
* LOVEcraft, ETC. *
– LOVECRAFT AU CINÉMA ET À LA TV : 4° PARTIE –
Chronique des adaptations des œuvres de H.P. Lovecraft, au cinéma et à la télévision – 4° partie : Les années 2000
Genre : Fantastique, horreur, science-fiction.
– 1° partie : Les années 1960 et 1970
– 2° partie : Les années 1980
– 3° partie : Les années 1990
– 4° partie – Vous êtes ici : Les années 2000
– 5° partie : Depuis 2015
Niveaux d’appréciation :– À goûter
– À déguster
– À savourer
AU PROGRAMME DE CE QUATRIÈME ARTICLE :
- DAGON
- LE CAUCHEMAR DE LA SORCIÈRE
- THE CALL OF CTHULHU
- LE TERRITOIRE DES OMBRES
- THE WHISPER IN DARKNESS
- NECRONOMICON, LE LIVRE DE SATAN
Nous poursuivons notre série de chroniques sur les adaptations de l’écrivain H.P. Lovecraft au cinéma et à la télévision.
L’ensemble est découpé en plusieurs parties, selon des périodes distinctes, de manière à ce que chaque film y possède son propre éclairage dans l’ordre chronologique. Soit une trentaine de films s’étalant sur une période allant du début des années 1960 jusqu’à aujourd’hui…
Le présent article se focalise ainsi sur les années 2000.

L’écrivain de Providence, ici sous la plume du grand Mike Mignola.
Rappel :
Notre sélection n’est pas exhaustive, d’autant qu’à partir des années 90, un nombre assez impressionnant de téléfilms et de courts métrages vont venir épaissir les légions d’adaptations, et la plupart (une bonne dizaine seront dédiés à la nouvelle L’AIR FROID) ne sont pas forcément intéressantes, quand elles ne tiennent pas tout simplement de l’exploitation un peu chiche.
Nous nous contenterons seulement des adaptations qui puisent directement leur script dans le matériel littéraire du mythe de Cthulhu. Nous vous proposons ainsi une anthologie sélective, passant en revue chaque film sélectionné dans un ordre chronologique…


C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme…
DAGON – 2001 – 
Le pitch : Deux couples passent leurs vacances sur un bateau le long des côtes de Galice. Lorsqu’une tempête explose, ils se retrouvent échoués près d’un petit village côtier lugubre, dominé par des chants mystiques…
DAGON est un film d’horreur réalisé par Stuart Gordon et produit par Brian Yuzna en 2001. Nous retrouvons ainsi le fameux duo de cinéastes qui s’illustre depuis les années 80 dans les adaptations de Lovecraft sur grand écran.
Ici, le duo a réalisé son nouveau film par l’intermédiaire du studio espagnol Filmax et toutes les scènes ont été filmées le long de la côte de Galice, en Espagne. Initié par Brian Yuzna et Julio Fernández, Filmax servira de tremplin à un cinéma d’horreur espagnol florissant, qui nous offrira, entre autres, les excellents films de Jaume Balagueró et de Paco Plaza (dont la série des REC).
Inspiré des nouvelles DAGON et LE CAUCHEMAR D’INNSMOUTH, DAGON le film s’éloigne, comme d’habitude avec le duo Gordon/Yuzna, du décorum originel (les années 20, l’enquête classique et le cadre gothique suranné) pour une plongée dans l’horreur malsaine et le gore putride. En transposant le récit à l’époque contemporaine, les cinéastes perdent en fidélité au matériau originel ce qu’ils gagnent en perception immédiate des événements, dérangeants et glauques. À noter, par ailleurs, qu’ils renoncent cette fois à cette forme d’humour noir dont ils avaient fait leur spécialité pour aborder l’horreur sans ambiguïté…

Le continent des hommes-poissons (et des femmes-poulpes)…
En réalité, le film est plutôt une adaptation du CAUCHEMAR D’INNSMOUTH que de DAGON. Une fois n’est pas coutume, les auteurs choisissent ici d’adapter une nouvelle plutôt longue (80 pages environ), tandis que leurs films précédents s’inspiraient de récits extrêmement courts, n’excédant pas les 35 pages (DE L’AU-DELÀ compte à peine douze pages). Le résultat est donc inversé : Tandis que RE-ANIMATOR et FROM BEYOND développaient et transcendaient au maximum de courtes histoires, DAGON ne garde qu’un embryon de structure le plus mince possible par rapport à la nouvelle originelle.
Les puristes, qui vénèrent l’œuvre de Lovecraft, n’ont semble-t-il pas apprécié toutes ces libertés prises avec la mythologie consacrée. C’est dommage car, malgré les quelques changements de forme (suppression de l’enquête et de la dimension mystérieuse au profit d’une horreur frontale et assumée), l’univers lovecraftien est adapté comme il l’a rarement été sur un écran de cinéma.
Plutôt que d’en reprendre la lettre, Gordon, Yuzna et leur scénariste Dennis Paoli en reprennent l’esprit et en proposent une relecture qui s’appuie sur les codes propres du medium cinématographique : musique ténébreuse à base de chœurs gutturaux, décor glauque, couleurs délavées et poisseuses, pluie constante qui rend l’image aqueuse tout en intensifiant la perception viscérale des événements ; c’est tout un univers imaginaire qui prend forme sur l’écran. De plus, l’essentiel de la nouvelle originelle est bien retranscrit et la scène du flashback (qui narre les origines de la dégénérescence d’Innsmouth), qui était envoûtante sous la plume de Lovecraft, est objectivement très réussie.

Une horreur quelque peu modernisée…
Pour le reste, le film accuse bien évidemment son statut de “Série B” et son budget modeste. Si les décors, maquillages et autres effets gores sont de très bonne tenue, le manque d’ampleur et d’écriture du film finissent par alourdir l’ensemble. Ainsi, regarder le personnage principal fuir ses bourreaux (les fameux mutants du port D’Innsmouth, traduit ici par l’espagnol Imboca !) pendant la moitié du film (qui dure 94 minutes) nous fait regretter le foisonnant sens du détail de la nouvelle dont il s’inspire.
Fidèles à eux-mêmes, Gordon & Yuzna nous réservent néanmoins un final outrancier qui embrasse complètement la mythologie lovecraftienne en faisant intervenir Dagon en personne pendant que ses fidèles scandent leur chant à la gloire de Cthulhu !
Bref, un film imparfait mais très intéressant, selon que l’on penche davantage pour le respect des nouvelles de Lovecraft ou pour la sincérité de cette adaptation un peu fauchée mais paradoxalement très ambitieuse…


Premier passage à la télévision…
LE CAUCHEMAR DE LA SORCIÈRE – 
DREAMS IN THE WITCH HOUSE – 2005
Réalisé par Stuart Gordon, LE CAUCHEMAR DE LA SORCIÈRE est le deuxième épisode de la première saison de la série anthologique MASTERS OF HORROR (deux saisons dédiées à une série de récits confiées aux meilleurs réalisateurs du genre horreur de l’époque, dont John Carpenter, Dario Argento, Joe Dante, John Landis et Tobe Hopper). À cette occasion, Gordon en profite pour renouer avec Lovecraft (après RÉ-ANIMATOR, AUX PORTES DE L’AU-DELA et DAGON), tout en bénéficiant du format moyen-métrage, idéal dans la perspective d’adapter certaines des nouvelles de l’écrivain, souvent très courtes.
Le moins que l’on puisse dire, et bien que l’on nous refasse encore le coup de délocaliser le récit à l’époque présente, c’est que cette seconde adaptation de LA MAISON DE LA SORCIÈRE est bien plus fidèle que la première (LA MAISON ENSORCELÉE) dont nous avons parlé dans le premier article ! Nous retrouvons ainsi, dans la peau du héros, un jeune étudiant en sciences de l’université Miskatonic de la ville d’Arkham, nommé Walter Gilman (interprété par Erza Godden, déjà rôle principal dans DAGON), lequel loue une chambre dans l’ancienne maison de la sorcière Keziah Mason. On retrouve aussi le Necronomicon, ainsi que l’épouvantable Brown Jenkin, le familier de la sorcière en forme de rat à visage humain ! Dans l’ensemble, le script épouse bien le déroulement de la nouvelle, malgré quelques changements notables, à commencer par le fait que le héros ne cherche pas ici à explorer les forces occultes comme dans le récit d’origine, et qu’il ne fait que les subir.
Manque également à l’appel toute la partie mythologique du mythe de Cthulhu puisque, dans la nouvelle, le personnage était attiré dans une dimension peuplée de créatures cauchemardesques à l’allure incompréhensible, vivant dans d’étranges cités cyclopéennes, où la sorcière et son rat dégueu erraient dans l’ombre de l’Homme en Noir, c’est-à-dire le grand Nyarlathotep en personne ! Tous ces éléments sont ici absents, le script se concentrant uniquement sur ce qu’il se passe dans la maison, dont la chambre de Walter sert de passage entre les dimensions.

Partez à la découverte du monde de la sorcière (ou pas)…
Au rayon des ajouts, Stuart Gordon, fidèle à lui-même, nous offre une scène horrifico-érotique dont il a les secret, magnifiée par la plastique somptueuse de l’actrice Chelah Horsdal et bombardée d’un revirement gore venant clore les ébats…
Le final en deux temps nous gratifie également d’une plongée dans le grotesque sanguinolent cher au réalisateur, dont on reconnait au final parfaitement la signature…
À noter un détail inattendu et sympathique : Lorsque la sorcière demande, en rêve, au héros de signer son pacte (et qu’elle lui crie « SIIIIIIIIGN !!!! », Gordon cite et rend hommage à une scène de LA MAISON ENSORCELÉE de 1968 !
Pour l’essentiel, cet épisode en forme de moyen-métrage est un essai modeste en lui-même, qui pourra laisser de marbre le spectateur lambda ignorant de l’univers lovecraftien, mais qui, comme d’habitude, prend toute sa dimension sur le terrain de l’adaptation. Et pour une production télévisuelle de l’époque et ses limites intrinsèques, c’est objectivement d’un niveau tout à fait recommandable. En bref : Une assez bonne adaptation si l’on prend en compte son contexte.


L’adaptation la plus fidèle !
THE CALL OF CTHULHU – 2005 –
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THE CALL OF CTHULHU est un moyen métrage de 46 mn réalisé par Andrew Leman.
Connaissiez-vous la HPLHS ? C’est le studio indépendant qui a produit notre film et son nom complet est HP Lovecraft Historical Society ! S’ils sont au départ spécialisés dans les feuilletons radiophoniques à l’ancienne, ils réalisent parfois un film et ce CALL OF CTHULHU est leur premier essai.
Le pitch : Dans les années 20, le jeune Matt Foyer est interné dans un hôpital psychiatrique. Il supplie son médecin de brûler sans détours le manuscrit et tous les documents qu’il transporte avec lui, et qui appartenaient à son oncle, un vieil anthropologue.
Voyant que le docteur ne le prend pas au sérieux, Matt lui raconte alors le récit qui a permis de constituer ce dossier maudit, qui entretiendrait une relation avec un certain culte maléfique et qui aurait causé la mort de tous ceux qui s’y sont intéressés…
Les amateurs de l’œuvre de Lovecraft auront reconnu le résumé de l’œuvre fondatrice éponyme du MYTHE DE CTHULHU, c’est-à-dire la nouvelle L’APPEL DE CTHULHU. Effectivement, le moyen-métrage d’Andrew Leman est une adaptation très fidèle du récit emblématique de l’écrivain de Providence.
Avec une montée en puissance sans faille, nous suivons donc le récit de Matt Foyer à coup de flashbacks sur les origines de la découverte de ce culte maléfique, en se laissant inexorablement transporter vers le bayou de Louisiane et la Morte citée de R’lyeh.
Outre sa fidélité envers l’univers lovecraftien en général et la nouvelle consacrée en particulier, THE CALL OF CTHULHU étonne par l’originalité de son traitement. Car le film est tout simplement tourné en noir et blanc et… en muet !
Ce parti-pris artistique est déjà, d’un point de vue formel, un excellent choix puisqu’il va permettre de développer une imagerie surannée (on pourrait même parler d’une imagerie de “carton-pâte”) propre à traiter le sujet avec une naïveté assumée. Le résultat ne manque pas de charme et évite le ridicule, voire le ratage absolu en choisissant la pratique des effets spéciaux antiques et en illustrant le bestiaire et le décorum lovecraftien d’une manière frontale. Cette mise en scène théâtrale et ces trucages élémentaires à la Méliès offrent ainsi un spectacle poétique dont la naïveté de traitement fait corps avec la sincérité candide de l’adaptation, telles les rimes au service de la prose. Et, cerise sur le gâteau, décors, maquettes et accessoires sont aussi beaux que les moyens sont modestes !

Filmé comme dans les années 20 !
Mais le plus important dans la perspective d’apprécier la réalisation du film se situe encore ailleurs. Car en choisissant le parti-pris de filmer le récit comme dans les années 20, Andrew Leman mêle le fond à la forme et restitue pleinement le cadre de la nouvelle de Lovecraft, écrite en 1926.
Effectivement, cette esthétique expressionniste héritée des cinéastes allemands de l’époque (tels Murnau et Fritz Lang) est en harmonie avec le sujet, et le jeu théâtral des acteurs du muet (ici parfaitement singé) se marie impeccablement avec le décorum de l’époque. Sur le volet esthétique, le film de Leman bénéficie vraiment d’un superbe travail de la part du chef opérateur via des éclairages contrastés, et l’on songe autant à l’épouvante séminale d’un NOSFERATU qu’aux décors fantasmagoriques d’un METROPOLIS (toutes proportions gardées). Et l’animation du grand Cthulhu renvoie même à celle des dinosaures du MONDE PERDU façon Willis O’Brien !
À l’arrivée, THE CALL OF CTHULHU semble surgir du temps comme s’il avait été adapté au cinéma simultanément à l’époque de sa publication dans l’état d’esprit initial !

Avec Cthulhu en personne !
Évidemment, le manque de moyens et le côté artisanal de l’entreprise prive le film de sa perfection et la patine un peu lisse de nos caméras actuelles trahit sa véritable nature. Pour bien faire, il aurait fallu apporter en postproduction un gros travail de maquillage afin que les images paraissent vraiment surgir des années 20, ce qui n’est finalement pas le cas, malgré toute la bonne volonté déployée pour y parvenir. Certes, cet aspect artisanal ajoute au charme de l’entreprise, mais empêche de lier pleinement le fond et la forme.
Andrew Leman est tout de même un excellent réalisateur et il réussit, grâce à un nombre de plans assez impressionnant, à conférer à son film un rythme et une diversité de séquences sans faille.
Au final, THE CALL OF CTHULHU s’impose tout simplement, et ce malgré sa coute durée et son aspect artisanal, comme l’une des meilleures et plus intègres adaptations cinématographiques jamais tournées sur l’univers de Lovecraft.
Chapeau bas.


Le retour d’Edgar Poe !
LE TERRITOIRE DES OMBRES : LE SECRET DES VALDEMAR + LE MONDE INTERDIT –
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LA HERENCIA VALDEMAR + LA HERENCIA VALDEMAR 2 : LA SOMBRA PROHIBIDA- 2010/2011
Le pitch : De nos jours, une agence immobilière s’intéresse à un vieux manoir inhabité ayant appartenu jadis à la famille Valdemar. Mais les deux agents qu’ils ont envoyé successivement ne sont pas revenus et demeurent portés disparus. Ils engagent alors un détective privé en lui adjoignant les services d’une spécialiste de l’histoire des Valdelmar. À bord du train qui les mène à Dunwitch, la jeune femme raconte les origines de cette mystérieuse famille, dont il est dit qu’ils seraient allés trop loin dans leur appétence pour la démonologie…
LE TERRITOIRE DES OMBRES est un film espagnol en deux parties écrit et réalisé par José Luis Alemán entre 2010 et 2011. LE SECRET DES VALDEMAR compose donc la première partie d’un film fleuve de près de 3h15, à suivre dans LE MONDE INTERDIT.
Soyons honnête : ce dyptique ressemble davantage à un long téléfilm fantastique en deux parties (du style ÇA ou SALEM’S LOT qu’à une réelle production cinématographique. Le script est très ambitieux, mais la mise en forme de l’ensemble souffre d’une disparité des effets qui rendent le résultat très irrégulier.
Les deux parties sont d’ailleurs très inégales et, si LE SECRET DES VALDEMAR est assez réussi et envoûtant, LE MONDE INTERDIT est carrément laborieux en termes de mise en scène. Le film dans son entier est construit sur un mode narratif simultané, utilisant le flashback pour développer la toile de fond du récit. Alors que le premier segment s’apparente à un très long retour sur les origines de la famille Valdemar au XIX° siècle (l’occasion d’une très belle série de scènes romanesques, voire gothiques), la suite s’enlise dans une tentative de transposer l’univers de Lovecraft dans une forme de film d’horreur moderne, qui ne fonctionne pas du tout puisque l’ensemble n’est jamais effrayant, ni même glauque ou malsain.
Ce n’est donc pas tant sur le fond que le bas blesse, mais bien sur la forme, puisque la mise en scène souffre d’approximations aussi bien du point de vue de la tension narrative que des effets spéciaux, bien trop visibles pour créer l’effroi. Le jeu des acteurs, excellent sur le premier volet (au temps passé), tombe complètement à plat sur le second, dans la mesure où les personnages principaux (ceux du temps présent) sont idiots et insupportables ! À noter que le film offre l’occasion à l’acteur Paul Naschy, illustre vétéran espagnol dans le domaine du cinéma fantastique et notamment dans celui des loups-garous (son personnage fétiche et récurent s’appelait d’ailleurs Waldemar Daninsky !), d’interpréter son dernier rôle sur un écran…
Dans le fond, d’ailleurs, le film est plutôt intéressant et fourmille de belles idées (sans doute trop) lorsqu’il s’agit d’interpréter l’univers de Lovecraft, tout en lui adjoignant d’autres figures de la littérature fantastique ou démonologique. Des personnages ayant réellement existé prennent ainsi part à l’intrigue, à commencer par H.P. Lovecraft lui-même. Aleister Crowley s’invite également dans le script, lequel convoque même Bram Stocker en personne lors d’une séance de spiritisme non dénuée d’humour référentiel (on y trouve aussi la meurtrière Lizzie Borden, ainsi que Belle Gunness, la première tueuse en série de l’histoire des États-Unis) ! Dans la réalité, la réunion de ces personnages est parfaitement anachronique, mais qu’importe, c’est l’idée de les réunir qui compte !

Des séances de démonologie où Aleister Crowley rencontre Bram Stocker !
Comme d’habitude, les puristes de l’œuvre de Lovecraft DÉ-TES-TENT ce film qu’ils jugent infidèle au Mythe de Cthulhu. Et une fois encore, je m’élève contre ce manque d’ouverture d’esprit qui consiste à ne pas accepter (comprendre ?) le principe d’une adaptation qui ose le choix d’un script original et référentiel, qui prend le parti de s’inspirer de l’œuvre lovecraftienne dans son ensemble plutôt que d’en adapter un extrait en particulier.
C’est pourtant sur ce terrain que le script imaginé par José Luis Alemán est le plus intéressant, puisqu’il a décidé, comme le fit Roger Corman en son temps, de garder l’esprit davantage que la lettre. Nous retrouvons donc plusieurs éléments qui font le sel de l’univers de Lovecraft, à commencer par le cadre de l’enquête classique qui conduit au mystère par l’intermédiaire d’un lieu étrange, ainsi que le choix d’une atmosphère gothique surannée, propre à cette fin du XIX° siècle (même si Lovecraft plaçait ses personnages au début de XX° siècle, parmi ses contemporains).
Parallèlement, le scénario ne fait pas l’impasse sur les principaux éléments de la mythologie lovecraftienne. Et ni le Necronomicon, ni même Cthulhu ne sont oubliés !
Puisque l’on parle de Corman, Il semble que le réalisateur espagnol se soit souvenu que le plus grand spécialiste d’Edgar Poe au cinéma avait, dans les années 60, marié les influences de Poe et de Lovecraft dans LA MALÉDICTION D’ARKHAM (chroniquée en 1° partie), première adaptation lovecraftienne de l’histoire du cinéma. Et c’est ainsi que nous retrouvons dans LE TERRITOIRE DES OMBRES, tout comme l’avait inscrite Christophe Gans dans le premier sketch du film NECRONOMICON, l’influence du poète américain à travers le destin de la famille Valdemar, prisonnière de sa mystérieuse demeure…

Si ça c’est pas du Lovecraft !
LE TERRITOIRE DES OMBRES constitue ainsi une tentative très intéressante de transposer l’univers de l’écrivain H.P. Lovecraft sur grand écran. Il s’agit d’un film réalisé avec peu de moyens, qui souffre d’une mise en scène approximative et d’un script particulièrement laborieux dans la seconde partie. Mais les intentions sont louables et les choix en matière d’adaptation sont remarquables.
Conclusion : un pour la forme. Un
pour le fond…


Misery at the Mountains of Madness…
THE WHISPER IN DARKNESS – 2011 – 
THE WHISPER IN DARKNESS est un film de science-fiction réalisé en 2011 par Sean Branney. Il s’agit de l’adaptation de la nouvelle éponyme (en VF : CELUI QUI CHUCHOTAIT DANS LES TÉNÈBRES).
Voici le second essai de la HPLHS, après THE CALL OF CTHULHU, dans la perspective de réaliser des films adaptant fidèlement les nouvelles de Lovecraft.
Le pitch : Dans les années 50, Albert Wilmarth, un professeur de folklore, se rend dans le Vermont où un vieux fermier nommé Henry Akeley aurait vu d’étranges créatures d’un autre monde. D’abord septique, le professeur Wilmarth va peu à peu pénétrer un univers des plus étranges et renoncer à ses préceptes les plus pragmatiques…
THE CALL OF CTHULHU possédait un concept fort puisqu’il était réalisé comme s’il avait été tourné à l’époque où Lovecraft écrivait sa nouvelle, c’est-à-dire dans les années 20. Il prenait ainsi la forme d’un moyen-métrage muet en noir et blanc, semblant avoir été comme exhumé depuis la même période.
Pour THE WHISPER IN DARKNESS, le concept change : Nous passons désormais dans les années 1950.
Ce changement d’orientation trouve sa justification dans le sujet du film, qui évoque tout le cinéma de science-fiction américain des 50’s, où planait dans le ciel une menace extraterrestre servant d’exutoire à une nation terrorisée par un péril atomique pouvant surgir à tout moment depuis les terres lointaines de l’ennemi communiste (c’était tout simplement l’époque de la Guerre froide). La métaphore de l’invasion extraterrestre venue du ciel en lieu et place d’une attaque nucléaire soviétique était alors limpide.
Sean Branney réalise ainsi son film en reprenant scrupuleusement les codes d’antan : THE WHISPER IN DARKNESS possède une patine surprenante tant il réussit à imiter le cinéma consacré : Générique, musique, rythme, éclairages, dialogues, jeu d’acteurs ; tout est dans le ton. Nous voyageons dans le temps en première classe !

Une lente descente vers la folie pour le pauvre scientifique pragmatique…
La belle tenue du film est étonnante. Pour un studio indépendant et probablement peu fortuné, la HPLHS, via son metteur en scène, sait vraiment bien filmer. Le travail sur la lumière est superbe et la reconstitution est bluffante. Avec un sens du détail de tous les instants et un soin maniaque dans la conception des accessoires science-fictionnels (notamment les appareils technologiques conçus par les aliens), chaque plan est un travail d’orfèvre.
La première partie du film creuse de loin dans le secret de cette région isolée du Vermont, tandis que la seconde, la plus réussie, nous plonge directement dans ce mystère en compagnie du personnage principal. Jouant sans cesse sur le non-dit et le hors-champ, le film cultive un délicieux suspense et un art de l’abstraction qui n’est pas sans rappeler la nouvelle originelle et le style narratif du maitre de l’horreur indicible…

Nierk nierk nierk nierk nierk nierk !!!
Sur le terrain de l’adaptation, THE WHISPER IN DARKNESS est d’une fidélité exemplaire à la nouvelle originelle sur les deux premières parties du métrage. Mais le dénouement se démarque soudain de ce matériel pour épouser davantage l’esprit des films d’invasion extraterrestre des années 50, comme LE MÉTÉORE DE LA NUIT, LA GUERRE DES MONDES ou LES SOUCOUPES VOLANTES ATTAQUENT. Certes, ce parti-pris est cohérent dans l’idée de mélanger la nouvelle de Lovecraft avec le cinéma SF des 50’s. Toutefois, le résultat est fluctuant et, en plus de s’écarter du récit initial, offre une conclusion Grand-Guignol pas franchement heureuse (y aurait-il également une allusion au cultissime PLAN 9 FROM OUTER SPACE de Mr Ed Wood ?). Qui plus-est, le choix de nous montrer soudain les aliens en CGI (animation virtuelle contemporaine), vient complètement contredire le propos. On aurait sans doute préféré des effets spéciaux à l’ancienne (comme c’était le cas dans THE CALL OF CTHULHU), voire quelques plans obscurs en semi hors-champ comme dans les scènes précédentes.

Des aliens pas catholiques…
Malgré une dernière partie globalement ratée, cette adaptation relativement fidèle de la nouvelle de Lovecraft devrait beaucoup plaire aux amateurs de l’écrivain comme aux amoureux des vieux films de science-fiction. Et l’on espère voir, depuis, un nouveau projet cinématographique sortir de l’antre de la HPLHS…


Le syndrome du poisson rouge…
NECRONOMICON, LE LIVRE DE SATAN – 
WITCHES – DUNWICH HORROR – 2012
Le pitch : Le Necronomicon, un livre ancien et maudit, peut ramener sur terre une race de créatures démoniaques qui vivent sur un plan de réalité parallèle depuis la nuit des temps. Mais il lui manque la page 751, qui seule offrirait aux adorateurs de Cthulhu la possibilité d’ouvrir le portail permettant le passage vers notre monde.
Une jeune femme est ainsi portée volontaire pour enfanter deux jumeaux afin de favoriser la quête maudite. Le premier est à peu près normal et recherche la page tant convoitée. Le second est une créature monstrueuse qui se terre dans la maison de l’horreur…
Les adaptations cinématographiques recommandables de l’œuvre de Lovecraft ne sont pas légions, et ce n’est pas celle-là, écrite, réalisée et produite par un certain Leigh Scott en 2012, qui va redorer le blason du genre. Il s’agit d’ailleurs du remake d’HORREUR À VOLONTÉ, l’une des premières adaptations un peu cheap de l’univers lovecraftien de l’histoire du cinéma, que nous avons commentée dans la première partie de l’article.
Antythèse des films de la HPLHS, voici de la vraie, de la pure, de l’authentique Série Z ! Mal fichue, mal filmée, mal écrite et mal montée, mal finalisée avec des effets spéciaux pourtant actuels mais ringards, cette adaptation fauchée et édifiante se paie pourtant le luxe de réunir deux acteurs cultes : Dean Stockwell, le célèbre « Al » du feuilleton CODE QUANTUM, ainsi que Jeffrey Combs, notre spécialiste des rôles Lovecraftiens depuis les films de Gordon & Yuzna !
La participation des deux acteurs assure à elle-seule la présence de ce navet dans notre article, dans la mesure où ils parviennent malgré tout à être excellents ! Et pourtant, ce n’était pas gagné ! D’ailleurs, à bien regarder leurs filmographies respectives, NECRONOMICON, LE LIVRE DE SATAN a été soigneusement omis de la liste…

Dean Stockwell et Jeffrey Combs : Avant et après…
Pour le reste, il m’est très difficile d’en rajouter dans la mesure où j’ai déjà oublié ce qu’il se passait réellement dans ce film. À moins qu’il ne s’y passa rien, en fait !
La jaquette du DVD est pourtant bien flippante et j’avais imaginé, l’espace d’un instant, un film d’horreur viscéral qui aurait au moins eu le mérite d’être effrayant, ou au pire malsain. Mais décidément… Non.
Arf ! Voici le premier film qui me donne l’impression de posséder la mémoire d’un poisson rouge ou de souffrir de la maladie d’alzheimer. Mais que diantre s’y passait-il ?!!!
Dean Stockwell avait joué en 1970 le rôle principal d’HORREUR À VOLONTÉ. Le rôle n’étant ici pas le même, on imagine que les producteurs ont cherché à attirer les fans en engageant des acteurs spécialisés dans les adaptations lovecraftiennes…
Nous faisons à présent une pause et je vous propose de nous retrouver très bientôt pour les adaptations réalisées depuis 2015, avec d’autres petites “Yog-Sottotheries”…
See you soon !!!
C’est vraiment cool les 2 adaptations de la HPLHS, surtout CALL OF CTHULHU qui masque bien son manque de moyens en adoptant le style du muet. Je suis un peu moins fan du second, la première partie est top mais on voit trop les créatures et leur intégration trahit l’âge réel du film (et son manque de moyens) comme tu le soulignes.
ça reste super cool quand même pour un studio amateur. Je me souviens avoir commandé les DVD sur leur site depuis les USA. On peut se brosser pour un blu-ray pour un truc probablement auto-édité mais bon…