
GOOD NEWS FROM THE STARS
Chronique de la série : THORGAL
4 : L’ENFANT DES ÉTOILES
Date de publication : 1984
Auteurs : Jean Van-Hamme (scénario), Grzegorz Rosinski (dessin).
Genre : Heroic fantasy, médiéval fantastique, science-fiction, aventures.
Éditeur : Le Lombard.

Trois petites histoires publiées comme autant de bonus dans le journal Super Tintin
Cet article portera sur l’album N°7 de de la série THORGAL originelle.
C’est le quatrième article d’une suite explorant la série par cycles. Certains articles -et c’est le cas de celui-ci- éclairent cependant aussi les albums autonomes, puisque chaque tome est un élément constitutif de l’ensemble de la destinée du héros qui, tel Superman, est venu des étoiles…
Avant d’être édités en album, Les trois récits compilés dans L’ENFANT DES ÉTOILES ont été pré-publiés initialement dans Le Journal Super Tintin.
Le scénario est de Jean Van-Hamme, et les dessins sont l’œuvre de Grzegorz Rosinski.

Moïse Thorgal, sauvé des eaux !
L’ENFANT DES ÉTOILES est le septième tome de la série THORGAL Tout comme LES TROIS VIEILLARDS DU PAYS D’ARAN, il s’agit d’un album autonome, puisqu’il n’est pas intégré à un “cycle”, comme nombre des autres tomes. Mais il possède également bien d’autres spécificités qui le rendent unique dans l’ensemble de la série.
Tout d’abord, il ne s’agit pas d’un seul récit, mais d’une compilation de trois courtes histoires (publiées initialement entre septembre 1981 et septembre 1983 dans le magazine trimestriel Super Tintin). Ensuite, il y a le fait que ces trois histoires racontent autant d’étapes importantes de la jeunesse de Thorgal, depuis sa naissance jusqu’à son adolescence. Nous sommes ainsi dans un véritable album estampillé “Spécial origines”, comme on en trouve au pays des comics de super-héros !

La routine, pour les viking du Nord…
– Le premier segment, intitulé LE DRAKKAR PERDU, revient sur l’épisode (déjà révélé dans L’ÎLE DES MERS GELÉES) où Thorgal, qui vient de naître, est recueilli par le chef des vikings du nord en pleine tempête, alors qu’il errait tel Moïse dans une étrange petite capsule. Il s’agit d’un épisode assez court, mais qui développe cette découverte de manière plus précise.
Le récit en lui-même est bien troussé. Il permet au lecteur de faire la connaissance de Leif Haraldson, le fameux chef viking qui a élevé Thorgal et qui lui a donné son nom en hommage aux dieux du vent et du tonnerre, ainsi que de Gandalf le fou dans sa version jeune. Il s’agit néanmoins d’un simple bonus illustrant ce que le lecteur savait déjà, distillant ça et là quelques éléments permettant de mieux comprendre les événements décrits dans le CYCLE DE LA REINE DES MERS GELÉES…
– Le deuxième, intitulé LE MÉTAL QUI N’EXISTAIT PAS, également le plus long, revient sur une étape de l’enfance du héros, lorsqu’il découvre le royaume magique d’Asgard. Il se lie avec le peuple des nains et combat le serpent Nidhogg. Laissé pour mort, il est ressuscité par la déesse Frigg grâce aux larmes du nain Thjazi, avant de se réveiller au début de l’histoire, comme si tout cela n’avait été qu’un rêve. Il apprend alors la naissance d’Aaricia (sa future épouse), née avec une perle en forme de larme dans chaque poing, laissant ainsi notre héros perplexe quant à la réalité ou non de son rêve…

Un détail important, réduit à… deux vignettes…
D’un côté, on peut admirer le savoir-faire du scénariste Jean Van-Hamme qui, astucieusement, développe certains éléments de la mythologie inhérents à la série sous la forme d’un conte laissant le lecteur décider de son degré de réalité. Étant donné que Thorgal n’a que six ans au moment de cette aventure plus ou moins onirique, on peut ainsi penser que son jeune âge justifie cette dimension féerique comme en partie issue de son esprit juvénile.
Mais d’un autre côté, on peut aussi estimer que cette plongée décomplexée dans la fantasy enfantine (avec des chats ailés possédant neufs vies !) impose une rupture de ton malvenue au cœur de la série, d’ordinaire plutôt adulte et réaliste. D’autant que sa mythologie va sans cesse revenir sur ces éléments dans les tomes à venir. Ainsi, pour le lecteur mature et exigeant, cet intermède enfantin, même s’il ne manque pas de candeur et de poésie, décrédibilise quand même un peu trop l’esprit initial de la série.
N’aurait-il pas mieux valu insister sur la naissance surnaturelle d’Aaricia (élément important mais carrément bâclé) témoignant ainsi de son lien particulier avec Thorgal, plutôt que d’illustrer cette mythologie scandinave d’une manière aussi frivole ?
À l’origine, disposé en guise de bonus dans les pages du journal Super Tintin, ce joli conte affilié à l’univers de la série THORGAL devait posséder un parfum certain de féérie et servait probablement à introduire cet univers auprès des plus jeunes lecteurs. Mais placé à la suite du CYCLE DE BREK-ZARITH, il impose tout de même un étrange contraste dans la tonalité de la saga.

Rupture de ton ?
– Le dernier récit, intitulé LE TALISMAN, est très important pour la suite de la série et notamment pour le CYCLE DU PAYS QÂ (tomes 9 à 13). Fonctionnant comme un corollaire au premier segment, celui-ci voit notre héros à présent âgé de dix ans errer seul dans les forêts à la recherche d’un “dieu”. Ce faisant, il découvrira la clé de ses origines mais le “dieu” en question préférera lui effacer la mémoire afin de lui offrir une vie plus heureuse et moins tourmentée par ces révélations…
Là encore, l’habileté de Van-Hamme lui permet de développer les origines “secrètes” de son personnage tout en préservant le statuquo. Il nous emmène ainsi dans les étoiles, pour un épisode science-fictionnel un brin naïf (le combat des scooters spatiaux) mais tout de même très intense grâce à l’introduction de nouveaux personnages issus de la famille réelle de Thorgal. Le meilleur épisode de cette compilation, plus subtil que le précédent, pétri de révélations qui vont être extrêmement fructueuses pour la suite de la saga, et qui permettent de comprendre pourquoi Thorgal n’a pas développé les pouvoirs parapsychologiques que devrait lui valoir son ascendance.
On pourra noter au passage une volonté de faire ressembler les origines de Thorgal à celles de Superman (seul survivant d’une population extraterrestre élevé par les humains), les deux héros distillant une métaphore christique certaine, et offrant à Jean Van-Hamme l’opportunité d’effectuer sa relecture du thème de l’héroïsme à l’aune de l’abnégation et du sens du sacrifice…

Dieu ? Grand-père ? Tu me racontes mes origines à la Superman ?
Au final, mon avis risque de ne pas plaire à tout le monde tant ce septième tome est en général estimé par les fans (toujours avides de ces albums “Spécial origines” !). Prise entant que telle, il s’agit d’une excellente bande-dessinée, bien écrite et bien dessinée (il conviendra tout de même de remarquer que la rupture se fait également ressentir, d’un point de vue esthétique, avec les deux albums précédents, AU-DELÀ DES OMBRES et LA CHUTE DE BREK-ZARITH, comportant des planches moins anciennes, et d’un niveau carrément supérieur !). Mais, placée ainsi dans la saga après le CYCLE DE BREK-ZARITH, elle apparaît comme un acte de rétro-continuité à travers lequel le scénariste semble faire amende honorable afin de combler les manques qui se faisaient effectivement ressentir dans le CYCLE DE LA REINE DES MERS GELÉES. Mais après ces légères petites mises au point, on va dire que le meilleur reste à venir…

La mythologie est en marche…
See you soon !!!