Passage clouté
Chronique du one-shot CONAN LE CIMMÉRIEN : LES CLOUS ROUGES
Date de sortie : 2020
Auteurs : Régis Hautière, Didier Cassegrain et Olivier Vatine
Genre : Fantastique, Fantasy
Éditeur : Glénat
Nouvelle adaptation en BD de la nouvelle LES CLOUS ROUGES de Robert Howard, celle de Glénat (tirée de la série de one-shots CONAN LE CIMMÉRIEN) signée Régis Hautière (scénario), Didier Cassegrain (dessin) et Olivier Vatine (couleurs) tient-elle la comparaison avec celle de Barry Windsor Smith publiée dans SAVAGE SWORD OF CONAN ? C’est ce que nous allons voir aujourd’hui.

Nouvelle interprétation
LES CLOUS ROUGES est le tome 7 de la série CONAN LE CIMMÉRIEN. Étant donné la nature d’adaptation de cette BD et de ma comparaison avec la version Marvel de BWS, il est inévitable qu’il y ait quelques spoilers.
Quelle est l’histoire des CLOUS ROUGES ? Eh bien Conan et son amie/rivale/amante (rayez la mention inutile) Valeria vont se retrouver piégés sur une colline à la merci d’un dragon. Après avoir réussi à le terrasser, ils se réfugient dans une immense citée à ciel fermé semblable à un palais gigantesque et vont se retrouver au milieu d’une querelle ancestrale entre plusieurs peuples qui logent dans des quartiers différents de cette ville. Les fameux clous rouges sont une méthode du peuple qui recueille Conan et son amie pour compter le nombre d’ennemis tués. Conan et Valeria étant des mercenaires au service du plus offrant, ils vont venir en aide à un chef de clan et à son épouse, avant de découvrir qu’ils cachent eux-mêmes un lourd secret.

Conan contre le dragon
Concernant l’adaptation de la nouvelle, rien à dire. C’est fidèle. Tout comme la version de BWS. Il n’y a pas à se plaindre de quoi que ce soit à ce niveau. L’intérêt de cette nouvelle adaptation va résider plutôt sur les éléments que les auteurs ont choisi de mettre en avant.
Et en l’occurrence, c’est la cité et ses décors qui sortent surtout du lot, au détriment du charisme des personnages. Attention, je ne dis pas que les personnages sont ratés, ni que les décors de la version de BWS n’étaient pas bons. Mais il y a selon moi comme une inversion des éléments dominants. BWS donnait du charisme à des personnages secondaires qui n’apparaissaient que le temps d’une page (comme le personnage du Crâne Ardent qui se fait rapidement tuer mais qui a le temps de nous marquer visuellement dans la version BWS.) A l’inverse, dans cette version Glénat, le même personnage n’a même pas droit à un gros plan et se fait tuer encore plus rapidement.

Les décors et l’architecture : la force de la BD
De la même manière, l’ancien esclave vengeur Tokelmec qui pouvait faire peur dans la version BWS avec son allure de cadavre, n’a pas le même charisme dans la version Glénat où il ressemble surtout à un vieillard.
Mais attention ! Ce n’est pas un reproche en soi, car après avoir lu cette version Glénat, je pense qu’à chaque fois que je penserais à cette nouvelle, ce sont les décors de cette version qui me viendront à l’esprit. La ville est beaucoup plus impressionnante et inquiétante avec ses décors démesurés, son architecture et ses ornementations qui me semblent inspirées des arts Aztèques. De même, cet aspect plus insignifiant des personnages renforce l’aspect pathétique de leur conflit qui dure depuis plus de 50 ans sans que personne n’ait tenté de quitter les lieux, obsédés par une haine qui leur vient de leurs ancêtres et qui n’a plus beaucoup de sens. Conan et Valeria sont parvenus à tuer le dernier dragon, et pourtant les 50 guerriers restants dans la cité ne se sont jamais dit qu’ils pourraient tenter leur chance dehors. Ils semblent continuer de vivre ainsi par habitude, et cela vient aussi de la sorcière qui tient son roi en laisse et se complait dans ce mode de vie.

Des personnages insignifiants, écrasés par l’immensité des murs qu’ils ont batis
Les couleurs sont également très importantes pour la réussite de l’atmosphère. Les salles sombres, ou baignées de rouge ou de lumières vertes rendent les lieux inquiétants. Comme je le dis, ce qui se démarque du reste dans cette version, c’est le cadre global de l’action, la cité maudite.
Si les personnages manquent un peu de charisme, c’est parce que le découpage n’insiste jamais sur leur charisme (pas de gros plans sur le visage du méchant flippant ni rien.) Mais j’ai toujours été très fan du trait de Didier Cassegrain, donc ce n’est en aucun cas une attaque envers son dessin.
Le style ne plaira pas à tout le monde. Cassegrain dessine toujours des silhouettes sveltes et très souples qui se contorsionnent lors des scènes d’action dans des poses extrêmes avec quelques exagérations anatomiques (non, je ne parle pas juste des grosses poitrines des femmes ! Mais aussi des positions de combat très dynamiques)
Son style de dessin est très expressif. Une autre particularité : il n’est pas toujours encré. Ce qui fait qu’on a parfois la sensation de voir des croquis colorisés sans que tous les contours soient noircis. Son dessin est aussi à la limite du cartoon ou du manga avec ce qu’il faut d’exagération irréaliste dans les expressions faciales pour rendre le tout très expressif, sans tomber dans le dessin enfantin pour autant.

Baston !
Je me rends compte que j’ai un peu de mal à expliquer ce qui me plaît chez ce dessinateur, mais j’ai toujours aimé son travail, que ce soit sur TOA BANG ou CODE MCCALLUM, la préquelle de CARMEN MCCALLUM (préquelle que je trouve supérieure à la série d’ailleurs.)
Bref, son Conan a de la gueule, et ses personnages sont souples durant les combats. Concernant les décors, il y a beaucoup de pages consacrées aux salles du trône (des différents clans rivaux), aux couloirs sombres et autres pièces gigantesques de la cité. Les personnages ont un physique qui a de la personnalité, tantôt maigrichons, larges d’épaules, etc. Bon les femmes sont toutes assez généreusement gâtées par la nature, mais les exagérations du dessin les rendent malgré tout immédiatement reconnaissables. Malgré un parti pris de ne pas spécialement rendre charismatiques les antagonistes, les personnages ont un look réussi qui les différencie bien les uns des autres. Et nos héros Conan et Valeria sont davantage mis en avant.

Conan et Valeria sont tout de même mis en avant
En bref c’est une adaptation qui vaut le coup pour moi. C’est le seul album de cette série CONAN LE CIMMÉRIEN que j’ai lu, mais il m’a bien plu. Je ne rentrerais pas dans la polémique qui veut que soi-disant cette version Glénat de Conan soit plus ou moins fidèle à Howard, ou que Conan porte un pantalon au lieu du pagne, etc. Je m’en fous pas mal en fait. Du moment que je passe un bon moment, je peux accepter un changement de garde-robe du héros. Que la version de BWS ou celle-ci soit plus proche du récit original en matière vestimentaire, ça me fait une belle jambe. Cela n’a rien d’une transgression majeure pour moi. Je recommande donc cette lecture.