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LE PAIN DE SUCRE
– LES PIONNIERS DE LA BOSSA NOVA –
Sujet de l’article : L’histoire de la Bossa nova – les pionniers de la bossa nova
Genre : Musique, jazz, bossa nova
Type de dossier : Chronique et playlist sur un genre musical
1ère partie : La naissance de la bossa nova et les albums les plus connus
2ème partie – Vous êtes ici : Les pionniers de la bossa nova
3ème partie : La bossa nova pour les puristes
4ème partie : Les jazzmen américains s’emparent de la bossa nova 1/2
5ème partie : La seconde génération de la bossa nova
6ème partie : Les jazzmen américains s’emparent de la bossa nova 2/2
7ème partie : La bossa nova pour les curieux
8ème partie : La bossa nova ailleurs dans le monde
Puis nous ajouterons encore des articles ensuite, afin d’éclairer d’autres albums magnifiques…
AVERTISSEMENT : Ces articles ne sont pas à lire d’une traite. Ce sont des dossiers qui contiennent parfois plus de vingt chansons. Ils sont conçus pour servir de sujets de découverte, et compiler des best-of de chansons triées sur le volet. L’idéal est d’y revenir, et de découvrir l’ensemble en prenant son temps.
Ce deuxième aticle sur l’histoire de la bossa nova nous propose de revenir sur les artistes qui ont posé les jalons de la bossa nova et sur les albums fondateurs du genre.
Dans les articles suivants, nous éclairerons d’autres œuvres emblématiques mais aussi des artistes et des albums plus confidentiels.
SOMMAIRE
- 1) Introduction
- 2) João Gilberto : Les trois premiers albums (1959/1960/1961)
- 3) Norma Bengel : OOOOOOH ! NORMA (1959)
- 4) Carlos Lyra : CARLOS LYRA (1961)
- 5) Vinicius De Moraes & Baden Powell : OS AFRO-SAMBAS (1963)
- 6) João Donato : THE NEW SOUND OF BRASIL (1965)
- 7) Antonio Carlos Jobim : WAVE (1967)
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Introduction
Nous avons tracé les origines de la bossa nova dans le premier article et nous ne le refaisons pas ici. En revanche, nous allons revenir aux débuts de la naissance du genre et apprendre que, si certains de ses artistes fondateurs ont immédiatement été propulsés au firmament de la musique brésilienne, d’autres auront dû, soit attendre plusieurs années avant de connaitre le succès, soit demeurer purement et simplement dans le quasi-anonymat.
Des quatre grandes figures du genre que furent João Gilberto, Antonio Carlos Jobim, Vinicius De Moraes et Baden Powell, seuls les trois premiers, par exemple, connaissent un succès immédiat. Le quatrième doit pendre son mal en patience et travailler comme un forcené pendant des années avant de connaitre enfin la consécration.
Mais bien d’autres artistes, également présents lors de l’essor de la bossa nova, sont restés dans l’ombre de ces géants. Ce fut le cas notamment de Ronaldo Bôscoli, Roberto Menescal, Nara Leão, João Donato et Carlos Lyra, qui durent également se contenter des miettes (si l’on regarde à l’international) alors qu’ils faisaient partie de la “rapaziada” dès le départ – à partir de 1957. Quant à Norma Bengell et Johnny Alf, ils sont carrément restés sur la touche.
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Tous là dès le départ…
Johnny Alf est un enfant de la balle qui aligne déjà les albums depuis le début des années 50. Lorsque la bossa nova prend son envol, il fait partie des précurseurs. Mais il est noir et homosexuel. La mode ne veut pas de lui…
Norma Bengell, c’est un peu la même chose : Féministe avant l’heure, provocatrice, affichant des mœurs plus que libérées (première actrice brésilienne à poser nue au cinéma, la pochette de son album fera également scandale), elle ne va pas plaire non plus. CHEGA DE SAUDADE, le premier album de João Gilberto, est connu pour être l’acte de naissance de la bossa nova. OOOOOOH ! NORMA, l’album de Norma Bengell qui nous intéresse ici, est enregistré en même temps et c’est tout simplement le premier disque de bossa nova entièrement interprété par une femme. Et il est magnifique.
En 1959, toujours, Baden Powell, génie précoce qui maitrise déjà tous les codes de la bossa nova, est trop pauvre et trop nègre lui aussi. Faut qu’il attende…
Ronaldo Bôscoli, Roberto Menescal et Carlos Lyra figurent tous les trois parmi les meilleurs auteurs-compositeurs de la nouvelle génération et on leur doit une palanquée de chansons emblématiques (qu’ils écrivent ensemble, avec Vinicius De Moraes, en duo ou séparément) que l’on retrouve sur les albums de João Gilberto et de tous les interprètes de la bossa nova qui se contentent de reprendre les standards qui s’écrivent sous leurs yeux et sous leurs oreilles.
Nara Leão, c’est la muse de la bossa nova, le point d’achoppe de la rapaziada puisque c’est chez elle, dans son appartement de l’Avenida Atlântica, sur le front de mer de Copacabana, qu’est née la bossa nova alors que venaient se réunir tous ses fondateurs. Nous écouterons attentivement l’un de ses albums dans le prochain article.
João Donato, ami intime de João Gilberto, est également là dès le départ. Arrangeur de renom, compositeur, il est partout présent, au Brésil comme aux USA où il joue avec la crème du jazz, mais reste également dans l’ombre un bon moment avant de percer sous son seul nom.
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Les trois premiers albums fondateurs de João Gilberto.
Au départ, le trio gagnant est donc formé de João Gilberto, Antonio Carlos Jobim et Vinicius De Moraes. Ce sont eux que l’on retrouve majoritairement sur les trois premiers albums fondateurs de João Gilberto, avec une même formule : Gilberto chante et joue de la guitare, impose son style mêlant la batida et le canto falado (on vous a tout expliqué dans le premier article). Jobim compose, arrange et joue le piano. Vinicius, le poète, écrit les textes (les albums sont néanmoins ouverts aux meilleurs auteurs brésiliens et l’on y trouve le vétéran Dorival Caymmi et les jeunes Ronaldo Bôscoli, Roberto Menescal & Carlos Lyra cités plus haut). À cette dream-team vient s’ajouter un orchestre et un batteur attitré, Milton Banana, qui a créé une ligne de batterie au diapason du rythme de João.
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2) Joao Gilberto : Les trois premiers albums – CHEGA DE SAUDADE (1959) –
O AMOR, O SORRISO E A FLOR (1960) – JOAO GILBERTO (1961)
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Trois abums remontés en un seul.
C’est avec une seule chanson de sa composition (BIM BOM, suite incongrue d’onomatopées !), que João Gilberto réussit à séduire, dès 1957, le milieu de la nouvelle vague de musiciens qui écument la ville de Rio de Janeiro. Grâce à une technique de guitare et une manière de chanter qui tiennent du jamais vu, il insuffle une véritable révolution au cœur du traditionnel samba et invente littéralement la bossa nova.
Tout a commencé avec des onomatopées !
Ces trois albums réunissent d’emblée les plus beaux standards du répertoire bossa nova (CHEGA DE SAUDADE, DESAFINADO, SAMBA DE UMA NOTA SO, CORCOVADO, O AMOR EM PAZ, INSENSATEZ, MEDITAÇAO), en partie signés Jobim & Vinicius, et transcendés par Gilberto qui défie sans cesse le métronome avec sa batida et qui réinvente le samba sous un jour nouveau avec son canto falado teinté de saudade (la mélancolie habitée).
Un des plus grands standards de la bossa nova.
Au départ, il faut tout de même savoir que Jobim formait un duo de compositeurs avec une autre grande figure des premières heures de la bossa nova, le tout aussi doué Newton Mendoça. C’est ensemble qu’ils créent le légendaire DESAFINADO (le célèbre passage sur le “Rolley-flex”, par exemple, est dévolu à Mendoça). Hélas, ce dernier décède prématurément en 1960, à cause d’une santé fragile mêlée d’excès en général, et d’alcool en particulier…
Le second grand standard également signé Jobim/Mendoça.
Aux côtés des standards relévés plus haut, s’adjoignent aussi de nombreux titres moins connus et tout aussi beaux (SE É TARDE ME PERDOA, AOS PES DA CRUZ, BRIGAS NUNCA MAIS, HÔ-BÀ-LÀ-LÀ, COISA MAIS LINDA, OUTRA VEZ), qui achèvent de faire de cette trilogie un incontournable à la fois pour les fans de l’artiste et pour les curieux venus découvrir la bossa nova.
Avec le troisième album, sobrement intitulé JOÀO GILBERTO, l’artiste entame une première mutation, à travers laquelle le chanteur et sa guitare sont nettement mis en avant, et l’orchestre en arrière. Tout au long de sa carrière, cette inclination puriste, qui veut que la véritable bossa nova s’articule à partir d’un chanteur, d’une guitare et pis c’est tout, s’imposera bien souvent. Nous en reparlerons dans le prochain article.
L’album contient une des compositions les plus connues signée Roberto Menescal & Ronaldo Bôscoli : O BARQUINHO.
Comme de bien entendu, l’ensemble de la trilogie est très doux et l’interprétation est vraiment très monocorde puisque le canto falado du chanteur est au diapason (c’est le cas de le dire) d’une musique plutôt invariable et, quoiqu’il en soit, à éviter pour les auditeurs en quête de bruit et de fureur ! C’est d’ailleurs João Gilberto qui imposa ce style de chant à tout le genre bossa nova et, sur l’album phare GETZ/GILBERTO que nous avons écouté dans le premier article, il emmènera son épouse, Astrud, qui s’empressera de pousser la chansonnette avec le même esprit, entérinant cette manière de chanter, monocorde et doucereuse.
Un des grands créateurs musicaux du XXème siècle.
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3) Norma Bengel : OOOOOOH ! NORMA
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Une pépite qui n’a jamais connu le succès…
C’est avec bien du recul que l’on comprend pourquoi ce seul, unique et magnifique album de Norma Bengell (qui se réorientera vers une carrière d’actrice) ne pouvait pas marcher, en 1959.
Ça commence avec la pochette qui, dans un Brésil encore très conservateur, crée un scandale retentissant ! Puis ça continue avec l’attitude de la chanteuse, qui affiche clairement provocation, liberté de penser et de s’exprimer. Inconcevable ! Enfin, ça s’achève avec le répertoire choisi, dans lequel on va trouver, sur les douze chansons qui composent la galette, un titre en français, un en espagnol et cinq en anglais ! Dans un Brésil qui revendique à l’époque une énorme fierté patriotique, voilà qui est d’un extrême mauvais goût !
L’album contient une des plus belles chansons signée Jobim/De Moraes : EU SEI QUE VOU TE AMAR.
Cet échec est particulièrement cruel car, lorsque l’on voit le succès remporté par Sergio Mendes avec son groupe Brazil 66, sept ans après, en pratiquant les reprises de titres anglo-saxons, on se dit que si OOOOOOH ! NORMA était sorti quelques années plus tard, il aurait certainement cartonné !
L’album contient pourtant quelques futurs grands étendards de la bossa nova, comme par exemple HÔ-BÀ-LÀ-LÀ, une chanson signée de son concurent direct João Gilberto !
Tout comme João Gilberto, l’interprétation de Norma Bengell est elle-même en parfaite rupture avec le traditionnel samba dans lequel les chanteurs usaient de trémolos, là où la chanteuse pratique le canto falado, certes de manière moins extrême que João ou Astrud, mais de façon novatrice également.
Explication simple : Si le crooner chante le mot “canto”, par exemple, il va le prolonger (“cantoooooooooooo”). Le chanteur de bossa nova qui pratique le canto falado, au contraire, n’ira jamais au-delà de la syllabe (“canto/…”).
Quant aux arrangements, ils sont magnifiques, quand bien même le puriste pourra trouver l’orchestration trop marquée et quelques errements du côté du bolero et du cha-cha-cha déjà démodés au moment de l’émergence de la bossa nova.
Par la suite, Norma continuera sa carrière d’actrice, snobera un Alain Delon épris d’amour et poursuivra son chemin en femme libre. Mais son unique album ne sera jamais reconnu…
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4) Carlos Lyra : CARLOS LYRA (1961)
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Un autre faiseur de chefs d’œuvre…
Parmi les créateurs de la bossa nova qui sont restés dans l’ombre du quatuor de tête (Gilberto/Jobim/Vinicius/Powell). Carlos Lyra est de loin mon préféré et c’est sur lui que l’on va s’attarder.
Il était donc l’un des premiers et l’un des plus prolifiques compositeurs du genre (voir le nombre de standards sortis de sa plume et de sa guitare, notamment connus par le prisme des interprétations de Joào Gilberto et de… Brigitte Bardot !).
Il enregistre un premier disque intitulé sobrement “BOSSA NOVA” en 1959, dans la foulée du séminal CHEGA DE SAUSADE de Gilberto. Mais son second album “CARLOS LYRA”, publié en 1961, est le plus iconique de sa discographie. De la bossa dans sa version primale. C’est avec lui que nous allons découvrir l’artiste.
Après ce second album magistral qu’il compose en totalité, notre homme va enchainer une série de disques tous plus beaux les uns que les autres tout au long des années 60. Mon préféré est POBRE MENINA RICA (1964), en duo avec la chanteuse Dulce Nunes. Le plus connu, sorte de “GETZ/GILBERTO bis”, est THE SOUND OF IPANEMA, enregistré en 1965 avec le saxophoniste américain Paul Winter. DEPOIS DO CARNAVAL (1963), et SARAVA! (1969) font également partie des plus réussis. Nous tenterons de les approcher tous à l’occasion des prochains articles.
En attendant, écoutons encore un titre de ce deuxième opus. Un standard de la bossa nova.
Si Carlos Lyra n’a jamais eu le même retentissement à l’international que le quatuor de tête, il reste l’un des grands et l’un des plus reconnus parmi les principaux créateurs de la bossa nova. Et si son timbre de voix n’est pas aussi immédiatement identifdiable que celui d’un João Gilberto, pour ne nommer que lui, il est aussi l’un des premiers à rompre avec le traditionnel samba, festif et bruyant de la génération précédente.
Évidemment, avec Lyra (qui ne souhaitait pas être chanteur au départ) nous ne sommes pas dans le canto falado extrême comme avec Gilberto, car le Carlos peut volontiers se faire crooner. Mais il y a tout de même une rupture franche avec le “virtuosismo” à base de trémolos du samba cançao (le crooner à la sauce brésil qui sévissait jusque dans les années 50).
Si l’on ajoute à celà une technique de guitare faisant autorité, une solide fibre mélodique, un engagement politique déterminé dès le départ et un charme indéniable, notre Carlos Lyra s’impose aisément comme l’un des pionniers les plus remarquables de la bossa nova.
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5) Baden Powell & Vinicius De Moraes : OS AFRO-SAMBAS DE BADEN & VINICIUS (1963)
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Attention : Mythique.
Lorsque se forme la “rapaziada”, l’association Jobim/Vinicius coule de source. Mais Vinicius se prend aussi d’affection pour un jeune guitariste virtuose nommé Baden Powell. Tous-deux n’ont pas le même âge, viennent d’un milieu différent mais sont fascinés par les musiques du candomblé (religion totémique afro-brésilienne, à laquelle s’adonne une bonne partie de la population). Ils vont alors faire fructifier cette passion commune en s’enfermant chez Vinicius puis, tout en faisant honneur à Baudelaire en ingurgitant des litres de whisky, vont écrire et composer, des semaines durant, tous ces titres qui deviendront leurs “afro-sambas”.
Explosion de percussions pour dynamiter la bossa nova…
En 1963, soutenus par le quatuor vocal Quarteto Em Cy, les deux amis enregistrent ainsi ce grand classique de la musique populaire brésilienne, OS AFRO-SAMBAS DE BADEN & VINICIUS, réponse brute à la commercialisation américaine de la bossa nova. En effet, depuis le grand concert du Carnegie Hall auquel ont participé la crème de la musique brésilienne l’année précédente, le genre a été propulsé en grandes pompes chez l’Oncle Sam, agrémenté d’orchestres et de jazz.
Avec les afro-sambas (dont l’album ne sera finalement publié qu’en 1966), Le jazz et les arrangements de cordes sont remplacés par des instruments de percussions traditionnels pour une plongée dans les déclinaisons modernes et poétiques du samba, qui préserve avant tout ses racines africaines.
L’album s’impose comme la version la plus africaine de la bossa nova. Une œuvre libre, qui ne s’appréhende pas facilement pour le néophyte égaré. Une fois pris dedans, par contre, il n’en repartira plus…
Nombre d’albums de Baden Powell sont des études (dans lesquels il joue seul), dont la virtuosité guitaristique est dévolue aux déclinaisons mélancoliques du samba. OS AFRO-SAMBAS, comme son nom l’indique, n’est pas de la bossa nova au sens propre.
Si vous avez la chance de posséder la pochette de couleur verte (et non rouge), sachez qu’il s’agit d’une compilation qui comprend également l’album A VONTADE (1963), dans lequel le jeune Baden reprend les principaux classiques de la bossa, dont certains viennent d’ailleurs des séances passées à créer les afro-sambas. Il contient ainsi un titre emblématique issu de cette collaboration : BERIMBAU.
En 1990, Baden Powell enregistre un nouvel album intitulé OS AFRO-SAMBAS, dans lequel il réinterprète tous les titres, toute guitare devant mais de nouveau avec le Quarteto Em Cy. L’album contient aussi BERIMBAU.
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6) Joao Donato : THE NEW SOUND OF BRASIL (1965)
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João Donato aurait-il pris un train de retard ?
Le parcours de João Donato est relativement chaotique. Il commence à jouer au niveau professionnel très jeune (à l’âge de quinze ans) et fréquente tous les grands musiciens brésiliens et notamment ceux de la rapaziada au fil des années 50, dont João Gilberto qui est un ami proche (ils habitent ensemble pendant un temps). Il séjourne ensuite longuement aux États-Unis où il joue avec tout le gratin du jazz dans des formations qui tentent des fusions avec la musique latine, notamment auprès de Chet Baker, Nelson Riddle ou Herbie Mann.
C’est donc tardivement qu’il enregistre ses premiers albums, d’abord en 1963 avec A BOSSA MUITO MODERNA, puis en 1965 avec THE NEW SOUND OF BRASIL.
THE NEW SOUND OF BRASIL est enregistré sur le modèle du légendaire THE COMPOSER OF “DESAFINADO” PLAYS de Jobim (écouté dans le précédent article), dont il reprend d’ailleurs le magnifique HOW INSENSITIVE, dans une version quasiment identique, jouée au piano de manière minimaliste comme le faisait Jobim lui-même.
C’est doux, c’est suave, gorgé de violons, de cuivres et de soleil, c’est magnifique et encore relativement innocent (ça faisait déjà bien deux ans que la bossa nova s’était “américanisée”).
Composé uniquement d’instrumentaux (comme l’album de Jobim), les standards côtoient des titres plus rares mais tout aussi beaux. Rien n’est à jeter. Une merveille pour les amateurs de bossa orchestrée.
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7) Antonio Carlos Jobim : WAVE (1967)
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Un quatrième album.
Lorsque l’on pense à Jobim, c’est en général l’album THE COMPOSER OF “DESAFINADO” PLAYS, son premier album solo enregistré en 1963 (légendaire et absolument magnifique), qui vient en premier. Mais WAVE, son quatrième, qu’il enregistre en 1967 dans la même optique de conquérir le marché états-unien (voire planétaire), est tout aussi beau. La différence se joue dans la sélection des titres : Alors que l’album de 1963 était bourré à craquer de la plupart des grands standards de la bossa nova (THE GIRL FROM IPANEMA, AMOR EM PAZ (ONCE I LOVE), AGUA DE BEBER, DREAMER, O MORRO NAO TEM VEZ, INSENSATEZ, CORCOVADO, ONE NOTE SAMBA, MEDITATION, SO DANÇO SAMBA, CHEGA DE SAUSADE, DESAFINADO…), il n’en restait pas beaucoup pour WAVE. Ce dernier en propose néanmoins deux : TRISTE, et l’éponyme WAVE qui ouvre la sélection. Tous les autres morceaux sont donc nettement plus confidentiels, destinant cet album à n’être que le second meilleur de son auteur…
Comme pour THE COMPOSER OF “DESAFINADO” PLAYS, WAVE bénéficie de l’orchestration et des arrangements veloutés (très easy-listening) de Claus Ogerman et de l’accompagnement de jazzmen de renom, notamment de Ron Carter à la contrebasse. Les amateurs de trombone au son caressant seront à la fête avec TRISTE, LAMENTO, DIALOGO et l’irrésistible LOOK TO THE SKY.
À noter une (et une seule) chanson, interprétée par Jobim himself (qui n’a pas un timbre de voix exceptionnel) : LAMENTO, sur des paroles de son acolyte Vinícius De Moraes. Pour le reste, WAVE est un album extrêmement doux, que les mauvaises langues auront un peu trop vite fait de taxer de musique d’ascenseur. Les fous : tout comme THE COMPOSER OF “DESAFINADO” PLAYS, on tient-là un des grands albums du XXème siècle !
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Bonus : MANHÀ DE CARNAVAL
Parmi les pionniers de la bossa nova que nous n’avons pas cités, il y a également Sergio Mendes, à peine évoqué dans l’article, sur qui nous reviendrons plus tard, mais aussi le grand guitariste Luis Bonfá.
En 1954, Vinicius De Moraes écrit sa pièce de théâtre ORFEU DA CONCEIÇÀO, transposition du mythe d’ORPHÉE dans les favelas. En 1956, la bande-originale de la pièce est publiée et elle marque la première collaboration entre Vinicius et le tout jeune Antonio Carlos Jobim. Mais il y a aussi un guitariste dans l’affaire, Luis Bonfá. En 1958, le réalisateur français Marcel Camus adapte la pièce au cinéma sous le titre ORFEU NEGRO et remporte la palme d’or au festival de Cannes. Même si le film est renié par les brésiliens, qui n’apprécient guère l’image d’épinal que la France se fait du Brésil, la BO est un immense succès. Ses deux titres emblématiques, SAMBA DE ORFEU et MANHÀ DE CARNAVAL, sont l’œuvre de Luis Bonfá. Une sorte de proto bossa nova, enregistrée un an avant le premier album de João Gilberto…
See you, soon !