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– L’ASCENSEUR IDÉAL –
2° PARTIE : Mr MANCINI
Playlist : 22 titres de musique smooth
Genre : jazz, smooth, musiques de film
Type de dossier : Focus sur un genre musical particulier
Contenu : Playlist sélectionnée dans une dizaine d’albums
Artiste : Henry Mancini
Proposition d’ambiance : Une playlist pour passer une soirée lounge cocktail-piscine…
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Classe, hétérogénéïté et cohérence.
Cet article est le deuxième d’une série dédiée à la musique smoothie (rappelons que C.A.P vous propose également toute une série d’articles spécifiquement dédiés à la BOSSA NOVA).
On y trouvera une playlist de 22 nouveaux titres.
Dans le premier article, nous avons présenté le genre smoothie et nous avons fait honneur à ses plus prestigieux représentants. Dans ce second tour d’horizon, nous allons uniquement nous concentrer sur le plus grand étendard du genre : Mr Henry Mancini himself !
Henry Mancini est surtout connu aujourd’hui pour ses mythiques musiques de film et principalement pour son association de légende avec Blake Edwards (BREAKFAST AT TIFFANY’S, Mr LUCKY GOES LATIN, THE DAYS OF WINE AND ROSES, THE PINK PANTHER, THE PARTY, etc.).
Dès la fin des années 50 et ce jusque (au moins) dans les années 70, Mancini est à la tête d’un orchestre de jazz d’une classe exceptionnelle, dominé par le pianiste Jimmy Rowles et le saxophoniste Plas Johnson (le thème de la PANTHERE ROSE, c’est lui !).
Mancini se plaisait tout particulièrement à mêler le jazz avec les influences exotiques extrêmement tendance à l’époque, notamment le cha-cha-cha (dans BREAKFAST AT TIFFANY’S, par exemple) et surtout avec son principal dérivé latino-américain la bossa-nova, genre alors en pleine expension dans les années 60.
La discographie de Mancini s’impose ainsi, avec le temps, comme un manifeste de l’école easy-listening. Du jazz orchestral somptueux, dominé par le piano et les cuivres, tantôt doucereux et velouté, tantôt plongeant dans la tourmente du be-bop avec une élégance rarement égalée. On prend alors conscience que certains jazzmen parmi les plus talentueux avaient choisi de se consacrer corps et âme à l’industrie cinématographique, au point d’en devenir les artisans discrets et parfois ignorés du grand public. Et pourtant, des cadors de la trempe de Plas Johnson ou Jimmy Rowles n’avaient rien à envier, dans le jeu, aux stars de l’époque.
Let’s go !
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1) MR LUCKY GOES LATIN (1961)
Dans le premier article, on avait ouvert la playlist avec un titre qui s’impose certainement comme le chef d’œuvre du genre : LUJON. L’album Mr LUCKY GOES LATIN, bande-son de la série TV intitulée Mr LUCKY (chapeautée par Blake Edwards), est sans doute l’un des plus beaux albums de la discographie mancinienne. Du coup, il contient encore d’autres pépites.
THE SOUND OF SILVER met à l’honneur un instrument que l’on n’entend pas assez souvent, et qui colle à merveille à la musique smoothie : Le trombone.
Sur BLUE MANTILLA, ce qui semble être un cor de chasse se détache d’une rythmique tribale dominée par les percussions exotiques et notamment le güiro (ce fameux racloir qu’on frotte avec une baguette) tout droit sorties du LIVRE DE LA JUNGLE (le dessin-animé sortira tout de même six ans plus tard) !
Il faut dire qu’à cette époque, les USA et bientôt le monde entier succombent à la mode de l’exotica (de l’easy-leastning gavé d’instruments exotiques), à laquelle Mancini participera très activement, notamment avec ses propres albums.
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2) BREAKFAST AT TIFFANY’S (1961)
Typiquement le genre de musique qu’on qualifiera d’ascenseur. On ferme les yeux et on se croirait, sinon dans une salle d’attente, au moins dans une réception mondaine de chez l’embassadeur… Mais ça c’est pour les snobs qui n’écoutent que du rock pour avoir l’air dangereux. Si on écoute mieux le titre HOLLY, par exemple, on se laisse traverser de frissons par le trombone, décidément l’instrument de prédilection de Mancini après le saxo (lequel arrive plus loin dans le morceau) et on se laisse transporter le long d’une plage de sable fin sous un vent doux et tiède, à l’abri d’un cocotier…
Le succès planétaire de DIAMANTS SUR CANAPÉ propulse Blake Edwards & Henry Mancini (qui ne vont quasiment plus se quitter jusqu’à la fin de leur carrière) dans la stratosphère. Bientôt, ils confirmeront ce succès grâce à la bande-son d’une nouvelle comédie qui parle d’un diamant qui porte le nom d’un félin rose…
Avec THE HARD WAY, Mancini met encore en avant les cuivres et notamment le saxhorn au rang de soliste. Une véritable signature sonore.
Au final, Edwards et Mancini scellent ici le mariage de l’un des plus beaux couples image/son de l’histoire du cinéma (avec Hitchcock/Herrmann, Leone/Morricone, Spielberg/Williams, Burton/Elfman, entre autres) et définissent ni plus ni moins le standard de la comédie romantique avec un chef d’œuvre à la clé, MOON RIVER (voir cet autre article).
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3) HATARI ! (1962)
Comme on l’a dit plus haut, Mancini participe activement à la mode de l’exotica (son album HAWAII de 1966 en est un exemple imparable) et se retrouve du coup choisi par Howard Hawks pour composer la musique de son film sur l’Afrique HATARI ! (avec John Wayne) après qu’il ait viré Dimitri Tiomkin, pourtant son compositeur fétiche !
Voilà comment ça s’est passé : Hawks et Tiomkin viennent de faire trois films ensemble (dont RIO BRAVO et son légendaire thème de DEGUELLO) et enchainent sur HATARI ! Hawks raconte : “Quand nous avons commencé à travailler sur HATARI !, j’ai précisé à Dimitri : Je ne veux pas un violon, aucun bois, je veux des instruments indigènes – C’est une excellente idée a-t-il répondu. Puis, le jour suivant, il s’est ravisé. J’ai juste répondu Dimi, t’es viré ! Quiconque ne tient pas compte de ce que je lui commande peut aller se faire voir ailleurs !”
Après DIAMANTS SUR CANAPÉ, c’est un sacré challenge pour le jeune Mancini de remplacer au pied-levé une telle légende du cinéma. Privé d’orchestre symphonique, le compositeur se laisse investir par un vent d’inspiration, redouble d’inventivité et profite de son engouement pour l’exotisme. Le thème principal du film intègre les cuivres et la flûte (comme à son habitude), qu’il va mêler à tout un tas d’instruments de percussions africains. Au final, Mancini ressort gagnant de son défi en démontrant qu’il peut faire autre chose que de la comédie romantique…
Si le thème principal du film, exotique et envoûtant, exhale un fort parfum d’aventure et de dépaysement, l’album tiré du film comporte tout de même son lot de musique smoothie. Notamment THE SOFT TOUCH et son flügelhorn velouté. On ne se refait pas…
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4) THE PINK PANTHER (1963)
C’est le moment pour notre compositeur de signer le titre le plus célèbre de toute sa carrière : le thème du film de Blake Edwards LA PANTHÈRE ROSE. Ou quand le jazz et la comédie s’unissent pour servir le 7ème art.
La bande-son du film comporte néamoins bien d’autres morceaux et notamment quelques superbes titres smoothie.
Si THE VILLAGE INN commence sur une note exotique au son du güiro, il enchaine en seconde partie sur une sublime envolée romantique à donner le frisson. Combien de fois me suis-je repassé ce morceau pour retrouver à chaque fois les dits-frissons…
Ce premier film de la série n’est pas le meilleur (les trois suivants seront nettement au-dessus). Toutefois sa bande-son est un chef-d’œuvre. Et au niveau de notre thème de musiques smoothie, c’est un festival et un mètre-étalon.
Dans le morceau PIANO AND STRINGS et bien… tout est dans le titre !
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5) CHARADE (1963) & ARABESQUE (1966)
La filmographie d’Henry Mancini est pléthorique et il participe à bien des films en dehors de celle de son compadre Blake Edwards. Ici, il entame une collaboration fructueuse avec Stanley Donen et notamment l’ellaboration d’un diptyque hitchcockien façon glamour constitué de CHARADE et ARABESQUE. C’est donc d’une bonne dose de glamour dont il est question avec LATIN SNOWFALL et son trombone caressant, où la neige devient soudain exotique sur un rythme de percussions venu de lointaines contrées ensoleillées…
ARABESQUE est le second film du diptyque. ici encore, Mancini se fend d’une bande-son traversée de notes exotiques et notamment africaines en reprenant encore certaines de ses expérimentations depuis HATARI ! On ne s’en lasse pas, évidemment.
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6) THE LATIN SOUND OF HENRY MANCINI (1965)
On sort de la musique de film car, en dehors du cinéma, le maestro a enregistré une multitude d’albums de jazz symphonique sous son nom (une bonne cinquantaine !), dont ce LATIN SOUND OF HENRY MANCINI en 1965.
Ici, le maître reprend une grande partie des sonorités qu’il avait expérimenté sur HATARI !, notamment au niveau des percussions. Un pur album de la vague exotica.
La formule est au point. Ici, Mancini ne fait que reprendre ce qu’il sait le mieux faire. Et il le fait très bien.
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7) THE PARTY (1968)
Le film, qui marque le sommet de la collaboration entre Blake Edwards et l’acteur Peter Sellers (le seul qui ne fait pas partie de la série des PANTHÈRE ROSE), est ponctué de morceaux jazzy censés être joués dans la diégèse par l’orchestre qui assure l’ambiance musicale de la fameuse “party” hollywoodienne à laquelle est convié par erreur Rhundi Bakshi, le gaffeur monumental interprété par Peter Sellers, lequel va atomiser la soirée sans le faire exprès ! En réalité, tous les musiciens de l’album se font doubler par des acteurs interprétant les musiciens de soirée.
On peut y savourer de magnifiques parties de jazz d’un swing et d’une classe extrême (au hasard WIGGY et son splendide solo de sax par Plas Johnson). Mais notre choix s’arrêtera sur deux titres so smooth, à commencer par le classieux CANDLELIGHT ON CRYSTAL.
On enchaîne avec ELEGANT, instrumental easy-leastening extrême, joué façon piano-bar (Y-a pas d’la musique d’ascenseur, là ???).
Le film a une construction musicale assez géniale : ce titre se situe au début de la “party”, au moment où tout est calme et que les invités ne sont pas encore tous arrivés. À la fin, on entendra son antithèse totale au moment du final apocalyptique (visez-moi cette scène d’anthologie) ! Vous êtes donc ici au début de la soirée. Détendez-vous. Dégustez votre cocktail…
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8) A WARM SHADE OF IVORY (1969)
Un autre album “solo” d’Henry Mancini. Orchestration romantique, mélodies langoureuses, chœurs opulents, mais cette fois c’est le piano qui domine (voir la pochette du disque). C’est par ailleurs un album de reprises (on y trouve par exemple des standards comme WHEN I LOOK IN YOUR EYES, BY THE TIME I GET TO PHOENIX, WINDMILLS OF YOUR MIND ou A DAY IN THE LIFE OF A FOOL), ainsi que des thèmes de films (ROMEO & JULIET), tous extrêmement mélancoliques, “orchestrée à la manière de”. Avouons que ce n’est pas toujours digeste et qu’on peut préférer le versant joyeux de la discographie mancinienne (au hasard, THE PARTY !). Pour le coup, ce sont les titres les moins attendus qui tirent leur épingle du jeu.
Personnellement, je ne résiste pas à sa version du MEDITATION d’Antonio Carlos Jobim. Étonamment, Mancini reprend ce grand standard (et l’un des plus beaux titres) de la bossa nova sans le jouer bossa nova ! Une version piano-bar et orchestre peut-être aseptisée pour les détracteurs du genre smoothie, mais d’une classe inaltérable.
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9) BRASS ON IVORY (1972)
À partir de maintenant, on passe à la période des années 70 et le ton change. Plus exactement, il s’éloigne du jazz big band classieux et de l’exotica des deux décennies précédentes pour plonger dans une dimension easy-listening extrême, beaucoup plus kitsch et surannée encore. En gros, tout cela s’embourgeoise !
Nonobstant, la pâte du maître s’impose. Et Mancini, même lorsqu’il sucre encore son style, reste un compositeur et un arrangeur exceptionnel. La suite de notre playlist est donc dévolue à la période des 70’s où la musique smoothie est la moins rock’n roll friendly. On reste toutefois dans le haut de gamme. Quelque chose de particulier où même les musiques les plus mielleuses peuvent rester joussives quand le tout est réalisé avec génie.
BRASS ON IVORY, qui met aussi en vedette le trompétiste Doc Severinsen, est un nouvel album de reprises pop sucrées et il va définir le son de cette nouvelle décennie pour la musique smoothie en général et celle de Mancini en particulier.
On ne pouvait pas consacrer un article dédié à Henry Mancini sans y mettre au moins une version de DREAMSVILLE, l’un de ses titres les plus emblématiques. Il a été créé initialement pour la série télé PETER GUNN en 1958, puis repris un nombre incalculable de fois ensuite. On le retrouve donc ici dans sa version 70’s.
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10) THE RETURN OF THE PINK PANTHER (1975), THE PINK PANTHER STRIKES AGAIN (1976), THE REVENGE OF THE PINK PANTHER (1978)
Après l’album BRASS ON IVORY, toutes les créations suivantes de Mancini, notamment les films qui utiliseront ce style de musique et donc la série des PANTHÈRE ROSE, suivront exactement le même schéma.
La BO de QUAND LA PANTHÈRE ROSE S’EMMÈLE (THE PINK PANTHER STRIKES AGAIN, meilleur film de la série) est très réussie. Outre le thème principal, qui reprend évidemment celui de la PANTHÈRE ROSE, le score est truffé de musique smoothie et notamment de ce titre, UNTIL YOU LOVE ME, qui fait encore la part-belle au trombone entre deux parties de piano de l’irremplaçable Jimmy Rowles.
Nos deux derniers titres sont issus du film LA MALÉDICTION DE LA PANTHÈRE ROSE (le dernier film de la série avec Peter Sellers – le suivant sera un rôle posthume) et ils sont dans la continuité des précédents : du smooth velouté et classieux, extrêmement connoté 70’s, limite disco (il y a d’ailleurs d’authentiques titres disco dans le film).
Personnellement, je suis fan. Mais je reconnais qu’il ne faut pas avoir peur du kitsch. C’est pourtant la raison qui me fait aimer ça : En quelques secondes de musique, me voilà transporté ailleurs dans le temps et l’espace. Et c’est énorme…
Ce deuxième article est terminé.
En attendant le suivant, vous pouvez encore écouter une sélection des musiques d’Henry Mancini, beaucoup plus éclectique, dans les deux articles consacrés à la filmographie de Blake Edwards :
– BLAKE EDWARDS – 1° PARTIE
– BLAKE EDWARDS – 2° PARTIE
Bonus (parce que sinon on va me demander pourquoi je ne l’ai pas mis) :
See you soon !!!