Les petites cellules grises
Chroniques de la série TV HERCULE POIROT (AGATHA CHRISTIE’S POIROT)
Nombre d’épisodes : 70
Réalisateurs : multiple
Date de sortie : 1989 à 2013
Genre : Policier, Historique, Mystère
Aujourd’hui on va parler d’une série TV. Ou du moins…d’une partie. On ne va pas chroniquer les 70 épisodes mais se pencher sur certains en particulier. Vous connaissez sans doute Hercule Poirot, le célèbre détective belge expatrié au Royaume Uni créé par Agatha Christie. C’est un peu un équivalent du Sherlock Holmes de Conan Doyle. Il est maniaque mais brillant, vaniteux mais habile. Il a été incarné au cinéma par bon nombre d’acteurs (Charles Laughton, Albert Finney, Peter Ustinov, etc.) Mais un de ses plus célèbres interprètes qu’on aurait tendance à oublier si on ne s’intéresse pas aux séries TV est David Suchet, qui l’a incarné dans la série TV britannique HERCULE POIROT pendant plus de 20 ans entre 1989 et…2013 quand même !) Et il était doublé en français par l’immense et regretté Roger Carel.

David Suchet : Un acteur qui a incarné le détective pendant 24 ans
Alors moi je vous avoue que les séries TV…je trouve ça long, chronophage, et donc en général je ne cours pas après. Même si évidemment il y en a plein de bonne qualité. Mais souvent si j’ai 10h devant moi, je préfère découvrir 6 ou 7 films qu’une saison d’une même série. Pour peu que la série s’avère décevante en plus, j’aurais tout gagné… Sauf que cette série est particulière. Elle propose des enquêtes indépendantes. Nul besoin de tout regarder, ni d’abandonner quand un épisode s’avère mauvais. Durant les 3 premières saisons, ainsi que la cinquième, 99% des épisodes sont dans un format TV de 50min. Mais la saison 4, puis les saisons 6 à 13 proposent de plus longues enquêtes tirées des romans majeurs d’Agatha Chistie qui nous sont présentées sous la forme d’épisodes d’une durée double (environ 1h40), soit la durée d’un film. Ces épisodes ont également été réunis dans des coffrets DVD spéciaux intitulés LES GRANDES AFFAIRES D’HERCULE POIROT. Les épisodes peuvent se voir dans n’importe quel ordre, mais il y a tout de même un intérêt à les regarder dans l’ordre chronologique puisqu’on voit vieillir l’acteur principal au fil des épisodes, et ses relations avec son entourage évoluer.
Un personnage qui vieillit au fil des enquêtes
Bref, ce sont ces longs épisodes qui ont éveillé ma curiosité. Même si les épisodes plus courts valent également le détour, je vais parler des films. Ou des téléfilms si vous voulez. Cela représente un total d’environ 30 longs métrages. Je ne vais pas vous parler de tous (ce serait un peu long…) mais j’en ai sélectionné quelques-uns qui donnent un bon aperçu de ce que la série a à offrir de mieux.
ABC CONTRE POIROT (THE ABC MURDERS) – 1992 

Le pitch : un meurtrier écrit des lettres à Hercule Poirot en annonçant ses meurtres et en se vantant de pouvoir échapper au célèbre détective. Il signe sous le pseudonyme A.B.C et laisse un indicateur des chemins de fer (un ABC) sur le corps de ses victimes. Tout d’abord le tueur assassine une commerçante du nom de Mme Ascher, à Andover. Puis Elisabeth Barnard à Bexhill sur mer, Carmichael Clarke à Churston. Les victimes et les lieux des meurtres semblent suivre une logique alphabétique. Est-ce une obsession de l’assassin ? Et pourquoi envoie-t-il des lettres à Poirot ? N’est-ce pas risqué de se faire remarquer par un détective ? Est-ce du narcissisme ? Ou une énorme machination visant à brouiller les pistes ? Et pourquoi la 3ème lettre est-elle arrivée en retard ? La difficulté de l’enquête vient du fait que rien ne semble lier les victimes entre elles. Tous les meurtres semblent complètement aléatoires, ne répondant qu’à une logique alphabétique. Mais on ne la fait pas à Hercule Poirot !
Le premier générique
ABC CONTRE POIROT est une histoire dont j’étais familier. Je l’ai lue, et j’ai aussi joué à une adaptation en jeu vidéo d’énigmes. C’est une intéressante enquête qui sort de l’ordinaire grâce à un jeu de fausses pistes machiavélique. C’est aussi un très bon épisode de la série, même si son point faible serait sa courte durée. Non, non, il fait bien 1h40 mais…étant familier de l’enquête, j’ai forcément remarqué quelques raccourcis (inévitables) pour raconter tout cela en 1h40. Mais l’essentiel est là. Dans cet épisode, Poirot est assisté de son ami le capitaine Hastings (joué par Hugh Fraser), un ancien officier de l’armée britannique pas spécialement doué comme enquêteur mais qui ajoute un peu d’humour.

Poirot et Hastings sur une enquête de meurtres multiple
Car l’autre intérêt des récits d’Hercule Poirot, c’est Hercule Poirot lui-même. Toujours tiré à quatre épingles, maniéré et maniaque, obsédé par l’ordre (chaque chose a sa place), très courtois mais aussi vaniteux (sans méchanceté), il est remarquablement interprété par un David Suchet qui correspond parfaitement au rôle (et qui imite aussi très bien l’accent français…ou belge, si vous regardez en VO.) Sa relation avec ses associés et amis (l’inspecteur Japp ou le capitaine Hastings) instille un peu d’humour justement avec ce contraste entre ses amis un peu dépassés et un Poirot ayant toujours une longueur d’avance mais passant souvent pour un incorrigible vantard qui aime mettre en scène ses révélations finales.

Pourquoi le film passe tant de temps à suivre cet étrange et inquiétant représentant de commerce ? Le coupable évident ? TROP évident ?
La mise en scène, bien que classique, n’a pas grand chose à envier à un long métrage de cinéma, surtout quand on sait qu’il date de 1992, une époque où les séries TV ne rivalisaient pas spécialement avec les productions filmiques. On sent malgré tout que le budget est celui d’un téléfilm mais le fait qu’il s’agisse d’un film d’enquêtes et non d’action masque assez bien les limitations du médium télévisuel. Le suspense est là, c’est prenant, et les acteurs font un excellent boulot pour garder le spectateur investi dans l’enquête. Un bon épisode et une bonne enquête pour commencer les longs métrages de cette série.
LE NOËL D’HERCULE POIROT (HERCULE POIROT’S CHRISTMAS) – 1995 

Le pitch : Hercule Poirot se prépare à passer les fêtes de Noël (tout seul, en bon solitaire peu sociable qu’il est). Mais Simeon Lee, un richissime vieillard tyrannique, lui demande de se faire passer pour un vieil ami et de venir s’installer dans son manoir pour les fêtes afin de protéger sa vie qu’il croit en danger. Il a réuni sa famille, trois fils, deux mystérieuses belles-filles et une nièce exotique, afin de leur annoncer qu’il va modifier son testament et procéder à quelques aménagements dans l’attribution des rentes. Il annonce cette nouvelle sans ménagement à sa famille. Peu après, Simeon est retrouvé mort dans sa chambre fermée à clef de l’intérieur.
LE NOËL D’HERCULE POIROT nous propose une enquête reposant sur le fameux meurtre impossible commis dans une pièce fermée de l’intérieur qui s’expliquerait plus aisément par un suicide (il y en a plusieurs comme ça dans la série, mais ce long métrage est un des meilleurs avec également le court-métrage LE MIROIR DU MORT de la saison 5).

Ambiance cosy au coin du feu…
Evidemment, Poirot ne croit pas au suicide. Surtout pas après que Simeon Lee lui a exprimé ses craintes pour sa vie. C’est une enquête en huis clos dans le manoir du riche aristocrate, que personne n’est autorisé à quitter tant que la lumière n’a pas été faite sur le crime. Un cadre idéal pour Hercule Poirot qui n’aura même pas à réunir « artificiellement » tous les suspects à la fin puisqu’ils sont déjà tous assignés à la résidence familiale le temps des fêtes. Outre l’enquête toujours bien écrite, un attrait de cet épisode est le lieu du crime, ce grand manoir victorien aux moult pièces et recoins éclairés de manière inquiétante la nuit du meurtre. Si l’enquête dure plusieurs jours et qu’on quitte plusieurs fois cette atmosphère mystérieuse, on y revient à quelques reprises lors des témoignages des suspects sous forme de flash-back dont Poirot essaie de tirer des détails.

…sur laquelle plane la mort
Les confrontations/interrogatoires sont aussi prenants, grâce notamment au caractère des personnages qui sont loin d’être tous des agneaux (mais pas forcément meurtriers pour autant). Mention spéciale à l’intrigante Pilar Estravados qui ne semble pas être celle qu’elle prétend. Bien évidemment l’interprétation des acteurs et actrices (peu connu(e)s mais doué(e)s) y est pour beaucoup.
Poirot sera à nouveau aidé de son ami l’inspecteur Japp qui apporte toujours un peu d’humour, cette fois en se montrant presque réjoui du meurtre puisque ça lui fournit une excuse pour échapper à son insupportable famille pour les fêtes.
TEMOIN MUET (DUMB WITNESS) – 1997 

Le pitch : Poirot et Hastings sont invités à Windermere pour assister à une tentative de record de vitesse de Charles Arundell organisée sur le lac. Lors de leur séjour, Miss Arundell, la tante de Charles, échappe à la mort lors d’une chute dans les escaliers apparemment causée par la balle de son chien Bob, un fox-terrier. Elle ne croit pas à l’accident et confie à Poirot craindre pour sa vie. Le détective lui conseille de changer son testament et de le faire savoir, afin de décourager ses héritiers. Malgré cela, quelques jours plus tard, elle est retrouvée morte. Crise cardiaque ? Ou empoisonnement ? Et pour quel motif au final puisque son testament a été changé en faveur de son aide de chambre Wilhelmina Lawson ? Est-ce elle la coupable ? L’ennui, c’est qu’elle ignorait complètement la teneur du nouveau testament.
Deux sœurs médiums, Isabel et Julia Tripp, offrent leur aide à Poirot dans son enquête, mais celui-ci, qui ne croit pas au surnaturel, leur préfère un témoin muet : le chien Bob. Non, n’allez pas imaginer que le chien va tout raconter à Poirot. Mais malgré tout sa présence sur le lieu du crime va aider le détective à y voir plus clair. Car le chien a ses manies. Et il semble impossible que le premier « accident » de la victime soit lié au chien.

Les sœurs Tripp parlent d’une mort surnaturelle ?
La plus grande question qu’on se pose durant cette enquête c’est pourquoi avoir tué Miss Arundel alors que tous les suspects savaient parfaitement que son testament avait été changé ? Il ne semble plus y avoir de mobile. Et un meurtre sans mobile…c’est compliqué ! C’est une affaire très prenante qu’on nous propose ici. Plusieurs raisons à cela : bon déjà le chien, à qui il faudrait donner un Oscar, et l’amusante relation avec Poirot qui va s’attacher à l’animal. Mais aussi les deux vieilles médiums qui évidemment brouillent les pistes mais qui au delà d’ajouter une touche d’humour, confèrent même au film un aspect inquiétant, avec une mise en scène qui adopte leur point de vue pour jouer sur leurs élucubrations et nous faire croire au surnaturel. Et enfin tout simplement la révélation finale particulièrement bien amenée.
CINQ PETITS COCHONS (FIVE LITTLE PIGS) – 2003 

Le pitch : Une jeune femme du nom de Carla demande à Hercule Poirot d’enquêter sur la culpabilité de sa défunte mère Caroline Crale qui a été condamnée pour avoir assassiné son époux Amyas. Carla ayant été envoyée au Canada après cette tragédie à l’âge de 5 ans à peine, elle n’a jamais compris ce qui avait pu se passer. Poirot va donc enquêter en interrogent les 5 personnes présentes le jour du meurtre, quatorze ans auparavant. Il y a l’ami d’enfance d’Amyas, Philip Blake. Il y a aussi Meredith Blake (le frère de Philip), Elsa Greer (plus ou moins la maitresse d’Amyas), Cecilia Williams (la gouvernante) et enfin Angela Warren (la sœur de Caroline.) Tous ces personnages ont leur version à raconter et chacun leurs raisons de croire à la culpabilité de Caroline. Mais dans ce climat de jalousie et querelles familiales, de tromperies et autres secrets, Caroline était-elle la seule à avoir un mobile pour tuer Amyas ? Et pourquoi Caroline semble-t-elle avoir accepté son sort ? Etait-elle vraiment la meurtrière ou voulait-elle protéger quelqu’un ?
Poirot ne va pas pouvoir se baser sur des preuves puisque l’affaire a été classée il y a 14 ans. Toute l’enquête repose sur la confrontation de témoignages. Et c’est là l’originalité de cette affaire qui se déroule en flash-back et dont le tueur ne pourra de toutes façons plus être arrêté.

Poirot contre les 5 petits cochons
Je parle de cet épisode car l’enquête est très bien, et racontée de manière très compréhensible. Mais force est de constater qu’il est un poil moins bon sur un plan technique. C’est une enquête qui se voit donc confronter les versions de cinq témoins. Et ceci est fait au travers de flash-back. Et pour je ne sais quelle raison, le cadreur qui s’occupe des flash-back semble avoir la tremblote. Durant pas mal de scènes, la caméra bouge un peu trop et trahit une production plus télévisuelle. C’est peut-être un effet voulu pour simuler une façon de filmer amateur « caméra à l’épaule » évoquant des souvenirs d’une journée d’été, comme si chaque personnage avait tourné son petit film souvenir de cette tragique journée. Aussi anachronique que ce soit sur le principe, cela peut être une esthétique voulue. Mais voulue ou non, c’est un poil agaçant !
Au-delà de ça, cela reste un bon épisode. David Suchet a pris de l’âge mais ça ne gêne en rien. C’est même un intérêt de la série de voir le même acteur au fil de toutes ces enquêtes vieillir avec son personnage. Il n’est ici pas très présent à l’image puisque la majeure partie de film est consacrée aux flash-back de chaque témoin. L’interprétation est bonne et l’enquête prenante et originale dans sa mise en scène. Il y a juste quelques maladresses sur le plan purement technique. J’ai même remarqué un plan où une femme qui est censée avoir un œil crevé a subitement ses deux yeux. Certes, c’est un plan de profil alors ils se sont peut-être dit qu’il n’était pas nécessaire de maquiller le deuxième œil. Mais là encore, Jean-Michel-cadrage a fait des siennes en filmant un peu de ¾ et on voit le faux raccord. Oups ! Bref…ce sont des détails qui font qu’on ressent davantage l’impression d’être devant une série TV et non un film de cinéma. Mais on passe tout de même un bon moment.
MORT SUR LE NIL (DEATH ON THE NILE) – 2004 

Le pitch : Linet Ridgeway, une des jeunes femmes les plus riches d’Angleterre, passe sa lune de miel en Égypte avec Simon Doyle. Malheureusement pour eux, Jacqueline Bellefort, l’ex-fiancée de Simon, les harcèle en les suivant partout. Hercule Poirot, qui était là simplement en vacances, va intervenir auprès de Jacqueline pour lui dire de ne pas faire de bêtise. Mais la jeune femme, désespérée, avouera même avoir songé à tuer Linet d’une balle dans la tête. Finalement, lors d’une croisière sur le Nil à laquelle participent Poirot, Linet, Simon, Jacqueline ainsi que d’autres voyageurs aisés qui gravitent autour de Linet, cette dernière est retrouvée assassinée dans sa chambre…d’une balle dans la tête. Tout accuse Jacqueline, qui a d’ailleurs passé la soirée précédente à boire. L’ennui, c’est qu’elle a un alibi. En fait…tous les passagers du bateau semblent en avoir un.
Une des enquêtes les plus connues du détective, MORT SUR LE NIL a été adapté bon nombre de fois au cinéma. Cette version télévisuelle de l’histoire est ma préférée. Même si des productions à plus gros budget comme les adaptations cinématographiques de John Guillermin (1978) ou Kenneth Branagh (2022) proposent de plus belles images de l’Égypte, il y a quelque chose de beaucoup trop grandiloquent et poseur dans la version de Branagh (qui s’évertue aussi sans raison à vouloir donner une explication à tout, même à la moustache de Poirot, comme s’il ne pouvait pas simplement être excentrique). Cette version filmée pour la TV ne fait nullement honte à l’histoire originale et s’avère être un excellent épisode. Pour un téléfilm, la production-value (la qualité des décors, des costumes, la reconstitution) est au-dessus de la moyenne avec malgré tout de beaux plans du panorama égyptien.

Un épisode au parfum plus éxotique
Le meurtre met du temps à arriver dans cette histoire, et on découvre d’abord qui sont les personnages qui gravitent autour de la victime lors de ce voyage en Égypte. Puis survient le meurtre, sur le bateau. Et on bascule dans une enquête maritime. Et j’adore ça ! J’adore les histoires de mystères (ou les films d’horreur) se déroulant sur un bateau. Sans doute parce que cela permet de magnifiques plans en extérieur sur la mer (ou le fleuve en l’occurrence) tout en restant un espace « clos » (ou du moins dont il est difficile de s’échapper à moins d’être un champion de la nage) et donc propice à la confrontation. Bref un huis-clos en extérieur quoi…aussi contradictoire que ce soit.
L’interprétation des acteurs est toujours aussi bonne. Et d’ailleurs on trouve dans cet épisode une Emily Blunt assez jeune dans le rôle de la victime Linet Doyle, avant que sa carrière décolle. David Suchet, en vieillissant, confère à Poirot une aura plus triste qui se ressent dans le film. Il est évidemment toujours brillant, mais du haut de son âge plus avancé, il constate qu’il est passé à côté de beaucoup de choses dans la vie. C’est un sujet qui reviendra plus tard, notamment dans LA TROISIEME FILLE où Poirot avouera lui-même ne pas comprendre les mystères de l’amour et être passé à côté. Ce sont de brèves phrases glissées par ci, par-là, sans grande emphase sur le sujet, mais qui donne au personnage de cet éternel génie solitaire un petit côté tragique. Et c’est cette légère continuité entre les épisodes, et le fait que ce soit le même acteur qui joue le personnage au fil des années en vieillissant, qui lui confère quelque chose que ses autres interprètes n’ont pas. Quand Branagh tente quelque chose de similaire dans sa version de MORT SUR LE NIL, sans avoir plusieurs films pour glisser doucement des allusions, c’est inséré au forceps sans grande subtilité et Poirot semble être un personnage complètement différent.
LA TROISIEME FILLE (THE THIRD GIRL) – 2008 

Le pitch : Une jeune femme du nom de Norma Restarick pense avoir commis un meurtre. Mais elle n’en est pas sûre. Voilà un pitch de départ plutôt curieux. C’est ce que pense Poirot au début aussi. Et il ne s’intéresse que de loin à l’enquête. Puis le corps de Lavinia Seagram, l’ancienne nounou de Norma, est retrouvé. Les deux autres filles implicitement évoquées dans le titre sont les colocataires de Norma, Claudia et Frances. On comprend que Norma souffre de problèmes psychologiques depuis toute jeune lorsqu’elle a assisté au suicide de sa mère. Mais donc, a-t-elle vraiment tué ? Ou quelqu’un essaie-t-il de lui faire porter le chapeau en profitant de sa confusion mentale ? Et finalement, à qui peut profiter le meurtre de la nounou ? De nombreux personnages (et autant de pistes possibles à suivre, comme souvent) gravitent autour de Norma : le jeune peintre David Baker, Sir Roderick Horsefield (l’oncle de Norma), Sonia (la maitresse de ce dernier), les deux colocataires de Norma, etc.

Ariadne Oliver et Poirot, la troisième fille…et les deux premières
L’intrigue est la principale force de cet épisode. On pourra trouver la révélation un peu grosse mais en y réfléchissant, aucun personnage ne pouvait découvrir le pot aux roses (et on est dans les années 30, ne l’oublions pas, certaines choses étaient plus faciles à dissimuler sans les technologies actuelles.) Toujours est-il que l’énormité de cette révélation associée à la confusion mentale du personnage de Norma font qu’il est très difficile de voir venir les tenants et aboutissants de l’histoire qui nous tient en haleine.
Au-delà de l’enquête, l’intérêt de cette aventure repose aussi sur la relation entre Poirot et son amie Mrs.Oliver, une écrivaine de romans policiers qui essaie aussi de mener son enquête et de confronter ses conclusions à celles de Poirot. Elle a un côté un peu « fofolle » et a évidemment tendance à faire fausse route mais ses échanges avec Poirot sont en général assez amusants.
Dans le même ordre d’idée, c’est aussi dans cet épisode que Poirot laisse entrevoir les failles dans sa carapace de détective impassible. Face à ces familles déchirées ou réunies qu’il aide en menant l’enquête, il se retrouve souvent face à des personnes amoureuses, sentiment qui lui échappe, ou du moins qui ne semble pour lui réservé qu’à une mystérieuse comtesse rencontrée une fois dans le passé, comme s’il était un romantique pathologique nourrissant un amour impossible volontairement.
DRAME EN TROIS ACTES (THREE ACT TRAGEDY) – 2010 

Le pitch : Sir Charles Cartwright, célèbre acteur et vieille connaissance de Poirot, invite du monde chez lui, dont des auteurs en vogue et un peu de gratin de la haute société. Durant la soirée, un des invités, le Révérend Babbington s’effondre, mort. Rien pourtant ne permet de conclure à un meurtre : pas de trace de poison dans son verre, aucun ennemi au monde. Hercule Poirot ne commencera à froncer les sourcils qu’après un deuxième décès, dans des circonstances similaires, lors d’un autre repas : celui d’un médecin, le Dr. Strange (non, pas celui de Marvel !) Puis il y aura encore un dernier meurtre qui achèvera de conforter Poirot dans l’idée qu’il s’agit d’une machination complexe orchestré de main de maitre pour tromper les enquêteurs. Parmi les suspects : tous les invités évidemment.

Un épisode très théâtral. Il en fait toujours des caisses notre Poirot
Dans ce très bon épisode, Poirot mène l’enquête avec l’aide de son camarade Sir Charles ainsi que celle de miss Hermione Lytton Gore (surnommée Egg), jeune fille pétillante et curieuse dont Sir Charles est amoureux. Cette dernière était aussi présente parmi les suspects les soirs des deux premiers meurtres. La complexité de l’enquête vient du mobile impossible à définir, et de l’absence de lien entre le Révérend Babbington et le Dr. Strange. De plus, il sera découvert que la seconde victime a été empoisonnée. Ce qui laisse penser que c’était le cas pour la première aussi. Mais pourquoi n’a-t-on retrouvé aucune trace de poison dans le verre ?
Si j’ai sélectionné cet épisode, c’est d’abord pour l’enquête évidemment, mais aussi pour le profil intéressant du coupable et ses motivations, ainsi que le final dramatique qui se déroule sur une scène en lieu et place d’une répétition pour renforcer l’aspect théâtral des révélations de Poirot. D’ailleurs, la mise en scène globale de l’épisode fait plus grandiloquente et exagérée pour jouer sur cet aspect de tragédie dans le sens théâtral du terme. C’est une histoire plus tragique que d’autres, qui ne laissera pas grand monde indemne. Et tout le casting joue très justement.
UNE MEMOIRE D’ELEPHANT (ELEPHANTS CAN REMEMBER) – 2013 

Le pitch : Mrs. Ariadne Oliver, l’amie écrivaine un brin excentrique de Poirot se voit confier par sa nièce Celia Ravenscroft la tâche de rouvrir l’enquête sur la mort de ses parents, retrouvés tous les deux morts d’une balle dans la tête treize ans plus tôt. Une affaire qui avait été classée en double suicide. Ariadne Olivier demande alors l’aide de Poirot mais celui-ci est déjà occupé sur un autre meurtre, bien plus actuel : celui du père du Dr Willoughby, un ami personnel. Mais au fur et à mesure de l’avancement des deux enquêtes, Poirot va se rendre compte que ces deux affaires pourraient bien être liées.
Premier épisode de la dernière saison, UNE MEMOIRE D’ELEPHANT nous propose une double enquête bien ficelée où il va falloir faire resurgir de vieux démons du passé pour dénouer les fils du présent. Quelqu’un semble en effet avoir été affecté par la mort du couple Ravenscroft et avoir ourdi une vengeance diabolique des années durant. Mais vengeance contre qui ? Le double suicide des parents de Celia n’en était sous doute par un, ou alors quelque chose ou quelqu’un est responsable du malheur qui les a poussé dans leurs retranchements.

Une maison isolée, des morts mystérieuses, aucun témoin mais de multiples souvenirs faussement insignifiants
Une nouvelle fois, l’intrigue est très bien ficelée et on ne voit pas venir l’identité du tueur. La double enquête tient le spectateur en haleine et réserve de bons moments de suspense ou de révélations soudaines. Et bien que le fond de l’histoire soit tragique, le tout est saupoudré d’une dose humour discret et agréable avec Mrs. Oliver et Poirot qui se tirent un peu dans les pattes avant de se rendre compte qu’ils enquêtent sur la même chose.
C’est Zoë Wanamaker qui interprète Ariadne Oliver (la professeure Bibine, instructrice du vol sur balais dans HARRY POTTER.) Selon les connaisseurs de l’œuvre d’Agatha Christie, le personnage de Mrs.Oliver serait une transposition auto-parodique de la romancière dans son univers de fiction.
Le trailer de la dernière saison : des téléfilms à la production d’un haut niveau, qui auraient pu sortir en salles
CONCLUSION
Voilà pour un tour d’horizon des épisodes qui m’ont plu. Il y en a d’autres qui valent le détour évidemment mais je ne peux pas parler de tous. Ceux que j’ai trouvé moins bons sur les 30 longs-métrages sont : LE COUTEAU SUR LA NUQUE, MEURTRE EN MESOPOTAMIE, LES QUATRE, LE MEURTRE DE ROGER ACKROYD et LES TRAVAUX D’HERCULE POIROT (ce dernier est une tentative d’adaptation de plusieurs nouvelles en un seul métrage qui mélange les sous-intrigues, et c’est un peu chaotique). Le dernier épisode qui met en scène la mort du détective est également recommandable mais il fait référence à une ancienne enquête d’un épisode qu’il vaut mieux avoir vu, LA MYSTERIEUSE AFFAIRE DE STYLES (la toute première apparition de Poirot dans les écrits d’Agatha Christie). L’épisode est également un peu triste et mélancolique puisqu’il nous montre un Poirot diminué et inutilement désagréable avec ses proches (mais comme bon nombre de personnes âgées aigries et fatiguées) qui ne termine vraiment pas sa vie comme un grand détective l’aurait mérité, achevant d’en faire un personnage tragique.
A noter que pour les plus réticents à l’aspect télévisuel de ces longs-métrages, la série se bonifie avec le temps avec des budgets plus conséquents et les épisodes des dernières saisons passent sans problème pour des films qu’on pourrait voir en salles. La reconstitution des années 30 entre les deux guerres reste fort appréciable tout le long de la série et se montre moins avare en visuels dans les derniers épisodes. Mais évidemment la nature de certaines enquêtes plus intimistes ne permettent pas toujours d’en mettre plein les mirettes comme d’autres plus propices au grandiose (MORT SUR LE NIL et ses décors d’Égypte par exemple).
TOP 20 DES MEILLEURS (LONGS) ÉPISODES :
- ABC CONTRE POIROT (THE ABC MURDERS) – 1994
- MORT SUR LE NIL (DEATH ON THE NILE) – 2004
- DRAME EN TROIS ACTES (THREE ACT TRAGEDY) – 2010
- LE NOËL D’HERCULE POIROT (HERCULE POIROT’S CHRISTMAS) – 1995
- UNE MEMOIRE D’ELEPHANT (ELEPHANTS CAN REMEMBER) – 2013
- TÉMOIN MUET (DUMB WITNESS) – 1997
- CINQ PETITS COCHONS (FIVE LITTLE PIGS) – 2003
- LA TROISIEME FILLE (THE THIRD GIRL) – 2008
- LE CRIME DE L’ORIENT EXPRESS (MURDER ON THE ORIENT EXPRESS) – 2010
- LE TRAIN BLEU (THE MYSTERY OF THE BLUE TRAIN) – 2005
- LA MAISON DU PÉRIL (PERIL AT END HOUSE) – 1990 – épisode double, techniquement le premier long-métrage
- LE VALLON (THE HOLLOW) – 2004
- LES VACANCES D’HERCULE POIROT (EVIL UNDER THE SUN) – 2001
- LES INDISCRÉTIONS D’HERCULE POIROT (AFTER THE FUNERALS) – 2006
- LE CRIME D’HALLOWEEN (HALLOWE’EN PARTY) – 2010
- LE CHAT ET LES PIGEONS (CAT AMONG THE PIGEONS) – 2008
- LES PENDULES (THE CLOCKS) – 2009
- LE CRIME DU GOLF (MURDER ON THE LINKS) – 1996
- LA MORT DANS LES NUAGES (DEATH IN THE CLOUDS) – 1992
- HERCULE POIROT QUITTE LA SCÈNE ( CURTAIN : POIROT’S LAST CASE) – 2013