CINEMA SHOW
Chronique du one shot : BATMAN : THE KILLING JOKE
Date de publication : 1988
46 pages
Auteurs : Alan Moore (scénario) & Brian Bolland (dessin)
Genre : Super-héros, polar, thriller
Éditeur : Urban Comics (respectivement publié auparavant chez Comics USA sous le titre « SOURIEZ », Delcourt sous le titre « RIRE ET MOURIR » et Panini Comics)

La première édition en VF, sortie à l’époque de la publication originelle.
Le pitch : Batman a décidé d’avoir une discussion sérieuse avec le Joker, espérant mettre fin à leur lutte incessante. Il se rend alors à l’asile d’Arkham pour le confronter. Mais le Joker s’est de nouveau évadé !
Déterminé à punir ses ennemis, le clown machiavélique veut prouver au monde sa théorie : Une seule journée infernale peut faire basculer n’importe qui dans la folie, comme cela lui est sans doute arrivé il y a longtemps, bien qu’il ne se souvienne pas très bien de ce passé enfoui dans les méandres de son esprit torturé. Il abat ainsi Barbara, la fille du commissaire Gordon, sous les yeux de son père. Puis, après avoir mis la main sur un ancien parc d’attraction délabré, il emprisonne le commissaire pour continuer de le torturer, espérant le rendre fou en une seule journée fatidique…

La première planche, dans ses deux versions, avec le même gaufrier que pour WATCHMEN.
En 1988, alors que se profilait à l’horizon le premier film de Tim Burton dédié au personnage de l’homme chauve-souris et que la Batmania s’apprêtait à tout emporter sur son passage, une rumeur circulait sur la possibilité que le scénario du long métrage adapte la trame de THE KILLING JOKE. Ce postulat, hélas, ne dépassa jamais le stade du fantasme, mais Tim Burton répéta tout de même que ce comic book, l’un des seuls dont il affirmait être fan, avait été l’une de ses principales sources d’inspiration. Et le réalisateur d’insister sur le fait que, s’il aimait tant cette BD alors qu’habituellement il ne s’intéressait pas du tout à ce médium, c’était précisément à cause de sa narration et de son découpage, particulièrement cinématographiques…
Pour ma part, la découverte de cette lecture lors de sa sortie originelle (dans l’édition Comics USA en 1989) a été un choc absolu. L’adolescent que j’étais à l’époque, qui lisait l’album en boucle, découvrait soudain que la BD pouvait devenir le vecteur d’une narration savante, et qu’il était possible d’y articuler une mise en scène de manière aussi sophistiquée qu’au cinéma.
À cette époque, je rêvais de devenir auteur de bande-dessinée et cette démonstration de virtuosité dont faisaient preuve Alan Moore & Brian Bolland avait vraiment été une révélation. Il y avait un avant et un après THE KILLING JOKE. À partir de là, jamais plus je ne lirai une BD sans en étudier le découpage, les dialogues, la mise en scène ; bref, tout ce que l’on appelle « l’art séquentiel ». À partir de là, ce critère d’évaluation allait devenir le critère principal de toutes mes lectures à venir, avant celle de l’histoire que l’on me raconte, avant celle des personnages, de leur caractérisation et de tout le toutim.

Et Red Hood devint le Joker…
Alan Moore n’a écrit que deux histoires de Batman. La première, NOCES D’ARGILE (BATMAN ANNUAL #11 : MORTAL CLAY, 1987. Dessin de George Freeman), est un court mais brillant récit de 23 pages. THE KILLING JOKE est donc la deuxième. Les fans de la batfamily considèrent néanmoins que cette seconde incursion dans le batverse est très importante pour leur sacro-sainte continuité, puisqu’elle revisite les origines du Joker en même temps qu’elle scelle le destin de Barbara Gordon (qui était Batgirl à l’époque, et qui deviendra Oracle lorsque, après avoir survécu à cet événement, elle finira sur une chaise roulante). Pour autant et parce que tous les goûts sont dans la nature, THE KILLING JOKE ne fait pas l’unanimité et plusieurs lecteurs contestent son aura, certains d’entre eux snobant Alan Moore par principe, jugeant ses œuvres pompeuses et obscures, préférant le mainstream traditionnel et donc les origines telles qu’elles avaient été suggérées dans les récits old school. C’est pourtant un récit purement old-school qui a inspiré Alan Moore pour l’écriture de THE KILLING JOKE.
Au départ, Moore & Bolland devaient réaliser un crossover entre Batman et Judge Dredd. Mais, comme le projet tomba à l’eau, Bolland demanda au scénariste de lui écrire plutôt une histoire sur le Joker. Alan Moore s’inspira alors d’un vieil épisode relatant les origines du vilain en question dans un numéro des années 50 (DETECTIVE COMICS #168 : THE MAN BEHIND THE RED HOOD, 1951). Dans ce petit récit old school, parfaitement naïf et enfantin, on apprenait effectivement que le Joker avait été auparavant un bandit évoluant sous un casque rouge. On était loin de ce qu’allait en faire le barbu de Northampton, en donnant une dimension tragique, voire shakespearienne à la figure du Joker, devenu fou après une journée ayant particulièrement mal tourné. Si ce principe a eu des répercussions (au point qu’une série anthologique intitulée BATMAN : ONE BAD DAY, ait mis en scène les principaux ennemis de Batman et la fameuse « journée fatidique »), on a pu entendre certains lecteurs accrocs à la continuité s’élever (parfois en brandissant des arguments de caractérisation au ras des pâquerettes) contre cette idée qu’un personnage puisse devenir fou et méchant en une seule nuit. Brian Bolland lui-même, pourtant très fier du résultat, aurait préféré que ces origines soient suggérées comme un délire potentiel de l’esprit malade du Joker, plutôt que comme une série de flashbacks aussi précise et officielle.
Mais l’intérêt de THE KILLING JOKE est ailleurs.

Champ / contre-champ, et vue en plongée.
Rarement récit aussi court aura été aussi intense. Et toute la quintessence de la mythologie de BATMAN est là, en seulement 46 pages. Par une série d’ellipses et de sauts dans le temps, le lecteur découvre donc comment le Joker a sombré dans le chaos et la folie meurtrière, tandis que la figure de Bruce Wayne, sous une forme épurée, est parfaitement assimilée. L’homme est taiseux, sinistre et brutal. Mais il cache sous une façade de marbre les mêmes névroses et les mêmes douleurs que son ennemi. Il en ressort une vision iconique et monolithique du héros nocturne, épurée, basique, mais parfaitement adaptée au mythe du personnage. Le tout mis en scène d’une manière qui résiste prodigieusement à l’épreuve du temps. Voilà ce qui fait de THE KILLING JOKE un grand moment de bande-dessinée.
Malgré son aura de « récit important pour la continuité », ceux qui n’en ont rien à fiche trouvent là, avant tout, un album (puisque c’est ainsi qu’il a été pensé sous sa forme de one-shot) pouvant se lire de manière parfaitement autonome et auto-contenue. Une entité à lui tout seul, une véritable fable, avec un début, un milieu et une fin. Un récit parfaitement universel, adulte, exigeant. Un mètre étalon.

Plan américain, zoom et gros plan.
Le découpage en gaufrier sur lequel s’articule toute la construction narrative est redoutable. Malgré son apparente simplicité, il regorge d’idées de mise en scène en étant continuellement pensé, comme dit en introduction, selon les codes du cinéma. Ellipses et fondus enchaînés (ici remplacés par la simple juxtaposition d’un même cadrage et d’un même point de vue d’une vignette à l’autre à chaque fois que l’on change de séquence et donc d’espace-temps), champs / contre-champs, vues en plongée et en contre-plongée, changements de plan en jouant avec le gaufrier, c’est un festival de trouvailles cinégéniques.
Enfin, la construction de l’intrigue en boucle, bouclée autour du titre original (la « blague qui tue »), en plus de structurer magistralement un récit extrêmement resserré, permet de mettre en scène une confrontation entre un « héros » et un « vilain » de manière à ce qu’elle brise le manichéisme consacré des histoires basiques de super-héros, en nous permettant de voir plus loin, de manière subtile et sophistiquée. Ce n’est donc plus du tout le combat simpliste d’un méchant contre un gentil, mais le conte tortueux de deux individus tombés dans les rouages d’une destinée absurde qui se joue perpétuellement de l’un et de l’autre… Et c’est génial.

« Fondu enchainé » et changement d’espace-temps en utilisant également la colorimétrie.
Lorsque l’album est paru dans sa première édition, le dessinateur Brian Bolland était très déçu de la mise en couleur de son collègue et compatriote John Higgins (car toute l’équipe de THE KILLING JOKE était britannique). Ce dernier, déjà à l’œuvre sur WATCHMEN, avait rehaussé l’ensemble de tout un camaïeu de couleurs acidulées dominées par les jaunes (une couleur primaire) et les violets (sa complémentaire), pour un résultat très psychédélique, en accord avec la tonalité hallucinée du récit, comme si cette palette chromatique criarde sortait de l’esprit tortueux du Joker !
À l’occasion du vingtième anniversaire de l’album, Bolland eut l’opportunité de refaire lui-même complètement les couleurs. Il a fallu un long moment avant que je décide d’y jeter un œil, car j’aimais profondément la version originale et je ne comprenais pas l’intérêt d’une refonte complète de ce point de vue-là. Ce fut donc avec une agréable surprise que je découvrais ce qu’avait tant regretté le dessinateur : Dans sa version, on assiste à une approche bien plus conceptuelle qu’une simple « atmosphère colorée » telle que l’avait conçue John Higgins. Bolland la joue beaucoup plus subtil en optant pour une colorimétrie « ton sur ton », des couleurs délavées et des gris colorés. Mieux encore : lors des flashbacks (qui nous décrivent le quotidien du Joker avant sa transformation en vilain), l’artiste génère du contraste et utilise un faut noir et blanc qu’il nuance en laissant apparaitre ici et là une couleur chaude (généralement le rouge), afin de créer du sous-texte. Ainsi, le bol de tentacules dans son appartement ou le saladier rempli de crevettes dans le bistrot, font écho, tel un avertissement, au casque rouge de Red Hood et aux méandres qui hantent l’esprit du personnage, en train de perdre complètement les pédales et de voir son existence lui échapper avant sa transformation en Joker… Une plus-value certaine, qui m’a amené à posséder les deux versions de l’album, que je lis à présent en alternance !

Étude comparative et « fondu enchainé ».
Que dire de plus ? la publication de THE KILLING JOKE fit couler beaucoup d’encre à l’époque de sa sortie, déchainant les sensibilités féministes (il fut ajouté à la liste des « femmes au frigo » initiée par la scénariste Gail Simone depuis un épisode de GREEN LANTERN dans lequel la petite amie du héros avait été retrouvée dans un réfrigérateur) à cause d’une Barbara Gordon utilisée dans le récit comme une victime de la brutalité masculine, un vulgaire « dégât collatéral » réduit au final à un statut d’handicapé. Alan Moore lui-même condamna la chose et dénigra longtemps son travail avant de revenir sur ses propos et, sur le tard, de reconnaitre que tout ceci était exagéré et que ce qu’il avait fait n’était finalement pas si mal !
L’autre élément qui déchaina les passions se situe sur la planche finale, lorsque les trois dernières vignettes nous laissent entendre la sirène des voitures de police et que l’on ne voit ni n’entend plus les deux ennemis ayant apparemment cessé de rire, suggérant (en tout cas selon certains lecteurs) que Batman a finalement étranglé le Joker, ce qui est un crime de lèse-majesté pour les fans ultimes du batverse, qui estiment que Batman ne tue pas et que cela est grave. Encore une tergiversation sur la caractérisation du personnage au ras des pâquerettes, d’autant que l’on ne voit rien du tout et que tout est affaire d’interprétation (tout comme la possibilité que le Joker ait violé Barabara, ce qui, là aussi, a choqué son monde alors que rien ne certifie que cet acte ait pu avoir lieu) !
Il est fort probable que ce petit chef d’œuvre du comic book super-héroïque survive à toutes ces vexations, que l’on oubliera avec le temps, au profit des qualités intrinsèques de cette fable virtuose, réalisée par deux des plus grands artisans de leur époque au sein de l’art séquentiel.

Dernière planche, juste après « la blague qui tue » (notez qu’à la fin, on n’entend plus les rires de Batman et du Joker)…
En 2016, les studios Warner Bros. Animation et DC Entertainment produirent, avec le même opportunisme qui conduit toutes les entreprises à décliner le succès d’une œuvre sous quelque médium que ce soit (et du personnage de Batman en particulier), une adaptation sous la forme d’un long métrage d’animation. Le film, réalisé par Sam Liu (pour une durée de 76 mn), ajoute, si j’ai bien compris, tout un long prologue mettant en scène les exploits du personnage de Barbara Gordon sous le costume de Batgirl, ainsi qu’une romance entre cette dernière et Batman, avec une scène de sexe explicite, bien que totalement hors-champ. Là encore, les spectateurs américains s’offusquèrent pour pas grand-chose, et ne remarquèrent pas que l’essentiel était ailleurs.
Je n’ai pas vu cette adaptation et j’avoue n’en avoir aucune envie car, comme dit et répété, que pourrait-elle ajouter à un récit aussi parfait sous sa forme de comic book ? Comprenons-nous bien : L’idée n’est pas de jouer les puristes, mais seulement de reconnaître, une fois encore, que le chef d’œuvre d’Alan Moore & Brian Bolland n’a pas pas besoin d’être rallongé, comme il n’a pas besoin d’être mis en parallèle avec la continuité éditoriale du personnage, ni même d’être décliné sous un autre médium qui viendrait remplacer ses principales qualités formelles de découpage séquentiel. Il se suffit à lui-même.

La même chose, mais complètement différente…
Puisqu’il a été pensé comme un montage de narration filmique, la meilleure façon d’adapter au cinéma ou en vidéo le roman graphique d’Alan Moore & Brian Bolland n’aurait-elle pas été de le faire plan par plan ? N’aurait-il pas été plus cohérent de reprendre le découpage du comic book avec ses fondus enchainés et ses cadrages cinématographiques, son timing et sa narration pulsionnelle ? Certes, on aurait abouti davantage sur un court métrage que sur un film de 76 mn. Mais reconnaissons tout de même que l’exercice aurait pu être très intéressant, bouclant la boucle d’une histoire conçue au départ, malgré sa forme de papier, comme au cinéma…
C’est avec une certaine émotion que j’achève cet article. Car THE KILLING JOKE est une des lectures phares de mon cheminement personnel. Une de mes bandes-dessinées préférées. Mon découpage séquentiel préféré. Mon comic book super-héroïque préféré. Mon histoire de BATMAN préférée. Mon dessinateur de BATMAN préféré. Et Alan Moore, mon auteur de comics préféré, évidemment.
That’s all folks !!!
Très bon article, tu m’apprends quelques trucs au passage sur les origines et l’inspiration d’Alan Moore (et les polémiques mais comme toute polémique, elles n’ont souvent qu’un intérêt très restreint voire anecdotique). Tes scans me confortent que je suis décidément bien plus client de la nouvelle colorisation. Je n’ai même plus la vieille édition (il faut dire que je l’avais dans un format J’ai lu de poche… tout le découpage en pâtissait).
Ah… L’ancienne colorisation (on devrait même parler d’ancienne version, puisque Bolland a aussi retouché tout un tas de dessins)… On en avait déjà longuement discuté sur Bruce Lit mais j’y reste vachement attaché. Du coup je garde les deux !
Les polémiques : J’en ai parlé parce je voulais que l’article soit le plus exhaustif possible. Mais franchement, je ne leur accorde strictement aucun intérêt !
J’ignorais que des dessins avaient été retouchés.
En tous cas moi je reste fan de la première colorisation. Elle est bien plus agressive pour les sens, plus perturbante. On pourrait trouver que c’est du Bava^^ Rendre tout blanc/gris à la place de couleurs baroques agressives, ça perd en impact je trouve. Sans parler que le Joker est un clown, un personnage coloré (mais dangereux) Ces couleurs/éclairage vifs et agressifs collent super bien, et surtout dans le parc d’attraction à la fin. Je ressens 10 fois moins la violence dans la nouvelle colorisation.
Les deux colorisations sont différentes, mais elles ont des qualités toutes les deux. Mais je reconnais avoir une préférence pour la première. De plus, je suis tellement habitué à la première traduction, après l’avoir lue une centaine de fois, que la seconde me plait beaucoup moins.
La dernière polémique sur le meurtre du Joker, c’est cet abruti de Morrison qui l’a lancée.
J’en avais entendu parler. C’est un peu couillon comme affirmation, quand même. On ne voit rien du tout et on peut interpréter ce qu’on veut !
Ah je savais pas pour Morrison (ni pour la polémique en fait). Oui c’est couillon. Cela n’a qu’un seul intérêt : donner une interprétation pas forcément perçue par tout le monde (c’est mon cas). Le souci est que cela devienne une affirmation et provoque des discussions inutiles et sans fin.
Hello guys.
La polémique qui m’avait particulièrement surpris à l’époque, c’était l’histoire du viol de Barbara…
Cet album entre autre a façonné, chez moi cette idée que le Joker était fou à lier totalement hors de portée de pulsions humaines, c’était une idée pour moi de la cruauté comme celle de l’enfant qui arrache les pattes d’un araignée…
J’ai du coup totalement débarqué de la lune quand il a été question de faire du Joker un « pervers ».
Cette histoire d’étranglement, c’est aussi une richesse de l’album. il est assez fort pour qu’on puisse imaginer des choses après avoir refermé le livre.
Après un œuvre de Mozart, le silence qui suit est toujours de Mozart comme dirait l’autre….
Welcome Eddy !
Oui il y a aussi cette polémique sur un viol qu’on ne voit pas… C’est tout à l’honneur d’Alan Moore d’avoir su faire en sorte qu’on puisse interpréter les choses à sa façon. Et partant de là, je trouve que ça coupe l’herbe sous les pieds de tous les chouineurs parce que… ben on voit rien, quoi ! Du coup, si on aime pas une idée, on a qu’à en choisir une autre. Personnellement ce viol, au sens physique du terme je veux dire, je ne l’ai jamais vu.
En lisant ton analyse des raisons qui te font aimer cette publication, je comprend bien l’impact qu’a pu avoir sur ta perception du médium cet album résolument « hors-continuité », au niveau de son radicalisme scénaristique ainsi que de sa mise en forme graphique ; le côté « réaliste » des deux encore renforcé par le figuratif achevé du travail rigoureux de Bolland. La forme est décidément une partie du tout qui prime souvent dans ton assimilation des œuvres soumises à ta critique, si on en croit tes articles. Les parti-pris scénaristiques choisis par Moore et Bolland t’ont manifestement touché et tu as fonctionné à fond les manettes sur cette histoire, sombre au possible.
Je lui avais trouvée, en ce qui me concerne, un intérêt complètement relatif : ni le pitch, ni son traitement ne m’avait parlé -et je suis plutôt resté en dehors de la scénographie des pages. J’imagine qu’une culture cinématographique (technique) aide à mieux en apprécier toutes les subtilités, comme l’indique tes choix vocabulaires, dans tes remarques ; et j’en constate volontiers toute la justesse.
N’empêche que cela n’a pas suffi à me faire aimer cette parenthèse dans les aventures de la chauve-souris -parenthèse pas du tout enchantée, pour les personnages !!- et que j’avais trouvé le tout vide d’intérêt (entre autres, l’origine de la folie extrême du Joker n’est pas franchement justifiée par son drame intime) et je m’étais un peu ennuyé devant l’absence assez manifeste de toute sentimentalité au sein de ce récit crépusculaire, ceci empêchant mes mécanismes d’identification/sympathie de fonctionner.
Question de perception, donc ; mais j’aurais néanmoins du mal à considérer ce Comic comme un chef d’œuvre sinon, peut-être, d’un point de vue purement technique (pourquoi pas ?!).
Pour le coup, le fait que la folie n’est pas justifiée par son drame intime est à mon sens un élément de l’histoire, d’une part parce que le Joker est incertain de la fiabilité de ses souvenirs, et d’autre part par le fait que la résistance de Gordon à la torture physique et psychologique qu’il subit prouve que la théorie de la « Mauvaise journée » n’est que du flan, une excuse.
Alors là, je ne peux pas être objectif avec cette BD ! ^^
Effectivement, chez moi la forme domine tout. Je suis incapable de lire et d’apprécier toute sorte de comics de super-héros naïfs, ampoulés et racontés avec une forme infantile comme les X-men de Claremont et tout le toutim.
Le Claremont que j’ai assimilé et que je préfère (pré-Eighties, pour être précis) n’est pas infantile : le ton est romanesque, théâtral -parfois ampoulé : c’était aussi une sorte de norme associée de facto au genre-, pseudo-scientifique, maladroitement Humaniste. Mais le médium d’alors vise surtout une jeunesse TRÈS jeune, et son sujet de prédilection en ce cas précis (les Super-Héros) encadre et limite la portée des messages véhiculés par les auteurs. L’auto-censure professionnellement obligée joue aussi, d’où un parti-pris de « naïveté » (en fait de négation) vis-à-vis de certaines réalités malaisées à inclure, Comic Code oblige, dans les séries. Mais cependant, je te garantis que cette période-là offre une richesse de lecture propre à intéresser des adultes, pourvu qu’en amont ils acceptent -en toute logique- la validité d’un univers où pullulent les Super-Slips.
C’est de la S.F. bis, mâtinée de tout ce à quoi on voudra bien l’assaisonner, à la mode du moment : un terreau particulièrement riche, et propice aux extrapolations les plus outrées (souvent), qui ont parfois autant accouché de montagnes d’âneries que de souris très attachantes, prodigieusement émouvantes dans leur profondeur renouvelée, via cette alchimie des genres -et des « talents ».
Je comprends que c’est la forme assumée que prennent ces publications qui te les fais qualifier d’infantile ; mais elle n’est que la partie imposée par le système : très souvent, les auteurs de cette ère d’excès en tout -et évidemment aussi dans les domaines de la création- se sont fait un devoir d’exprimer d’avantage d’eux-même au travers de leur carcan d’obligations éditoriales ; ne serait-ce qu’en essayant de remplir leur contrat du mieux qu’il l’ont pu.
Je ne dis pas que tout est génial, bien sûr ; même dans les histoires les plus célèbres. Mais l’adulte est souvent très présent derrière les cabrioles colorées (et maladroites !) et, avec le temps et les re-lectures, on en a une perception de plus en plus claire, ne serait-ce qu’au travers du ressenti -partagé- du plaisir qu’il a pris a tenter « quelque chose ».
J’ai lu les X-men de Claremont quand j’étais gamin, et je me les suis relus adulte, il y a quelques années. J’ai tout lu du 1° épisode des New X-men (1975), jusqu’à l’intégrale 1984. Après j’ai arrêté (j’ai fait pareil avec Amazing Spider-man où je me suis obligé à subir les intégrales de 1963 à 1980 environ, de mémoire). C’était une torture. Je suis incapable de passer outre cette narration jeune public désormais (je trouve ça vraiment, vraiment très mauvais).
De cette ère Claremont, j’ai tout de même gardé trois sagas que j’ai en album : DIEU CRÉE, L’HOMME DÉTRUIT et la SAGA DES BROODS, parce que j’avais été très impressionné gamin en les lisant, et que je continue d’aimer relire par pure nostalgie, et l’arc narratif LIFEDEATH (Barry W. Smith), que je trouve excellent, même à l’âge adulte.
Le reste je supporte pas. Même les fameuses sagas du Phénix noir et autre Days of Futur Pasts ou Protheus, je trouve ça nullissimesque.
Bon ça va pas recommencer les débats X-men hein ! 😥
🙂 Arf ! C’était pas le but ; mais c’est vrai que c’est pas le sujet : je m’arrête là.
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