
* L’ÎLE AU TRÉSOR *
– LES GOONIES, par RICHARD DONNER –
Chronique du film : LES GOONIES (THE GOONIES)
Date de sortie : 1985
Durée : 114 minutes
Réalisation : Richard Donner
Genre : Aventures, comédie

Dans une petite bourgade de l’Oregon perchée au bord de l’océan, une poignée de jeunes adolescents forment la bande des Goonies, du nom de leur quartier les Goon Docks. Mais un riche promoteur rachète le pâté de maisons, destinant tous ces amis à se perdre de vue. Afin de conjurer leur sort et celui de leurs familles, il leur faudrait gagner une très importante somme d’argent, ce qui parait impossible. Pour se changer les idées, les jeunes amis fouillent le grenier du père de l’un d’eux, conservateur du musée régional. C’est là qu’ils découvrent la carte du trésor de Willy le borgne, un célèbre pirate. Ils décident de partir à l’aventure. Mais celle-ci sera semée d’embuches, car ils vont croiser la route d’une odieuse famille de truands…
Bande d’annonce vintage…
Film culte pour toute une génération, LES GOONIES a, comme tous les spectacles de son époque, pris un joli coup de vieux. Il est désormais irregardable pour ceux qui le découvrent, adultes, notamment à cause de ses nombreuses coquilles et autres fautes de script, qui ont vite fait d’ébranler son édifice !
Parmi les quelques scènes coupées que l’on peut glaner à droite et à gauche (notamment dans les bonus des éditions DVD), se trouve la fameuse scène de la “pieuvre”, à laquelle un des personnages faisait allusion à la fin du film, laissant le spectateur dubitatif puisqu’il n’avait pas pu voir le dit-animal, celui-ci ayant été coupé au montage !
À ma connaissance, il existe à peine sept minutes de scènes coupées. Elles sont néanmoins suffisantes pour percevoir en quoi le script est si bancal : Il manque clairement de quelques scènes d’exposition faisant le lien entre les diverses séquences, scènes d’exposition jetées à la poubelle au moment d’un montage manifestement réalisé à l’arrache !
À cause de cette vacuité dans la construction narrative, le spectateur ne sait pas pourquoi les gamins se font appeler les Goonies. Il ne comprend pas comment s’articule la géographie des lieux, ni comment il est possible que la tuyauterie de la ville puisse à ce point s’étendre à l’autre bout du comté, là où il n’y a plus que la nature sauvage !

Une des magnifiques affiches de l’époque.
Au même titre que d’autres films de la même époque, tels que STAND BY ME, EXPLORERS, ÇA et en premier lieu E.T. L’EXTRA-TERRESTRE, LES GOONIES fait partie de ces œuvres sur l’adolescence (on les appelle aujourd’hui les Kid Movies !) qui auront marqué toute une génération de jeunes spectateurs au cours des années 80, avec lesquelles ils tissaient, de manière pérenne, les liens qui font les films cultes
Pour tous ceux qui ont vu LES GOONIES à l’époque de sa sortie et qui avaient le même âge que ses héros (ce qui est précisément le cas de votre serviteur !), le film agit encore comme une véritable Madeleine de Proust et réveille la fibre enfantine qui dort en chacun d’eux. Car, qui n’a pas rêvé, enfant, de découvrir une carte au trésor et de partir sur les traces d’un bateau pirate ? Ainsi se comportaient les collégiens en cette année 1985, après être allé voir LES GOONIES au cinéma, se retrouvant dans un grenier par une journée pluvieuse pour inventer leur propre chasse au trésor !

Typiquement 80’s !
Sur le terrain des références, on pense bien évidemment à la saga INDIANA JONES, dont LES GOONIES représente une forme de transposition dans le monde des adolescents de l’époque, la paternité de Steven Spielberg, ici producteur et initiateur du projet (c’est lui qui a imaginé le pitch), n’y étant pas étrangère…
Mais la force évocatrice du film nous renvoie avant tout à L’ÎLE AU TRÉSOR, le roman fondateur de Robert Louis Stevenson, avec lequel il entretient une filiation de l’ordre de l’héritage, comme une sorte de version moderne. Avouons que cette épopée mettant en scène l’enfance à la recherche de dangers réservés aux adultes, le tout illustré sous le vernis romanesque de la piraterie, exprime bien quelque chose d’universel !
Puisque le film abonde de clins d’œil divers et variés à tout un pan de l’histoire du cinéma (Richard Donner citant son propre SUPERMAN (avec Christopher Reeves) lorsque l’affreux Sinok déchire sa chemise pour révéler un tee-shirt de l’Homme d’acier !), on ne pourra pas rater ce passage où les personnages de Choco et Sinok regardent à la télévision un extrait du film L’AIGLE DES MERS, réalisé en 1940 par Michael Curtiz, avec Errol Flynn. Soit le chef d’œuvre du genre swachbuckler, le film de pirates, duquel LES GOONIES se réclame de manière malicieuse !

Quelque part entre INDIANA JONES, SUPERMAN et PIRATES DES CARAÏBES !
Ah… Les mondes de l’enfance et de la piraterie… Deux univers mêlés à jamais et pourtant tellement opposés sur le principe !
Mais, de L’ÎLE AU TRÉSOR aux CONTREBANDIERS DE MOONFLEET (le film de Fritz Lang réalisé en 1955), de PETER PAN à l’attraction PIRATES DES CARAÏBES exposée dans les parcs Disney depuis 1967, c’est incontestablement toute une imagerie aussi fascinante que celle des contes de fées qui s’offre à tous les enfants du monde entier.
Comme dit plus haut, le film accuse bel et bien le poids de l’âge au niveau du script, qui dévoile aujourd’hui ses failles tout au long d’un scénario aux rebondissements improbables, aux dialogues incongrus et aux incohérences en tout genre. La faute à ce fameux montage elliptique qui, à force d’évacuer des scènes entières, demeure bourré de faux raccords. Et ce n’est pas la scène de la pieuvre -complètement nulle- qui vient à manquer en fin de compte, mais plutôt quelques scènes d’exposition (dont une ou deux sont effectivement disponibles dans les bonus), qui pourraient tout simplement expliquer aux spectateurs comment s’articulent la géographie et le développement de cette aventure !
En revanche, côté images et mise en scène, la réalisation du grand Richard Donner tient encore largement la route et, dans la version restaurée en HD, on pourrait presque dire que le film, visuellement parlant, n’a quasiment pas pris une ride !

Astoria : le quartier des Goon Docks, c’est ici !
Mais revenons à la toile de fond de notre film : À la fin de L’ÎLE AU TRÉSOR, la quête initiatrice du jeune Jim Hawkins (un enfant soumis aux dangers et aux épreuves d’ordinaire réservés aux adultes) finissait par porter ses fruits. Il en va de même pour celle des Goonies, dissimulée derrière le décorum du swashbuckler, puisque ils seront désormais capables d’offrir à leurs parents la solution à leurs problèmes (une somme d’argent suffisante pour ne pas être obligés de vendre leurs maisons). Un postulat immédiatement contrebalancé par une forme de renoncement à l’idée de grandir trop vite puisqu’au final, bien content d’avoir survécu à toutes ces épreuves, le petit groupe d’ados se rend compte qu’il vaut mieux encore profiter du cocon familial.
C’est tout le sujet du film : Les Goonies viennent de découvrir que l’enfance (pour ceux qui ont la chance de vivre une enfance heureuse) est en définitive le trésor le plus précieux, bien plus important qu’un coffre rempli de pièces d’or. Ainsi, l’histoire se termine par un happy end en forme de boucle bouclée, les enfants tenant absolument à redevenir des enfants, choyés par leurs parents bien au chaud à la maison… Une idée brillante pour une toile de fond beaucoup plus profonde que ce que le film, délibérément naïf en surface, ne laissait paraître au premier abord. Et de reconnaitre, en sous-texte, tout le génie du créateur de E.T.…

Les Goonies : Des enfants qui ont décidé qu’on ne leur volerait pas leur enfance.
Bien entendu, il ne s’agit pas de développer ici un sujet de philo, mais de relever toute la saveur d’un divertissement intelligent, qui propose un texte et un sous-texte, une fable initiatique sur une poignée de gamins partant à la chasse au trésor pour finalement percevoir que le trésor est en eux, dans leur amitié, dans la pureté, dans l’innocence et les rêves de l’enfance. Où ces mêmes enfants trouvent, dans leur quête visant à explorer les dangers du monde des adultes, les ressources pour soutenir leurs parents et même les dépasser. Bien sûr, on peut décider que tout cela est bien naïf, mais combien de divertissements pour ados sont encore capables, aujourd’hui, d’en dire autant ?
La musique du film est composée par Dave Grusin, excellent musicien de jazz, également connu pour ses bandes originales de films, notamment pour la filmographie de Sydney Pollack avec qui il forme un de ces fameux couples réalisateur/compositeur de l’histoire du cinéma.
Steven Spielberg demanda tout spécialement à la chanteuse Cindy Lauper de superviser les chansons de la BO. Il en sortit notamment un tube, resté indissociable du film dans la mémoire des fans…
Notons enfin, au rayon des anecdotes, la présence du jeune acteur Jonathan Ke Quan (Data), qui interprétait le jeune protégé de l’archéologue au fouet dans INDIANA JONES ET LE TEMPLE MAUDIT l’année précédente (et qui remportera l’Oscar du meilleur second rôle, bien des années plus tard, pour le film EVERYTHING EVERYWHERE ALL AT ONCE). Corey Feldman (Bagou), qui jouait déjà un rôle similaire dans STAND BY ME et que l’on retrouvera souvent dans les kid movies des années 80, comme GÉNÉRATION PERDUE. Josh Brolin (Brent), acteur à la très belle carrière qui s’est illustré dans le rôle de George W. Bush dans le film d’Oliver Stone (W. L’IMPROBABLE PRÉSIDENT), dans quelques films des frères Coen, dans la saga DUNE de Dennis Villeneuve ou encore dans le dernier volet des MEN IN BLACK. Les méchants Fratelli sont également des acteurs célèbres, puisqu’entre autres, Robert Davi est l’agent Malone de la série PROFILER et Joe Pantoliano le vilain Cypher de MATRIX. Quant à Sean Astin (Mickey, le héros du film), il allait bien plus tard nous enchanter en interprétant le rôle de Sam Gamegie dans LE SEIGNEUR DES ANNEAUX…

Iconique.
THAT’S ALL, FOLKS !!!
