TALES FROM THE PAST
Chronique des séries EC Comics : TALES FROM THE CRYPT, HAUNT OF FEAR, VAULT OF HORROR, SHOCK SUSPENSTORIES, CRIME SUSPENSTORIES, WEIRD SCIENCE, WEIRD FANTASY
Date de publication : 1950-1955
Genre : Horreur, thriller, science-fiction
Éditeur : Akileos
La goule vous présente le programme des EC Comics !
Cet article portera sur l’éditeur EC Comics, principalement sur les anthologies d’horreur et de science fiction.
EC Comics est à l’origine une maison d’édition créée par William Gaines & Al Feldstein, qui vont publier des anthologies dans la première moitié des années 1950.
Dans son système de publication bimestrielle, chaque magazine regroupait quatre histoires d’horreur, de suspense, de guerre ou de science-fiction, composées de 6 à 8 pages chacune.
Rappelons qu’une anthologie est une série composée d’une histoire originale et autonome à chaque épisode.
PROGRAMME :
L’école de la SF.
1) Science Fiction :
WEIRD SCIENCE et WEIRD FANTASY étaient les deux magazines dédiés à la science-fiction. Il y eut 22 numéros en tout pour chacune des deux anthologies, chaque numéro regroupant quatre récits (176 histoires au total). Les ventes des magazines en question étaient assez faibles, ce qui explique qu’il y eut moins de numéros que pour les autres anthologies d’horreur dont nous parlons plus bas.
Chaque histoire explore un domaine de la science-fiction, pour un ensemble qui brosse toutes les facettes du genre, depuis le récit d’anticipation jusqu’aux voyages dans l’espace, en passant par les invasions extraterrestres, les savants fous, les manifestations paranormales et les paradoxes temporels.
La plupart de ces récits sont des créations originales, mais certains sont des adaptations effectuées à partir de nouvelles issues des principaux auteurs de la littérature consacrée, comme Roald Dahl, Donald Wandrey et surtout Ray Bradbury, qui accorda à l’éditeur le droit d’adapter toutes ses nouvelles.
Tous les thèmes de la science-fiction !
Avec le recul, ces histoires sont dans l’ensemble d’un niveau très inégal, mais demeurent impressionnantes sur un point : Toute la quintessence de la science-fiction moderne s’y trouve en substance. Prenons par exemple le premier épisode de WEIRD SCIENCE, nommé PERDU DANS LE MICROCOSMOS. On y trouve un récit similaire à celui du film L’HOMME QUI RÉTRÉCIT, qui sortira au cinéma 5 ans plus tard. Mais ce n’est pas tout : Certains passages annoncent toutes les séquences les plus fameuses du film LE VOYAGE FANTASTIQUE, qui sortira… 16 ans plus tard. Et ce n’est pas fini : Le voyage en boucle du héros a été repris, de manière évidente, dans l’épilogue du film MEN IN BLACK qui, lui, sera diffusé… 47 ans plus tard.
Et ce n’est que le premier épisode…
D’un point de vue artistique, les scénarios accusent le poids de l’âge et paraissent aujourd’hui naïfs et parfois un peu puérils. Mais dans l’ensemble ces épisodes ont pour moi bien mieux vieilli, dans la forme et dans la narration, que les comics de super-héros de la même époque. Tous les numéros tels qu’on peut les lire aujourd’hui en VF sont strictement en noir et blanc, et c’est une excellente initiative. Ils sont réalisés par d’excellents dessinateurs old-school tels que Wally Wood, Harvey Kurtzman, Jack Kamen, Joe Orlando, l’immense Frank Frazetta et bien d’autres.
Beaucoup de texte. Mais c’est beau (par Wally Wood) !
Les planches ont un aspect rétro et suranné mais elles sont superbes, toutes en contraste clair/obscur du plus bel effet. Les dialogues sont naïfs mais pas infantiles, pas trop ampoulés, et les bulles de pensées sont réduites au strict minimum. En revanche, il y a beaucoup de texte explicatif qui raconte inutilement ce que les images disent déjà, dans un effet de redondance parfois lassant.
Ce sont les éditeurs eux-mêmes, William Gaines & Al Feldstein, qui imaginent la plus-part de ces histoires, et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils font preuve d’une faculté incroyable de produire des concepts, tout en tenant une cadence phénoménale puisqu’ils écrivent également les autres anthologies !
À bien des égards, ces anthologies en annoncent une autre, télévisuelle : celle de LA QUATRIÈME DIMENSION. Là encore, cette dernière arrivera plus tard (en 1959). Mais le principe est proche : De petites fables anticipationnelles acerbes, qui réservent un twist final cruel et cynique, à l’inverse des happy-ends habituels.
Super idée le noir et blanc !
Ces premières créations de l’éditeur EC Comics s’imposent ainsi comme un manifeste de la science-fiction, qui préfigure, dans des versions un peu “archaïques”, toutes les créations du genre qui verront le jour dans les décennies suivantes.
D’un point de vue strictement narratif, l’ensemble porte évidemment le poids de l’âge et nécessite que le lecteur replace l’ensemble dans son contexte initial. Mais d’un point de vue historique et culturel, ce témoignage de ce que produisait l’industrie des comics dans la première moitié des années 50 vaut assurément le détour.
Bien des années plus tard, un auteur de comics fan des publications EC livrera une série formidable, tout en hommage à ces pionniers de la bande dessinée que furent William Gaines, Al Feldstein et tous les artistes qui gravitaient autour d’eux. La série s’appellera FEAR AGENT. Et l’auteur, Rick Remender. FEAR AGENT s’imposera comme une déclaration d’amour phénoménale à ces comics de l’aube et propulsera, pour notre plus grand bonheur de lecteurs geeks mais exigeants, l’un des meilleurs auteurs modernes dans la sphère des plus grandes maisons d’édition actuelles. Le bonhomme nous livrera bien des séries cultes, telles que DEADLY CLASS, TOKYO GHOST ou BLACK SCIENCE, cette dernière reprenant également l’héritage des vieux cmics de SF, en la teintant d’un hommage révéré aux EC Comics…
Comme le dirait un certain Alice Cooper, I love the Dead…
2) Horreur :
En plus de WEIRD SCIENCE et de WEIRD FANTASY, l’éditeur EC Comics proposait tout un panel d’anthologies dédiées à l’horreur et aux histoires de guerre. On y trouvait ainsi les magazines SHOCK SUSPENSTORIES, CRIME SUSPENSTORIES, HAUNT OF FEAR et VAULT OF HORROR dans le domaine de l’épouvante et du thriller, TWO-FISTED TALES et FRONTLINE COMBAT dans celui de la guerre, et PIRACY dans celui des histoires de pirates ! Mais dans l’inconscient collectif, le magazine le plus populaire est sans conteste le célèbre TALES FROM THE CRYPT, la goule qui présente chaque histoire de manière truculente y étant probablement pour beaucoup !
Comme toutes les autres, les histoires publiées dans ces anthologies d’horreur sont dans l’ensemble d’un niveau inégal, mais elles exhalent toutes un délicieux parfum d’épouvante vintage qui aura, depuis, fait école à travers tous les divers médiums. Phénomènes paranormaux, loups-garous, maisons hantées, morts qui reviennent à la vie, meurtriers punis par le mal qu’ils ont initié et vaisseaux fantômes se bousculent d’une histoire à l’autre, avec une étonnante propension à la métaphore, où la cruauté de l’âme humaine est mise à nu d’une manière aussi évidente qu’indiscutable ! TALES FROM THE CRYPT et consorts, c’est le miroir déformant de nos sociétés aliénantes qui produisent des monstres au cœur même de notre civilisation !
Êtes-vous choqué ???
Ainsi vont les petites histoires de ces anthologies horrifiques et cruelles. L’être humain moderne y est observé à la loupe, et l’on ne rate jamais une occasion de dénoncer les pires travers de l’homme (et de la femme !) qui traverse nos sociétés en répandant le mal, que ce soit par nature, par plaisir, par intérêt et, le plus souvent, pour asseoir sa place dans la dite société…
C’est donc une belle toile de fond qui s’offre à nous tout au long de ces petits récits cyniques et gentiment sadiques. De la fable, dans le meilleur sens du terme.
Ici aussi, ce sont les éditeurs eux-mêmes, William Gaines & Al Feldstein, qui imaginent la plus-part de ces histoires. Ils parviennent à manipuler les concepts avec une aisance désarmante même si, en la matière, ils se montrent un peu moins impressionnants que sur les histoires de science-fiction.
Quoiqu’il en soit, l’ensemble de ces anthologies horrifiques s’impose comme un modèle pour tous les comics portés sur l’horreur qui suivront ensuite dans les décennies suivantes, notamment dans les publications de l’éditeur Warren, où l’on retrouvera une grande partie des mêmes artistes.
Après le jugement poétique final, vous aurez droit aux sarcasmes de la goule présentatrice du show…
Il faut le savoir : En 1955, les États-Unis accusèrent ces comics de mener les jeunes américains à la délinquance et ils furent censurés, ce qui conduisit la plus-part des séries de l’éditeur EC Comics à s’arrêter brutalement (seul le magazine comique MAD existe encore !) et à instaurer l’épouvantable Comics Code Authority qui sévira pendant plus de cinquante ans, obligeant les auteur de comics à écrire de manière souvent infantile. C’est aujourd’hui plutôt incompréhensible quant on s’aperçoit du contenu élégant et fondateur de ces créations. Quand je remarque à présent que des machins plus abominables et plus vulgaires les uns que les autres circulent librement sur les écrans de nos enfants, je me dis qu’il y a décidément des choses qui m’échappent. Mais le témoignage de ces créations n’en demeure que plus précieux.
La collection de l’éditeur VF Akileos, malgré un étrange format carré un poil trop petit et un désagrable papier mat, nous offre un sommaire détaillé de chaque épisode (avec la date de sortie, le nom des auteurs et la pagination). Il ne manque que les couvertures originales en début des épisodes pour que ce soit parfait, mais le tout mérite quand même l’investissement… Avis aux collectionneurs !
Ça a mieux vieilli que les comics de super-héros, non ?
Il n’empêche que toutes ces anthologies parues entre 1950 et 1955 auront marqué les esprits.
Devenues des objets de culte, les créations de l’éditeur EC Comics vont, envers et contre tous, générer tout un tas de vocations et, aujourd’hui, plus d’un auteur majeur avoue avoir puisé une grande partie de son inspiration -voire de son œuvre- au cœur de ces bandes dessinées. On pense bien évidemment à Stephen King, fan énamouré des anthologies horrifiques lues dans sa prime enfance, qui nourriront constamment son imaginaire (il leur rendra hommage à maintes reprises, notamment en écrivant le scénario du film CREEPSHOW).
Au rayon comics, l’éditeur Warren Comics reprendra le flambeau en publiant le même type d’anthologie dans les années 70, en les publiant de manière à ce qu’ils soient disposés sur les mêmes étagères que les autres lectures pour adultes ! Plus tard encore, les maitres du médium Alan Moore, Frank Miller et Art Spiegelman ont toujours martelé que leur vocation venaient de là.
Y-a même des loup-garous !
En musique, dans le monde du rock également, l’influence se fait ressentir chez des stars comme Alice Cooper ou le Paul Williams de PHANTOM OF PARADISE, qui parviennent à restituer l’esprit Grand-Guignol des comics d’antan.
Du côté du cinéma, des pointures comme George Lucas, Steven Spielberg et Tim Burton se réclameront également de ce patrimoine. Jusqu’à ce que Walter Hill (le réalisateur de 48 HEURES), Robert Zemeckis (le réalisateur de la trilogie RETOUR VERS LE FUTUR), Richard Donner (le réalisateur des premiers films SUPERMAN) et Joel Silver (le producteur de MATRIX !) décident de créer carrément une série TV adaptant une grande partie de ces anthologies. Mais, CECI EST UNE AUTRE HISTOIRE…
Bientôt à la TV…
That’s all folks !!!
C’est marrant, malgré le fait que les comics de SF (Weird Science, tout ça) se vendaient moins bien, ce sont mes préférés maintenant. Kitsch et datés oui, mais bourrés d’idées. En fait toutes les idées exploitées par la suite sont déjà là, jusqu’à certains trucs originaux pas encore adaptés (une histoire d’exploitation de minerai d’une autre planète qui impacte sa masse et lui fait changer d’orbite jusqu’à devenir un danger pour la terre) En y repensant, peut être que des scénarios de Star Trek ont aussi puisé là dedans.
Ils sont en tous cas beaucoup moins prévisibles que les histoires d’horreur je trouve.
La faiblesse des TALES OF THE CRYPT c’est qu’on voit très souvent venir la chute. Il reste les curiosités telles que des histoires narrées par un objet (je crois me souvenir d’une voix off qui est celle d’une valise qui a transporté un cadavre) Il y a des concepts tout bizarres à la Edgar Poe comme ça, qui sortent du lot.
ça reste très joli visuellement en tous cas, même quand c’est prévisible.
J’ai une préférence pour certains dessinateurs. Wally Wood c’est superbe évidemment.
J’adore Jack Kamen aussi.
J’ai plus de mal avec Graham Ingels quand même, et ses tronches déformées. Tout le monde est hideux. ça passe pas mal pour l’horreur pour les monstres et tout mais des fois c’est déplaisant au niveau des tronches de gens « normaux ».
Les éditions intégrales ont un meilleur papier chez Akileos^^
Le souci c’est que pour WEIRD SCIENCE c’est ok, le bouquin est gros mais c’est raisonnable (il n’y a que 3 tomes condensés en un seul) Mais pour TALES OF…c’est comme un omnibus Panini super lourd et pas bien pratique à lire…
mais le format est plus grand (plus haut) et le papier, sans être glacé, est plutôt de type « couché » donc un peu lisse.
Et oui, j’ai hésité un moment avant de renoncer aux éditions intégrales. C’est impossible à lire ces gros pavés, à moins de lire sur une table…
À ce jour, il manque encore deux ou trois tomes de la série VAULT OF HORROR pour boucler la collection (je ne me suis pas pris le PIRACY ni les FRONTLINE COMBAT. Je me suis cantonné aux collections de l’article).
Je suis curieux pour PIRACY, moi qui aime bien les trucs de pirates. Mais faut voir si ça raconte des petites fables d’horreur de ce genre ou pas. Le format me parait peu adapté pour raconter des histoires d’aventures (en 8 pages par histoire ??).
FRONTLINE COMBAT j’aime pas les trucs de guerre moi de toutes façons…^^
J’ai craqué pour le volume intégrale des TALES OF…mais j’avoue que ouais…faut réfléchir à comment le lire.
WEIRD SCIENCE ça passe mieux.
Je pense que s’ils sortent une intégrale de SHOCK SUSPENSTORIES un jour (aussi en 3 tomes comme WEIRD SCIENCE) je prendrai. C’est une des séries que je préfère vu que ça alterne entre SF, crime, horreur, social (même des trucs contre le racisme qui a du mal passer à l’époque…De là à imaginer que EC comics « dérangeaient » les politiques plus qu’ils ne « pervertissaient la jeunesse », il n’y a qu’un pas.)