
– L’ASCENSEUR IDÉAL –
3° PARTIE : EXOTICA !
Playlist : 10 titres de musique smooth
Genre : jazz, smooth, exotica, musiques de film
Type de dossier : Focus sur un genre musical particulier
Contenu : Playlist de 10 chansons (et 1 bonus)
Artistes : 9 compositeurs différents
Proposition d’ambiance : Une playlist pour siroter un cocktail sucré face à la mer, en rêvant de tropiques lointaines et humides…
Cet article est le troisième d’une série dédiée à la musique smoothie (rappelons que C.A.P vous propose également toute une série d’articles spécifiquement dédiés à la BOSSA NOVA).
On y trouvera une playlist de 10 nouveaux titres, par dix artistes différents.
Dans le premier article, nous avons présenté le genre smoothie et nous avons fait honneur à ses plus prestigieux représentants.
Le second article était entièrement dédié au plus grand étendard du genre : Henry Mancini !
Ce troisième tour d’horizon sera consacré à un sous-genre de la musique smoothie que l’on a baptisé Exotica.
Oh ! toi le rocker là-bas ! Je te vois, je te connais bien ! derrière tes airs de dur à cuir de façade se cache une poule mouillée qui a peur qu’on puisse soupçonner une infime fraction de seconde le goût de la musique d’ascenseur. Interdit, ça ! Sujet tabou !
Alors moi, votre serviteur, j’assume total. J’aime le rock, j’aime la soul, j’aime le jazz, mais j’aime aussi tout ce qui est kitsch, léger et suranné. Et je n’aurais de cesse, tant qu’on me prêtera vie, de me passionner pour la musique smoothie vintage et, tel le premier archéologue venu, de partir à la recherche des trésors perdus de la musique de salon et de tout ce que les snobs s’obligent à détester.

Dans les années 50 et 60, la mode était à l’exotisme. Les USA, en particulier, portaient aux nues ces genres de musique venus des pays chauds, de la Polynésie et autres îles ultra-marines en passant par toute l’Amérique du sud comme le calypso, le bolero, le cha-cha-cha et, par dessus-tout la bossa nova. Des hordes de compositeurs, qu’ils soient latins, américains, asiatiques ou européens, se sont accaparé ces ambiances exotiques et ont teinté leurs albums, notamment pour les musiques de film ou les séries TV, de cette couleur ensoleillée et dépaysante. Ce nouvel article est donc dédié à cet Exotica aujourd’hui périmé !
Maintenant, installez-vous, servez-vous un cocktail gorgé de fruits exotiques et faites-vous plaisir avec un voyage immobile au charme délicieusement ringard. Parce que la musique smoothie, si on n’est pas réfractaire à tout ce qui est de l’ordre de l’easy-listening -et si on a le sens de l’humour-, a ceci de spécial d’être à la fois kitsch et irrésistible…
Let’s go !

1) Les Baxter : SOPHISTICATED SAVAGE (1951)
Les Baxter était un compositeur de musique pour le cinéma extrêmement éclectique, que l’on a entendu sur tous les genres de films, notamment sur le cycle gothique des adaptations d’Edgar Poe par Roger Corman !
Mais il y a un fait notable : Il fut le premier, avec son album RITUAL OF THE SAVAGE en 1951, à tâter de la musique exotique ! C’est donc lui qui a lancé cette mode qui va durer une vingtaine d’années !
Notons, parmi la pléthore de disques consacrés à l’exotisme susdit, CARIBBEAN MOONLIGHT (1956), JEWELS OF THE SEA (1961), JUNGLE JAZZ (1963), THE SOUL OF THE DRUMS (1963), BRAZIL NOW (1966), AFRICAN BLUE (1967), QUE MANGO ! (1970). À noter également l’album MOOG ROCK (1968), qui a grandement contribué à la popularité de l’instrument en question, notamment auprès des groupes de rock progressif.
Bref, un artisan ultra-prolifique, tout aussi génial qu’un Mancini, et pourtant beaucoup moins connu aujourd’hui.

2) Martin Denny – QUIET VILLAGE (1957)
Au milieu des années 50, un pianiste, Martin Denny, bosse sur les plages d’Honolulu dans les bars lounge. Il reprend à sa sauce les titres de Les Baxter et monte un quartet qui aboutira à l’album qui donnera son nom à ce sous-genre de la musique smoothie : EXOTICA.
Comme il joue près d’un étang, le quartet se rend rapidement compte qu’il se fait accompagner tout naturellement par le bruit des animaux alentours ! Le coassement des grenouilles s’arrête alors en même temps que l’orchestre et reprend dès qu’il enchaîne sur un autre morceau ! Cette inspiration soudaine amène les musiciens à imiter eux-mêmes des cris d’oiseau, ce qui transporte instantanément l’auditoire qui en redemande ! C’est ainsi que tout ce barnum exotique sera repris dans l’enregistrement du premier album !
Tout comme c’était le cas avec Les Baxter, qui avait lancé la mode de la note exotique, c’est davantage dans le feeling que par la réelle connaissance des musiques des pays lointains que le genre se développe. Les musiciens s’acaparent ainsi les instruments traditionnels exotiques tels le güiro caribéen (le fameux racloir qu’on frotte avec une baguette), les cloches tibétaines ou les cymbales birmanes, sans vraiment connaître leur utilisation réelle, et les mêlent aux rythme latins et orientaux, matinés de jazz smooth.
En ouverture de l’album, se trouve évidemment QUIET VILLAGE (ici joué en formation serrée, avec bruits d’animaux), titre emblématique, celui-là même que Les Baxter avait créé pour RITUAL OF THE SAVAGE, le premier véritable album exotica…

3 : Robert Drasnin : ORINOCO (1959)
Encore un grand classique de la vague exotica.
Pourtant, Robert Drasnin n’en faisait pas son ordinaire, tout occupé qu’il était à composer les bandes-son des séries-TV MANNIX, HAWAÏ FIVE O et LA QUATRIÈME DIMENSION. Mais comme c’était la mode, chaque label voulait son album exotica et Drasnin fut choisi (par Tops Records) pour le faire à l’insu de son plein gré !
Résultat : En un seul abum, le compositeur devient l’un des étendards du genre exotique, à égalité avec les deux précédents !
S’il choisit, à l’instar de Martin Denny, une orchestration en formation serrée, il peut néanmoins compter sur la voix envoûtante de la chanteuse Sally Terri, qui électrise tout l’album de ses harmoinies vocales, ainsi que sur la participation d’un jeune pianiste destiné à devenir rien de moins que le plus grand compositeur de musiques de films de l’histoire : John Williams himself !
Dans les années 90, la scène électro remettra, à coup de samples, la vague exotica sur le devant de la scène. Et Robert Drasnin, à l’époque héros survivant de la dite-vague, en profitera, à 80 ans, pour enregistrer une suite à son album mythique : le très beau VOODOO II…

4) Les Baxter : JEWELS OF THE SEA (1961)
De mon côté, je suis totalement fan de Les Baxter et ça a été une torture de devoir choisir un seul titre parmi tous ceux que l’on entend dans les albums cités au-dessus du premier. Raison pour laquelle on lui réserve trois places dans notre palmarès, au fil de notre voyage dans le temps…
Ici, le compositeur explore les mers du sud et nous emporte au pays des sirènes (voir la pochette de l’album) en anticipant, avec une avance de seize ans, l’ambiance d’une série TV elle-même fortement basée sur l’exotisme et logiquement nommée L’ÎLE FANTASTIQUE…

5) The Heinz Kiessling orchestra : COOL DADDY CHARM / SENHORITA (1965)
Comme on l’a dit en introduction de l’article, il n’y a pas que les américains à s’être pris de passion pour les musiques exotiques au tournant des années 60 et de nombreux compositeurs teutons se sont également jetés à l’eau. Heinz Kiessling avec son Heinz Kiessling orchestra a, tout comme Les Baxter, également sévi à la télé et au cinéma, bien qu’il n’y ait pas grand chose de bien connu, en dehors d’un ancien sitcom américain que je ne connais pas non plus personnellement…
En tout cas, en faisant des recherches sur ce compositeur, j’ai trouvé moult trucs smoothie assez irrésistibles, et notamment ce COOL DADDY CHARM qui devrait vous donner envie de vous jeter dans la piscine…

6) Pucho & His Latin Soul Brothers : EARLY AUTUMN (1966)
Henry “Pucho” Brown était un timbaliste afro-américain de renom avant de devenir l’un des plus fervents représentants du “latin jazz”. Il recruta de nombreux musiciens hors-pairs au sein de ses diverses formations (dont un certain Chick Corea !) avant de former son groupe Pucho & His Latin Soul Brothers. Le premier album de cette formation définitive, TOUGH !, sort en 1966 et fait la part-belle au genre qui nous intéresse en particulier ici.
C’est encore le vibraphone qui vient colorer les morceaux d’une note exotique immédiate sur un rythme bossa nova imparable.
Ne vous laissez-pas intimider par le kitsch de départ et écoutez le titre en entier pour en apprécier l’élégance et la richesse incontestable, qui culmine avec les chorus de cuivre (flugelhorn puis saxophone) sur la deuxième moitié du morceau.

7) Stan Butcher : JANIE (1966)
Postmoderne avant l’heure ! Ici, on mélange un peu tout ce qui peut sonner exotique (le mec s’appelle “Stan le boucher”, quand même) : bossa nova, mariachi, cha-cha-cha, chabadabada… Pour un résultat totalement… irrésistible !
Stan Butcher était un pianiste et chef d’orchestre britannique, totalement inféodé à l’esprit easy-listening.

8) The Dave Pell Singers : OH CALCUTTA (1969)
Dave Pell était un saxophoniste de jazz et un habitué des big bands west coast. Il forme un groupe un peu plus pop à la fin des années 60, le Dave Pell Singers, et enregistre un album de chansons bien smoothie comme il faut (dont une reprise de SUGAR, SUGAR) : MAH-NA-MAH-NA. Vachement bon et vachement exotique, surtout le titre d’intro : OH CALCUTTA !

9) Enoch Light : KNOWING WHEN TO LEAVE (1969)
Chanson de Burt Bacharach et Hal David (THE magic & legendary duo) sortie l’année précédente. Le moins qu’on puisse dire et ce, rien qu’en regardant la pochette de son album SPACE OUT de 1969, c’est qu’Enoch Light avait une vision de l’exotisme… très particulière !
Pourtant les premières notes de vibraphone, instrument emblématique de l’exotica, nous plongent d’emblée dans un ailleurs ensoleillé, tout aussi mouillé que la pochette et tout aussi estival si l’on en juge par le costume en bikini (en alluminium !!!) de ses nageuses de l’espace ! De toute manière, à la fin des années 60, en pleine guerre froide et exploration spatiale par lancements de satellites interposés, l’exotisme ultime se situe dans l’espace. D’où la naissance d’un nouveau genre de musique exotique : la space age pop, ou exotica de l’espace !
Enoch Light a connu son heure de gloire durant les années 50 et 60, notamment en popularisant deux éléments révolutionnaires dans l’histoire de l’industrie du disque : la stéréo (vous en avez une démonstration dans le titre choisi) et les pochettes de disque qui s’ouvrent ! Rien que ça. Ce n’était pourtant qu’un chef d’orchestre de musac, mais incontestablement un visionnaire.

10) Les Baxter : BOCA CHICA (1970)
On termine notre sélection en refermant la boucle avec Les Baxter qui, au tournant des années 70, teinte ses orchestrations d’un mélange de sonorités exotiques (ici dominées par les maracas) avec une sorte de disco en devenir… je ne résiste donc pas à un titre des plus kitsch. parce que j’adore ça, punaise…

Bonus : Henry Mancini : HAWAII (1967)
Et le revoilà !!! Si aujourd’hui Henry Mancini, “Mr Smooth” himself, est surtout connu pour ses mythiques musiques de film et principalement pour son association de légende avec Blake Edwards (BREAKFAST AT TIFFANY’S, Mr LUCKY GOES LATIN, THE DAYS OF WINE AND ROSES, THE PINK PANTHER, THE PARTY, etc.), il a pourtant enregistré une multitude d’albums, en dehors du cinéma, de jazz smoothie (une bonne cinquantaine !), dont une grande partie dédiée à la note exotique.
Parmi cette armada de disques de jazz symphonique, l’un d’eux, publié en 1967 (l’année du LIVRE DE LA JUNGLE de Walt Disney, qui mèle également de son côté le jazz et l’exotisme) est particulièrement concentré sur les îles, puisqu’il s’intitule MUSIC OF HAWAII !
Bon, là-aussi c’est plutôt kitsch à la première écoute mais c’est charmant et ça vous transporte illico à l’autre bout du monde !
See you soon !!!