
ZE ZUIS DOG ZAVAZE !
Chronique du film DOC SAVAGE ARRIVE
Date de sortie : 1975
Durée : 1h42
Genre : Aventures, super-héros.

Indiana Jones n’a qu’à bien se tenir !
Cet article portera sur le film réalisé en 1975 d’après le personnage créé par Lester Dent dans les années 30, pour une série de roman à l’esprit pulp.
Attention : vous devez impérativement commencer par regarder la bande-annonce ci-dessous avant de lire ce qui va suivre. Car vous ne savourerez réellement le contenu de l’article que si vous avez au préalable visionné le trailer, et en VF de surcroit, car cette VF vaut le détour (disons qu’elle vaut tout bonnement son pesant de cacahuètes), comme nous allons le voir plus loin ! Vraiment, j’insiste ! vous ne le regretterez pas, c’est promis !!!
Avec Doc Savage, rien ne vaut la version française !
Le pitch : En 1936, depuis son QG de New-York, l’aventurier Clark Savage Junior (le Doc, donc) apprend la mort de son père, disparu dans la lointaine république d’Hidalgo (un état fictif) en Amérique Latine. Il décide de partir enquêter sur la mort mystérieuse de son géniteur, en compagnie de ses cinq joyeux acolytes (et un bébé cochon…), mais s’oppose instantanément à plusieurs tentative de l’assassiner, lui et sa valeureuse troupe. Arrivé en Hidalgo, il poursuit son enquête, laquelle va le diriger vers un certain Capitaine Seas, un autre riche aventurier mais pas beau comme le Doc. Ce capitaine pas beau est tellement rusé et perfide, qu’il a probablement tout fomenté depuis le départ…

Au rayon VHS…
DOC SAVAGE ARRIVE (DOC SAVAGE : MAN OF BRONZE en VO) est un film d’aventures réalisé en 1975 par Michael Anderson.
Il s’agit d’une production dirigée par George Pal, cinéaste et grand magicien des effets spéciaux, jadis spécialisé dans le cinéma fantastique, à qui l’on doit quelques chefs d’œuvres du genre (LA GUERRE DES MONDES, LA MACHINE À EXPLORER LE TEMPS, ainsi que plusieurs fééries du 7ème art).
Pour autant, DOC SAVAGE ARRIVE n’est pas le chef d’œuvre de George Pal, ni même celui de Michael Anderson. C’est même loin d’être un chef d’œuvre. C’est… comment dire… plutôt une sorte d’ovni, un accident sur pélicule, une forme de miracle en somme, à mettre dans le club privé des meilleurs nanars (flamboyants !) de l’histoire du cinéma…

Doc Savage : Un homme physique et cérébral…
Projet atypique généré par un George Pal sur le déclin, le film de Michael Anderson ressemble dans sa bande-annonce à un précurseur de la saga INDIANA JONES. En réalité, lorsqu’on tente de le visionner en entier (et ce n’est pas une mince affaire que de tenir les 102 minutes !), il prend assez vite de faux airs de parodie, tant il est truffé de gags, lorgnant clairement du côté de la série TV BATMAN des années 60 ! Mais comme n’est pas Blake Edwards ou Billy Wilder qui veut, le sens de l’humour de Michael Anderson et George Pal ne fait pas vraiment mouche, se veut léger tout en dépassant allègrement le quintal, donnant plutôt l’impression au spectateur que les passages rigolos sont involontaires plutôt qu’assumés avec un subtil second degré, propulsant ainsi l’ensemble dans une sphère passablement ringarde…

Doc Savage : un homme de science !
Ringard, DOC SAVAGE ARRIVE l’est à plus d’un titre. Le pire étant sa bande-son pompière, dominée par une épouvantable chanson-titre qui revient en boucle et qui semble tout-droit sortie d’une chorale qui hésiterait sans cesse entre un hommage aux Chœurs de l’Armée Rouge et à, je sais pas moi, l Muvrini ?
Second élément dans la liste des ratés : la compagnie des joyeux drilles qui accompagnent le héros, composée de scouts quadragénaires dont le sens de la répartie est aussi léger et spirituel qu’une émission de Patrick Sébastien quand il chante les Sardines. Du “scientifique à lunettes” qui invente des superlatifs ridicules toutes les trente secondes (du genre “quelle invention formi-extra-lutionnaire !”, “c’est super renvers-fabuleux” ou encore “indubitablement super extra-versant” !), au “chimiste bourru au grand cœur” qui ne se déplace jamais sans son bébé porcinet ; en passant par “l’avocat pincé” qui ne parle que dans un jargon juridique de pacotille, c’est un festival de blagues à Toto !
Quant aux méchants, qui possèdent tous le charisme d’une huitre, ils ne feraient pas peur à votre grand-mère et l’on se demande d’ailleurs ce qu’ils foutent dans le film, où ils vont et viennent au gré d’un script d’un ennui confondant, pendant que l’on attend désespérément les scènes d’action promises dans la bande-annonce, pour n’avoir au final que deux bagarres miteuses, dont la dernière, en guise de climax, achève de nous endormir !
La liste de tout ce qui ne va pas pourrait durer encore longtemps, mais je préfère m’arrêter-là parce que si j’ai réussi à regarder le film jusqu’au bout, il n’y a pas de raisons pour que vous ne le fassiez pas vous-même au lieu d’attendre que je vous raconte tout (ou alors je vous fais croire qu’il y a d’autres trucs à raconter, alors qu’en fait pas du tout)…

Doc Savage : un homme d’action !
Mais du coup, autant regarder le film en VF ! Car alors là vous allez vous amuser, tant la chose gagne un troisième degré d’humour surréaliste grâce à la traduction et à ses doubleurs déchainés. On le sait bien, les années 70 furent un âge d’or en la matière et l’on ne compte plus les productions qui furent encore plus savoureuses en VF qu’en VO (si l’on n’est pas réfractaire à la chose, évidemment), comme par exemple les séries AMICALEMENT VÔTRE et STARSKY & HUTCH, ou même certains films comme FRANKENSTEIN JUNIOR.
Dans DOC SAVAGE ARRIVE, le casting de doubleurs se lâche complètement et en particulier Georges Aminel, qui s’occupe de doubler le héros. S’il ne sait pas encore à cette époque qu’il sera bientôt la voix française de Dark Vador, Aminel se souvient qu’il fut celle de Sylvestre le chat et se met à zozoter de manière ostentatoire, offrant ainsi au personnage plusieurs tirades hilarantes (“Ze zuis Glark Zavaze zunior”) !
Autour de ce héros zozotant (et pourtant superbe sous les traits de cet ancien Tarzan de Ron Ely qui ne zozote nullement dans la VO !), les autres membres du casting en rajoutent également des caisses. Sans doute estimaient-ils que le second-degré voulu par les auteurs du film n’était pas assez appuyé afin de lui offrir l’aspect un peu “camp” dont il avait besoin pour briller (les auteurs du futur FLASH GORDON s’en souviendront-ils ?). Et sans doute se sont-ils chargés de combler les manques, pour notre plus grand plaisir régressif !

Doc Savage et ses joyeux drilles : Une sacrée bande de boute-en-train !
Parallèlement à cette avalanche de partis-pris contre-productifs, qui semble tenter de compiler tout ce qu’il est possible de trouver afin de massacrer le “mythe Doc Savage”, il y avait pourtant quelques idées attachantes : L’acteur principal incarnait ainsi un héros parfait, charismatique, fort et charmant à la fois, semblant sortir tout droit d’une couverture de pulp magazine, et tout son attirail doré, orné du poinçon “Doc Savage”, collait au poil de cette imagerie “année 30”, dans un New-York art-déco du plus bel effet. Les passages dans la jungle nous réservaient quelques jolis décors de type “grande aventure”, dont deux ou trois superbes peintures sur verre en forme de falaises escarpées. Afin de donner au héros un côté iconique, toujours au second degré, Ron Ely ne cessait enfin de jouer des muscles et de charmer son auditoire, faisant craquer sa chemise (comme le faisait le personnage à l’origine !) sous ses mouvements félins et briller ses yeux par dessus un sourire ravageur…

Ron Ely : Un excellent tarzan dans les années 60 !
À l’arrivée, DOC SAVAGE ARRIVE est un nanar de luxe de grande compétition, une sorte de mélange ni fait ni à faire entre second degré assumé et humour involontaire (et entre les deux, la marge est parfois ténue !) ; un délire inabouti et non consommé entre “faste bling-bling” et “humour déviant” qui, avec THE ROCKY HORROR PICTURE SHOW et FLASH GORDON, avait su trouver son public cible.
Car le film souffre avant tout d’une direction artistique totalement inexploitée, d’un script lénifiant et d’un casting en roue libre, le tout enrobé de quelques rares effets spéciaux bien kitsch. Ceux qui n’ont vu que la bande-annonce (et sans avoir lu d’article comme celui-ci, ignorant tout de surcroit) ont probablement fantasmé sur un ancêtre méconnu d’Indiana Jones (la bande-annonce, cette coquine, où le beau héros apparait seul dans une sélection des plus belles images, étant bien plus rythmée et efficace que le film en entier !). Les autres se souviendront d’une affiche alléchante promettant la matérialisation d’un fantasme mort-né, d’un spectacle bipolaire parfois attachant mais surtout extrêmement ennuyeux, plein de bonnes idées jamais exploitées (tout un tas de gadgets hérités de James Bond dont on aurait aimé voir le héros se servir pour de VRAIES BONNES RAISONS dans un VRAI BON scénario !) et, au final, d’une sorte de cartoon raté perdu entre les pulps et le feuilleton ringard à la Papa Schultz…

Doc Savage : Un homme à femmes pratiquant l’amour platonique !
Quant au réalisateur Michael Anderson, que dire… Il s’agit à la fois d’un réalisateur ayant livré quelques films marquants dans le genre qui nous intéresse (LE TOUR DU MONDE EN 80 JOURS, ORCA, L’ÂGE DE CRISTAL), sans toutefois avoir jamais brillé par son art. Fidèle à lui-même, il nous emballe notre Doc Savage de manière paresseuse, avec une bonne louche de kitsch instantané.
Le projet avait pourtant tout pour être réussi (bon, à part sa bande-son exécrable, ses seconds rôles moisis et ses effets spéciaux déjà ringards pour l’époque…), le studio Warner Bros décidant, au dernier moment, de faire des économies en divisant le budget du film par deux ! Le producteur George Pal essuya ainsi son dernier échec après le pourtant magnifique CIRQUE DU Dr LAO, dont le four enterra la plupart de ses projets comme, entre autre, la première adaptation cinématographique de BILBO LE HOBBIT…
DOC SAVAGE ARRIVE dort ainsi depuis dans les anales du nanar, demeurant éternellement le fantasme de ce qu’il aurait pu être…

Le Doc dans son plus simple appareil : Graourrr… (à côté de lui, l’inénarrable Michael Berryman, dans son tout premier rôle !)

Au départ, le personnage de Doc Savage, héros et aventurier iconique (une chemise déchirée et un bronzage impeccable (d’où son surnom !) pour toute panoplie), est donc une figure majeure de la littérature pulp créée par Lester Dent. Il sera ensuite adapté en comic book, avant de rejoindre le cinéma en 1975, dans notre film du jour.
À l’origine, il faut reconnaitre que le personnage a tout du super-héros séminal, le super-héros de l’aube, statut particulier qu’il partage avec d’autres icônes des pulps tels The Shadow et autre Zorro. À tel point que si ces deux derniers personnages inspireront l’image de Batman, Doc Savage s’imposera comme le principal modèle de Superman (premier véritable super-héros apparu dans un comic book), avec lequel il partage un nombre considérable de points communs (même prénom – Clark -, même forteresse de la solitude au pôle-nord, même statut d’orphelin, même surnom ou presque – Man of bronze pour Savage, Man of steel pour Superman).
Comme nous sommes sur C.A.P et qu’il s’agit d’un espace dédié à la culture de genre, et bien que la chose mériterait sans doute un article détaillé, nous terminerons par un petit tour d’horizon du côté des comics. Selon notre bon vieux Wikipedia, “Doc Savage est un médecin, un chirurgien, un scientifique, un aventurier, un inventeur, un explorateur, un chercheur et un musicien. Une équipe de scientifiques (réunie par son père) a, dès sa naissance, entraîné son corps et son esprit pour leur donner des capacités quasi surhumaines. Il en a gardé une énorme force physique, une très grande endurance, une mémoire photographique, la maîtrise des arts martiaux et de larges connaissances scientifiques. Il redresse les torts et punit les méchants…” Bref, un pur super-héros on vous dit !

Et oui, z’est moi : Glarg Zavaze zunior !
Bien après que La majeure partie des 190 romans de la série ait été écrite par Lester Dent entre 1933 et 1949 (et diffusée dans les pulps Streets & Smith de l’époque), le personnage échoua dans les pages de l’éditeur Marvel Comics.
Entre 1972 et 1973, le scénariste Steve Englehart et les dessinateurs Ross Andru & Jim Mooney adaptent ses aventures (Gardner F. Fox reprend ensuite le script et plusieurs dessinateurs se succèdent avant l’arrêt de cette première version de seulement huit épisodes). Cette première série est strictement réservée au lectorat habitué aux comics old-school à la narration ultra-naïve, dictée par le comics-code authority de l’époque de ce que l’on appelle aujourd’hui “l’âge d’argent”. Mais on retrouve Clark Savage Jr en 1975 (l’année du film ! avec l’affiche de ce dernier en couverture du premier épisode !) dans une nouvelle série publiée, non pas en comics, mais en magazine (à côté de Playboy sur les rayons du libraire) sous les auspices du scénariste Doug Moench et des artistes John Buscema & Tony DeZuniga (huit épisodes aussi, mais beaucoup plus longs). Cette seconde série est nettement meilleure, sous la houlette des sieurs Moench, Buscema & DeZuniga qui nous avaient livré à l’époque un superbe SAVAGE SWORD OF CONAN et un très honorable TARZAN. Cette seconde version de Doc Savage est désormais disponible en deux intégrales VF chez l’éditeur Néophelis.

La version classique la plus recommandable.
Avant de profiter de cette intégrale Néophelis, il fallait donc collecter les comics DOC SAVAGE de chez Marvel dans les revues de feu l’éditeur LUG :
1) MARVEL’S DOC SAVAGE comics (#1-8) dans Titans, (Titans #4 à 11). Il s’agit de la première version de 1972/1973, publiée intégralement, mais jamais rééditée depuis (à ma connaissance).
2) MARVEL’S DOC SAVAGE Magazine (#1-3) dans LA PLANÈTE DES SINGES (#13 à 19, entre 1977 et 1978). Il s’agit de la seconde version de 1975, avec seulement trois numéros publiés sur huit.
3) MARVEL’S TWO-IN-ONE (#21, 1976) dans Spécial Strange (#15). Dans ce one-shot, Doc Savage fait équipe avec la Chose des Fantastic Four !

Un Doc Savage qui arrive en VF en 1976, comme par hasard pile en même temps que la sortie (française) du film !
DC Comics tente un rapatriement du personnage de Doc Savage à l’époque contemporaine dans une minisérie de Dennis O’Neil et des frères Kubert en 1987, suivie par une série de 24 épisodes écrite par Mike W. O’Barr.
Ensuite, l’éditeur Millennium publie plusieurs histoires courtes au début des années 1990. Puis c’est au tour de Dark Horse comics de publier deux miniséries au milieu de cette même décennie.
Il faut attendre ensuite 2010, avant que DC Comics ne récupère la franchise et la transpose dans sa ligne de comics FIRST WAVE, dans laquelle cohabitent les super-héros de l’époque des pulps. Soit Doc Savage, le Spirit et… Batman ! Après deux mini-séries écrites par Brian Azzarello et dessinées par Rags Morales (dans un style affreux), notre Doc bénéficie de trois tomes pour lui tout seul. À ce jour, les critiques sont plutôt mauvaises. Enfin, Dynamite a repris la licence et recommencé à publier des comics de Doc Savage fin 2013.
Quoiqu’il en soit, on attend toujours une vraie bonne adaptation de cet univers créé par Lester Dent il y a maintenant un siècle…

Dommage : Il était parfait cet acteur !
THAT’S ALL, FOLKS !!!