– BATMAN : LE DÉFI –
Chronique du film : BATMAN – LE DÉFI
Date de sortie : 1992
Durée : 126 minutes
Réalisateur : Tim Burton
Genre : Super-héros, polar, thriller
Un titre français complètement ringard, comme souvent…
Le pitch : Max Shreck, un puissant industriel prêt à tout pour gravir les échelons du pouvoir, étend peu à peu son influence sur la ville de Gotham City.
Oswald Cobblepot, surnommé le Pingouin, abandonné trente ans auparavant par ses parents dans les égouts de la ville, prend également son essor en dirigeant une partie de la pègre. Tous-deux vont s’associer pour asseoir leur domination respective. Un nouveau défi pour Batman, d’autant qu’une nouvelle justicière masquée, nommée Catwoman, beaucoup plus expéditive, vient également se joindre à la mêlée…
Un casting… animal !
Le premier film (article ICI) avait été un succès planétaire colossal, inaugurant ce que l’on appelait alors la Batmania. Lui donner une suite était une évidence ! Michael Keaton (Bruce Wayne/Batman) et Michael Gough (Alfred, le majordome) rempilent dans le casting, de même que Pat Hingle dans le rôle d’un Commissaire Gordon peu exploité. Ils sont rejoints par trois acteurs de premier plan pour incarner les « méchants » : Dany DeVito dans le rôle du Pingouin, Michelle Pfeiffer dans le rôle de Catwoman, et Christopher Walken dans celui d’un vilain créé spécialement pour le film : Max Shreck. Ce fut le nom de l’interprète du film NOSFERATU, réalisé en 1922 par F. W. Murnau. Sachant que Walken arbore également la même coupe de cheveux que l’acteur Alfred Abel dans le METROPOLIS de Fritz Lang, on reconnait bien-là le penchant de Tim Burton pour citer les classiques du cinéma fantastique (METROPOLIS était déjà abondamment évoqué dans le film précédent à travers l’architecture tentaculaire démente de Gotham City), et ici particulièrement ceux des années 20 et de l’école de l’Expressionnisme allemand !
Christopher Walken, perdu dans les années 20 !
Sur bien des points, BATMAN, LE DÉFI est nettement plus abouti que le film précédent. Le script, qui explore la psyché de ses personnages en leur procurant une profondeur inédite, est une merveille, faisant émerger toutes les failles de l’âme humaine, souvent dominée par l’attrait du pouvoir et les pratiques malveillantes lorsqu’il s’agit d’escalader les échelons de la société…
Cette suite met particulièrement l’accent sur les vilains, à travers lesquels s’articule toute la construction de l’intrigue. Recette imparable que de se focaliser sur le développement des protagonistes : ayant prouvé qu’elle était la meilleure en termes de scénario, elle permet au réalisateur de développer une intrigue riche et passionnante, impliquant viscéralement le spectateur, obligé de choisir entre son attachement et sa répulsion pour tel ou tel personnage, emportant ainsi toute son attention et son empathie pour leur destin aux allures de drame shakespearien.
Mais qu’ont-ils en tête, ces deux-là !
Mais le film est davantage une œuvre de Tim Burton qu’une histoire de Batman. Puisqu’on lui a laissé une totale liberté créative sur ce second opus de la franchise, le réalisateur se lâche et s’adonne à l’une de ses thématiques favorites : La figure du Marginal, socialement inadapté. Il trouve immédiatement, à travers les vilains, le matériel idéal pour creuser dans les troubles psychiques et les fêlures de ces personnages déviants. Il parvient ainsi à matérialiser des séquences totalement impossibles, en temps normal, à offrir dans un cinéma grand-public. Comme la scène d’ouverture avec la cruelle naissance du Pingouin, ou toutes celles dans lesquelles Catwoman régurgite sa libido, enfouie depuis tant d’années, sous une combinaison toute en cuir sado-maso !
De fait, Burton délaisse presque complètement la figure du Batman, qui ne brillait déjà guère dans le premier film (et qui se prend une raclée d’entrée de jeu par Catwoman !), et son film obtient un succès beaucoup moins important que le précédent… Évidemment ! celui-ci est davantage un film de « monstres » qu’un film de super-héros…
Plus encore que dans le premier film, Burton ne fait plus grand cas des comics (comme le faisait remarquer l’ami JB), en contournant grandement le principe-même de l’adaptation et en dotant ses personnages d’une caractérisation n’entretenant plus aucun rapport avec leur version de papier. Ainsi, dans le film, Batman tue ses ennemis sans sourciller (crime de lèse-majesté pour le fan puriste de la version comics !) et le Pingouin est un mutant élevé par des animaux dans les égouts, telle une version dégénérée de « Tarzan en ville ». Quant à Catwoman, elle apparait ici comme une sorte de névropathe sado-maso en équipement de circonstance (y a un fouet, quand même)… Tant pis pour les puristes, l’aura du film sera suffisante pour qu’il influence en revanche davantage les comics ! On y verra ainsi moult itérations du Pingouin (tour à tour plus ou moins monstrueux), de Batman (avec un Bruce Wayne s’imposant comme une « panoplie de Batman » plutôt que l’inverse) et de Catwoman (cette dernière arborant de manière régulière la tenue sado-maso en question), plus ou moins isnpirées de la version Burton…
Pour un peu, on se croirait à Métropolis !
Pour le reste, l’esthétique du film est absolument somptueuse et unique en son genre. La « signature Tim Burton », qui s’est manifestée peu à peu sur chacun de ses films (bien aidée par la bande-son de Danny Elfman, l’âme-sœur du cinéaste), s’étale ici dans les moindres coins et recoins de chaque image. Les décors sont magnifiques, tour à tour baignés de clair-obscurs expressionnistes, de flocons de neige en forme de motifs, ou encore de multiples costumes, gadgets, rayures et autres spirales issus du monde du cirque, ce qui là encore, s’impose comme la marque visuelle de l’auteur d’EDWARD AUX MAINS D’ARGENT. À maintes reprises, le spectateur ne sait plus s’il est dans la période d’Halloween, avec tous ces monstres, ou dans celle de Noël, avec tous ces sapins et ces guirlandes chamarrées. Une manière, peut-être, d’annoncer L’ÉTRANGE NOËL DE Mr JACK…
C’est Noël ou Halloween ?
Avec du recul, BATMAN, LE DÉFI s’impose comme l’un des films les plus aboutis et les plus représentatifs de la carrière de Tim Burton. Ce fut l’un des derniers dans lesquels la figure du « marginal » tentait de plier vainement la société à sa différence. Plus tard, le réalisateur choisira une structure inverse et fera de ses héros des marginaux peu à peu intégrés à la société (comme dans DARK SHADOWS, par exemple), dans une différence pérenne, mais finalement domptée et assimilée. À l’image de son auteur, ancien garnement dissident, devenu avec le temps l’un des piliers du tout Hollywood.
Il ne s’agit pas ici de préférer l’une ou l’autre de ces idéologies, mais juste de remarquer l’évolution d’un auteur, en fonction de sa carrière et du temps qui passe…
Libido, quand tu nous tiens…
That’s all, folks !!!
Merci pour cet article, dont je partage l’avis. L’un des meilleurs Burton, si ce n’est le meilleur.
Très bon film, mais à mon sens une adaptation exécrable (les personnalités des 3 principaux personnages n’ont rien de reconnaissable avec celles de leurs homologues papier, entre un Batman qui tue avec le sourire, une Catwoman démente et un Pingouin bestial).
Pour autant, le film va indéniablement influencer les comics : Catwoman va adopter cette tenue SM une croute période durant une mini-série qui lui sert ‘d’Année 1″, puis portera des variations de ce costume à partir de l’ère Brubaker/Cooke. La thématique de Bruce Wayne n’étant qu’un masque pour Batman va également devenir un élément majeur des comics Batman. DC va même consacrer un crossover à faire de Gotham la cité gothique de Burton avec Batman: The Destroyer.
Ah, supers anecdotes JB, Merci ! Je pense modifier un peu l’article du coup, en ajoutant un paragraphe pour faire remonter ce que tu apportes, si tu es d’accord.
Aucun problème, bien entendu
Ok, merci. Tu seras cité 😉