– LES ADAPTATIONS DE LOVECRAFT : 1° PARTIE –
Chronique des adaptations des œuvres de H.P. Lovecraft, au cinéma et à la télévision – 1° partie : Les années 1960 et 1970
Genre : Fantastique, horreur, science-fiction.
– 1° partie – Vous êtes ici : Les années 1960 et 1970
– 2° partie : Les années 1980 et 1990
– 3° partie : Les années 2000
– 4° partie : Depuis 2015
L’univers d’H.P. Lovecraft : Demandez le programme…
Nous inaugurons ici une série de chroniques sur les adaptations de l’écrivain H.P. Lovecraft au cinéma et à la télévision.
L’ensemble sera découpé en plusieurs parties, selon des périodes distinctes, de manière à ce que chaque film y possède son propre éclairage dans l’ordre chronologique. Soit une trentaine de films s’étalant sur une période allant du début des années 1960 jusqu’à aujourd’hui…
L’écrivain de Providence, ici sous la plume du grand Mike Mignola.
Par où commencer ? Ah ! oui :
Nous n’allons pas parler de tous les films inspirés de Mr Howard Phillips. Ce ne serait franchement pas une sinécure. Ainsi ferons-nous l’impasse sur une palanquée de films, bons ou mauvais (pardon aux fans de Sam Raimi, on y reviendra dans un autre article), car nous allons nous concentrer sur les adaptations les plus franches, à défaut d’être les meilleures. Nous ferons ainsi l’impasse sur tous les films qui ne gardent que « l’esprit de Lovecraft » (et ils sont légions), de même que ceux qui n’en restituent que les éléments linguistiques, comme la saga des EVIL DEAD et des films d’horreur putrides de Lucio Fulci, qui ne reprennent que les noms de la mythologie lovecraftienne tels le Necronomicon, Arkham ou Dunwitch. Nous ne parlerons pas non plus de la saga ALIEN et de THE THING de John Carpenter, œuvres évidemment inspirées du maitre de l’horreur indicible, pas plus que de LA CABANE DANS LES BOIS et ses Grands Anciens. De même que nous éviterons les films reprenant le bestiaire pisciforme hérité du CAUCHEMAR D’INNSMOUTH tels LE CONTINENT DES HOMMES-POISSONS (1978) et autres MONSTRES DE LA MER (1979), voire même le séminal L’ÉTRANGE CRÉATURE DU LAC NOIR (1954).
Non.
Nous nous contenterons seulement des adaptations qui puisent leur script dans le matériel littéraire du mythe de Cthulhu…
THE classique…
LA MALÉDICTION D’ARKHAM (THE HAUNTED PALACE) – 1963
Voici la toute première incursion officielle dans l’univers de Lovecraft de l’histoire du cinéma.
Le pitch : Au XVIII° siècle, dans la bourgade d’Arkham, le sorcier Joseph Curwen a établi une relation avec les démons d’une réalité parallèle. Il accouple ces monstrueuses créatures avec les femmes du coin, qui mettent au monde des êtres difformes !
Brûlé vif par les habitants du village, il jure de se venger et porte sa malédiction sur tous leurs descendants.
Un siècle plus tard, Charles Dexter Ward, son héritier, arrive à Arkham…
Avec LA MALÉDICTION D’ARKHAM, le réalisateur Roger Corman décide de s’éloigner de l’univers d’Edgar Poe, à qui il dédiait jusque-là tout un cycle de films, pour approcher celui de Lovecraft. Samuel Z. Arkoff & James H. Nicholson, les producteurs, lui imposeront tout de même de mêler cette nouvelle influence à celle de Poe. Mais le film deviendra, envers et contre tout, la première adaptation cinématographique de l’univers de l’écrivain de Providence.
Ainsi naquit le mariage entre les poèmes de Poe et les nouvelles de Lovecraft, qui allait, l’air de rien, devenir une constante en ce qui concerne la transposition sur grand écran du maitre de l’horreur indicible, comme nous le verrons plus bas…
Et le cinéma s’intéressa à Lovecraft…
Si LA MALÉDICTION D’ARKHAM porte en version originale le titre THE HAUNTED PALACE, un poème d’Edgar Poe, il s’agit bel et bien d’une adaptation libre de l’univers de Lovecraft, avec de-ci de-là des éléments empruntés à certaines nouvelles, en particulier L’AFFAIRE CHARLES DEXTER WARD et LE CAUCHEMAR D’INNSMOUTH. Le poème de Poe est cité par écrit à deux reprises (comme souvent dans la série des films de Corman). Mais pour le reste, le film est une adaptation Lovecraftienne.
Le scénario intègre même plusieurs éléments liés à la mythologie de l’écrivain horrifique, tel le Necronomicon, les Profonds de DAGON et les Grands Anciens Cthulhu et Yog-Sothoth…
Comme à son habitude, Corman décide de préserver davantage l’esprit à la lettre et opère une synthèse conceptuelle du matériel littéraire. Et il faut croire que ce concept deviendra une constante pour toutes les adaptations futures dédiées aux écrits de Lovecraft…
À travers la caméra du réalisateur, les éléments gothiques et horrifiques deviennent d’envoûtantes enluminures faites de brumes colorées et de manoirs menaçants se découpant sous la pleine lune. La photographie, somptueuse, fait naitre l’épouvante dans un écrin cobalt, qui suggère l’horreur des événements plus qu’il ne la montre.
Quelque chose du Cauchemar d’Innsmouth…
Il y aurait beaucoup à dire de cette œuvre séminale, quand bien même elle n’est pas exempte de défauts. Car il apparait aujourd’hui bien naïf de voir tous les ancêtres du village d’Arkham, remplacés, un siècle plus tard, par leurs descendants incarnés par les mêmes acteurs !
Néanmoins, l’importance du film dans l’histoire du cinéma est telle qu’il ne faut pas l’ignorer. Outre le fait qu’il s’agisse de la première adaptation des écrits de Lovecraft et un cas d’école dans le mariage entre son influence et celle d’Edgar Poe (qui fut tout de même l’inspiration principale du jeune Lovecraft à ses débuts), il est également important de noter que LA MALÉDICTION D’ARKHAM est un film précurseur sur le thème de la « possession » (thème repris deux ans plus tard dans LA TOMBE DE LIGEIA, du même Corman, dans la même séries des adaptations de Poe, avec le même Vincent Price)…
Désormais naïve et surannée, parfois surjouée mais toujours splendide d’un point de vue plastique, cette œuvre classique du cinéma fantastique ne fera aujourd’hui plus peur à personne. Mais elle n’en demeure pas moins une première pierre à l’édifice du thème qui nous intéresse ici.
À noter la présence, auprès de Vincent Price (acteur fétiche de Roger Corman, donc), de Lon Chaney Jr, autre grand acteur spécialisé dans les films d’horreur (la plupart des monstres de la Universal, certes, mais aussi le rôle de Lennie dans DES SOURIS ET DES HOMMES !), dont ce fut l’un des derniers rôles…
And Boris Karloff Meets Lovecraft…
DIE MONSTER, DIE ! – 1965
Le pitch : Stephen Reinhart, un étudiant américain, se rend dans la ville d’Arkham, en Angleterre, afin d’y retrouver sa fiancée. La jeune femme vit dans le vieux manoir familial, éloigné de tout et craint par les habitants du village. Aussitôt arrivé, Stephen se heurte à l’hostilité du patriarche, Nahum Witley, avant de découvrir son abominable secret…
DIE MONSTER, DIE (rebaptisé un temps LE MESSAGER DU DIABLE en VF !) est un film réalisé par Daniel Haller et il s’inscrit dans la même collection des adaptations d’Edgar Alan Poe produite par le studio American International Pictures. Il fait partie des quelques exceptions (avec le sympathique film à sketches TWICE TOLD TALES et le guignolesque LE CROQUE-MORT S’EMMÊLE !) qui furent réalisés par d’autres réalisateurs que l’habituel Roger Corman. Daniel Haller était d’ailleurs le directeur artistique de Corman sur les autres films de la série, avant de venir ici faire ses premières armes en tant que réalisateur…
Bonjour, je vous présente Mister Poulpe…
Cette énième production liée officiellement à Poe n’est certes pas la meilleure. Haller n’a pas le talent de Corman et sa mise en scène se révèle peu inspirée, souffrant d’un cruel manque de rythme et de poésie.
Quelques séquences sont néanmoins réussies, comme nous le verrons plus bas. Car il est temps de préciser (mais vous l’avez sans doute deviné petits padawans) que DIE MONSTER, DIE ! est, à l’instar du film précédent, moins une adaptation d’Edgar Poe qu’une relecture de l’œuvre de Lovecraft !
Le scénario puise ainsi plusieurs éléments de son script dans LA COULEUR TOMBÉE DU CIEL avec, en guise d’assaisonnement, quelques détails issus de L’HORREUR À DUNWITCH ; tandis qu’il ne garde de l’univers de Poe que les réminiscences des films de Roger Corman. Certains détails ont été modifiés par rapport à l’œuvre de l’écrivain de Providence (Arkham se trouve désormais en Angleterre, tandis que le minerai extraterrestre est devenu un extrait d’uranium), mais le script est tout de même le premier, dans l’histoire du cinéma, qui tente d’approcher une nouvelle de Lovecraft de manière aussi directe.
Boris Karloff trouve qu’il y a une drôle de couleur qui est tombée du ciel…
Sur ce dernier point, DIE MONSTER, DIE ! se révèle très intéressant car, s’il souffre d’une mise en scène pataude et d’un scénario fluctuant, il parvient à installer un climat glauque et putride assez réussi et l’on ressort du film avec un arrière-goût de relents malsains, et ce malgré son aspect suranné et ses effets spéciaux à l’ancienne !
Fidèle à l’écrivain de Providence, Haller montre moins l’horreur qu’il ne la suggère, mais réussit néanmoins une poignée de scènes horrifiques qui ne font pas dans la dentelle !
Il bénéficie enfin de la présence de l’acteur Boris Karloff qui, même très âgé (il décèdera en 1969), continue encore de jouer les monstres !
Orange mécanique à Dunwitch…
LA MALÉDICTION DES WHATELEY (THE SHUTTERED ROOM) – 1967
Le pitch : Susannah Whateley est l’héritière du vieux moulin de Dunwitch, une île isolée proche du Massachusetts. C’est là qu’elle vivait avec ses parents lorsqu’elle était enfant. Elle y revient ainsi de nombreuses années plus tard, avec son mari, Mike.
Arrivés sur les lieux, Susannah et Mike doivent faire face à l’attitude hostile des habitants de l’île, qui semblent vivre en marge du progrès. Ces derniers leur déconseillent d’approcher du moulin, réputé hanté par une créature démoniaque. Ethan Whateley, un cousin éloigné de Susannah, entreprend par ailleurs de faire des avances libidineuses à la jeune femme. Qu’à cela ne tienne, Susannah est bien décidée à profiter de son héritage…
Ce film, réalisé en 1967 par David Greene, est une exception puisqu’il ne s’agit pas à proprement parler d’une adaptation de Lovecraft mais de l’écrivain August Derleth. Celui-ci était néanmoins, comme le furent Lyon Sprague de Camp et Lyn Carter pour Robert E. Howard, un collaborateur posthume de l’écrivain de Providence, dans le sens où il poursuivra le MYTHE DE CTHULHU d’après ses notes. Et puis tout comme LA MALÉDICTION D’ARKHAM et DIE MONSTER DIE !, LA MALÉDICTION DES WHATELEY s’inspire directement des deux mêmes nouvelles emblématiques de Lovecraft en les entremêlant : L’ABOMINATION DE DUNWICH et LE CAUCHEMAR D’INNSMOUTH.
Oliver Reed a une idée qui le démange…
Le film est d’autant plus une exception qu’il semble lorgner davantage sur le cinéma underground des années post mai-68 que sur les films du studio American International Pictures de Roger Corman.
Il dégage ainsi une atmosphère beaucoup plus naturaliste et distille une angoisse plus diffuse et malsaine que les autres adaptations lovecraftiennes de l’époque.
En chef de gang, le cousin Ethan, interprété par un Oliver Reed déchainé (et vraiment très impressionnant), n’est d’ailleurs pas sans rappeler le personnage principal d’ORANGE MÉCANIQUE. La comparaison avec Stanley Kubrick s’arrête là car LA MALÉDICTION DES WHATELEY reste un petit film fantastique de l’ordre de la série B. Mais il mérite le détour pour son approche naturaliste et son ambiance psychédélique, que vient appuyer une bande son dominée par des improvisations jazzy.
Le décorum cher à Lovecraft est tout de même très atténué, les habitants de Dunwitch ressemblent davantage aux rednecks de DÉLIVRANCE qu’aux Profonds d’Innsmouth et le réalisme prend le dessus lors d’un twist final venant balayer la malédiction et son monstre caché dans le vieux moulin…
Il n’en reste pas moins une déclinaison intéressante de l’univers lovecraftien et un film unique en son genre dans la série que nous vous proposons ici.
Quel casting !!!
LA MAISON ENSORCELÉE (CURSE OF THE CRIMSON ALTAR) – 1968
Le réalisateur Vernon Sewell, tout juste auréolé d’un petit film d’horreur avec Peter Cushing (LE VAMPIRE A SOIF ! l’histoire d’une jeune femme qui se transforme en insecte géant !), s’offrait ici les services de quatre légendes du cinéma fantastique en alignant sur son générique Christopher Lee, Boris Karloff, Barbara Steele et Michael Gough !
LA MAISON ENSORCELÉE est la première adaptation de la nouvelle LA MAISON DE LA SORCIÈRE (DREAMS IN THE WITCH HOUSE) qui, comme on le verra plus avant dans notre série d’articles dédiés au sujet, fait partie de ces histoires prisées par les adaptateurs lovecraftiens en herbe, avec LA COULEUR TOMBÉE DU CIEL (THE COLOUR OUT OF SPACE). Soyons clair : LA MAISON ENSORCELÉE adapte la nouvelle de Lovecraft à l’arrache et n’en garde qu’un vague fil rouge en suivant le parcours d’un bonhomme (l’antiquaire joué par un certain Mark Eden) qui échoue dans une maison jadis habitée par une sorcière bien connue de son patelin (Lavinia, qu’elle s’appelle), laquelle vit encore dans une dimension parallèle, parvenant à exercer sa volonté en s’immisçant dans les rêves de ses pauvres victimes venues dormir dans la maison en question (d’où le titre).
Quelle originalité dans les cadrages !
Les acteurs sont excellents, mais le scénario ne l’est vraiment pas. Du coup, on s’ennuie ferme devant ces personnages qui discutent durant tout le métrage, lequel ne décolle que le temps de quelques scènes oniriques (celles où la sorcière apparait toute en peau bleu (!), vêtue de cornes de bouc dans son caveau (!!!), le tout filmé dans un décorum gothique aussi kitsch qu’une soirée d’Halloween, rehaussé de couleurs flashy et autres effets psychédéliques bien dans leur époque). Ainsi, à la fin du film, le spectateur se demande encore ce que foutaient là Christopher Lee et Boris Karloff, sans être sûr d’avoir vraiment compris leurs rôles respectifs dans cette histoire sans queue ni tête !
En définitive, cette MAISON ENSORCELÉE ne vaut rien en dehors d’un élément précis : son jeu de piste sur le terrain de l’adaptation d’une nouvelle de Lovecraft. Effectivement, au-delà de son visionnage inepte au premier degré, le film prend une toute autre ampleur si l’on connait la nouvelle dont il s’inspire et si l’on s’amuse à en repérer les emprunts. Pour cette famille de spectateurs-là, venus comparer le script à la nouvelle de Lovecraft, c’est évidemment tout de suite beaucoup plus intéressant, le scénariste se contentant de nous laisser faire tout le boulot en raccordant ces quelques scènes à un matériel littéraire beaucoup plus riche et mythique. Un étrange film en définitive, strictement réservé aux connaisseurs de l’œuvre de Lovecraft.
Mais c’est horrible !
HORREUR À VOLONTÉ (THE DUNWICH HORROR) – 1969
Réalisé en 1969 par Daniel Haller (encore lui) au sein du studio American International Pictures (encore lui aussi) le film porte le titre original de THE DUNWICH HORROR, ce qui tombe bien, puisqu’il s’impose comme une adaptation plus ou moins officielle de la nouvelle L’ABOMINATION DE DUNWICH, en tout cas bien plus directe que le film précédent.
Le pitch: Dans le manoir de Dunwich, le sorcier Watheley aide sa fille à accoucher de l’enfant qu’elle a obtenu de son union avec le grand ancien Yog-Sottoth. Une vingtaine d’années plus tard, l’enfant en question, qui se nomme Wilbur, cherche à consulter le Necronomicon, enfermé dans la vieille bibliothèque d’Arkham. Pour ce faire, il séduit la jeune bibliothécaire et l’emmène avec lui. La pauvre fille ne sait pas que Wilbur envisage de reconduire l’union démoniaque par laquelle il furent conçus, lui et son frère, ce dernier demeurant caché pour une raison inconnue…
Ne lisez pas ça malheureux !
Bon… Il convient d’avouer que ce film n’est pas une éclatante réussite. Situé au carrefour d’une époque qui voit le déclin d’un certain cinéma horrifique (dominé en grande partie par la Hammer), qui sera bientôt remplacé par une nouvelle vague de films d’horreur, portés par des cinéastes de la trempe de Roman Polanski, William Friedkin ou Tobe Hopper, il fait un peu figure de parent pauvre du genre.
Bien que son aspect indolent soit probablement un effet de style destiné à ménager une certaine montée de l’épouvante (il semble évident que Daniel Haller s’inspire du classique de la Hammer LES VIERGES DE SATAN), THE DUNWICH HORROR souffre clairement d’un rythme hiératique qui rend très longues les quatre-vingt-dix minutes que dure le métrage. Fait de bric et de broc pour un budget modeste, le film aligne les décors naturels et les décors de studio (sans oublier les stock-shots) sans véritable harmonie et flirte bien souvent avec le Grand-Guignol.
Le casting n’est pas mauvais et l’acteur Dean Stockwell (principalement connu pour son rôle de Al de dans la série CODE QUANTUM) côtoie la charmante Sandra Dee, célèbre pour les moqueries adressées à son endroit dans le film GREASE (!), qui vient ici terminer sa courte carrière cinématographique…
Ça a l’air beau vu d’ici !
On ne peut nier que ce petit classique possède toutefois le charme de ces films de l’aube, à travers lesquels les artisans tentaient d’adapter l’inadaptable, compte tenu qu’ils ne possédaient absolument pas les moyens de leurs ambitions. Ils s’attelaient néanmoins à la tâche, avec du cœur, du carton-pâte et du système D, et c’est grâce à cette alchimie qu’aujourd’hui nous possédons ce patrimoine, au sein du cinéma de genre. Un patrimoine qui nous offre la perspective de nous plonger dans nos univers de prédilection, car il convient d’avouer que le cinéma n’adapte pas tous les jours l’œuvre de Lovecraft de manière aussi directe. Soit une bonne raison d’accorder un peu de valeur à ces exceptions qui ne confirment pas la règle…
Une histoire de poissons pas frais…
MESSIAH OF EVIL – 1973
À bien des égards, ce film, unique représentant notable des années 70 dans le sujet qui nous intéresse ici, est un ovni. Seule réalisation des années 70 de Willard Huyck & Gloria Katz, fameux couple de scénaristes/producteurs proches de George Lucas (AMERICAN GRAFFITI, INDIANA JONES et même un certain HOWARD THE DUCK portent entre autres leur signature), le film s’inspire de la nouvelle LE CAUCHEMAR D’INNSMOUTH. S’il ne montre pas d’hommes-poissons, il lève le curseur sur le volet horrifique, comme l’avait déjà fait David Greene dans LA MALÉDICTION DES WHATELEY en 1967, et comme le fera Stuart Gordon dans son DAGON en 2001, dont nous parlerons dans les prochaines parties de notre article.
Bien que le nom de LOVECRAFT n’apparaisse pas au générique, le connaisseur de son œuvre repère bien les nombreux emprunts à la nouvelle consacrée, la jeune femme venue chercher son père dans une bourgade isolée du bord de l’océan se heurtant à une population éparse, semblant avoir été transformée par une malédiction venue d’outre-mer…
Le marché de l’horreur…
Les habitants de la bourgade en question sont ici mués en un genre de zombie sanguinaire et cannibale, qui se repait lentement mais sûrement de tout visiteur inopportun.
Volontiers naturaliste, mettant en scène des jeunes de son époque (plutôt hippies) avec la libération des mœurs qui va avec (il y a donc pas mal de scènes coquines), le film annonce, tout comme LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE un an avant lui, voire LA NUIT DES MORTS-VIVANTS dès 1968, un cinéma horrifique qui prendra son envol quelques années plus tard, notamment sous la houlette de Lucio Fulci avec ses films gores et putrides…
La scène dans le cinéma. Sans aucun doute la plus réussie du film.
À le découvrir aujourd’hui, le film pourra paraitre anecdotique et, tout comme LA MAISON ENSORCELÉE et bien d’autres adaptations du maître de l’horreur indicible, il ne prendra son envol qu’auprès des lecteurs lovecraftiens. Scénario et réalisation sont d’ailleurs tout à fait honorables pour un budget sans doute très modeste. À voir comme une curiosité. Un petit film d’horreur méconnu, qui précède les adaptations des années 80 qui puiseront dans l’œuvre de Lovecraft davantage le volet horrifique que le cadre mythologique, en transposant les récits dans le présent, et en levant très nettement le curseur sur un volet gore et dégueu pourtant absent de la plume de l’écrivain de Providence.
Je vous donne à présent rendez-vous pour la prochaine partie de notre série d’articles dédiés aux adaptations lovecraftiennes…
– 1° partie – Vous êtes ici : Les années 1960 et 1970
– 2° partie : Les années 1980 et 1990
– 3° partie : Les années 2000
– 4° partie : Depuis 2015
See you soon !!!
J’avais pas déjà mis un commentaire ? Ou c’était par mail ?…
Bon…
J’ai vu MESSIAH OF EVIL.
J’ai été surpris par la qualité de la photographie et de la réalisation en général. Bonne ambiance et jolis visuels.
Le film souffre d’un rythme molasson par contre surtout en 2ème partie, quand le danger devient évident et que ça ressemble à une fin de 3ème acte de film, mais qu’il reste encore 40min.
Je ne vais pas encore dire que c’est trop long pour ce que c’est…^^, mais peut être que ça entre trop vite dans le vif du sujet avec l’héroine qui est déjà sur place dès le début et une enquête sur son père qui prend 15min à peine…
ça manque de « build up » et du coup on est assez vite dans les scènes d’attaque et…le film se traine ensuite un peu.
Oui, je suis d’accord. Tu n’as pas trouvé qu’on avait-là un film assez craspec qui annonçait les films gores à venir à la fin des 70’s ? Ça sonne vraiment comme une rupture entre le cinéma gothique des 60’s, très séduisant, et le cinéma d’horreur des 80’s, super malsain. Plus encore que les gialli.
Oui en effet, ça décrit globalement le cinéma d’horreur américain des années 70 qui a rendu « has been » le gothique classique à base de vampires et fantômes avec L’EXORCISTE en tête. C’était la reprise de pouvoir des américains sur le ciné d’horreur^^ Nous on trouve le gothique séduisant mais pour beaucoup c’est kitsch, et le craspec fait davantage peur ou met mal à l’aise. La Hammer s’écroulait dans les années 70, la AMicus n’a jamais eu le même succès, tout ça devenait dépassé.
MASSACRE A LA TRONCONNEUSE, FRISSONS et THE BROOD (de Cronenberg), le proto slasher avant HALLOWEEN (faut que je vois ALICE SWEET ALICE du coup pour voir si ça rentre dans ce registre), LA NUIT DES MORTS VIVANTS, etc.
LA COLLINE A DES YEUX c’est craspec ? Pas vu…
Mais ouais c’était la période de transition.
Le giallo était un peu à part, ça flirtait avec l’horreur mais c’était pas à 100% du film d’horreur et ça refusait le fantastique.