Le giallo – 2ème partie
Chroniques des films italiens faisant partie du genre « giallo »
Date de sortie des films : 1971 et 1972.
Genre : Thriller, horreur, policier.
1ère partie : Contexte de la naissance du giallo + 6 films de 1964 à 1971
2ème partie – Vous êtes ici : 6 autres films de 1971 et 1972
3ème partie : 6 autres films de 1972 à 1982 et conclusion
Niveaux d’appréciation :
– À goûter – À déguster – À savourer
Dans la première partie de ce dossier, nous avions suivi les débuts du giallo, et 6 films allant de 1964 à 1971. Cette fois-ci, nous allons voir 6 nouveaux films datant tous de 1971 et 1972, des années riches en gialli, parfois imparfaits mais intéressants. Nous commencerons par terminer la trilogie animale de Dario Argento pour nous intéresser ensuite à des films plus mineurs de réalisateurs moins connus, mais qui méritent bien un visionnage.
QUATRE MOUCHES DE VELOURS GRIS (1971) de Dario Argento
Le pitch : Roberto Tobias, un jeune musicien, est suivi depuis un certain temps par un homme à peu-près partout où il va. N’en pouvant plus, il se rue un beau jour sur le mystérieux bonhomme et le tue accidentellement dans la rixe qui s’ensuit. C’est à cet instant qu’un autre individu, masqué celui-là, le prend en photo pile au moment de l’homicide. Ce second inconnu va le harceler bien plus encore, s’invitant jusque dans son quotidien et son intimité, obligeant Roberto à mettre son épouse et ses amis dans la confidence…
Troisième et dernier segment de la Trilogie Animale de Dario Argento, QUATRE MOUCHES DE VELOURS GRIS est une nouvelle réussite pour le réalisateur, qui nous concocte cette fois une intrigue retorse particulièrement bien ficelée, rendant quasiment impossible de deviner l’identité du tueur, pourtant une personne de l’entourage direct de l’enquêteur (comme dans la plupart des gialli), avant le dénouement final.
Roberto voit des inconnus qui le harcèlent partout !
Une nouvelle fois, Argento organise son script de manière à ce qu’il soit en opposition par rapport au film précédent et, d’ailleurs, les deux long-métrages ont une caractéristique strictement inverse : Tandis que LE CHAT À NEUF QUEUES mérite plusieurs visionnages pour apprécier tous les éléments de l’intrigue, QUATRE MOUCHES DE VELOURS GRIS est condamné à ne fonctionner qu’une fois, puisque dès lors que l’on connait l’identité du tueur (d’un intérêt complètement secondaire dans le film précédent), le spectacle perd l’essentiel de sa force.
Comme dans les deux premiers films, le thème du regard se révèle central et, une fois encore, c’est un certain regard qui confondra le tueur. Le réalisateur va loin dans l’analogie, en isolant l’œil d’une des victimes, sur lequel se serait imprimé un détail ayant échappé à l’enquêteur, ce dernier demeurant ostensiblement aveugle à l’identité de l’assassin !
Les scènes de meurtre explorent la violence de manière graphique et le volet gore et horrifique prend un peu plus d’ampleur de film en film (quand bien même le tout reste aujourd’hui bien sage en comparaison de l’évolution du genre), Argento s’appliquant à chorégraphier le tout sous la musique entêtante d’Ennio Morricone et le chant d’Edda Dell’Orso. Et si le titre de chaque film de la trilogie joue de la métaphore animale, c’est évidemment pour mieux pointer du doigt la sauvagerie de l’être humain lorsqu’il s’adonne au meurtre. Et la recette sera reprise à l’envie par les autres faiseurs de giallo…
Faire du regard – et de l’œil – le thème principal de ses films…
Ici aussi, le casting (internationnal et totalement éclectique !) est réjouissant et si l’on ne connait guère l’acteur principal (Michael Brandon), on le voit donner la réplique à Mimsy Farmer, Bud Spencer et Jean-Pierre Marielle !
À noter, enfin, deux éléments qui vont s’affirmer au fur et à mesure que se dessine la filmographie de Dario Argento :
Tout d’abord l’insersion de scènes oniriques (ici lorsque le héros rêve d’un personnage se faisant décapiter dans une forteresse arabe), qui jouent de la métaphore en illustrant de manière nébuleuse un détail que le personnage ne parvient pas à saisir, à décrypter, où dont il ne réussit pas à se souvenir.
Ensuite la musique, pour la dernière fois signée Morricone (avant son retour en 1996), alors qu’Argento souhaitait travailler avec le groupe de hard-rock Deep Purple, un temps engagé sur le film. Celle-ci commence à s’opposer à l’atmosphère traditionnelle du genre horreur, suspense ou épouvante, en jouant sur l’agressivité et la cacophonie (ici avec une batterie tonitruante, qui est l’instrument de pédilection du héros, et qui semble jouer contre lui). C’est-à-dire qu’elle n’épouse pas les images de manière envoûtante avec des instruments classiques, mais au contraire qu’elle déstabilise un peu plus le spectateur avec des sons délibérément avant-gardistes. Bientôt, le réalisateur poussera le curseur beaucoup plus loin dans les deux cas.
LA MORT MARCHE EN TALONS HAUTS (1971) de Luciano Ercoli
Le pitch : Un voleur de diamants se fait assassiner dans un train. N’ayant pas trouvé ce qu’il cherchait, le meurtrier va s’en prendre à sa fille, Nicole, strip-teaseuse à Paris. Il s’introduit chez elle et la menace, ne laissant voir que ses yeux d’un bleu étrange. Terrorisée, la jeune femme se réfugie chez son amant, Michel. Mais elle découvre chez celui-ci des lentilles de contact bleues. Elle va alors fuir avec l’un de ses riches admirateurs qui possède un cottage en Angleterre en espérant échapper à tout cela. Mais le tueur ne semble pas vouloir la lâcher.
Luciano Ercoli n’est pas un réalisateur bien connu, mais il a tout de même signé quelques bons films, notamment une « trilogie giallesque » avec PHOTOS INTERDITES D’UNE BOURGEOISE (non ce n’est pas un film coquin. C’est davantage un thriller de manipulation qu’un vrai giallo cela dit), LA MORT MARCHE EN TALONS HAUTS et LA MORT CARESSE A MINUIT (un giallo qui ne se prend pas totalement au sérieux et vire au film de gangsters avec un final orienté action, mais fun à suivre.) Celui qui nous intéresse ici est le second, LA MORT MARCHE EN TALONS HAUTS.
Si on pourra reprocher à ce film de mettre un peu de temps à démarrer avec quelques passages de romance kitsch entre Nicole et son nouvel amant, et ce après une introduction pourtant efficace, il se rattrape par la suite avec une enquête pleine de mystères, de faux-semblants et de rebondissements.
Le casting est impeccable avec la belle Nieves Navarro (ou Susan Scott, son alias anglicisé) qui crève l’écran de son charisme magnétique comme dans quasiment tous ses films.
La thématique du regard et de ce qui lui échappe (via le hors-champ), chère à Argento également.
On mentionnera aussi Claudie Lange dont la ressemblance avec Nieves Navarro est assez troublante, et l’amusant Carlo Gentili, l’élément comique du film, qui campe un inspecteur pas si idiot que ça mais cynique et blasé qui ne parvient jamais à finir son café, ou qui s’étonne d’avoir eu raison lors de son enquête. A la fois maladroit et habile, il donne vie à un personnage attachant avec ses répliques pince-sans-rire.
Ce qui est très réussi dans ce film c’est cet exercice de style qui tourne autour du regard et de la perception. Il y a beaucoup de plans sur les yeux des protagonistes, de miroirs qui ne révèlent pas tout, de personnages qui pensent avoir vu des choses mais de manière déformée à cause d’éléments perturbateurs. Le fait que Nieves Navarro et Claudie Lange se ressemblent beaucoup n’est pas fortuit non plus mais orchestré pour nous dérouter (elles sont toutes les deux rousses également.) Il y a même un témoin d’un meurtre aveugle, qui ne peut donc se reposer que sur les bruits qu’il a entendus.) Les diamants eux-mêmes sont cachés à la vue de tous. Toutes les fausses pistes et révélations découlent de ces jeux de perception faussée.
En bref il s’agit d’un film réussi même si un peu lent au démarrage.
LES RENDEZ VOUS DE SATAN (1972) de Giuliano Carnimeo
Le pitch : Deux jeunes femmes sont assassinées dans le même immeuble appartenant à l’architecte Andrea Antinori (George Hilton.) Ce dernier, en échange d’une séance photo pour une campagne de publicité, propose à deux mannequins, Jennifer et Marylin, de venir s’y installer. Tandis que Jennifer (Edwige Fenech) échappe de peu aux assauts du tueur, les soupçons de la police se portent sur Andrea, devenu son amant. Quant à Jennifer, elle a des doutes concernant divers locataires étranges de l’immeuble : la vieille folle et son mystérieux fils, le vieux ronchon, etc. Sans parler qu’elle sera rattrapée par un de ses ex qui ne lui veut pas que du bien. Tous des coupables potentiels.
LES RENDEZ-VOUS DE SATAN (titre à côté de la plaque, il n’y a ni rendez-vous ni Satan dans ce film, le titre italien est « Perché quelle strane gocce di sangue sul corpo di Jennifer ? ») est un giallo somme toute assez classique, à base de meurtres de jeunes femmes par un tueur mystérieux ganté de noir. Mais si la formule est classique, l’exécution est excellente. Vous l’aurez compris, avec les locataires ou l’ex de Jennifer, nous avons là une liste de suspects parfaite pour un whodunit à la Agatha Christie.
Les meurtres sont très bien mis en scène (une classique scène de noyade, un ébouillantage, un meurtre au couteau, etc.), la photographie soignée, et les meurtres ont tous lieu dans le même immeuble avec une mise en scène tirant partie de chaque recoin de l’immeuble avec une formidable gestion de l’espace pour instaurer le suspense, ce qui fait de l’immeuble un personnage du film en soi. Il ne s’agit pas d’un huis clos cependant. Il y a des scènes en extérieur lorsqu’on s’intéresse à l’inspecteur chargé de l’enquête (pas trop nul pour une fois.) Le suspense est constant, il n’y a pas de baisse de rythme.
Un immeuble entier comme terrain de jeu, des chambres au sous-sol en passant par l’ascenseur
Quant au final, il sera à la hauteur de l’attente. Le mobile des meurtres ne sera pas forcément très recherché, mais l’est-il si souvent dans la vraie vie ? Justement le giallo traite de déséquilibrés mentaux, de pervers sexuels, etc.
Le film se pare aussi d’une touche d’érotisme (sage), ce qui n’est pas déplaisant quand on sait que la sublime Edwige Fenech tient le premier rôle. Pour parachever le tout, c’est Bruno Nicolai qui se charge de la musique. Sans atteindre les sommets de ses compositions pour TOUTES LES COULEURS DU VICE ou LA DAME ROUGE TUA SEPT FOIS, elles restent de bonne facture. En bref un giallo simple mais mené de la main d’un solide artisan du genre.
George Hilton et Edwige Fenech, un duo habitué aux gialli qu’on retrouvera chez Martino
Il est à noter que ce film a été écrit par Ernesto Gastaldi, un scénariste responsables de très bons gialli, westerns ou films gothiques que j’ai parfois déjà pu recommander (L’EFFROYABLE SECRET DU DR. HICHCOCK, LE CORPS ET LE FOUET, L’ETRANGE VICE DE MME WARDH, TON VICE EST UNE CHAMBRE CLOSE DONT MOI-SEUL AIT LA CLE, LA QUEUE DU SCORPION, TOUTES LES COULEURS DU VICE, TORSO, MON NOM EST PERSONNE, etc.)
MAIS QU’AVEZ-VOUS FAIT A SOLANGE ? (1972) de Massimo Dallamano
Le pitch : A Londres, une élève d’un pensionnat catholique pour filles est tuée de manière brutale près de la Tamise. Enrico Rosseni, un professeur qui entretient une liaison secrète avec une de ses étudiantes était tout près du lieu du crime. Il est rapidement soupçonné. Lorsque son amourette prend fin avec un nouvel assassinat, celui de sa jeune maitresse, il décide d’enquêter lui-même pour lever tout soupçon. Ce qui semble lier les jeunes filles entre elles est une sorte de club libertin qu’elles avaient fondé pour flirter avec des étudiants ou autres hippies. Mais une fille reste introuvable : Solange. Disparue depuis longtemps, sans avoir été déclarée morte, elle pourrait bien être la clé du mystère.
Massimo Dallamano nous livre ici un film dur et très réussi. Les victimes sont de jeunes filles assassinées et symboliquement violées par un couteau introduit dans leur entrejambe. Le récit est prenant, le nombre de suspects important (notamment tous les profs du pensionnat, dont certains ont des tendances perverses manifestes) et l’explication finale tient la route. Si on accepte parfois dans ce type de films les meurtres sans raison profonde, il y a cependant dans ce film une vraie raison scénaristique qui justifie le modus operandi des meurtres.
L’insouciance et les bêtises de la jeunesse face à une cruelle réalité
Il est difficile d’approfondir certaines qualités du film sans spoiler. Mais disons que le film est osé et revêt une forme de dénonciation de la société de l’époque. Parmi les sujets abordés on trouve les relations interdites entre élève et professeur, la libération sexuelle des ados, le voyeurisme et la débauche, l’avortement, et le prêtre tueur. Non je ne vous spoile pas l’identité du tueur, rassurez-vous. Mais le tueur est effectivement déguisé en prêtre. Une façon de tacler encore un peu l’Eglise.
Moralement ambigu, le film est plutôt sordide et triste. Il est l’exact opposé d’un slasher « fun et sanglant » que le giallo a fait naitre par la suite. La mise en scène provocatrice nous rend complice de voyeurisme et il en résulte une atmosphère glauque qui contrairement à d’autres gialli plus émoustillants, va mettre le spectateur mal à l’aise de se retrouver dans cette position de prédateur.
Un couple lié dans la difficulté malgré les infidélités de monsieur
Quant au casting, il est très bon, avec notamment Fabio Testi très crédible dans le rôle d’un type pas franchement sympathique au départ qui trompe sa femme avec une ado mais qui va évoluer devant l’horreur qui va se déclencher. Sa femme (jouée par Karin Baal) et lui forment d’ailleurs un couple convaincant capable de surmonter les épreuves et s’entraider dans l’enquête malgré la façon dont elle a débuté. Le film est subtil et ne condamne ni n’approuve en bloc certains comportements, mais expose les faiblesses humaines et les drames qui en découlent dans une intrigue bien ficelée.
Pour ne rien gâcher, c’est Ennio Morricone qui assure la partie musicale avec des thèmes mélancoliques envoutants évoquant cette perte de l’innocence qui plane tout le long du métrage sur ces jeunes femmes un peu trop insouciantes et frivoles qui ont joué à un jeu dangereux.
La photographie n’a pas été laissée de côté (c’est Joe D’amato aux commandes) et redécouvrir ce film restauré en HD est un vrai plaisir. Le film n’adopte pas l’esthétique baroque d’un Mario Bava ou les cadrages symboliques d’un Argento, il est plus « naturaliste », mais cela renforce le point de vue réaliste des sujets abordés. Malgré tout, Joe D’amato sait éclairer les décors et conférer à certains lieux une atmosphère angoissante. Moins « tape à l’oeil » mais marquant par son ton tragique, le film est une réussite.
FOLIE MEURTRIERE (1972) de Tonino Valerii
Le pitch : Un agent d’assurance se fait décapiter par un excavateur hydraulique. L’inspecteur Peretti est chargé d’enquêter sur l’assassinat de ce pauvre homme. Au fil de son enquête, les cadavres s’accumulent. Un homme est supposé s’être suicidé, une femme est étranglée, une autre attaquée dans son appartement. Peretti va découvrir qu’un ancien tueur élimine de potentiels témoins gênants qui étaient sur le point de découvrir de nouveaux indices sur une vieille affaire impliquant l’enlèvement d’une petite fille, Stefania Moroni, morte d’inanition.
Petite entorse au règlement du giallo : ici le personnage principal est un flic. Quant au tueur, il s’agit d’une sinistre ordure qui accumule les meurtres pour en cacher un autre très grave commis des années plus tôt. La clé de l’énigme réside dans ce qu’avait découvert le fameux agent d’assurance. Peretti va donc s’intéresser à la bourgeoise famille Moroni pour en apprendre plus sur une affaire vieille de plusieurs années.
Ce film fait beaucoup penser à du Agatha Christie (en plus violent quand même) jusqu’à la scène finale aux allures de séance de démasquage à la Hercule Poirot dans une pièce où sont réunis tous les suspects. Le réalisateur Tonino Valerii va également s’amuser à tacler la bourgeoisie et ses secrets inavouables comme dans bon nombre d’histoires de la romancière où le milieu de la bourgeoisie est dépeint comme lâche, déloyal, suffisant. Chaque membre de la famille Moroni semble cacher quelque chose d’inavouable, ou des preuves qui les mettraient en danger.
Quelques meurtres graphiques, mais peu d’érotisme, et une intrigue plus policière que la moyenne
Le scénario est complexe et très bien rythmé, et fait la part belle au suspense. Il n’y a pas beaucoup de meurtres ni même d’érotisme (j’en entends qui soupirent au fond là !) mais la rareté des assassinats est tout de même compensée par leur cruauté (on ne voit pas tous les jours une décapitation par un engin de chantier ou un meurtre à la scie circulaire.) De plus, leur mise en scène dégage une vraie tension dramatique, même si on reste éloigné des transgressions graphiques d’un Dario Argento. Le film est assez classique sur la forme mais efficace.
Le métrage repose aussi sur les épaules d’un très bon casting habitant ses personnages. George Hilton déjà, très crédible en inspecteur plus malin que la moyenne (qu’on aura déjà vu dans LA QUEUE DU SCORPION et les autres films de Sergio Martino) mais aussi les personnages secondaires campés par des talents moins connus mais méritants (Helga Liné, Marilù Tolo, Piero Lulli, etc.)
Quant à la musique, elle est encore signée Ennio Morricone. Ai-je besoin d’en dire plus ?
Petit bémol cela dit : je trouve le plan final un peu raté et comique. On nous explique le long du film que c’est un dessin de la petite fille sur le dos d’un miroir qui dénonce le coupable. Et le dernier plan du film nous le montre. Bon…c’est logique que le dessin d’une fille de 6 ans ne soit pas un Rembrandt (ç’aurait même été encore plus comique si le dessin était trop parfait), mais ça parait léger comme preuve un dessin aussi approximatif. Et il faut bien réfléchir 10 secondes avant de comprendre le détail incriminant le tueur. Pas assez percutant comme plan final.
QUI L’A VUE MOURIR ? (1972) de Aldo Lado
Le pitch : Le film s’ouvre à Megève alors que la petite Nicole, une fillette rousse, se fait assassiner à l’insu de sa gouvernante, Ginevra Storelli. Quatre ans plus tard à Venise, on suit le sculpteur Franco Serpieri (George Lazenby) qui récupère sa fille de 7 ans Roberta venue d’Amsterdam (là où vit sa mère, séparée de Franco) pour les vacances. Rapidement, Roberta disparait, enlevée par une femme (ou quelqu’un grimé comme tel) avant d’être retrouvée morte dans le Grand Canal. On apprend qu’elle aurait été violée. Anéanti, Franco va se lancer sur la piste du tueur. Sa femme Elizabeth (Anita Strindberg), qui l’a rejoint à Venise après avoir appris la nouvelle, va tenter de l’en dissuader, ou du moins le prier de ne pas prendre trop de risques. Car à présent il devient clair qu’ils ont affaire à un tueur en série. Des similitudes avec la mort d’une autre petite fille rousse, Marinella Marchesin, assassinée l’année précédente, poussent Franco vers des personnes qu’il connaît : le marchand d’art Serafian, l’ancienne gouvernante Ginevra Storelli et son amant, ou encore l’avocat Nicola Bonaiuti soupçonné d’avoir participé à des orgies avec des mineurs en compagnie d’autres notables de Venise.
CHI L’HA VISTA MORIRE ? rejoint la courte liste des gialli dont les victimes sont des enfants, ce qui les a condamnés à être censurés à l’époque. Celui-ci en a moins souffert que le film le plus connu abordant ce thème : LA LONGUE NUIT DE L’EXORCISME de Lucio Fulci (simplement interdit dans de nombreux pays dont la France par le comité de censure de l’époque qui n’a pas apprécié l’idéologie anticléricale du film en plus des meurtres d’enfants. Il ne sortira même qu’en l’an 2000 aux USA.) CHI L’HA VISTA MORIRE ? a « seulement » été interdit aux -18 ans. Si le film de Fulci (très sympa au demeurant, mais pas très « giallesque » en réalité) se passe dans un village de campagne isolé, c’est à Venise que prend place l’action du film de Aldo Lado.
L’enquête pousse notre protagoniste endeuillé à se confronter à la haute société de Venise et à ses secrets inavouables. Parmi les suspects, qui vont mourir l’un après l’autre au fil de l’histoire, pas un seul ne semble complètement innocent. Ils semblent tous cacher quelque chose, peut-être même protéger le meurtrier. Giallo oblige, il y a une multitude de coupables potentiels qui servent à brouiller les pistes. On pourrait reprocher au film d’avoir un scénario un peu abscons notamment en ce qui concerne l’identité du tueur, comme si tous les éléments n’étaient pas révélés au protagoniste (et au spectateur qui suit l’histoire à travers son regard.) Cela fait sens puisqu’il n’est pas de la police et ce qui compte vraiment n’est pas tant son identité mais le danger qu’il représente et pourquoi il semble pouvoir agir impunément, mais disons qu’il n’y a aucun réel indice permettant de deviner qui est le tueur (ce qui pourra déplaire aux inconditionnels d’Agatha Christie.)
Meurtres sordides dans une Venise fantomatique
Le film bénéficie non seulement d’un très bon casting (George Lazenby en protagoniste aux abois, Adolfo Celi en mystérieux homme d’affaires, la ravissante Anita Strindberg en mère endeuillée) mais aussi d’une mise en scène inspirée qui transforme l’architecture singulière de Venise en un dédale de ruelles inquiétantes où se glisse parfois un brouillard étouffant. Ce n’est pas la Venise des cartes postales qui nous est ici présentée. Aldo Lado soigne ses lumières et ses cadres pour faire baigner son film dans une atmosphère oppressante.
La musique n’est pas étrangère à ce résultat non plus. Morricone (encore lui) compose un thème musical proche de la comptine avec un chœur composées de voix d’enfants qui prend une dimension angoissante et agressive lorsqu’elle accompagne les errements du tueur en vue subjective.
Si le film se suit avec intérêt c’est aussi parce qu’il parvient à nous investir dans la quête de ce père rongé par la culpabilité. Plus le récit progresse et plus il ressemble à une chasse à l’homme, et le final sera particulièrement brutal, mais satisfaisant. CHI L’HA VISTA MORIRE n’est pas le plus agréable giallo à suivre de par ses thèmes abordés, mais c’est une réussite.
Et ce sera tout pour cette seconde partie. Mais pas d’inquiétude, il reste encore 6 films sélectionnés et à découvrir dans la partie 3 de ce dossier.
Affiche hommage personnelle