Le thriller italien des années 1970 (partie 2)
Chroniques de thrillers italiens
Date de sortie des films : 1972 à 1976.
Genre : Thriller, horreur, mystère.
1ère partie : la place du thriller au milieu du giallo + 4 films
2ème partie : vous êtes ici – 4 autres films de 1972 à 1976 et conclusion
Niveaux d’appréciation :– À goûter
– À déguster
– À savourer
Dans la première partie de ce dossier complémentaire à celui du giallo (trouvable ici : (partie 1, partie 2, et partie 3), nous avions vu 4 films régulièrement classés dans les listes de gialli, comme si tous les films un tant soit peu réalistes et traitant d’affaires criminelles étaient forcément liés au genre. Nous allons voir dans cette seconde partie 4 autres films proches du genre.
PROGRAMME
- LA LONGUE NUIT DE L’EXORCISME
- L’ASSASSIN A RÉSERVÉ 9 FAUTEUILS
- LE ORME
- LA MAISON AUX FENÊTRES QUI RIENT

LA LONGUE NUIT DE L’EXORCISME (1972) de Lucio Fulci 
Le pitch : Dans un petit village du sud de l’Italie, de jeunes enfants sont assassinés. Le motif n’est pas sexuel, aucun viol n’est à signaler. L’affaire va faire du bruit et être prise très au sérieux par les autorités qui tenteront également de calmer la tension croissante au sein de cette communauté terrorisée où les habitants se mettent à désigner arbitrairement des coupables. Le journaliste Andrea Martelli va enquêter de son côté, aidé du curé du village, Don Alberto ainsi que de Patrizia, une jeune femme excentrique à la morale légère.
Un autre film de Fulci souvent listé comme un giallo. Mais si j’ai choisi d’exclure ce film du dossier consacré au genre, c’est pour les raisons suivantes : c’est une affaire de meurtres en série rurale, dans un bled en pleine campagne (un village isolé du Mezzogiorno), avec des assassinats d’enfants (jamais esthétisés…ce serait de mauvais goût, même pour Fulci) par un tueur inconnu. C’est aussi un des films les moins stylisés de Fulci dans sa mise en scène, ce qui achève d’en faire un « simple » thriller, plus réaliste. C’était d’ailleurs totalement voulu. Ce projet de film tenait à cœur à son réalisateur. Il a voulu davantage capturer le réel et ne pas rendre ludique les meurtres d’une histoire qu’il prend au sérieux.
Le titre français est d’ailleurs une vaste blague. Il n’est jamais question d’exorcisme. L’explication tient à la date de sortie du film en France (en 1978, six ans après sa production en Italie), bien après L’EXORCISTE (1974) et donc pour surfer sur le succès des films de possession, des distributeurs ont cru bon de renommer n’importe comment le film. Pourquoi est-il sorti si tard chez nous ? Sans doute à cause de la censure. Le sujet des meurtres d’enfants a en effet valu à ce film d’être censuré et certains pays comme les USA n’ont même pu découvrir le film qu’en l’an 2000. NON SI SEVIZIA UN PAPERINO signifie, comme l’indique d’ailleurs le titre anglais mieux traduit, « on ne torture pas un caneton ». Ok, c’est un curieux titre je vous l’accorde, mais qui trouve son sens dans l’intrigue.
L’intrigue, parlons en justement. Celle-ci est très bien rythmée. Au fil des assassinats d’enfants, le film nous présente plusieurs personnages louches vers lesquels nos soupçons peuvent se porter. L’idiot du village qui a trouvé le premier cadavre et a eu l’idée d’essayer de demander une rançon. La « sorcière » (ou « maciara », personne à laquelle la culture populaire de l’Italie méridionale attribue des pouvoirs magiques) qui effectue d’étranges rituels avec des poupées…(on la voit déterrer un squelette d’enfant dès la scène d’ouverture du film.) Ou même Patrizia, fille d’un riche homme d’affaire envoyée ici pour soigner un passé de droguée et qui a des mœurs discutables, comme en témoigne une scène inconfortable où elle se promène nue devant un enfant et le provoque par jeu. La mère du prêtre a également un comportement étrange, lançant anonymement les autorités sur la piste de la maciara.

Villageois ignares, rebouteuse aux croyances païennes, prêtre bienpensant, femme frivole, personne n’est épargné
Au delà de brouiller les pistes avec ces suspects, Fulci s’amuse aussi à critiquer globalement la société pour mieux mettre en avant l’idée que personne n’est innocent et pur (citadin méprisant le milieu rural, policier cherchant un bouc émissaire, journaliste en quête de scandale, femme toxico frivole, paysans et rebouteux superstitieux, etc.) Si certains peuvent y voir du nihilisme de la part du réalisateur, je pense que Fulci montre simplement le réel, et que rien n’est manichéen. Ces gens ne sont pas foncièrement mauvais, mais peuvent avoir une part plus sombre les rendant tous suspects. Et cela sert aussi à décrédibiliser les motivations de l’assassin que je ne pourrais pas vous révéler sans spoiler la fin.
Mais en gros, Fulci expose la nature humaine telle qu’elle est : imparfaite. Tout le sujet du film est l’absence d’innocence, même chez les enfants qui rêvent d’un monde adulte fait d’interdits (tuer un animal, fumer, mater les fesses de prostituées, découvrir sa sexualité et son désir envers une femme mûre, etc.) Fulci nous montre que grandir c’est quitter volontairement le temps de l’innocence. Il mêle habilement cette thématique avec ce tueur qui rôde et incarne l’entrée dans un monde adulte également fait de danger, de cruauté et de mensonges.
Il n’est pas étonnant que le film ait été censuré à l’époque, alors même que Fulci ne montre pas frontalement les meurtres d’enfants. Cependant, on en voit le résultat : enfant noyé, étranglé, etc. Et bien entendu le sujet de fond a du déranger car Fulci ne provoque pas seulement par les images.

Vindicte populaire et actes odieux dans un joli coin de campagne
Sur le plan technique, le film est plus sobre qu’à l’accoutumée. Très bien filmé malgré tout, mais moins stylisé. Le symbolisme que Fulci déploie parfois dans ses plans est ici plus frontal, avec des scènes entières servant de plaidoyer contre les défauts humains, comme la scène où la sorcière, accusée et lapidée par les villageois va crever la bouche ouverte au bord d’une autoroute où personne ne va prêter attention à elle pour lui porter secours.
Néanmoins, on sent Fulci impliqué car même s’il est plus sobre, le film fait également moins brouillon que, par exemple, LE VENIN DE LA PEUR et ses plans caméra à l’épaule tremblotants pas toujours bien filmés. Les décors naturels de la campagne italienne, son village, ses forêts, sont joliment mis en valeur. Il parvient également à distiller un vrai suspense malsain qui rend le film prenant. Il y est aidé aussi par l’excellente musique de Riz Ortonali.
La révélation de l’identité du tueur ne sera pas forcément une surprise si on connait le réalisateur, et 50 ans après la sortie du film. Mais qu’importe, car ce n’est pas l’intérêt principal du récit.

Un super casting
Le casting est également excellent. Tomas Milian (déjà vu dans LA VICTIME DÉSIGNÉE) est très crédible dans la peau du journaliste décontracté, Barbara Bouchet y est aussi troublante et mystérieuse que séduisante, et Florinda Bolkan est certes cantonnée à un rôle un peu ingrat de femme à moitié folle mais elle sait donner à son jeu l’ambiguïté nécessaire pour incarner cette mystérieuse sorcière recluse. Une particularité du film est aussi qu’il n’y a pas vraiment de protagoniste principal. Ce n’est pas avant les 2/3 du film que le journaliste et Patrizia s’associent pour trouver le coupable.
Il demeure néanmoins une faute de goût étrange à la fin où l’assassin, chutant vers sa mort, s’arrache le visage contre une pierre dans un effet gore daté et complètement gratuit. Peut être une envie qu’a eu Fulci d’humilier un personnage qu’il méprise, mais qui fait cheap et malvenu. Fulci, qui semble en être conscient, s’auto-référenciera dans son film suivant L’EMMURÉE VIVANTE, au début, en montrant quelqu’un se suicider de la même façon. Provocation face aux critiques qu’il a pu recevoir de cette scène (Fulci est réputé pour avoir un caractère de cochon), ou élan d’auto-dérision pour s’amuser de cette faute de goût ? Personne ne le saura. Mais toujours est-il que NON SI SEVIZIA UN PAPERINO est un très bon film.

L’ASSASSIN A RESERVE 9 FAUTEUILS (1974) de Giuseppe Bennati 
Le pitch : Pour fêter son anniversaire, le riche industriel Patrick Davenant rassemble 9 membres et proches de sa famille. L’un d’entre eux propose aux autres d’aller visiter un vieux théâtre abandonné, propriété familiale fermée depuis un siècle. Ils vont s’y retrouver piégés tandis qu’un tueur va les assassiner les uns après les autres. Les protagonistes vont parallèlement aux évènements prendre connaissance d’une ancienne légende à propos d’une malédiction qui pèserait sur la famille Davenant.
Ce film est imparfait mais plutôt chouette. Il part d’une base de whodunit (le genre littéraire et cinématographique inspiré des récits d’Agatha Christie), adopte une structure en huis clos, utilise des codes du giallo, mais y mêle aussi une touche de fantastique. C’est un mélange des genres généreux et plutôt réjouissant (surtout si on aime l’horreur gothique puisque les décors évoquent fortement une époque plus ancienne).
Dans un premier temps, nous aurons droits aux codes du giallo : un peu d’érotisme, la caméra subjective, le tueur masqué à l’arme blanche, le tout saupoudré d’une critique de la bourgeoisie comme dans pas mal de gialli, les personnages étant tous de riches menteurs adeptes de drogue et autres magouilles financières qui se détestent ou se jalousent en secret pour des raisons mesquines. Jusque là, on pourrait le considérer comme un giallo (même si l’aspect huis clos est assez rare dans le genre). On a le tueur mystérieux, avec les soupçons qui pèsent sur tous les protagonistes.
Mais c’est là que s’invite l’ambiance gothique et les éléments fantastiques via des décors ostentatoires, un lieu lugubre labyrinthique, la découverte de l’existence d’une malédiction liée au théâtre et aux ancêtres de la famille, ce foutu « homme à la veste hindoue » que finalement personne ne connaît, etc.

Un jeu de massacre dans les somptueux décors gothiques du théâtre Gentile, à Fabriano
La force (et peut être aussi une faiblesse) du film est de jouer avec le public, et de ne pas lui offrir nécessairement ce qu’il s’attendait à voir. Cela surprend. Cela peut aussi décevoir si on est venu pour voir un giallo et qu’on s’attend à une explication parfaitement rationnelle de tout ce dont on a été témoin. C’est souvent le problème des films qui jouent à mélanger les genres. Ils prennent le risque de décevoir celui qui pensait tomber sur un mystère parfaitement cohérent, ou celui qui espérait que ça basculerait davantage dans le fantastique.
Si le script souffre de quelques lacunes à cause de ces choix, le tout est relevé par le lieu de tournage choisi pour le film, le magnifique théâtre Gentile à l’abandon, utilisé intelligemment, de sa scène à ses coulisses en passant par moult recoins inquiétants qui renforcent la sensation d’être en dehors du monde moderne. Et n’oublions pas le casting de ravissantes actrices (Rosanna Schiaffino, Eva Czemerys, Janet Ågren) et de trognes charismatiques pour ces messieurs (Chris Avram, Howard Ross, Andrea Scotti) tous convaincants dans leurs rôles.

Un casting à la hauteur des décors
Un autre film a tenté cette approche whodunit à la Agatha Christie dans un lieu plus ou moins isolé, c’est L’ILE DE L’EPOUVANTE de Mario Bava (1970), un film de commande hélas plutôt anecdotique dont le script est certes solide mais la mise en scène très académique et ennuyeuse. Avec un concept similaire mais déplacé dans un décor plus propice au suspense et en y mêlant une histoire de malédiction familiale, on obtient tout de suite un film plus engageant. Le film a son tueur de chair et de sang, l’élément fantastique n’est pas un deus ex machina sorti de nulle part pour justifier n’importe quoi, mais certaines étrangetés qui se produisent dans le film trouveront une explication moins conventionnelle. On regrettera cela dit les comportements de certains personnages parfois un peu idiots (sans non plus égaler les gamins débiles qu’on trouvera plus tard dans les slashers). Sans égaler les scripts des meilleurs films de l’époque, on a droit à une bobine sympathique au charme certain (aussi grâce à son casting féminin qu’on ne boudera pas).

LE ORME (1975) de Luigi Bazzoni 
Le pitch : Alice Campos, traductrice à Rome, se réveille un jour sans aucun souvenir des 3 derniers jours. Souffrant de stress et d’insomnies, elle prend régulièrement des somnifères mais elle ne peut croire qu’elle a dormi pendant plus de 2 jours. Ses nuits restent d’ailleurs agitées, car elle revit constamment ce rêve étrange montrant un astronaute abandonné sur la lune, réminiscence, croit elle, d’un film qu’elle aurait vu il y a très longtemps. Elle retrouve dans son appartement une robe qui ne lui appartient pas, et une carte postale déchirée représentant la façade d’un hôtel situé sur la petite île touristique de Garma, en Turquie. Intriguée et effrayée à l’idée d’avoir perdu ces 3 jours, elle décide de se rendre à cet hôtel à Garma en quête de réponses. Là bas, elle y croise Paola, une petite fille qui prétend l’avoir rencontrée il y a deux jours, mais sous un autre nom : celui de Nicole.
LE ORME (littéralement « les empreintes » ou « les traces », traduits en FOOTPRINTS pour le titre anglais du film, ou encore FOOTPRINTS ON THE MOON) est un curieux film. Une sorte de thriller paranoïaque dans lequel on suit le personnage d’Alice (jouée par une excellente Florinda Bolkan au sommet de sa carrière) en quête de son passé, de son identité, grâce à des bribes de souvenirs qui viennent envahir son quotidien.
On pourrait craindre que le pitch jouant sur la perte de repères et le questionnement de l’identité (au potentiel pourtant intéressant) pourrait facilement être ennuyeux si raconté de manière trop conventionnelle. Fort heureusement, ce n’est pas le cas ici. Luigi Bazzoni, cinéaste peu prolifique (seulement 5 longs métrages), signe ici un très beau film poétique et tragique dont le mystère nous envoute et jamais n’ennuie. Et ceci grâce à une mise en scène assez moderne pour l’époque, dynamisant la simple réminiscence d’un souvenir avec une musique, un gros plan sur un visage, et divers artifices qui favorisent la mise en place d’un suspense très « hitchcockien ». Au fil de la progression de l’héroïne dans le dédale de sa mémoire, des visions viennent poncturer la mise en scène, comme ces scènes vraisemblablement tirés d’un vieux film de SF (terrifiantes, ponctuées d’une musique non moins glaçante) ou d’autres plus proches d’elle, plus réalistes.

Un voyage introspectif aux confins de l’étrange
Le film est un vrai labyrinthe mental, une enquête conçue pour dérouter le spectateur et maintenir une tension et un mystère qui tient en haleine, et sans meurtre spectaculaire ni effet gore. Simplement une atmosphère efficace. Le film est une petite merveille esthétique en termes de mise en scène. Le réalisateur s’aide beaucoup des décors qu’il sait sublimer ou rendre mystérieux. Tel un Dario Argento ou même un Mario Bava, il sait exploiter l’architecture des décors à merveille pour en dégager une atmosphère, qu’elle soit froide et clinique lorsque Alice est encore à Rome dans un décor moderne, ou fantasmagorique et étrange sur l’île de Garma avec ses plages ou ses bois abritant les ruines d’un ancien village.
Ce n’est pas un hasard si la partie visuelle est si réussie. Le film bénéficie de l’expérience de Vittorio Storano, directeur de la photographie de bon nombres de grands films tels que L’OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL de Dario Argento, LE DERNIER TANGO A PARIS, 1900, APOCALYPSE NOW de Francis Ford Coppola ou encore LE DERNIER EMPEREUR de Bernardo Bertolucci. Ses éclairages magnifient des décors réels. Il a aussi parfois recours à des teintes de bleu (l’arrivée sur l’île de Garma) comme pour renforcer l’entrée dans un monde différent de celui de Rome, plus onirique.

Un vrai travail sur les décors dans la composition des plans
Et il ne faudrait pas oublier la musique de Nicola Piovani qui sait se rendre oppressante et terrifiante (les segments du film de SF sur la lune) ou plus douce et émouvante. Apparemment il y eut une rumeur à ses débuts attestant que Piovani était un pseudonyme de Ennio Morricone tant ses talents auraient été appréciés et comparables à ceux du maestro. On a pu entendre ses compositions dans des films comme LE PARFUM DE LA DAME EN NOIR, GINGER ET FRED, LA VIE EST BELLE (de Benigni), etc.
Et il serait injuste de ne pas mentionner le casting. En réalité, c’est surtout Florinda Bolkan qui occupe tout le temps l’écran, les personnages secondaires étant plus effacés, tels les souvenirs qu’elle essaie de retrouver. Nous suivons le film à travers ses yeux et rarement la caméra s’éloigne d’elle. Et c’est probablement un des plus grands rôles de sa carrière. Elle peut y déployer toutes les nuances de son jeu d’actrice. Souvent troublée, parfois heureuse, elle est moins enfermée dans un rôle que dans les gialli qu’elle a pu tourner (la bourgeoise frustrée et perdue du VENIN DE LA PEUR, ou la sorcière de LA LONGUE NUIT DE L’EXORCISME). On peut aussi mentionner la gamine la plus célèbre du cinéma de genre italien de l’époque, la jeune Nicoletta Elmi (vue notamment dans LA BAIE SANGLANTE, QUI L’A VUE MOURIR ?, LES FRISSONS DE L’ANGOISSE) qui livre une performance tout à fait à la hauteur (elle n’avait que 11 ans) dans le rôle de la fillette un peu mythomane mais qui semble avoir réellement rencontrée Alice deux jours plus tôt. Elle est sans doute le second rôle le plus présent parmi les autres résidents de Garma.

Les deux vedettes du film
À noter que la fameuse île de Garma n’existe pas. Elle correspond à la région d’Antalya en Turquie, et une partie du tournage a eu lieu dans la station balnéaire de Kemer, et l’ancien village dans les bois correspond au site archéologique de Phaselis. Un coin charmant qui facilite ce climat d’étrangeté mystique insufflé au film.
Ce que le spectateur pourrait regretter après visionnage, c’est la fin. Pourtant parfaitement logique et certainement la façon la plus cohérente de répondre aux questions soulevées, elle peut malgré tout être frustrante. À ceux qui éprouvent ce sentiment, je dirais que le voyage importe plus que la destination. Tout le film est un vrai plaisir à suivre, seule la résolution peut sembler un peu banalement conventionnelle, de nos jours en tous cas. Peut être pas tant que ça à l’époque, remettons le film dans son contexte. Malgré tout, c’est une expérience à tenter.
LE ORME n’est ni un giallo, ni un film fantastique, encore moins de science-fiction. C’est un thriller psychologique s’aventurant sur le terrain de l’amnésie, la paranoïa, pour un résultat sacrément bon.

LA MAISON AUX FENETRES QUI RIENT (1976) de Pupi Avati 
Le pitch : Stefano (Lino Capolicchio) est un jeune artiste qui, via la recommandation de son ami Antonio, s’est vu confier par le maire d’un petit village perdu de la province de Ferrare la restauration d’une fresque d’église représentant le martyre de Saint-Sébastien. L’œuvre a été réalisée par un peintre local, Buono Legnani, réputé comme ayant perdu la raison avant de se suicider 20 ans plus tôt. Rapidement, Stefano va ressentir que tout le village ne voit pas d’un bon œil la restauration de cette fresque. Il reçoit d’étranges avertissement jusqu’à ce que son ami Antonio meure dans d’étranges circonstances. Il risque lui aussi de se retrouver en danger et d’entrainer avec lui la jeune institutrice dont il est tombé amoureux.
En voilà un titre étrange. Et un film tout aussi étrange. Là encore régulièrement rangé dans les gialli alors qu’il tient plus du film d’horreur, LA MAISON AUX FENETRES QUI RIENT est l’œuvre de Pupi Avati, un réalisateur singulier adepte du macabre et dont les films n’entrent justement dans aucun genre spécifique. On pourrait rapprocher le film de THE WICKER MAN avec sa communauté isolée qui évolue en vase clos, avec ses règles et secrets propres, détachée du reste du monde. L’atmosphère de ce village rural en décrépitude rappelle aussi LA LONGUE NUIT DE L’EXORCISME. Le film est lent, très atmosphérique et mystérieux. Il prend son temps pour installer son ambiance mortifère digne d’un cauchemar. Alors qu’au début notre héros est accueilli dans un hôtel correct, il sera expulsé sans vraie raison valable et se retrouvera à louer une maison au bord de la ruine tandis que les autochtones se montreront de moins en moins amicaux. Son ami qui tentait apparemment de l’avertir d’une histoire terrible qu’il aurait découverte, meurt. Plus le film avance et plus tout se dégrade. Le village tout d’abord d’apparence paisible se transforme en lieu de perdition qui laisse place à la barbarie.
Globalement, le film baigne dans cette ambiance un peu craspec des films d’horreur des années 70. Si les séquences « chocs » se font rares et arrivent surtout à la fin, le film débute malgré tout par une introduction angoissante montrant un homme attaché et torturé, hurlant, le tout sur fond d’une sorte de poème macabre récité par Buono Legnani semblant en proie à la folie tant on ne peut mettre un sens sur ses mots. Un « poème » qui sera retrouvé plus tard, enregistré sur bande magnétique, tandis que Stefano enquêtera sur les origines de la fresque qu’il doit restaurer et son auteur maudit, surnommé le « peintre de l’Agonie ».

Une enquête dangereuse sur un peintre fou
Le film sait générer le malaise chez le spectateur, que ce soit avec ses décors tristes et menaçants (ses maisons branlantes, son brouillard nocturne), le comportement étrange des habitants qui semblent au courant de ce qui se trame mais sans rien faire pour changer quoi que ce soit, l’isolement du protagoniste (qui malgré tout trouve du réconfort auprès d’une jeune femme arrivée en même temps que lui, mais tout aussi perdue). et son sound-design sobre et efficace, privilégiant parfois les bruitages d’un arbre qui craque à la musique. Cependant, la musique d’Amedeo Tommasi sait nous rappeler à l’ordre lors des moments de tension importante.
Il n’est pas aisé de parler du film sans trop en révéler. Tout tourne autour de ce que la peinture une fois restaurée va dévoiler du passé du peintre et pourquoi certains ne souhaitaient pas que cela s’ébruite. Car un terrible secret serait caché dans l’ancienne demeure du peintre, cette fameuse maison « aux fenêtres qui rient ».
La révélation finale, si elle vire presque au grotesque, reste glaçante. J’utilise bien le terme grotesque et non absurde, car le mot évoque un certain malaise. Le film s’aventure dans le surnaturel à plusieurs reprises, comme lorsque le magnétophone avec la voix de Legnani s’allume alors que le protagoniste vient de faire sauter les plombs de son logement. Aucune explication ne sera donnée à ce genre d’évènements. Et pourtant il ne s’agit pas d’une histoire de fantômes (quoique…il s’agit bien de « fantômes » du passé qui ressurgissent). Le film nous habitue à des situations qui laissent notre personnage principal dans la perplexité. La fin également surprend par ce qu’elle ose montrer. Mais comme tout semble de plus en plus irréel et cauchemardesque au fil de l’intrigue, ce n’est pas l’incrédulité qui nous gagne à la fin, mais le malaise et la nausée.

Point de châteaux gothiques au sens romanesque du terme, mais le troublant isolement de la campagne profonde
LA MAISON AUX FENETRES QUI RIENT est un film qui nous hante encore après sa vision, grâce à sa maîtrise des codes du film d’atmosphère inquiétant et sa lente descente aux enfers qui étouffe tout espoir. Sans non plus s’apparenter aux films macabres de Fulci (L’AU DELÀ, FRAYEURS) dans lesquels la forme prime sur le fond et où la logique et la cohérence n’ont plus court, le film de Pupi Avati est tout de même une version soft d’un film cauchemardesque où on peine à expliquer tout ce qu’on a vu. Si une explication logique reste envisageable (il n’y a rien de dramatiquement surnaturel), on nous laisse volontairement dans l’ignorance de certaines explications pour nous laisser seul face à nos doutes et à l’angoisse.
C’est avec ce dernier film que s’achève ce dossier sur les « faux gialli », ces films souvent rattachés au genre mais qui en sont parfois éloignés thématiquement. LA LONGUE NUIT DE L’EXORCISME se refuse toute esthétisation et le volet « film d’exploitation » du giallo, d’autres films n’ont aucun meurtre ou aucun mystère quant à l’identité du meurtrier. Ce sont avant tout des films « à suspense » mais qui valent tout de même le détour. Ce dossier n’a pas la prétention d’être exhaustif, mais avec ces films et les gialli qui vont ont déjà été présentés, vous avez de quoi faire si vous voulez vous plonger dans le thriller italien des années 1970.
Voici tout de même une liste de quelques films supplémentaires toujours « à la frontière du giallo » méritant un visionnage :
- JE SUIS VIVANT (1971)
(très bonne enquête sur des disparitions de femmes mais vraiment noir et déprimant)
- A LA RECHERCHE DU PLAISIR (1972)
(thriller érotico-psychologique, un ancêtre de BASIC INSTINCT. Mais au rythme un peu mou.)
- TROPIQUE DU CANCER (1972)
(mélange de giallo et de mondo à Haïti, avec ambiance vaudou, un peu bancal mais dépaysant)
- TON VICE EST UNE CHAMBRE CLOSE DONT MOI SEUL AI LA CLÉ (1972)
(une adaptation libre du CHAT NOIR de Poe à la façon de Sergio Martino, perverse et cruelle)
J’ai vu LA LONGUE NUIT DE LEXORCISME et c’est franchement pas mal. Je l’aurais mis dans les gialli. Je vois que je n’ai pas l’exigence absolue des aficionados du genre..^^
J’aime cette liste et je retiens aussi LA MAISON AU FENETRES QUI RIENT qui contient une promesse d’atmosphère assez gouleyante.
Je parviens parfois à en trouver à la médiathèque de Rennes et la plateforme SHADOWZ en propose régulièrement.
Je crois qu’il y a l’histoire de chambre et de clé…mais on dirait qu’on va regarder un truc érotique…^^
C’est un peu sulfureux TON VICE EST UNE CHAMBRE…mais pour le coup c’est malsain parce que Anita Strinberg se fait maltraiter comme pas permis donc pour le côté émoustillant on repassera. C’est assez pervers et cruel. Et mélangé au concept de l’histoire du CHAT NOIR de Poe.