– LES CONTES ET LÉGENDES DU CINÉMA DE PAPA –
Chronique des films du même genre que ceux de Ray Harryhausen : JACK LE TUEUR DE GÉANTS, LES AVENTURES DE TOM POUCE, LES MERVEILLEUX CONTES DE GRIMM (LES AMOURS ENCHANTÉES), LES 7 VISAGES DU Dr. LAO, DARBY O’GILL ET LES FARFADETS
Date de sortie des films : De 1958 à 1964.
Genre : Fantastique, contes.
Niveaux d’appréciation :
– À goûter – À déguster – À savourer
Comme un parfum des Noëls d’antan…
Cet article est dédié aux vieux films féériques des années 50 et 60 : Les contes, les légendes et la fantasy à la papa. Nous n’y trouverons pas les films de Ray Harryhausen puisque plusieurs articles leur ont été entièrement dédiés ! Mais il y en eu d’autres dans le même genre et ce sont ceux-là que nous allons explorer aujourd’hui. La liste ne sera pas exhaustive et se focalisera au contraire sur cinq films en particulier.
Alors, faites-vous un bon chocolat chaud, allumez le sapin car c’est Noël avant l’heure à C.A.P. Comme au temps où vous étiez encore des enfants, et où vous recherchiez désespérément le “Ray Harryhausen’s style”…
AU PROGRAMME :
- 1. JACK LE TUEUR DE GÉANTS
- 2. LES AVENTURES DE TOM POUCE
- 3. LES MERVEILLEUX CONTES DE GRIMM (LES AMOURS ENCHANTÉES)
- 4. LES SEPT VISAGES DU Dr. LAO
- 5. DARBY O’GILL ET LES FARFADETS
19 janvier 1982…
Il fut un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre. En ce temps là, nous regardions la DERNIÈRE SÉANCE sur FR3 et Eddy Mitchel (qui ne chantait pas mais s’improvisait présentateur d’un véritable cinéma de quartier reconstitué) nous offrait des films déjà vieux pour l’époque, mais qui enchantaient nos mardis soirs puisque le lendemain il n’y avait pas école, qu’on pouvait donc regarder la télé et qu’il nous proposait des films qui sortaient de l’ordinaire. Des films familiaux, mais dans des tas de registres différents, allant du traditionnel western aux films de cape et d’épée, en passant par le fantastique, la science-fiction et l’épouvante. En bref, du cinéma de genre ! (l’émission était en réalité dirigée par Patrick Brion, le créateur du CINÉMA DE MINUIT).
Beaucoup de futurs geeks ont vu naitre leur passion à ce moment là, alors qu’ils enregistraient religieusement ces films sur VHS, qu’ils se les repassaient jusqu’à l’usure de la bande magnétique, revoyant en boucle LE CHIEN DES BASKERVILLE de la HAMMER, L’ÉTRANGE CRÉATURE DU LAC NOIR (en 3D !) de la UNIVERSAL, DES MONSTRES ATTAQUENT LA VILLE et ses fourmis géantes et autres SURVIVANTS DE L’INFINI avec son martien belliqueux au cerveau hypertrophié…
Quand La Dernière Séance nous faisait rêver !
C’est le 20 décembre 1983, quelques jours avant Noël donc, que l’émission diffusa LE 7° VOYAGE DE SINBAD. Mais le 18 janvier de la même année, JACK LE TUEUR DE GÉANTS était déjà venu nous émerveiller.
Mais quel est le genre de ces derniers films, en fait ? Et bien c’est celui du conte, de la féérie. Du spectacle susceptible d’être regardé pendant les vacances de Noël au coin du feu et des guirlandes lumineuses. Pour boxer dans ce genre là, il faut qu’il y ait des créatures fantastiques, des lutins, des dragons, des êtres bizarres d’un autre monde, des ogres, des pantins animés, des légendes et, par-dessus tout, des effets spéciaux !
Le mètre-étalon du genre est sans doute LE VOLEUR DE BAGDAD réalisé par David & Alexander Korda en 1943. Un chef d’œuvre (britannique) du conte des 1001 nuits magnifié par une atmosphère envoûtante et une généreuse dose d’effets spéciaux inédits pour l’époque, avec Conrad Veidt (L’HOMME QUI RIT, le modèle avéré du Joker de Gotham city, c’était lui) dans le rôle du méchant vizir et le jeune Sabu (star de l’époque qui incarna également le premier Mowgli de l’histoire du cinéma) dans le rôle du voleur. Mais il faut attendre 1958 et LE 7° VOYAGE DE SINBAD pour découvrir que la magie du cinéma est sans limites et que le KING KONG de 1933 n’était pas le seul miracle du 7° art dans la perspective de matérialiser les créatures et les mondes fantastiques les plus inouïs.
Ainsi les films que nous avons choisi répondent à tous ces critères, avec plus d’entrain, d’élégance et de conviction que tous les autres films de la même époque, et peuvent donc prétendre à être rangés dans votre filmothèque à côté de ceux du grand maître Harryhausen, pour être sortis la veille de Noël, comme au temps du bon vieux temps…
Moult monstres !!!
1) JACK LE TUEUR DE GÉANTS – /
(JACK THE GIANT KILLER) – 1962
Le pitch (une adaptation d’un conte populaire médiéval du même nom) : Au moyen-âge, dans le royaume de Cornouailles, un sorcier maléfique nommé Pendragon convoite le trône du bon roi Marc. Il envoie un géant afin qu’il kidnappe la princesse Elaine, mais le monstre est tué par un jeune fermier téméraire du nom de Jack. Du haut de son château, perché sur une île lugubre, Pendragon fomente un nouveau plan…
LE 7° VOYAGE DE SINBAD avait rencontré un tel succès que le producteur Edward Small, qui avait refusé de le produire, s’en était mordu les doigts. Il entreprit ainsi le tournage de JACK LE TUEUR DE GÉANTS dans le même esprit. On y retrouve le même réalisateur (Nathan Juran), le même acteur principal (Kerwin Mathews) et le même acteur dans le rôle du méchant (Torin Thatcher). En revanche, on ne retrouve pas Ray Harryhausen (qui n’avait sans doute pas digéré qu’on lui ait claqué la porte au nez), remplacé par Jim Danforth, l’un de ses fans…
Pour l’anecdote, c’est Danforth lui-même, après que la postproduction se soit enlisée dans moult tentatives ratées d’incruster des monstres dignes de ce nom, qui alla quémander qu’on lui laisse sa chance, sans aucun CV !
Une belle galerie de vilains !
Fréquemment, on peut lire ici et là que JACK LE TUEUR DE GÉANTS est une pâle copie du 7° VOYAGE DE SINBAD et que ses effets spéciaux, qui tentent laborieusement d’imiter ceux de Ray Harryhausen, sont d’une laideur sans nom. Avec le recul, et sachant que Jim Danforth dut tout reprendre à zéro avec des délais et des moyens ridiculement étriqués, ces critiques paraissent très injustes. Car si le temps n’a visuellement pas épargné le film qui possède aujourd’hui un côté extrêmement suranné, il lui a procuré un charme fou, rehaussé par quelques séquences d’anthologies qui ne sont pas forcément celles qui figurent sur le cahier des charges. Ainsi, le bal des sorcières qui descendent du ciel pour kidnapper la princesse sur le bateau sensé la mener au couvant, est une merveille d’inventivité et de poésie gothique, qui parvient à procurer quelques frissons sous les mélopées lugubres du compositeur Paul Sawtell.
La très onirique scène du ballet des sorcières !
À l’arrivée, JACK LE TUEUR DE GÉANTS est un enchantement à nul autre pareil qui tient la dragée haute à tout le genre du conte cinématographique car à l’époque, nul autre film n’enchaina autant de morceaux de bravoures et de créatures fantastiques dans un seul métrage. Du géant cornu à la Wyvern (une chimère au corps de dragon, à la tête de chien et à la queue de serpent !), des sorcières au serpent de mer (avec son étrange corps où l’on hésite entre les queues, les pattes et les tentacules !), du géant à deux têtes à la cohorte de guerriers de fer, jusqu’au leprechaun enfermé dans sa bouteille qui prodigue ses enchantements, en passant par le superbe château ténébreux et ses dédales infernaux, voilà un spectacle qui marqua durablement les jeunes téléspectateurs qui découvrirent la chose lors de sa diffusion à la DERNIÈRE SÉANCE, en première partie de soirée avant LES SURVIVANTS DE L’INFINI !
Un enchantement permanent !
Ne nous mentons pas : JACK LE TUEUR DE GÉANTS est une bluette naïve d’un manichéisme comme on n’en fait plus, où les gentils sont vraiment très gentils, les méchants vraiment très méchants, et ce malgré la transformation (temporaire) de la belle princesse en sorcière sado-maso semblant jouir de sa conversion aux ténèbres. Mais pris comme tel, on peut quand même l’apprécier à sa juste valeur tant il mérite sa place dans le panthéon des fééries classiques du 7° art.
2) LES AVENTURES DE TOM POUCE –
(TOM THUMB) – 1958
Entre 1958 et 1964, George Pal, réalisateur également spécialisé dans les effets spéciaux image par image (célèbre pour ses PUPPETOONS, des jouets animés) nous a offert une série de cinq films fantastiques : LES AVENTURES DE TOM POUCE, LA MACHINE À EXPLORER LE TEMPS (1960), ATLANTIS, TERRE ANGLOUTIE (1961), LES AMOURS ENCHANTÉES (1962) et LES SEPT VISAGES DU Dr. LAO (1964).
L’histoire de TOM POUCE, tout le monde la connait : Un couple de paysans n’ayant jamais réussi à avoir d’enfants se voit offrir trois vœux par la Reine de la forêt après que le mari, bucheron de son état, ait accepté d’épargner le vieux chêne. Leur vœu le plus cher est ainsi d’avoir un fils, fut-il aussi petit que le pouce…
Disney’style !
Ce petit film féérique d’un autre temps, aux effets spéciaux surannés mais aussi poétiques que ceux de KING KONG, possède un charme à nul autre pareil. Semblable à un dessin animé des studios Walt Disney de la même époque, il dégage une atmosphère au parfum délicieusement enfantin, à l’innocence presque surnaturelle.
Et puisque l’on parle de Walt Disney, ces AVENTURES DE TOM POUCE apparaissent presque comme une sorte de remake du PINOCCHIO de 1940. La trame de l’histoire est quasiment la même, où l’on retrouve la fée offrant un fils pas comme les autres à quelqu’un n’ayant jamais eu d’enfant. Où le fils en question est livré à ce monde trop grand pour lui, où les bandits ont vite fait de l’utiliser à des fins malveillantes (Grand Coquin le renard et Gédéon le chat, les deux vilains de PINOCCHIO, ayant laissé la place ici à Ivan & Anthony, respectivement interprétés tout en méchanceté chafouine par Terry Thomas & Peter Sellers, qui s’adonnent à l’exercice avec truculence), et où la bonté séminale finit par triompher des obstacles de la vie.
On notera toutefois un ton beaucoup plus léger et un environnement plus limité que celui du dessin animé de 1940 (qui était particulièrement sombre et effrayant pour un conte à destination des enfants !). Le film de George Pal s’apparentant quant à lui à un véritable divertissement familial inoffensif, sur fond de comédie musicale enjouée et lumineuse.
Presque comme Pinochio !
Sur le volet de la comédie musicale, LES AVENTURES DE TOM POUCE s’articule sur les numéros animés des Puppetoons (ici des jouets qui se réveillent, comme dans les futurs TOY STORY, afin de participer à l’action), mais surtout sur les prouesses du formidable Russ Tamblyn, l’acteur qui incarne le personnage principal. Très bon dans l’interprétation du rôle, parfait dans les chorégraphies, éblouissant lors des prouesses physiques bondissantes, la future vedette de WEST SIDE STORY porte le film sur ses (petites) épaules et dégage une candeur à toute épreuve.
Avec ses décors de carton pâte sentant bon le théâtre de marionnettes grandeur nature, son atmosphère féérique d’antan et sa poésie visuelle à l’innocence et à la sincérité sans bornes, ce premier film du cycle féérique du grand George Pal est tout simplement l’un des plus beaux représentants de son genre et de son époque. Peut-être trop léger et trop naïf pour être un chef d’œuvre, il peut trôner sans honte sur les étagères de toutes les filmothèques pour amateurs de contes de Noël à l’ancienne.
3) LES MERVEILLEUX CONTES DE GRIMM –/
( LES AMOURS ENCHANTÉES – WONDERFUL WORLD OF BROTHERS GRIMM) – 1962
THE WONDERFUL WORLD OF BROTHERS GRIMM (titre original) a été tourné à l’origine en cinérama. Un procédé révolutionnaire visant à projeter les films en version panoramique dans un format large inédit. Une idée des producteurs destinée à faire revenir les spectateurs au cinéma à l’époque où ces derniers découvraient la télévision et restaient enfermés chez eux à la regarder ! Pour des raisons de technique trop complexe et de budget déraisonnable, le procédé du cinérama (qui utilisait trois caméras pour un résultat assez maladroit puisque la limite entre les trois projections demeurait visible, apparentant l’image à un tryptique !) fut abandonné après seulement deux films particulièrement ambitieux tournés en 1962 : LA CONQUÈTE DE L’OUEST (superproduction conduite par tout le gratin hollywoodien) et LES AMOURS ENCHANTÉES, que George Pal coréalise pour l’occasion avec Henry Levin.
Un film d’un autre temps !
Le pitch : Le film illustre une version romancée de la vie des frères Grimm. De manière astucieuse, le scénario alterne le quotidien de Wilhelm et Jacob Grimm, linguistes et philologues engagés par le duc de Bavière, et les fééries collectées par Wilhelm.
Dans cette version, Jacob (Karlheinz Böhm) est un écrivain sérieux et professionnel, consciencieux et besogneux, tandis que Wilhelm (Laurence Harvey) est un rêveur qui ne pense qu’à collecter les contes pour enfants que racontent les vieilles femmes du pays. Pendant que Jacob nourrit à lui seul toute la famille, Wilhelm ne cesse de tout gâcher à cause de sa passion pour une littérature qui ne rapporte rien.
À trois reprises, un conte est intégralement raconté et mis en image :
– LE BÛCHERON ET LA PRINCESSE QUI DANSAIT : Une princesse (Yvette Mimieux) s’évade la nuit pour aller danser dans la forêt. Elle est suivie par un paysan (Russ Tamblyn) dissimulé sous un manteau d’invisibilité. Ce dernier a relevé le défi du roi : Découvrir le secret de la princesse ou… avoir la tête tranchée !
– LE SAVETIER ET LES ELFES : Un savetier ne finit jamais son travail puisqu’il préfère fabriquer des jouets pour les orphelins de son village. Hélas, la ruine le guette. Heureusement, il est sauvé au dernier moment par ses jouets qui prennent vie par magie…
– L’OS CHANTANT : Un chevalier pourfendeur de dragon (Terry Thomas) préfère envoyer son serviteur au combat afin de ne prendre aucun risque, pour au final profiter de la gloire au dépends du dit serviteur. Mais le destin lui réserve une mauvaise farce…
Trois contes, comme à Noël !
Pour réaliser le film, deux équipes : Henry Levin et ses sbires s’occupent des scènes de la vie des frères Grimm, tandis que George Pal et ses collaborateurs mettent en boîte les trois contes de fées.
Henry Levin a toujours été un metteur en scène soigné mais un peu terne, sauf lorsque son travail était chapeauté par un producteur entreprenant. C’était par exemple le cas du VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE (1959) et ça l’est encore sur notre film, qui brille manifestement de la patte de George Pal, également producteur de l’ensemble…
Les scènes « naturalistes » illustrant la vie des frères Grimm sont d’un romanesque de carton pâte mais elles exhalent un savoureux parfum de naïveté et d’innocence « disneyenne » (même si Walt Disney n’a encore rien à voir là-dedans). Tournées dans la ville de Rothenburg, en Bavière, elles bénéficient de l’atmosphère pittoresque de cette splendide ville médiévale toute en colombages et rues pavées sinueuses fleurant bon l’esprit de Charles Dickens.
Les trois séquences féériques portent la marque de George Pal et affichent des effets spéciaux image par image pleins de charme et de poésie, dans la lignée de Willis O’Brien et Ray Harryhausen. Mention spéciale aux Puppetoons du conte sur le Savetier et au dragon cracheur de feu facétieux de L’OS CHANTANT (animé par le même Jim Danforth que sur JACK LE TUEUR DE GÉANTS), segment aussi drôle que spectaculaire, dans lequel l’excellent Terry Thomas cabotine de manière truculente dans le rôle du chevalier pleutre et fourbe qui envoie son serviteur combattre le monstre à sa place !
Quant aux décors, ils bénéficient également du charme bavarois puisque les contes sont en partie tournés dans les châteaux de Hohenschwangau et de Neuschwanstein, ce dernier étant célèbre, comme tout le monde le sait, pour avoir servi de modèle à celui de LA BELLE AU BOIS DORMANT version Disney !
L’art de mêler vrais et faux décors féériques !
Ce film honteusement oublié (il n’en reste que deux copies au monde et aucun DVD par chez nous…) constitue ainsi le clou de la carrière cinématographique du réalisateur George Pal, dont il représente l’aboutissement artistique et stylistique. Grand spectacle ambitieux et généreux s’imposant peut-être comme le plus grand représentant de son genre dans l’histoire du cinéma, LES AMOURS ENCHANTÉES risque tout de même de ne pas passer auprès des nouvelles générations habituées aux images virtuelles et à l’action tonitruante. Il pourra également paraître extrêmement naïf et « balourd » (dans le sens d’une lourdeur propre à ce romanesque de carton-pâte évoqué plus haut) pour les réfractaires à ce genre de cinéma fantastique suranné et enfantin. En revanche, pour ceux qui l’on découvert, enfants, à la télévision (c’était un mardi soir autour de 1980, il me semble…), le souvenir et la nostalgie demeurent si vivaces que la magie du spectacle opère toujours de manière aussi délicieuse.
Encore un excellent candidat pour les fêtes de Noël…
Hé ho ! De là-haut !
4) LES SEPT VISAGES DU Dr. LAO – LE CIRQUE DU Dr. LAO –
(7 FACES OF Dr.R LAO) – 1964
Le pitch (d’après le roman LE CIRQUE DU Dr. LAO de Charles G. Finney) : Dans une petite ville du far-West, un riche propriétaire terrien nommé Clint Stark (Arthur O’Connell) joue de son influence pour racheter les propriétés des habitants, et ainsi devenir le maitre de la ville pour le jour où le chemin de fer viendra la traverser. Face à lui, un jeune homme pugnace nommé Ed Cunningham (John Ericson) utilise son journal, le Daily Star, afin d’encourager les gens à ne pas céder à ses menaces.
Alors que le village est sur le point de se disloquer, un mystérieux chinois nommé Dr Lao arrive et installe son cirque ambulant peuplé de créatures étranges. D’apparence frêle et farfelue, le bonhomme va peu à peu révéler aux habitants qu’il ne faut pas se fier aux apparences…
Ce petit classique du conte familial se taille une place de choix dans la mémoire des cinéphiles. Certes, les effets spéciaux datés de Jim Danforth (vu plus haut dans JACK LE TUEUR DE GÉANTS et LES MERVEILLEUX CONTES DE GRIMM) et son décor de carton-pâte ne rivalisent pas vraiment avec la splendeur visuelle des films estampillés Harryhausen, mais le superbe script de Charles Beaumont et Ben Hecht (d’après le livre de Charles G. Finney), ainsi que le jeu de l’acteur Tony Randall (qui incarne le Dr Lao mais aussi toutes les créatures de son cirque, à savoir le Yéti, Merlin l’enchanteur, Apollonius de Tyana, le dieu Pan et la gorgone Méduse !) portent le film au niveau de l’excellence.
Quant aux effets spéciaux, certes kitsch, ils véhiculent également toute la poésie de ce type de film et la scène finale avec le monstre du Loch-Ness est un petit bonheur d’animation à l’ancienne.
Les multiples visages du Dr. Lao !
Si le film dissimule une jolie dose de moralisme et de bons sentiments, il ne tombe jamais dans la niaiserie ni dans le racolage facile. Ce bon vieux Dr. Lao recadre ainsi les citoyens d’Abalone avec une rigueur à la limite de l’évangélisme, mais les émancipe également avec un sens des libertés qui annonce celles de la décennie à venir… Et lorsque la belle Angela Benedict (interprétée par la bien nommée Barbara Eden) rencontre le dieu Pan et qu’il lui joue sa musique en tournoyant autour d’elle, la jeune femme, qui jusqu’ici demeurait frigide, s’empresse de rejoindre le héros de l’histoire, dans un élan libertaire de passion fougueuse et animale !
On reconnait cependant le penchant de George Pal pour la bonne morale et l’importance de la pensée religieuse. Et notre Dr. Lao n’est finalement que l’allégorie de cette pensée ! Mais, encore une fois, le sens de l’équilibre du réalisateur, son art de la poésie visuelle et son superbe script tirent l’ensemble vers le haut et, comme le dit le personnage au petit garçon à la fin de l’histoire : “Chaque fois qu’en ramassant une poignée de terre tu ne vois pas de la terre mais un mystère, un miracle au creux de ta main, tu fais partie du cirque du Dr. Lao”…
Encore moult bébêtes…
LES SEPT VISAGES DU Dr. LAO est, au final, un grand classique du conte de fées dont l’aspect suranné n’a d’égal que sa perfection. Un petit chef d’œuvre dans son genre et son époque, aussi bien dans le fond que dans la forme.
Ironie du sort, cette petite pépite du cinéma fantastique rencontra un échec commercial cuisant et la plupart des projets de George Pal furent abandonnés à partir de là, comme, entre autre, la première adaptation cinématographique de BILBO LE HOBBIT (fort heureusement, il connut un petit regain d’énergie au moment de produire l’édifiant DOC SAVAGE ARRIVE !)…
La magie Disney. Cette fois c’est pour de bon.
5) DARBY O’GILL ET LES FARFADETS –
(DARBY O’GILL & THE LITTLE PEOPLE) – 1959
Le pitch : XIX° siècle. Le vieux Darby O’Gill, garde-chasse de son comté d’Irlande, est mis à la retraite forcée par le propriétaire, Lord Fitzpatrick, qui souhaite le remplacer par un homme plus jeune. Afin de subvenir aux besoins de son foyer, Darby se met en tête de s’emparer du trésor des farfadets, dont il est seul à connaitre l’existence et l’emplacement du royaume, sur la colline de Knocknasheega. C’est sans compter sur Brian, le Roi des farfadets, qui n’a pas l’intention de se laisser berner par le vieux bonhomme…
Notre dernier film est une production Walt Disney et il est réalisé par Robert Stevenson, l’homme à tout faire du studio qui s’occupait de mettre en scène la plupart des succès de l’époque qui sortaient du cadre de l’animation. De MARRY POPPINS à L’ÎLE SUR LE TOIT DU MONDE en passant par la série des COCCINELLES, cet honnête artisan du 7° art nous aura offert une belle collection de films familiaux et aura régné, mine de rien, sur le genre pendant près de vingt ans.
DARBY O’GILL ET LES FARFADETS est une œuvre qui a miraculeusement bien vieilli. Certes, là encore, la chose n’est pas dénuée de naïvetés. Vous n’aurez par exemple jamais vu Sean Connery aussi… guilleret ! Le futur James Bond trouvait ici l’un de ses premiers rôles et, même s’il y est déjà fort charismatique, il participe volontiers de la naïveté ambiante en incarnant un jeune premier sympathique qui n’hésite pas à pousser la chansonnette en déclarant son amour à la jolie bergère ! Autant dire que l’agent secret 007 était encore bien loin, quand bien même DR NO allait être tourné à peine trois ans plus tard (et c’est d’ailleurs, il faut le préciser, avec ce rôle chez Disney qu’il sera remarqué puis engagé pour enfiler la panoplie du plus célèbre des agents secrets) !
Entre Darby O’Gill et le Roi Brian, c’est le concours de la plus grande crapule !
Le film vaut surtout pour sa féerie et son ambiance qui tient tout autant des contes de Noël que de la nuit d’Halloween. Les scènes où le vieux Darby O’Gill (Albert Sharpe, un irlandais pure-souche truculent en diable) pénètre dans le royaume des farfadets sont irrésistibles et émerveillent tout naturellement le cinéphile le plus blasé et le plus endurci. Les joutes verbales entre Darby et le Roi des farfadets (Jimmy O’Dea, tout aussi truculent) sont superbement écrites et rythmées. Et le tout est enrobé d’une mythologie irlandaise de carton-pâte au charme suranné qui s’impose délicieusement par le fait que tout le monde a un jour fantasmé cette verte Irlande dans ce cadre précis de légendes celtiques où rien n’est oublié, de la lande hantée aux vieilles tours en ruine sous le clair de lune, en passant par le pub, ses pintes de bière brune et sa chaleur humaine communicative (alors que le tout a été tourné dans les studios Disney, en Californie !).
Walt Disney en personne a porté le projet du film pendant des années, prenant tout le temps nécessaire en souhaitant produire le spectacle parfait dans l’idée de donner vie au folklore irlandais peuplé de leprechauns (c’est comme ça que s’appellent les farfadets dans la langue et le folklore de Shakespeare) qui avait tant bercé sa propre enfance.
Enter Sean Connery !
Mais la plus grande réussite du film tient de ses effets spéciaux et de ses mate-painting. Toutes les images où les minuscules farfadets sont mis en scène dans des décors à échelle “réelle” sont bluffantes et n’ont pas pris une ride soixante ans plus tard ! La scène hystérique où les farfadets s’en vont à la chasse sous l’emprise de la musique que leur joue Darby (lequel fait bondir son archet sur son violon à une vitesse surnaturelle) est une prouesse visuelle encore aussi impressionnante aujourd’hui qu’elle l’a sûrement été à l’époque (et toute la musique du film est par ailleurs excellente !). L’effet spécial est pourtant totalement physique et en remontre aux effets virtuels d’aujourd’hui : En faisant jouer les acteurs sur des bouts de décors construits à diverses échelles (un décor à grande échelle disposé, par exemple, devant un décor à plus petite échelle), le réalisateur utilise la perspecive forcée pour donner l’impression que les personnages sont sur le même plan, alors que pas du tout en réalité !
Quant à la séquence du carrosse de la mort qui descend du ciel sous un orage bleu et violet, on retrouve toute l’ambiance et l’esthétique effrayante du ballet des sorcières de JACK LE TUEUR DE GEANTS, pour la vision d’une Irlande mythologique qui bascule soudain, le temps d’un final terrifiant, dans la nuit noire d’Halloween !
Tremblez devant la faucheuse !!!
Toute la magie du film opère dans cet équilibre unique en son genre : L’espace d’un film, vous êtes transportés dans le temps, à une époque déjà lointaine de l’histoire du cinéma, où l’on produisait des films de genre aujourd’hui tombés dans le registre du kitsch. Et le miracle de DARBY O’GILL ET LES FARFADETS se joue dans la perception intacte qu’il procure au spectateur : un émerveillement qui fonctionne aujourd’hui exactement comme il a dû fonctionner à l’époque. Et ils ne sont pas légions, les films qui peuvent prétendre réussir une telle prouesse.
De toute notre sélection, ce dernier film est sans doute celui qui se démarque le plus des films de Ray Harryhausen puisqu’il n’utilise pas la technique de la stop-motion image par image (ou plus exactement de la dynamation) pour animer les créatures. Mais on le comparera tout de même volontiers au VOYAGES DE GULLIVER, qui sera réalisé l’année suivante sous la houlette du maître, j’ai nommé Ray Harryhausen, donc…
Noël, ou Halloween ?!!!
Il y eut bien d’autres films (dont une palanquée de pseudo-peplums et autres nanars italiens) dont je vous propose une liste ci-dessous. Mais dans la perspective de les comparer à ceux de Ray Harryhausen et à leur lot de féerie incomparable propre à fêter la nuit de Noël, ce sont assurément nos cinq films choisis qui peuvent relever le défi…
LE VOLEUR DE BAGDAD (Alexander Korda, 1943)
LA FLEUR DE PIERRE (Alexandr Ptoushko, 1951)
LE TOUR DU MONDE DE SADKO (Alexandr Ptoushko, 1953)
ULYSSE (Mario Camerini, 1954)
LE GÉANT DE LA STEPPE (Alexandr Ptoushko, 1956)
LES TRAVAUX D’HERCULE (Pietro Francisci, 1957)
HERCULE ET LA REINE DE LYDIE (Pietro Francisci, 1959)
SAMPO (Alexandr Ptoushko, 1959)
HERCULE À LA CONQUÈTE DE L’ATLANTIDE (Vittorio Cotafavi, 1961)
L’ÉPÉE ENCHANTÉE (Bert I. Gordon, 1961)
LES AMOURS D’HERCULE (Carlo Ludovico Bragaglia, 1961)
BRIGADOON (Vincente Minelli, 1965)
LES 1001 NUITS (Henry Levin & Mario Bava, 1962)
CAPITAINE SINBAD (Byron Haskin, 1963)
HERCULE, SAMSON ET ULYSSE (1964)
LE TRÉSOR DES NIEBELUNGEN / SIEGFRIED L’INVINCIBLE (Harald Reinl, 1966)
JACK ET LE HARICOT MAGIQUE (Gene Kelly, 1967)
LE VOLEUR DE BAGDAD (Arthur Lubin, 1967)
L’EXTRAVAGANT Dr DOOLITLE (Richard Fleisher, 1967)
Ray Harryhausen :
LE 7° VOYAGE DE SINBAD (1958)
LES VOYAGES DE GULLIVER (1960)
JASON ET LES ARGONAUTES (1963)
LE VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD (1974)
SINBAD ET L’ŒIL DU TIGRE (1977)
LE CHOC DES TITANS (1981)
Vintage special effects…
THAT’S ALL, FOLKS !!!