
PLUS C’EST GROS, PLUS C’EST KONG !
– Anthologie des films KING KONG – 3ème partie : KING KONG 1976 + KING KONG 2 –
Chronique du film KING KONG et de sa suite, KING KONG 2
Date de sortie des films : 1976 et 1986.
Durée : 2h14, 1h45
Genre : Fantastique, aventures.
1ère partie : KING KONG 1933
2ème partie : KING KONG CONTRE GODZILLA, KING KONG S’EST ÉCHAPPÉ, LA GUERRE DES MONSTRES
3ème partie – Vous êtes ici : KING KONG 1976 + KING KONG 2
4ème partie : KING KONG 2005
5ème partie : SKULL ISLAND

Le roi Kong au sommet du World Trade Cente : Plus c’est grand…
Cet article est le troisième d’une série dédiée aux films KING KONG. Il portera sur deux films : Le KING KONG version 1976, c’est-à-dire le remake de l’originel de 1933, avec Jessica Lange (c’est quand on le dit comme ça que tout le monde voit lequel c’est !), ainsi que sa suite réalisée pile dix ans plus tard, et sobrement intitulée KING KONG 2 (KING KONG LIVES en VO).
Les deux longs métrages ont été réalisés par le même bonhomme, j’ai nommé John Guillermin, spécialiste de films de catastrophes (LA TOUR INFERNALE) et de films d’aventures avec des singes (LA PLUS GRANDE AVENTURE DE TARZAN, TARZAN AUX INDES…), qui fusionnait ici ses deux thèmes de prédilection…
Pour entamer la lecture de l’article dans les meilleures dispositions, vous pouvez aussi écouter la magnifique BO de John Barry en même temps…
Au programme :
Niveaux d’appréciation : – À goûter
– À déguster
– À savourer

Une image célèbre s’il en est…
1) King Kong 1976 – 
Nous sommes en 1976. New York a passé quarante trois ans sans voir le moindre gorille géant et celui de 1933 n’est plus qu’un lointain souvenir.
La grande crise économique est terminée depuis longtemps. La belle Amérique sort de la Guerre froide et surtout de celle du Vietnam. Le monde commence à se soucier de l’écologie. C’est encore l’époque des hippies mais, depuis Altamont et Charles Manson, ils ont la gueule de bois et le “flower power” ne sent plus aussi bon qu’avant 1969…
Dans ce contexte très différent de celui du premier film de 1933, l’expédition qui part pour l’Île du Crane, où les attend le roi Kong, n’a plus rien à voir avec celle du Venture. Le paquebot des années 30 a été remplacé par un super tanker, et le cinéaste qui commandait l’excurtion a laissé la place à un industriel avide de pétrole…
De la même manière, la jeune femme qui participe au voyage n’est plus une actrice à la dérive mais une femme émancipée post-68. Quant au héros, ce n’est plus un vaillant marin à la sauce hollywoodienne, mais un professeur baba-cool qui vient de Greenpeace et qui se prend pour un journaliste d’investigation…
Pour le reste, le script est relativement identique au premier film (les explorateurs découvrent une île inconnue dominée par un gorille géant qui terrorise des indigènes, lesquels l’idolâtrent tel un dieu. Puis ils capturent l’animal qui s’échappe une fois arrivé à New-York…). Mais seulement dans les grandes lignes. Le reste est l’affaire de son époque…

Les deux héros du film de 1976, respectivement Jessica Lange et… Jeff Bridges, le futur “Big Lebowsky” !!!
Voir le film aujourd’hui, alors qu’il date de 1976, c’est s’imposer un paradoxe, car il est à la fois le plus kitsch et le plus réaliste des trois films officiels de la franchise KING KONG. Le film original de 1933 demeure le plus poétique, dont les trucages d’époque, tels les rimes au service de la prose, parviennent à faire corps avec la naïveté du sujet. Celui de 2005, réalisé par Peter Jackson, est bien évidemment le plus spectaculaire, le plus gargantuesque.
Celui qui nous intéresse ici est certes le plus kitsch, tant ses effets spéciaux obsolètes ridiculisent en partie certaines scènes là où ceux de 1933 préservent leur charme. Je dis “en partie”, car tous les plans montrant le monstre dans sa version “costume” sont encore très impressionnants. Il est tout à fait injuste que le spécialiste des effets spéciaux Carlo Rambaldi soit mis en avant sur le succès du film alors que c’est Rick Baker, appelé à la rescousse, qui finalise la quasi-totalité des scènes montrant le singe géant (et c’est d’ailleurs Baker lui-même qui porte le costume !). Seuls trois plans exposant le robot de Rambaldi (parfaitement grotesque) attestent du fossé séparant le travail de ces deux professionnels.
Du travail de Rambaldi, reste la réussite des plans montrant la main du gorille en gros plan lorsqu’il s’empare de la somptueuse Jessica Lange. Depuis, Baker est devenu le grand spécialiste des singes au cinéma et s’est illustré de manière magistrale, notamment sur GORILLES DANS LA BRUME, GREYSTOKE – LA LÉGENDE DE TARZAN ou encore LA PLANÈTE DES SINGES (version Tim Burton).

Les robots de Carlo Rambaldi, pour le meilleur et pour le pire…
Mais KING KONG version 1976 est également la version la plus réaliste des trois. Que ce soit au travers de son sujet, qui oppose l’écologie naissante au capitalisme primaire, ou au travers du personnage interprété par Jessica Lange, qui incarne l’émancipation féminine, le film colle à son époque et illustre le mythe de la manière la plus réaliste qui soit (notons la superbe idée du rideau de brume créé par la “respiration animale” plus grande que nature, lequel rideau masque perpétuellement l’île du roi Kong au yeux du monde…). Le gorille géant devient alors l’incarnation de la “magie”, balayée par un monde moderne dominé par l’argent, le pouvoir et le succès. Que cette incarnation mesure 20 mètres de haut n’a aucune importance : le monde moderne est le plus fort. À ce titre, on relève à quel point les valeurs positives véhiculées par les deux personnages principaux sont roulées dans la poussière. Non pas que ces notions sont absentes des autres versions, mais elles n’y sont pas abordées de manière aussi directe et édiffiante.
En retour, il y a beaucoup moins de créatures fantastiques que dans les autres versions (aucun dinosaure) et les héros sont beaucoup moins exotiques. Au rayon exotisme, puisqu’on en parle, il faudra se contenter d’une bande d’indigènes aux mœurs légères, d’un serpent géant et de quelques superbes décors en peinture sur verre (dont les deux pics rocheux annonçant le World Trade Center) lorsque les personnages se retrouvent au centre de l’île, dans la demeure de King Kong. Mais le film, encore une fois, sans renoncer à sa dimension grand-spectacle, y acquiert une patine naturaliste qui tranche avec le modèle de 1933. Ajoutez à cela le plaisir de revoir la splendide Jessica Lange et d’entendre la bande son inoubliable de John Barry (qui parait-il a été livrée dans un temps record !), et vous obtenez un grand film d’aventures qui ne mérite certainement pas sa mauvaise réputation…

Un film de monstres pauvre en monstres…
On a dit beaucoup de choses négatives sur ce remake et la plupart étaient fausses.
Ainsi, il ne fut nullement un échec commercial puisqu’il remporta quatre fois le coût de sa production. Cette “légende du cuisant échec commercial” viendrait en réalité du fait que le film soit sorti en décembre 1976, et qu’il ait réalisé l’essentiel de son score en janvier 1977, soit un mois après le calcul des recettes annuelles !
Certes, les dinosaures sont aux abonnés absents, mais les effets spéciaux, comme précisé plus haut, ne sont nullement aussi mauvais que ce que l’on a prétendu, et tous les plans dirigés par Rick Baker tiennent encore joliment la route.
Certaines séquences sont magistrales, notamment celle où King Kong fait son entrée (avec tous les arbres qui tombent sous son passage) et c’est d’ailleurs la meilleure et la plus intense des trois films.
Quant au scénario, il bénéficie avec le recul de tout son potentiel politique et social qui gagne encore en épaisseur face au libéralisme sauvage qui gangrène toujours un peu plus notre monde. Et, quelque part, la parabole sur cet impérialisme qui détruit la nature la plus puissante est toujours autant d’actualité aujourd’hui qu’en 1976. Et le gorille est plus que jamais un animal en voie de disparition…

Programmation d’instinction d’animal en voie de disparition…
Dino De Laurentiis inaugurait ici une trilogie informelle d’animaux tueurs qui, au lendemain des DENTS DE LA MER, commençaient à fleurir sur les écrans du monde entier. Il poursuivra avec ORCA de Michael Anderson (réalisateur de l’inéfable DOC SAVAGE ARRIVE !), puis avec LE BISON BLANC de J. Lee Thompson, tout-deux réalisés en 1977.
Mais tous les fans de KING KONG vous le diront : Avec le recul, ce remake de 1976 est un bon client sur le rayon des aventures fantastiques avec des grands singes. Une bobine longtemps mal-aimée qui a fini par gagner ses jalons de classique.
Il suffira d’ailleurs, pour vous en convaincre, de la comparer avec le film suivant…

Et donc, comme le dit l’affiche, il n’est pas content…
2) KING KONG 2 – 
À présent que nous avons réhabilité le KING KONG de 1976 en constatant qu’il ne méritait pas sa triste réputation de nanar, on va voir que KING KONG 2 est, aujourd’hui comme hier, tout simplement irregardable, sinon pour se marrer comme des baleines, tel qu’il est coutume de le faire devant un vrai, un pur, un gigantesque nanar ! Parce que si vous voulez du nanar, vous allez en avoir : et du lourd, du balourd, du balourdasse, du balourdassasse ! Effectivement : dix ans pile-poil après le remake de 1976, John Guillermin et son producteur Dino de Laurentiis nous offraient cette suite laborieuse en tout point !
Il n’est pas content on vous dit !
Le pitch : Dix ans après sa mort et sa chute du World Trade Center, King Kong n’est pas mort ! Il est en vérité parfaitement endormi et maintenu en vie par des scientifiques. Mais il lui faut un cœur de substitution. On lui fabrique donc un cœur en plastique de trois mètres. Mais ce n’est pas suffisant : il lui faut un donneur de sang digne de ce nom. Et alors là, attention, tenez-vous bien : après dix ans dans le coma, il va mourir d’un instant à l’autre si on ne lui trouve pas un donneur dans les 5 minutes !
Pas de problème : L’aventurier Hank Mitchell, en balade à Bornéo, tombe comme par hasard sur une Queen Kong planquée sous un buisson. Avouez quand même que le spectateur a du bol, puisque cette guenon géante était manifestement planquée depuis toujours sous le dit-buisson, sans quoi les indigènes du coin auraient pu la remarquer ! L’aventurier met alors sa guenon aux enchères et tente d’en tirer le maximum. Les américains la lui achètent aussitôt car, comprenez-vous, il faut sauver leur King Kong national ! Queen Kong est donc emmenée sur le site de King Kong, la transfusion de sang se passe à merveille et des hordes de clampins viennent crier leur joie, banderoles à l’appui devant cette résurrection (je n’ai pas bien compris ce passage, sachant qu’ils ont été quasiment unanimes, ces américains, pour trucider le gorille 10 ans plus tôt)…

Heu… En fait, on dirait qu’il est pas mort King Kong, d’accord ?
Et aussi, on dirait que Queen Kong, elle attendait sous un buisson qu’on ait besoin de la trouver dix ans plus tard. C’est cool, non ?
En tout cas, notre roi Kong ne tarde pas à se réveiller et repère très vite l’odeur de sa promise ! Ses hormones ne font ni une ni deux et il casse la baraque afin de rejoindre sa dulcinée ! Cela ne plait évidemment pas aux autorités, qui décident de re-tuer King Kong ! C’est à ce moment-là que le spectateur ébahi se dit qu’ils auraient pu, tout de même, y réfléchir à deux fois avant de redonner vie au monstre… Et notre aventurier n’est pas plus malin qui, après avoir vendu Queen Kong comme un vulgaire tas de patates, s’offusque de ce qu’il lui arrive en criant à qui veut bien l’entendre qu’il faut absolument ramener la guenon d’où il l’a trouvé ! (À moins qu’il ne s’agisse d’une technique de drague opportuniste puisque, grâce à cela, il emballe la scientifique en chef qui ne cherche qu’à mettre nos gorilles dans une réserve afin qu’ils vivent heureux)…
L’armée poursuit ainsi les deux singes géants mais aucun militaire n’arrive à les retrouver (!). Les rednecks du coin s’y mettent aussi mais, eux, ils les trouvent tout de suite (avant de se faire trucider). Et finalement, la scientifique et l’aventurier s’accouplent pendant que les deux Kongs s’envoient moult regards lubriques à quelques mètres de là…
À la fin, l’armée retrouve nos gorilles, King Kong se sacrifie en piétinant quelques chars d’assaut, tandis que Queen Kong accouche d’un chimpanzé en pleine bataille, laissant une fois de plus le spectateur perplexe qui se demande :
1) Quand est-ce que le couple Kong a eu le temps de s’accoupler ?
2) Combien dure la gestation d’un gorille géant ? Une semaine ?
3) Pourquoi dans le film de 1976, King Kong marchait debout alors qu’à présent il devient quadrupède ? A-t-il régressé ?
Et le film de s’achever sur une dernière séquence qui bat tous les records en termes de ridicule (quoique la scène où le roi Kong bouffe des crocodiles n’est pas piquée des hanetons non plus…), où l’on voit le fils de Kong, un chimpanzé dans la jungle, vivre des jours paisibles avec sa maman et jouer à Tarzan de liane en liane…

Il n’est pas content, on vous le re-dit !
Vous l’aurez compris, on nage en plein délire surréaliste. Pendant ce temps, les acteurs jouent comme des patates à part Linda Hamilton, tout juste sortie de TERMINATOR, qui vient saborder ici sa carrière. Les effets spéciaux sont propres et les décors aussi, tandis que les gorilles font rien qu’à nous faire penser à des acteurs de film porno…
Pas de doutes, KING KONG 2 est, en matière de film à gros budget, un des pires navets de l’histoire du cinéma. Il a été mis en chantier en 1986 alors que la diffusion du film de 1976 à la télévision (pour sa date anniversaire des dix ans) battait tous les records d’audience. C’est dire si l’opération sentait l’opportunisme à plein nez. C’était l’époque où le producteur Dino De Laurentiis, de plus en plus pingre, alignait les projets les plus fumistes qui soient. Il nous aura offert, mine de rien, en quelques années à peine, des perles comme FLASH GORDON, AMITYVILLE II, HALLOWEEN 3 et KALIDOR !
Depuis, cette calamité sortie en 1986 aura porté à la version de 1976 la sale réputation qu’elle ne mérite pas. Quelle injustice ! En cinéma non plus, on ne choisit pas sa famille ! Quant aux thématiques liées au mythe de King Kong (le mythe de la Belle et la Bête, du Bon Sauvage, la réflexion sur l’anthropologie et le choc des cultures), vous pouvez les oublier…

Technique de drague chez les grands singes : Faire comme si on ne se voyait pas… (où ça ??? demandent benoitement les membres du casting (et le sosie de Nagui, le présentateur TV préféré des français)…)
En bonus, nous vous avons réservé pour la fin de cet article, la scène finale de KING KONG 2, qui défonce absolument tout en termes nanardesques :
1ère partie : KING KONG 1933
2ème partie : KING KONG CONTRE GODZILLA, KING KONG S’EST ÉCHAPPÉ, LA GUERRE DES MONSTRES
3ème partie – Vous êtes ici : KING KONG 1976 + KING KONG 2
4ème partie : KING KONG 2005
5ème partie : SKULL ISLAND
See you soon !!!