
BIG BEND
– 2° PARTIE –
Dossier sur la discographie de David Gilmour
Sujet de l’article : La discographie de David Gilmour, avec Pink Floyd et en solo.
Genre : Musique, Pop-rock, Rock progressif
Contenu : Article émaillé d’images et de vidéos youtube
illustration en haut de l’article : © Ed Illustratrice
BIG BEND – 1° partie
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AVERTISSEMENT : Ces articles ne sont pas à lire d’une traite. Ce sont des dossiers qui contiennent parfois près de vingt chansons. Ils sont conçus pour servir de sujets de découverte, et compiler des best-of de chansons triées sur le volet. L’idéal est d’y revenir, et de découvrir l’ensemble en prenant son temps.
Afin d’en rendre la lecture plus fluide, cet article a été divisé en deux parties.

Le jeune David : Un physique d’une beauté absolue dont le principal intéressé ne se souciait guère !
©Ed Illustratrice

A MOMENTARY LAPSE OF REASON – A DIVISION BELL

Pink Floyd sans Roger…
Il est temps de parler des choses qui fachent…
Nombreux sont ceux qui n’aiment pas la période post-Waters de Pink Floyd, notamment les rockers puristes (mais bon, à stade, ceux-là on s’en fout un peu). Du coup les albums A MOMENTARY LAPSE OF REASON (1987) et THE DIVISION BELL (1994) n’ont pas très bonne presse. Ils sont le plus souvent jugés, à raison il faut l’avouer, assez pompiers. Pourtant, tout n’y est pas à jeter, loin de là.
Gilmour, après avoir essuyé un échec avec ABOUT FACE, devine qu’il rameutera bien plus facilement les foules en se produisant sous l’étendard de PINK FLOYD (et puis c’est aussi le moyen de s’opposer à Waters qui refuse aux trois autres de garder le nom du groupe).
Mais rien dans la fiche technique de l’album A MOMENTARY LAPSE OF REASON ne ressemble au groupe des années 70 : On emploie une pléthore de requins de studio et de cadors de la scène (le bassiste de Peter Gabriel, le saxo de Supertramp…), des choristes et des percussionnistes à gogo et, surtout, Nick Mason et Richard Wright y sont fantomatiques. Le premier ne semble plus savoir jouer et fait de la figuration, tandis que le second est rappelé pour les concerts alors qu’il n’a joué quasiment aucune note sur le disque initial.
N’empêche : cet album est une grosse pompe à fric souvent indigeste mais, avec le recul, comporte quelques bons titres. Impossible de nier que SORROW, ON THE TURNING AWAY ou le tube LEARNING TO FLY ne sonnent pas immédiatement Pink Floyd. Quant à ONE SLIP, YET ANOTHER MOVIE et TERMINAL FROST, ils passent tout seul (et ceux qui sont arrivés jusqu’ici ont, qui plus-est, la chance d’écouter la version ultime intégralement ré-enregistrée en 2021, qui intègre les parties originales de claviers de Richard Wright les nouvelles pistes de batterie avec Nick Mason, lequel ne jouait pas tous les titres studio jusque-là).
Gilmour voulait faire plaisir à son public et il a vraiment cherché à jouer sur le terrain qui lui a toujours réussi au sein du groupe : Son travail sur les ambiances et les textures sonores, auxquelles il donne une couleur très commerciale, comme il avait pu le faire du temps de DARK SIDE OF THE MOON. Pari gagné au moins du côté du succès, avec à la clé une tournée mondiale colossale.
En fait, ce qui gène dans cette période, c’est plus la forme que le fond : Un son sur-microté, des tonnes de musiciens également présents sur scène pour venir l’amplifier, des myriades de lumières pour masquer le tout, des choristes qui se dandinent au premier plan… Ça n’est pas tellement rock’n roll, quoi. Mais au milieu de tout ce barnum rutilant, dans la version de ON THE TURNING AWAY issue du live DELICATE SOUND OF THUNDER, David livre un solo assez phénoménal (avec un Mason et un Wright bien plus impliqués que sur la version studio de 1987).
En 1994, sortie de l’album THE DIVISION BELL. Et nouvelle tournée titanesque.
Cette fois, le groupe a souhaité resserrer ses rangs et Gilmour, Mason et Wright en constituent la structure principale. Leur souhait est de retrouver l’alchimie qui était à l’œuvre du temps de WISH YOU WERE HERE et ils rappellent d’ailleurs le saxophoniste Dick Parry jadis présent dans les albums de 1973 et 1975.
Pour autant, THE DIVISION BELL est très loin de se hisser, artistiquement parlant, au niveau des albums des années 70. Il demeure néanmoins agréable à écouter pour les fans, un écho nostalgique, souvenir désincarné de la gloire passée…
Au beau milieu de cet ensemble consensuel se dégage néanmoins quelques belles chansons. L’album débute par CLUSTER ONE, un instrumental qui tente de capturer l’esprit de SHINE ON YOU CRAZY DIAMOND de loin mais qui affiche de belles retrouvailles entre David Gilmour & Rick Wright. Plus loin, MARRONED est un autre instrumental floydien (et un festival de guitare gilmourienne) dont on aurait tort de se priver. La superbe intro de COMING BACK TO LIFE est massacrée par une ligne percussive tonitruante, mais la chanson est sauvée grâce à l’un de ces chorus dont le maitre a le secret.
Cependant, l’album possède un titre devenu un grand classique au fil du temps, écrit par Gilmour : HIGH HOPES. Le sommet de l’album en guise de grand final.

ON AN ISLAND

Mais qu’est-ce qu’il est beau cet album en fait !
C’est systématique : Le temps joue toujours en faveur de David Gilmour.
Lorsque sort ON AN ISLAND (2006), le troisième album solo du guitariste désormais déterminé à ne jouer que sur son nom (et non plus sur celui de Pink Floyd), le public est dans l’ensemble déçu. Exactement comme pour A MOMENTARY LAPSE OF REASON et THE DIVISION BELL. Et comme pour ces deux derniers albums, le temps l’a bonifié.
Effectivement, avec le passage des années et la résignation que notre homme n’est pas du genre à révolutionner ni à pourfendre l’histoire du rock, certains des titres sont désormais devenus des classiques. Et puis il faut arrêter d’accuser notre artiste d’être mou quand il est doux, c’est insupportable et ce serait comme reprocher à certains autres d’être trop rapides, trop bruyants ou trop dansants quand c’est exactement l’effet recherché. De la même manière qu’il faut arrêter de chercher chez lui ce que l’on entendait à l’époque de Syd Barrett. Ça n’a aucun sens : En particulier lorsqu’il officie en solo, Gilmour est définitivement un guitariste laid-back, qui joue sur les ambiances sonores planantes et sur les accords de blues tranquille. Point. Et c’est ce que recherchent ses fans.
Et c’est ce qu’on entend dans la majeure partie des titres de ON AN ISLAND, particulièrement sur THE BLUE, chanson cristalline et éthérée, qui bénéficie de la présence de Rick Wright aux chœurs.
Franchement, la réécoute de l’album aujourd’hui est un pur bonheur. Hormis l’épouvantable TAKE A BREATH (il y a toujours un titre épouvantable dans ses albums, et toujours des zozos pour trouver que ce sont les seuls bons morceaux !), le disque aligne les perles. SMILE est beau à pleurer tant dans la voix que dans la guitare. A POCKET FULL OF STONES est un petit bijou, de même que WHEN WE START qui cloture la galette. CASTELLORIZON et RED SKY AT NIGHT, qui permet d’entendre Gilmour au saxo, sont deux instrumentaux imparables. What else ???
David Gilmour au saxo !
Pour la réalisation de l’album, il est également clair à présent que notre homme s’est constitué au fil du temps une sorte de famille qui apparait comme une reformulation de Pink Floyd en tant que groupe ayant subi sa dernière mutation sous son impulsion. Si son épouse Polly Sampson s’impose désormais à l’écriture des textes, Guy Pratt à la basse et Phil Manzanera à la guitare sont systématiquement présents (Guy Pratt, au poste depuis A MOMENTARY LAPSE OF REASON, sera définitivement le remplaçant de Waters, y compris sur les projets solo de Nick Mason). Sans parler de Rick Wright, qui l’accompagne partout jusqu’à son décès en 2008, drainant l’âme du Floyd dans son sillon…
Notons enfin la présence de Robert Wyatt et de David Crosby & Graham Nash, que l’on retrouvera sur scène lors de la tournée consacrée, ainsi que sur l’album suivant. En bref : David, même en solo, c’est quelqu’un qui s’épanouit avec son groupe…
Nous avons désormais accès aux BARN JAMS : Immédiatement après la tournée de ON AN ISLAND, David Gilmour, Rick Wright, Guy Pratt et le batteur Steve DiStanislao se retrouvent dans la grange du guitariste pour y jouer une série de jam-sessions. Des documents d’autant plus précieux qu’ils font partie des derniers enregistrés avec Rick Wright, qui décèdera l’année suivante…
Le BARN JAM 121 est une petite merveille qui pourrait figurer sur n’importe quel album digne de ce nom, quasiment sans avoir à le retoucher…

THE ENDLESS RIVER

Et Pink Floyd tire sa révérence…
Alors que plus personne ne l’espérait, un nouvel album de Pink Floyd, annoncé comme le dernier, sort en 2014.
Vingt ans le séparent du précédent. Et pour cause puisqu’en réalité, il est presque entièrement construit sur des jam-sessions enregistrées en 1993, à l’époque de l’élaboration de THE DIVISION BELL.
Il faut savoir qu’à ce moment-là, le groupe (Gilmour/Mason/Wright+Pratt) envisageait tout un disque instrumental (provisoirement intitulé THE BIG SPLIFF). Idée abandonnée… Jusqu’à ce que Gilmour & Mason se décident à exhumer ces sessions (plusieurs heures d’enregistrement !) afin d’en tirer la matière à THE ENDLESS RIVER, le dernier album de Pink Floyd, dont l’idée première serait de rendre un hommage à Rick Wright en travaillant autour de ses parties de claviers.
L’album est découpé en plusieurs mouvements de titres instrumentaux, comme une succession de morceaux ambient. Sur IT’S WHAT WE DO, alors que l’on entend à fond la signature Rick Wright comme à l’époque de SHINE ON YOU CRAZY DIAMOND, Gilmour se taille la part du lion avec une magnifique partie de guitare, comme à la même époque aussi…
Avec le recul, ce dernier album de Pink Floyd est d’une remarquable cohérence, puisqu’il met en avant la musique qui formait son ADN à sa plus grande époque, comme pour refermer une boucle dans laquelle les textes de Waters ne forment plus d’équation. Une très belle sortie.

RATTLE THAT LOCK

Non, nous n’écouterons pas le jingle de la SNCF…
À partir de là, il ne faut attendre qu’un an pour avoir un nouvel album solo de David Gilmour avec RATTLE THAT LOCK (2015).
Notre homme poursuit désormais son chemin sur une ligne tranquille (il est quand même arrivé à un âge respectable), en s’entourant des mêmes collaborateurs, hélas sans Rick Wright, cette fois…
Nul ne doit s’attendre à ce que l’artiste fasse autre chose que ce qu’il a fait de mieux jusqu’ici. On reste donc dans la lignée de ON AN ISLAND, un cran en-dessous quand même.
L’album contient, comme les autres, plusieurs instrumentaux qui valent le détour, comme 5 A.M. qui ouvre la galette, un peu lent au démarrage comme sur les derniers albums de Pink Floyd, l’impeccable BEAUTY au piano wrightien et l’irrésistible AND THEN. Que du bonheur.
Et puis, on s’en rend compte : Ses albums gagnent à être réécoutés patiemment. Les mélodies, les arrangements et les harmonies sont si subtiles, si aérées, si délicates, qu’on aurait tendance à glisser dessus un peu trop vite, à confondre l’épure avec la vacuité, la délicatesse avec le lissage. C’est aussi la raison pour laquelle les disques du monsieur se bonifient avec le temps, lorsque l’on a appris à mieux les écouter, à laisser passer cette attente à la fois logique mais idiote, qui nous fait guetter-là le nouveau DARK SIDE OF THE MOON, ici le nouveau THE WALL, quelque part le nouveau ECHOES, alors qu’on nous propose quelque chose d’autre, l’épure d’un artiste désormais autonome (malgré son attachement à ses pairs et son besoin de s’entourer de musiciens fidèles à la sensibilté commune), qui dessine avec une douceur infinie une série de thèmes sur la fragilité humaine et les tourments de la communication.

LUCK AND STRANGE

Un album à presque 80 ans !
Pour les albums solo, on avait attendu neuf ans pour RATTLE THAT LOCK, et c’est pareil pour LUCK AND STRANGE (2024).
Ce dernier album est produit par Charlie Andrew, un jeune producteur anglais qui monte. Le bonhomme a débarqué avec un gros melon puisqu’il aurait prévenu le grand David qu’avec lui ce serait différent, et qu’il n’allait pas le laisser faire comme d’hab avec ses solos et tout… Bon. Je crois qu’on aimerait tous lui répondre ce que Han Solo avait jadis rétorqué à Luke Skywalker lorsque ce dernier voulait lui faire la leçon de conduite : “Petit, prends ta pelle et ton sceau et va jouer ailleurs”… Non mais franchement, vous vous voyez dire à Joël Robuchon “Mec, Arrête de faire de la purée” ??? Comment peut-on approcher un artiste et lui demander de ne pas faire ce qu’il fait le mieux et que tout le monde attend comme le messie ?
Du coup, on se retrouve avec un titre d’intro instrumental (BLACK CAT) qui dure à peine une minute, quand on aurait voulu qu’l en dure au moins dix… Et d’expliquer à ce jeune producteur que des chanteurs de blues (comme on l’entend majoritairement dans l’album), il y en a des millions, mais que des Gilmour, il n’y en a qu’un seul. Et que des instrumentaux comme ça, c’est ce qu’on rêve d’entendre depuis 1975 espèce de fada…
N’en finissant plus de convoquer l’importance de Rick Wright, Gilmour “invite” encore une fois son vieux complice de manière posthume avec le titre éponyme LUCK AND STRANGE, enregistré à partir d’un BARN JAM de 2007, et qui reprend donc les notes de piano électrique du claviériste de Pink Floyd. L’album permet par ailleurs d’entendre le jam d’origine, qui dure la bagatelle de quatorze minutes.
Et nous avons gardé le meilleur pour terminer, bien sûr…

COMFORTABLY NUMB

Une des plus belles chansons de Pink Floyd ?
Trois versions. Je ne pouvais pas faire moins.
Tout d’abord la version studio. Un chef d’œuvre intemporel. L’une des plus belles chansons de Pink Floyd. L’un des plus beaux solos de guitare de tous les temps.
COMFORTABLY NUMB a ceci de spécial que c’est (en plus que d’être le sommet de l’album THE WALL), tout comme DOGS, une chanson composée par Gilmour lui-même. Et il y a tout mis, l’enrichissant non pas d’un solo de guitare épique, mais de deux. Chacun concourant pour le titre du plus beau chorus de guitare de l’histoire. Et c’est accessoirement l’une des plus belles chansons de ma discothèque idéale.
La seconde version que j’ai choisie est spéciale, car il s’agit d’un fake ! Un montage réalisé à partir de deux concerts : Le IN THE FLESH de Roger Waters joué en 2000 et le fameux LIVE IN GDANSK de David Gilmour capté en 2008 (où les parties de chant dévolues à Waters étaient réalisées par Richard Wright, que l’on voit au clavier dans cette vidéo). Soit, probablement, les meilleures prestations solos respectives des deux artistes qui aient été enregistrées de manière professionnelle.
Pourquoi ai-je choisi ce fake ? Et bien parce que j’adore me le passer ! Une version utopique, en fait, de ce qu’aurait pu être Pink Floyd sur scène dans les années 2000 si les musiciens étaient restés ensemble (meilleure que celle jouée lors de la reformation complète du groupe pour le concert du LIVE 8 de 2005), et le solo définitif et enragé de Gilmour est tout simplement époustouflant !
La troisième version est très proche de la précédente. Sauf que, lors de ce concert au Royal Albert Hall de 2006 (immortalisé dans le DVD REMEMBER THAT NIGHT), alors que le public espère la montée de Roger Waters sur scène en tant qu’invité (il y a déjà David Crosby & Graham Nash, sans compter Rick Wright bien sûr), au moment du rappel, c’est David Bowie qui apparaît ! Celui-ci, fan de Syd Barrett, interprète d’abord ARNOLD LAYNE puis, plus surprenant, enchaine sur COMFORTABLY NUMB. Ni une, ni deux, Gilmour s’impose, déchire tout, et envoie le solo de la mort qui tue. Incroyable, extraordinaire, sublime, fantastique, incommensurable, grmbflfxcfebgffrt…. Je n’ai plus les mots…
See you, soon !