tourne définitivement le dos au thème principal du roman de Mary Shelley, à savoir les dangers d’une science exercée sans conscience et le châtiment réservé à ceux qui s’élèvent sur le terrain de la création divine. Au contraire, il fait de son personnage une forme dégénérée de héros à qui tout réussi, aboutissant au final sur une fable amère où la volonté de réussir triomphe de tout, ou en tout cas de tout le monde.
Le jeune scientifique (auquel l’acteur Ralph Bates prête un physique résolument plus juvénile que celui de Peter Cushing) apparait dès le départ comme un mondain jouisseur arrogant et brillant, qui aime rabaisser les autres et qui prend très vite conscience de la supériorité avec laquelle il est capable de mener son petit monde, de manipuler les esprits et d’assouvir ses moindres désirs et autres pulsions.

Savant fou pour créature folle.
Comme le titre l’indique, Jimmy Sangster livre ici une version très horrifique du mythe dont les constituants prennent leur source à la fois dans le fond et dans la forme. Ainsi, l’horreur nait autant de ce que l’on voit que de la manière choquante avec laquelle le personnage principal décide d’agir à chaque fois que quelqu’un se dresse sur son chemin, ou que quelqu’un d’autre paraisse utile à son terrible dessein. Que ce soit son propre père, son meilleur ami, son mentor ou même sa maitresse, tous subiront le même sort : Mourir, afin qu’il puisse réussir ses projets ! Soit une forme d’horreur aussi visuelle que psychologique.
Bien que son rêve de créer l’être parfait aboutisse sur un échec plutôt édifiant et pathétique, le glacial Baron n’en prendra pas ombrage et le film se termine sur son air satisfait, laissant envisager qu’il est tout simplement prêt à remettre le couvert, sans jugement aucun !
Malgré de réelles qualités d’écriture et un concept très intéressant, le film souffre d’une seconde partie assez pataude, où l’on se contente d’observer la créature (interprétée de manière particulièrement glauque par un certain… David Prowse, futur Dark Vador !) en train de commettre ses horreurs de manière totalement gratuite. Et comme très souvent avec les films de la Hammer, c’est la première partie qui est réussie, le film retombant dans une qualité inférieure dès lors qu’apparait l’élément fantastique.

Le chant du cygne.
FRANKENSTEIN ET LE MONSTRE DE L’ENFER – 
(FRANKENSTEIN AND THE MONSTER FROM HELL) – 1974
Le pitch : le jeune chirurgien Simon Helder se passionne pour les travaux de feu le baron Victor Frankenstein. Mais ses expériences étant condamnées par la justice, il est interné dans un asile. Là, il rencontre le médecin qui officie au sein de l’institution, qui n’est autre que Frankenstein en personne, toujours en vie, réfugié sous une fausse identité ! Cette situation convient à merveille à l’ancien baron, qui profite de son opportunité afin de poursuivre ses expériences sur la création d’un être parfait. Il jette d’ailleurs son dévolu sur un vieux musicien interné dont il convoite le cerveau, ainsi que sur un artiste aux mains délicates…
Alors qu’il réunit au final les deux continuités de la série, ce dernier film est quasiment tourné en huis-clos puisque, passées les premières minutes, on pénètre les sous-sols de l’asile pour ne plus en sortir jusqu’à la fin.
La sensation qu’éprouve le spectateur est glauque et claustrophobe, davantage encore que sur les autres films du fait de cet « internement » au cœur de l’asile. La créature est également plus monstrueuse que les précédentes, et c’est David Prowse (qui rencontrait ici Terence Fisher, futur Grand Moff Tarkin dans le premier film de la saga STAR WARS !) qui endosse le maquillage pour la seconde fois consécutive.

Cette fois, la créature sera parfaite, qu’y disait…
Le script d’Anthony Hinds développe habilement les éléments de l’intrigue, nous présentant un Frankenstein vieillissant charismatique et affable, qui va révéler peu à peu l’obsession et la folie glaciale qui le pousse à commettre ses expériences qui n’ont jamais été aussi repoussantes et pathétiques. Pour le coup, ce dernier film, s’il insiste encore une fois sur le cynisme du personnage, contredit un peu les précédents en montrant le scientifique proprement incapable de mener à bien ses projets, qui confinent à la monstruosité là où ses précédents essais (dans la plupart des autres films de la série) étaient de brillantes réussites qui n’échouaient qu’à cause de l’entourage du baron, qui refusait d’admettre l’existence d’une telle aberration (la création de la vie à partir des cadavres) et qui préférait détruire ce qu’il ne pouvait comprendre.
Ce dernier segment de la série est par ailleurs le dernier grand film de la Hammer dans son âge d’or, au moment où les DRACULA devenaient pathétiques et l’on aura d’ailleurs droit, la même année, à une LÉGENDE DES SEPT VAMPIRES D’OR mélangeant le folklore des Carpates avec la kung-fuxploitation !
Ainsi s’achève la série des FRANKENSTEIN, qui emporte avec elle le studio Hammer, qui fermera ses portes en 1979 avant de tenter, à plusieurs reprises, de les rouvrir, sans jamais réussir à retrouver la grâce de cet âge d’or du cinéma gothique flamboyant, où l’horreur réussissait à être belle, permettant à ses auteurs de véhiculer leurs idées et leur sous-texte provocateur sous le vernis de l’esthétique de cette vieille Europe au charme suranné…

On vous l’avait dit : C’est l’horreur !
1ère partie : Les films FRANKENSTEIN – Vous êtes ici
2ème partie : Les films de Vampires 1
3ème partie : Les films de Vampires 2
4ème partie : Les autres films d’horreur 1
5ème partie : Les autres films d’horreur 2
6ème partie : Les autres films d’horreur 3
See you soon !!!