
– LES ADAPTATIONS DE STEPHEN KING –
TALES FROM THE DARKSIDE
Chronique du film, de la série TV et du comic book TALES FROM THE DARKSIDE
Date de diffusion de la série TV : 1983-1987. Date de sortie du film : 1990. Date de publication du comic book : 2016.
Durée du film : 93 minutes. Nombre d’épisodes de la série TV : 90. Nombre de comics issues : 3.
Genre : Fantastique, horreur.
Voir l’article introductif sur les principaux thèmes de Stephen King

Cet article est inscrit dans les adaptations de Stephen King, que ce soit au cinéma, à la TV ou sous forme de bande-dessinée.
Nous allons cette fois tricher un peu, car le concept anthologique intitulé TALES FROM THE DARKSIDE n’est pas, à proprement parler, une adaptation d’un roman ou d’une nouvelle de l’écrivain du Maine.
Il y a certes, au beau milieu de toutes ces histoires, des adaptations de son œuvre, mais pas que. En réalité, la plupart des récits que nous allons trouver dans ces CONTES DE LA NUIT NOIRE ou HISTOIRES DE L’AUTRE MONDE (titres en VF) ne sont pas issus de la plume du maître de l’épouvante. Et pourtant, c’est bien son univers qui a inspiré tous ces divers projets, comme nous allons le voir plus loin…
AU PROGRAMME DE L’ARTICLE :
Niveaux d’appréciation :– À goûter
– À déguster
– À savourer


Mignons, n’est-ce pas ?
HISTOIRES DE L’AUTRE MONDE – 
TALES FROM THE DARK SIDE : La série TV
Au départ il y a donc une série TV intitulée TALES FROM THE DARKSIDE, une création de George A. Romero, le célèbre papa des principaux films de zombies de l’histoire du cinéma.
Il s’agit d’une série de type anthologie (chaque épisode représente une histoire entière et autonome), l’une des premières de son genre qui, bien qu’elle soit en grande partie inspirée par feu les EC Comics (les comics horrifiques des années 50 qui avaient généré le Comics Code Authority), précède de quelques années les bien plus célèbres CONTES DE LA CRYPTE (qui sont justement, quant à eux, une adapttion officielle des EC Comics !).
TALES FROM THE DARKSIDE fut diffusée le temps de quatre saisons, initialement entre 1983 et 1987.
Afin de se repérer dans le paysage idoine (en égrainant toutes les créations qui prennent à l’époque le format de l’anthologie horrifique), le film à sketches CREEPSHOW (également réalisé par George Romero) date de 1982, tandis que les autres séries-TV du même genre ont été diffusées à peu-près à la même époque : HAMMER HOUSE OF HORROR en 1980, LE VOYAGEUR / THE HITCHICKER de 1983 à 1987, HISTOIRES FANTASTIQUES / AMAZING STORIES de 1985 à 1987, LES CONTES DE LA CRYPTE de 1989 à 1996, sans oublier LA CINQUIÈME DIMENSION / THE NEW TWILIGHT ZONE de 1985 à 1987. Enfin, BIZARRE, BIZARRE / TALES OF THE UNEXPECTED, une création britannique de Roald Dahl, a été diffusée de 1979 à 1988.
Rigolez pas, ce générique a traumatisé toute une génération !
En France, tout comme LE VOYAGEUR (série-TV anthologique davantage axée sur le thriller que sur le fantastique, en tout point excellente (on y remarque entre autres les débuts de Paul Verhoven)), TALES FROM THE DARKSIDE (renommée en VF HISTOIRES DE L’AUTRE MONDE) sera diffusée de manière totalement anarchique et incomplète, avec au final seulement seize épisodes traduits sur les quatre-vingt-dix de son répertoire !
En toute objectivité, cette série a beau être séminale (toutes les autres s’en inspireront incontestablement par la suite), elle a moins bien vieilli que ses cousines. Elle vaut surtout pour certains épisodes devenus cultes avec le temps, auxquels elle doit sa renommée. Et c’est là que nous en arrivons au cœur de notre article, puisque deux d’entre eux ont été écrits par Stephen King en personne (lui-même fan avéré de ces comics horrifiques des années 50, auxquels il désirait rendre un vibrant hommage car ils représentaient l’une de ses principales sources d’inspiration). Le King venait ainsi poursuivre sa collaboration avec Romero à l’issue du premier film CREEPSHOW (dans lequel il écrivait le scénario original sur le modèle des EC Comics, tout en jouant également un petit rôle).

L’ORDINATEUR DES DIEUX, une nouvelle du recueil BRUME.
Plus précisément, le King écrit pour TALES FROM THE DARKSIDE les épisodes L’ORDINATEUR DES DIEUX et DESOLÉ, BON NUMÉRO. Il adapte pour l’occasion deux de ses nouvelles. La première avait été publiée en amont dans le magazine Playboy, mais la seconde était encore inédite à l’époque. Elles seront reprises respectivement dans deux de ses plus foisonnants recueils de nouvelles : BRUME en 1985, et RÊVES ET CAUCHEMARS en 1993 (chacun de ces recueils regroupant 22 nouvelles, pré-publiées pour la plupart dans divers magazines depuis les années 70).
Au sein de TALES FROM THE DARKSIDE, ces deux épisodes trônent clairement dans le haut du panier, tandis que d’autres sont de la plume de Clive Barker, Harlan Ellison, Robert Bloch ou encore Michael McDowell. La série devait au départ être une extension du film CREEPSHOW, mais elle fut finalement renommée TALES FROM THE DARKSIDE à la demande des producteurs, qui souhaitaient marquer davantage la filiation avec les TALES FROM THE CRYPT des comics des années 50, ce qui donnera manifestement des idées à Walter Hill, Robert Zemeckis, Joel Silver et Richard Donner, les futurs créateurs des CONTES DE LA CRYPTE…

DESOLÉ, BON NUMÉRO, une nouvelle du recueil RÊVES ET CAUCHEMARS.
Nous garderons en mémoire quelques bons épisodes qui, s’ils n’ont donc pas toujours bien vieilli, font honneur à la dimension fantastique chère à Maupassant, en cherchant souvent la limite ténue entre le réel et le surnaturel. Cette volonté de semer le doute dans l’esprit des spectateurs marquera son époque et l’on entend encore certains d’entre eux témoigner que, lors de sa diffusion originelle, cette série était vraiment terrifiante !
Reste aujourd’hui une bonne petite anthologie vintage, très kitsch mais charmante, comme bon nombre de oldies horrifiques qui nous rappellerons nos bonnes vieilles soirées VHS du samedi soir entre copains…


L’habitué des Jeudis de l’Angoisse…
DARKSIDE, LES CONTES DE LA NUIT NOIRE – 
TALES FROM THE DARK SIDE : Le film
Puisque l’on parle de soirées VHS, le film TALES FROM THE DARKSIDE se pose là ! Diffusé en VF sous le titre LES CONTES DE LA NUIT NOIRE, cette sympathique petite série B horrifique réalisée en 1990 marque la fin de l’âge d’or des films d’horreur (les années 80), dont elle représente le chant du cygne avec quelques autres perles crépusculaires de la même période (ma préférée demeurant DELLAMORTE DELLAMORE), tout en restituant de belle manière ce qui faisait le sel de cet âge d’or (liberté de ton et humour noir, casting jubilatoire, effets spéciaux créatifs et absence de censure).
Format anthologique oblige, le film se divise en trois segments sur le principe du film à sketches. On retrouve les têtes pensantes de la série-tv TALES FROM THE DARKSIDE puisque le scénario est écrit par Michael McDowell, hormis le sketch CAT FROM HELL, écrit par George A. Romero d’après la nouvelle de Stephen King (dans un hommage évident au poème d’Edgar Alan Poe) ! À noter que le premier sketch (LOT 249) est inspiré d’Arthur Conan Doyle. Bien que notre article soit focalisé sur Stephen King, il convient de reconnaitre que la meilleure partie du film est dévolue au scénario original de Michael McDowell, soit le fil rouge et surtout le dernier sketch (LOVER’S VOW), indéniablement le plus réussi.
À noter que le réalisateur du film, John Harrison, dont il s’agit de l’unique mise en scène au cinéma (il réalisera la mini-série DUNE en 2000 pour la TV), est un proche de George Romero, pour qui il avait composé la BO du JOUR DES MORTS-VIVANTS et de CREEPSHOW (il compose aussi celle du film TALES FROM THE DARKSIDE) !
Le chant du cygne de l’ère VHS.
Au niveau du script, le film se décompose comme suit :
– Le fil rouge : Un petit garçon, prisonnier d’une sorcière cannibale (interprétée par la Blondie Deborah Harry en personne !), essaie de gagner du temps en lui racontant trois histoires d’horreur issues d’un vieux grimoire.
– Première histoire (LOT 249) : Dans un campus universitaire, un étudiant (Steve Buscemi) ressuscite une momie et utilise ce pouvoir afin de se venger de ses camarades (Christian Slater et Julianne Moore)…
– Deuxième histoire (CAT FROM HELL) : Dans un vieux manoir, un vieillard milliardaire demande à un tueur à gages (David Johansen, chanteur des New-York Dolls !) de régler son compte à un chat noir maléfique responsable de la mort de toute sa famille…
Ce segment est donc une adaptation de la nouvelle UN CHAT D’ENFER, que le King publia innitialement dans un magazine en 1977, puis qui fut insérée dans le recueil JUSTE AVANT LE CRÉPUSCULE en 2008.
– Troisième histoire (LOVER’S VOW) : À New-York, un artiste raté est attaqué par une gargouille. Celle-ci décide de l’épargner contre la promesse de ne jamais révéler son existence. Peu après, notre artiste rencontre le succès et épouse la femme de sa vie (interprétée par Rae Dawn Chong)…

Les trois visages de la peur..
La réalisation parait aujourd’hui datée mais l’ensemble ne manque pas de charme. Quelques scènes sont ostentatoirement gores, notamment celle de l’attaque de la gargouille, qui bénéficie par ailleurs de superbes effets spéciaux (pour l’époque) en animatronique et en stop-motion.
Une bonne petite série B au charme connoté 80’s qui ravira les amateurs et les nostalgiques des jeudis soirs sur M6, puisque l’émission LES JEUDIS DE L’ANGOISSE passait le film en boucle.
Elle ravira enfin les fans de films à sketches horrifiques, hérités des comics des années 50 mais également d’une certaine forme de cinéma fantastique qui, du séminal AU CŒUR DE LA NUIT (1945) à CREEPSHOW, en passant par L’EMPIRE DE LA TERREUR (1962), LES TROIS VISAGES DE LA PEUR (1965), LE CLUB DES MONSTRES (1981) ou autres NECRONOMICON (1993), représente un genre cinématographique à part entière qui fera souvent de l’œil à Stephen King (outre CREEPSHOW 1 et 2, on citera également CONTES MACABRES en 1983 pour son premier sketch et CAT’S EYE en 1985)…


Retour au format originel du livre…
TALES FROM THE DARK SIDE –
Le comic book
La version papier de Joe Hill & Gabriel Rodriguez (soit la même équipe créative que pour la série LOCKE & KEY, l’un des best-sellers des années 2010 !) est une mini-anthologie de trois épisodes réalisés en 2016.
Il s’agissait, au départ, d’un projet télévisuel dont le but était de produire le reboot de la série TV TALES FROM THE DARK SIDE des années 80. Ce projet étant tombé à l’eau, Joe Hill, qui devait en écrire le scénario, recycla ainsi ses idées pour une adaptation sous forme de comic-book…
– Histoire N°1 : Ziggy, un jeune étudiant, passe l’été entre les soirées festives et son job de maitre-nageur. Un jour de gueule de bois, il s’endort tandis qu’une femme se noie dans la piscine. Le mari de cette dernière le tient alors pour responsable de la tragédie. Peu après, Ziggy voit apparaitre un étrange personnage défroqué au moment où le ciel s’assombrit. “Voilà une manifestation du Darkside !”, lui crie l’homme mystérieux ! À partir de ce moment, toutes les personnes qui croisent le regard de Ziggy se mettent à s’évanouir comme par magie. C’est lorsque Ziggy décide de sortir entièrement couvert que resurgit le mari de la noyée…
– Histoire N°2 : Brian (l’homme étrangement défroqué de l’histoire précédente) est soumis depuis son enfance à une terrible malédiction : Un double maléfique de lui-même punit tous les gens qui se mettent en travers de sa route de la pire manière qui soit. Un jour, il est contacté par une mystérieuse organisation qui lui offre de l’opérer et de le guérir. Il ignore que le but de cette intervention est bien plus vaste. Évidemment, les conspirateurs ne vont pas tarder à regretter la mise en place de leur projet…
– Histoire N° 3 : Alors que la jeune Joss manque d’écraser un homme défroqué (Brian, qui disparait aussitôt), elle emboutit la boite aux lettres d’une petite maison. Elle propose au couple de propriétaires (un homme et une femme à l’allure étrangement ringarde) de les dédommager. Ceux-ci s’empressent de lui proposer de garder leur progéniture le soir venu. Lorsque Joss se retrouve seule avec les deux enfants, c’est le début du cauchemar car ces derniers, qui ne se séparent jamais de leur tablette numérique, sont capables de matérialiser tous leurs souhaits, même les plus abominables…

Une équipe creative parfaitement rodée.
Dans la postface, Joe Hill dévoile son projet initial : La série devait progressivement dévoiler, au fur et à mesure des épisodes, que toutes les manifestations du Darkside ont une origine commune : Un médium (Brian) paralysé par un implant cérébral. Implant qui procurerait à son monstrueux “Ça” les pouvoirs d’un démon, capable de remodeler la réalité.
Toujours dans la postface, Joe Hill, en tant que fils de Stephen King, évoque avec une certaine insistance ses regrets quant au fait que le projet de série TV n’ait pas abouti. Étant donné que son père avait écrit le script de certains des plus fameux épisodes de la série originelle, Hill avoue qu’il voyait là l’occasion de développer son intérêt pour la notion d’Héritage, source d’inspiration quotidienne et privilégiée au cœur de son propre travail d’auteur.
Il termine néanmoins son discours en étant très fier d’annoncer, qu’en contrepartie, la chaine CBS a donné le feu vert pour une adaptation TV de LOCKE & KEY, lui laissant le soin d’en écrire le pilote. Mais non sans une pointe d’amertume quant à ce TALES FROM THE DARKSIDE, à la trajectoire un peu sinueuse…

Le Bonheur d’être jeune, insouciant et fêtard, ne va pas durer…
Ce petit tour d’horizon nous aide un peu à saisir en quoi TALES FROM THE DARKSIDE le comic-book n’est pas un chef d’œuvre du niveau de LOCKE & KEY, ni même de SANS ISSUE, BIENVENUE A CHRISTMASLAND.
Soyons clair : Joe Hill est sans doute l’un des auteurs de comics (et je ne parle pas ici de sa carrière de romancier) les plus doués de sa génération. Un concepteur brillant, qui a parfaitement saisi les spécificités du médium de la bande-dessinée et dont l’inventivité, l’imagination novatrice et la qualité d’écriture surpassent de très loin l’essentiel de la concurrence.
Les trois épisodes de TALES FROM THE DARKSIDE ne déméritent pas dans la forme : Tout y est excellent, que ce soit dans l’originalité des histoires, dans l’étrangeté de l’atmosphère horrifique, dans le rythme et le découpage séquentiel, dans le sens du tragique ou encore dans les dialogues percutants et les personnages bien campés. Mais l’ensemble n’est malheureusement pas abouti.
Hormis le premier épisode, il n’y a pas de fin, et le lecteur referme le livre en se demandant pourquoi les histoires se sont soudain arrêtées en plein milieu ! Le leitmotiv du “Darkside” est employé de manière encore inaboutie au stade de ces trois histoires et les interventions de Brian, le personnage central qui fait le lien entre les épisodes, ne débouchent sur rien de concret.
Si l’on se contente d’une lecture superficielle on peut pourtant se régaler : Le dessin de Gabriel Rodriguez est impeccable, l’ambiance est inquiétante à souhait, le rythme est échevelé, et l’ensemble respire l’hommage en retrouvant parfaitement l’esprit des anthologies télévisuelles qui nous avaient émerveillés dans les années 80, cette ambiance “à la Stephen King”, avec ce petit quelque chose en plus de Joe Hill qui lui confère un supplément d’âme. Hélas, le mot “FIN” nous laisse sur la curieuse impression de n’avoir lu que le début de l’histoire…
Effectivement, Joe Hill le dit encore dans sa postface : Au fil des épisodes, certaines des victimes du Darkside auraient fini par s’allier dans l’espoir de remettre l’univers d’aplomb, au péril de leur vie. Un concept ambitieux, en définitive très différent de celui de la série TV et du film, mais ici encore totalement inabouti.

Ouh ! Les vilains nenfants !!!
Le comic-book TALES FROM THE DARKSIDE est donc une étrange publication, qui tient plus de l’ébauche que du projet final. Un livre qui se lit très vite et que l’on trouve très bon, mais d’un niveau de frustration très élevé dans la mesure où il n’y a pas de fin. Et où l’on sent bien, après lecture de la postface, que Joe Hill ne nous livre ici qu’un lot de consolation au regard de quelque chose qui aurait pu être…
That’s all, folks !!!