
* VERTIGO *
Chronique du film : HIGHLANDER
Date de sortie : 1986
Durée : 116 minutes
Réalisation : Russel Mulcahy
Genre : Fantastique, Fantasy

Cet article porte sur le film HIGHLANDER, réalisé par Russel Mulcahy en 1986. Il fait référence à la version longue du long-métrage, restauré en 2016 à l’occasion de son trentième anniversaire.
Nous ne parlons ici que du premier film de la franchise. Il se suffit bien à lui-même.
Pour entamer la lecture de l’article dans les meilleurs conditions, vous pouvez aussi écouter la magnifique BO du film en même temps…
Le pitch est d’amblée assez croquignol : Conrad MacLeod (Christophe Lambert) nait en Écosse au 16° siècle. Il est immortel. Blessé à mort durant la bataille entre son clan et celui des Frazer au cœur des Highlands, il finit donc par se relever frais et dispo, comme si de rien n’était. Ses proches, médusés, craignent qu’il s’agisse d’une manifestation diabolique et le bannissent séance tenante. Il erre alors à travers le temps et rencontre une belle jeune femme, Eather, qui devient sa femme. Plus tard, un autre immortel (Sean Connery) vient à sa rencontre. Il porte le doux sobriquet de Juan Villalobos Sanchez Ramirez, et affirme être un égyptien (!) âgé de 2400 ans. Il devient rapidement son mentor. Le but de l’égyptien au nom espagnol est de préparer le “jeune” Highlander afin qu’il puisse affronter le terrible Kurgan (Clancy Brown), celui-là même qui l’avait laissé pour mort lors de la bataille des Highlands. Il s’agit d’un autre immortel, maléfique et puissant…
Au final, les immortels doivent s’entretuer car il ne doit en rester qu’un. Le survivant héritera du “Prix”, un grand pouvoir qui lui permettra, soit d’asservir l’humanité, soit de la libérer.
Au fil des siècles, Conrad découvre néanmoins le douloureux tribut de l’immortalité à travers la perte de tous les êtres qui lui sont chers, à commencer par Eather, son épouse.
Le film commence en 1986. Conrad se nomme désormais Russell Nash. Il vit à New-York et se prépare pour la rencontre finale avec le terrible Kurgan…
Bande d’annonce vintage…
HIGHLANDER sort en 1986. Le film est alors d’une originalité absolue, à la frontière de la fantasy, qui nous conte les errances d’une poignée d’immortels, condamnés à s’entretuer à travers les siècles afin d’hériter du “Prix”. Malgré un scénario bourré d’ellipses incongrues et de crevasses béantes, la sauce fonctionne du tonnerre et le spectacle est ensorcelant. Enfin… en tout cas à l’époque, puisque la question est désormais de savoir si la chose a bien vieilli après tout ce temps, et si elle est aussi immortelle que certains de ses personnages…

Conrad MacLeod, un immortel qui traverse le temps et les continents avec une épée…
La source de la magie de cette œuvre en quête d’intemporalité est à rechercher du côté de son équipe artistique et de son casting, qui regroupe une dream-team surprenante. La présence de Sean Connery, alors au sommet de son charisme (genre le mec qui en fait un minimum pour un maximum d’effets (voir son combat monstrueux contre le Kurgan qui dure quelques secondes), sachant que le monsieur ne consacra au film qu’une toute petite semaine de tournage !), avait déjà de quoi asseoir le projet. Pourtant, d’autres artisans beaucoup moins connus, à l’époque, apportent leur pierre à l’édifice.
Le frenchie Christophe Lambert, dont le jeu aujourd’hui daté est aussi kitsch que culte, sortait du somptueux GREYSTOKE, grand film d’aventures romanesque (et plus fidèle adaptation du TARZAN d’Edgar Rice Burroughs à ce jour) qui l’avait révélé au monde entier. Si bien qu’il était parti pour deux décennies de blockbusters et d’actioners bourrins, malgré une stature complètement inadaptée au genre (mais diantre, que se passa-t-il donc dans la tête des producteurs américains de l’époque qui le mettaient sur le même pied qu’un Stallone, un Schwarzie, voire un Chuck Norris ???). Il faut néanmoins reconnaitre que l’acteur aux interjections grotesques imprime la pellicule de son regard perçant, parvenant à saisir un étonnant équilibre entre la force tranquille et une forme de sensibilité écorchée vive. Par la suite, son jeu versera dans la caricature de cette version initiale.

As-tu conscience du prix de l’immortalité, Highlander ?
Le jeune metteur en scène Russell Mulcahy, s’il avait déjà fait sensation dans un film d’action néanmoins modeste (le rugueux RAZORBACK et son sanglier géant de l’enfer du désert australien), remportant au passage le grand prix du festival d’Avoriaz (la Mecque de l’époque en matière de film fantastique), n’était encore qu’un inconnu à Hollywood. Virtuose réalisateur de clips vidéo, le bougre savait alors investir chaque image de trouvailles visuelles d’une modernité vertigineuse. Il sera sans cesse copié par toute une génération de cinéastes et lancera la mode, avec Adrian Lyne, des “clipeurs d’Hollywood”. Sa carrière retombera hélas comme un soufflet après le bide du film THE SHADOW (une adaptation du héros de pulps éponyme), en 1994.
Et puis il y a la musique. Certes, le groupe Queen livre une compilation de titres marquants. Mais parallèlement, le grand Michael Kamen, compositeur et musicien parfaitement éclectique (il assurait par exemple le piano sur THE PROS AND CONS OF HITCH HIKING, le premier album solo de Roger Waters après la dissolution de Pink Floyd en 1984 !), accouche d’un monument de lyrisme médiéval, qui transcende à lui seul une succession de scènes toutes plus improbables les unes que les autres. Tout simplement l’un des plus beaux scores de l’histoire dans le registre chevaleresque, et je pèse mes mots.
Pour l’anecdote, Queen ne devait livrer qu’une seule chanson, mais les membres du groupe, séduits par le projet, décidèrent de lui dédier tout un album (A KIND OF MAGIC). Michael Kamen, en parfait gentleman, travailla de manière fusionnelle avec les rockers au point d’intégrer dans ses propres compositions le très beau thème imaginé par Brian May pour le slow WHO WANTS TO LIVE FOREVER.

Le premier combat, contre Himan Fasil, avec ce plan génial du reflet dans les lunettes…
Et comment oublier Brian Clemens, non crédité au générique et pourtant à la base du script ! Ce même Brian Clemens qui avait écrit les premiers épisodes de la série CHAPEAU-MELON & BOTTES DE CUIR, moult épisodes d’AMICALEMENT VOTRE et de L’HOMME INVISIBLE, avant de livrer le sublime Dr JECKYLL & SISTER HYDE pour la Hammer. Il remaniera le récit original, avant de le laisser aux scénaristes définitifs, Peter Bellwood & Larry Ferguson.
Cette concordance de talents exceptionnels aura offert le terrain idéal afin que le projet réussisse à s’élever à des hauteurs vertigineuses. C’est ainsi que cela se passe lorsque, parfois, le destin réunit le temps d’une œuvre, le parcours d’une poignée de talents qui auraient très bien pu ne jamais se croiser et qui se retrouvent au bon endroit et au bon moment. On se souviendra par exemple que la saga STAR WARS originelle n’aurait jamais été ce qu’elle est devenue sans la confluence de précurseurs géniaux tels que Georges Lucas, Gary Kurtz, John Williams, John Dykstra, Dennis Muren, Phill Tippett, Ralph McQuarrie, voire même Harrison Ford.
Pour revenir à HIGHLANDER, le pari n’était pas gagné tant le scénario, maintes fois remanié, issu d’un synopsis honteusement arraché à un jeune étudiant en cinéma et complètement repensé (ça s’était passé de la même manière avec le film GREMLINS), est édifiant ! La preuve irréfutable qu’il s’agit d’un équilibre fragile et miraculeux éclatera dans les suites navrantes que les producteurs infligeront aux fans de la première œuvre, toutes plus lamentables les unes que les autres, car privées de la dream-team originelle…

Le Kurgan (Clancy Brown) : Une ennemi plus grand que nature pour le Highlander !
Mais il existe une autre composante à la personnalité de notre film : Sa structure narrative. HIGHLANDER est construit à partir d’une succession de flashbacks qui forment ce que l’on appelle une intrigue “à tiroirs”, dans laquelle tous les éléments finissent par concorder au fur et à mesure du récit. Cette technique de narration, qui est en général l’apanage des comics, fonctionne à merveille dans ce cas précis de long métrage cinématographique. Il est d’ailleurs remarquable de constater que le film sort en 1986, soit exactement la même année que le comicbook WATCHMEN d’Alan Moore, qui révolutionnait son médium et fonctionnait exactement sur le même principe d’intrigue “à tiroirs” !
Ainsi, HIGHLANDER s’impose comme une sorte de bande dessinée sur grand écran, construite comme les meilleurs comics. C’est alors que l’on se dit que le film n’aurait jamais dû connaître de déclinaisons comme ce fut le cas, au cinéma ou sous la forme d’une série TV (et même d’une série animée, d’un anime japonais et d’une douzaine de romans !), mais qu’il aurait plutôt dû inspirer une série de comics, tels que l’on en verra au sein de la ligne Vertigo, une filiale de DC Comics créée en 1993, spécialisée dans l’édition de comics fantastiques et autres polars, où les créations diffèrent du reste de la production DC par leurs thèmes plus adultes, pouvant invoquer davantage de violence, de bruit et de fureur.

Sean Connery : Le charisme pur !
Dans ce registre, nous en avons déjà exposé un certain nombre ici même, notamment avec les créations d’Alan Moore. Et en dehors de Vertigo, on ne compte plus les comics qui fonctionnent sur le même principe, qu’ils soient de l’ordre du mainstream (Marvel ou DC) ou des séries indépendantes, comme par exemple FEAR AGENT. Soit l’histoire d’HIGHLANDER, ou celle d’une franchise issue de la réunion d’une poignée de talents exceptionnels, et qui a raté sa reconversion sous le mauvais médium…
Le film a donc été restauré à l’occasion de son trentième anniversaire et a bénéficié de l’ajout de quelques scènes pour fêter l’événement (la plupart étant issues du montage américain, qui a toujours été plus long). Soyons clairs : il ne s’agit que de quelques plans supplémentaires, dont on ne remarque la présence que si l’on connait le film par cœur (ce qui est bien évidemment le cas de votre serviteur dévoué).
La véritable gagnante de cette restauration, c’est surtout la qualité de l’image, qui brille de mille feux et rend enfin justice au superbe travail de Russell Mulcahy et à ses alternances contrastées entre les diverses époques, et notamment entre la nature sauvage flamboyante des Highlands et la décrépitude urbaine d’un New York contemporain sinistre, glauque et aqueux comme un polar des 70’s.

L’art de jouer sur les contrastes.
Ces derniers temps, il est de coutume que d’affreux morveux arrogants à peine sortis de leur acné, désireux de jouer au critique en herbe, viennent souiller notre film en prétendant qu’il s’agit d’un honteux navet préhistorique. Comme ils n’ont pas connu l’époque de sa sortie originelle, ils ne savent pas remettre l’œuvre dans son contexte initial et lui portent ainsi préjudice, en l’affublant d’une réputation qu’elle ne mérite franchement pas.
Ils ne perçoivent pas à quel point le film fut un ovni survolant de haut la planète du genre fantastique, à la forme inédite où se mêlaient les trouvailles visuelles du monde du clip , l’héritage viscéral des polars des 70’s et des grandes fresques historiques mâtinées d’heroic fantasy des années 80, comme EXCALIBUR ou CONAN LE BARBARE. Ils ne voient pas que la réussite de la chose ne tient absolument pas au scénario, hautement improbable avec toutes ces séquences semblant avoir été écrites par un mec bourré à qui on aurait filé une machine à écrire et qui aurait improvisé dessus avec moult postillons éthyliques, mais à sa forme ambitieuse, à sa construction complexe et à sa tonalité pleine de contrastes et de trouvailles séminales. Et ils ne s’aperçoivent même pas à quel point le film aura influencé tout un pan du cinéma qui lui aura succédé, offrant à ces héritiers une nouvelle forme de liberté créative, repensant complètement la relation entre la narration, le son et l’image, afin que le spectacle devienne plus prenant encore, en nous transportant dans un autre monde, très adulte, aussi fantastique dans le fond que dans la forme. Car, comme on dit souvent, ce n’est pas l’histoire qui importe, mais la manière de la raconter…

Quelques années après la sortie du film, l’auteur de ces lignes partait pour la terre sacrée, à la recherche du fief des MacLeod (le Donan Castle) !
THAT’S ALL, FOLKS !!!
