LES ADAPTATIONS DE STEPHEN KING
– SALEM –
Voir l’article introductif sur les principaux thèmes de Stephen King
Chronique du film : SALEM (SALEM’S LOT)
Date de sortie : 2024
Durée : 113 minutes
Réalisation et scénario : Gary Dauberman
Genre : Fantastique, Horreur
Le pitch : L’écrivain Ben Mears arrive à Jerusalem’s Lot, sa ville natale, dans le Maine. En quête d’inspiration pour son prochain roman, il se souvient d’un vieux manoir à la réputation sinistre, la maison des Marsden, espérant y trouver matière à un nouveau récit.
Il va bientôt découvrir que la demeure abrite un vampire, arrivé en ville en même temps que lui, et manifestement décidé à transformer tous ses habitants en goules suceuses de sang !
Nouvelle incarnation pour les personnages du roman de Stephen King
SALEM (SALEM’S LOT en VO) a connu à ce jour trois adaptations. Soit deux téléfilms fleuves, le premier datant de 1979 et le second de 2004, tous-deux initialement diffusés en deux parties, ainsi que ce long métrage sorti en 2024.
Voici donc à ce jour le livre de Stephen King le plus souvent adapté à la télévision. Il n’a pour le coup jamais été réellement adapté au cinéma. Effectivement, si cette troisième version de 2024 est un long métrage destiné initialement au grand écran, elle a subi une multitude de reports qui l’ont vu finalement atterrir à la télévision, sur une des multiples chaines qui dominent à présent le marché des productions audio-visuelles : la plateforme de vidéo à la demande Max.
Le réalisateur Gary Dauberman, dont il s’agit du second long-métrage, est jusqu’ici connu pour avoir été l’un des scénaristes du CONJURING UNIVERSE (les séries de films CONJURING, LA NONNE et ANNABELLE) et donc l’un des collaborateurs habituels du producteur James Wan, célèbre faiseur de films d’horreur, également coupable des séries SAW et INSIDIOUS, et producteur de SALEM. Mais Dauberman a également coscénarisé la seconde adaptation de ÇA (IT), sortie en deux parties entre 2017 et 2019. En bref, c’est un habitué du genre qui nous intéresse ici.
Le casting ne soutient pas la comparaison avec les deux précédentes adaptations et, hormis quelques seconds rôles relativement charismatiques (Bill Camp et Pilou Asbæk), les acteurs sont dans l’ensemble un peu falots. Lewis Pullman (fils de Bill) campe notamment un Ben Mears qui ne marquera guère les mémoires. À noter la participation de Nicholas Crovetti dans le rôle du jeune Danny Glick, qui incarne le tout aussi dérangeant Ryan dans la série THE BOYS.
Les personnages restent les mêmes. Mais les interprètes et les incarnations changent…
Reconnaissons-le : La première partie du film, en dehors du fait qu’elle fasse l’impasse sur de nombreux détails du roman, est très réussie. Le réalisateur/scénariste démontre que son expérience en matière d’horreur lui permet de maitriser son sujet et il nous trousse une sacrée bonne ambiance, à la fois classique dans son approche du fantastique horrifique, et moderne dans sa mise en forme. Les séquences sont magistralement filmées, aussi limpides de nuit que de jour, rehaussées d’une palette de couleurs tons-sur-tons du plus bel effet gothique.
On apprécie le soin avec lequel il aborde les très attendues apparitions des vampires, à travers lesquelles il ne se repose pas sur la facilité, préférant au contraire jouer sur l’ambiance et le hors-champ plutôt que sur les effets rabattus des jump-scares (qui débordaient de partout dans ÇA, CHAPITRE 1 et 2), en faisant preuve d’inventivité dans les cadrages et le montage. Les transformations des personnages en vampires filmées en plan-séquence, notamment, sont particulièrement réussies et effrayantes !
L’une des très bonnes surprises que nous réserve le film est de situer le récit dans les années 1960. C’est un détail vintage, mais il offre beaucoup de charme au résultat, au-delà du simple voyage dans le temps, car il nous transporte dans une époque où il était encore tout à fait habituel de croiser des chasseurs de vampires armés de pieux et de crucifix, le genre d’élément aujourd’hui carrément ringard depuis les révolutions opérées par Ann Rice et consorts, mais bien présent dans le livre de Stephen King, probablement imaginé à la même période dans sa forme embryonnaire (voire même avant, lorsque le futur écrivain dévorait, enfant, les publications EC Comics dans les années 50), et publié initialement en 1975.
La bande-son est également très réussie et l’on zigzague avec le plus grand plaisir entre la musique d’ambiance gothique (BO de Nathan Barr & Lisbeth Scott) et les chansons country-rock, qui assurent également le voyage dans le temps, et dans cet espace de la campagne du nord de l’Amérique, puisque c’est dans le Maine, sa région natale, que Stephen King a situé toutes ses villes fictives, dont celle de Jerusalem’s Lot est assurément la plus reculée…
Incontestablement un superbe travail d’ambiance.
Hélas, la seconde partie de notre long-métrage est bien moins alléchante. La première chose qui m’a frappé, avant de me passer le film pour la première fois, a été de constater sa durée : Seulement 113 minutes. Pour un connaisseur du roman et de ses deux premières adaptations, c’est forcément trop court puisque c’est justement là que ces deux mini-séries accusaient leurs principaux défauts respectifs.
Ainsi, il n’y a pas de surprise : la version Dauberman (!) charcute le récit en le réduisant à une épure vidée de sa substance (voir le pitch résumé plus haut !), et l’illusion ne tient pas plus que quelques dizaines de minutes. Rapidement, le spectateur et plus encore le fan de Stephen King commence à relever les manques, s’aperçoit que la moitié des passages et des personnages du livre ont disparu (notamment tout le passé de Ben Mears, venu ici en simple « quête d’inspiration »). Pis encore : Les personnages restants, puisqu’il faut boucler le tout en même pas deux heures, sont sacrifiés à tout bout de champ. Et ce n’est pas le fait que, époque oblige, on les ait transformé de couleur de peau ou de sexe qui nous dérange, mais bien qu’ils ne soient jamais développés. Ainsi meurent-ils à la chaine sans qu’à aucun moment l’on s’en émeuve, ce qui est tout de même un comble pour ce genre d’histoire. Et au tournant de la seconde moitié du film, les effets horrifiques perdent peu à peu de leur force, pour être au final complètement dépourvus de leur intensité, les goules tombant aussi facilement que les humains, avec une troisième incarnation de Kurt Barlow (le seigneur des vampires venu en ville pour plonger cette dernière dans les ténèbres) particulièrement décevante, laquelle nous refait le coup du Nosferatu de Murnau en copiant la version de 1979, interprétée jadis par Reggie Nalder.
La nuit, toutes les goules sont grises…
Pour ceux qui ont vu la très belle mini-série CHAPELWAITE de 2021 avec Adrian Brody, préquelle de SALEM, voire la superbe SERMONS DE MINUIT par Mike Flanagan, la comparaison s’impose en faveur de ces dernières. Car si c’est pour passer finalement à la télévision, avec les moyens considérables qu’on lui offre désormais, on est en droit d’attendre de nos jours une adaptation beaucoup plus ambitieuse du roman fondateur de Stephen King, aux nombreux thèmes qui reviendront en boucle dans ses oeuvres ultérieures, et non pas quelque chose de moins bien que ce qui a été fait avant avec trois francs six sous et du carton-pâte…
En l’état, cette troisième version vaut le coup d’œil, notamment pour sa première moitié et ses effets horrifiques, mais elle ne dépassera jamais le stade des adaptations mineures.
That’s all, folks !!!
Ouais, c’est un peu ce que j’avais cru comprendre (j’ai vu une chronique spoiler-free en anglais)
Bonne idée de placer ça dans les années 60 pour éviter la ringardise (comme je le disais, tout type d’histoire ne tient plus forcément la route dans un cadre moderne.)
Mais pas d’attachement aux personnages qui tombent comme des mouches. Et c’est un truc que SERMONS DE MINUIT faisait vachement bien : se focaliser sur les personnages et leur passé, pour qu’on en ait quelque chose à faire de ce qui leur arrive. C’est en effet un comble de choisir de couper ça de l’histoire.
C’est une erreur de penser que ce sont les monstres ou les scènes d’horreur le plus important quand tu veux faire un film d’horreur qui se prend au sérieux.
Ouais, dans un VENDREDI 13 (pas le vieux de Universal, les slashers avec Jason), on s’en fout des persos mais ce ne sont ni de grands films (ni même des bons) et on se marre quand le tueur massacre parce que c’est un truc pour teenagers qui mangent du pop corn à Halloween et qui ne veulent pas gâcher leur soirée avec un vrai truc glauque comme HEREDITE par exemple^^ Il y a de la place pour ce genre de films dans le paysage cinématographique, mais si c’est pas ça que tu veux faire, faut pas virer la dimension humaine des personnages. Y’a plus d’impact sinon. Et surtout que King, c’est même là qu’il est le meilleur, pour dépeindre des personnages et leurs traumas, davantage que pour vraiment faire peur.
Je ne serais jamais un fan de King mais SALEM est le roman que j’ai lu de lui qui a ma préférence. Je n’ai vu aucune des adaptations de ce livre et même si ici ça a l’air très beau visuellement, je ne me précipiterai pas : tous les retours disent un peu la même chose. Pourtant, contrairement à toi, je pense que les longs flashbacks de King dans ses romans sont souvent inutiles, même si ici c’est plus maîtrisé, le roman conservant une pagination tout à fait correcte.
J’ai beaucoup aimé les trois CONJURING, très respectueux du genre et pas du tout grotesque. Par contre LA NONNE c’est un navet. Et je n’ai vu que le second chapitre du nouveau CA (pas mal).