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– COCKTAIL PEAU DE PANTHÈRE –
La filmographie de blake Edwards en 10 films
et 10 chansons
– 1° PARTIE –
Chronique de la filmographie de blake Edwards à travers une sélection de 10 films
Date de sortie des films : De 1961 à 1988.
Genre : Comédie, comédie dramatique.
Affiches de présentation ci-dessus et ci-dessous réalisées par Matt.
Niveaux d’appréciation : – À goûter
– À déguster
– À savourer
Au programme de cette 1° partie :
- DIAMANTS SUR CANAPÉ (1961)
- LE JOUR DU VIN ET DES ROSES (1962)
- QUAND L’INSPECTEUR S’EMMÊLE (1964)
- LA GRANDE COURSE AUTOUR DU MONDE (1965)
- THE PARTY (1968)
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Crossover chez Blake Edwards !
Blake Edwards, c’est près de quarante films dont la plupart sont des comédies, ce qui fait de lui un maitre en la matière.
Blake Edwards, c’est aussi une famille de cinéma, dans laquelle se bousculent des artistes remarquables, les acteurs Peter Sellers, Jack Lemmon et Tony Curtis, Julie Andrews (son épouse dans le civil, que tout le monde connait sous l’image de Mary Poppins), le compositeur Henry Mancini et son parolier Johnny Mercer, pour ne citer que les plus évidents.
Blake Edwards, c’est également la série des PANTHÈRE ROSE, mais aussi quelques-unes des plus grandes comédies de l’histoire du 7ème art, dont certaines flirtent avec le drame (comédie dramatique, on appelle ça). C’est enfin quelques films ayant connu le succès, l’échec, ou l’oubli…
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Les tout premiers films de Blake Edwards dans les années 50.
Nous allons donc tenter, en dix films choisis, de proposer le florilège de tous ces éléments à la fois disparates et harmonieux, qui forment une œuvre cohérente et authentique.
Parce que la quasi-totalité des films de Blake Edwards sont accompagnés de la musique d’Henry Mancini, nous nous arrêterons également à chaque fois sur la partie musicale et, lorsque elles y sont, sur les chansons écrites notamment par Johnny Mercer.
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L’icône du glamour !
1) DIAMANTS SUR CANAPÉ – ![](https://chroniquesdesartsperdus.fr/wp-content/uploads/2024/12/gifheart6.gif)
(BREAKFAST AT TIFFANY’S – 1961)
Le pitch : Holly Golightly (Audrey Hepburn), une jeune et charmante new-yorkaise, fait la connaissance d’un nouveau voisin : Paul (George Peppard, futur Hannibal de l’AGENCE TOUT RISQUES). Peu à peu, on découvre la véritable nature de ces deux personnes en quête d’un avenir meilleur : Holly est une call-girl au passé trouble, qui rêve d’épouser un bon parti, tandis que Paul est un écrivain raté et sans le sou, entretenu par sa maitresse, une riche femme mariée…
DIAMANTS SUR CANAPÉ est déjà le huitième film de Blake Edwards, qui commence à se faire remarquer à Hollywood pour son art de la comédie de mœurs avec quelques réussites telles VACANCES A PARIS (1958) avec Tony Curtis & Janet Leigh (futurs parents de Jamie-Lee Curtis) et OPÉRATION JUPONS
(1959) avec Tony Curtis & Cary Grant.
Sur un script adaptant l’une des plus célèbres nouvelles de Truman Capote, Edwards innove en mêlant la comédie et le drame, le tout emballé dans une ambiance de puissante mélancolie, exacerbée par la partition douce-amère de Mancini et les paroles de Mercer, dont la poésie diffuse va même jusqu’à servir d’épilogue lors du générique final. Côté comédie, le réalisateur commence à se faire la main sur une poignée de thèmes et de séquences que l’on retrouvera tout au long de sa filmographie. C’est d’abord la mise en scène de personnages lunaires, reliques du burlesque de l’époque muette (le slapstick), dont la marginalité et le décalage déclenchent tout naturellement les situations cocasses. C’est ensuite les fameuses scènes de Fête (comprendre “bringue généreusement alcoolisée”), dont celle de DIAMANTS SUR CANAPÉ, déjà impressionnante dans sa folie et son énormité, annonce celles que l’on trouvera bientôt dans THE PARTY, et plus tard dans “10” ou encore dans S.O.B.
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Une sacrée fiesta !
Côté drame, Edwards ne fait pas non plus dans la dentelle et, bien que les éléments les plus dérangeants restent en hors-champ (vous ne verrez pas Holly passer à l’action dans son “travail” de call-girl), dresse le portrait d’une poignée de personnages brisés par la vie, menant une existence que l’on devine sordide derrière l’apparente élégance de surface. Une fuite en avant qui fait écho aux drames domestiques de notre quotidien le plus réel.
C’est cet équilibre inédit entre deux genres aux antipodes, porté par une actrice qui crève l’écran (dont la performance, sachant qu’elle était l’opposé de son personnage, est tout simplement époustouflante (et sachant que le rôle, selon Capote, était initialement dévolu à une Marylin Monroe bien plus extravagante !)), qui fera entrer le film dans la légende. Ça et quelques détails superflus, comme les robes de Givenchy et autres bijoux, mobilier et accessoires extrêmement glamour et luxueux, mis à la disposition d’un ensemble d’une classe ultime…
On peut songer, en revoyant DIAMANTS SUR CANAPÉ, que toutes les comédies romantiques new-yorkaises, de Woody Allen à Meg Ryan, tous les sitcoms également, viennent de Blake Edwards. Et pourtant, DIAMANTS SUR CANAPÉ est encore bien plus que cela. Plus glamour, plus élégant, plus raffiné, plus romantique, plus poétique, plus original, plus profond, plus tragique… Un film porté par la grâce. Une des plus belles comédies de tous les temps et même l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma. Irrésistible. Culte. Eternel.
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So smooth…
Côté musique, la complicité et l’osmose entre Mancini et son réalisateur est telle que la bande-son passe elle-même de la mélancolie à la festivité avec une aisance désarmante. Ainsi, le thème de MOON RIVER, par exemple, est-il décliné en instrumental déchirant, en blues et en chanson triste interprétée par Holly dans la diégèse, puis en version cha-cha-cha positivement espiègle à l’occasion des scènes festives.
Tout l’album tiré du film alterne les cha-cha-cha irrésistibles (impossible de ne pas se mettre à remuer dès qu’ils démarrent : LATIN GOLIGHTLY, SOMETHING FOR CAT, LOOSE CABOOSE) et les titres smoothie sucrés (HOLLY, SALLY’S TOMATO) dont nous avons fait une présentation dans un article qui mettait déjà Henry Mancini à l’honneur, en passant par le jazz Big Band ! À partir de DIAMANTS SUR CANAPÉ, alors que leur collaboration s’effectuait jusqu’ici en pointillés, Edwards et Mancini ne vont plus se quitter et, à l’exception de quatre films, resteront inséparables jusqu’à la fin de leur vie (après la mort de Mancini en 1994, Edwards prendra d’ailleurs sa retraite).
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1962 : Année Blake Edwards (et Henry Mancini).
1962 est une autre “année Blake Edwards” puisque le réalisateur, fort du succès planétaire de DIAMANTS SUR CANAPÉ, y réalise consécutivement deux films (mais avec un retour au noir et blanc), d’abord un thriller très esthétisé : ALLÔ, BRIGADE SPECIALE (EXPERIMENT IN TERROR), ensuite une tragédie avec LE JOUR DU VIN ET DES ROSES, lui aussi porté par la grâce. Un peu comme si la mélancolie de DIAMANTS SUR CANAPÉ avait poussé le réalisateur à poursuivre dans cette voie…
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Le drame !
2) LE JOUR DU VIN ET DES ROSES – ![](https://chroniquesdesartsperdus.fr/wp-content/uploads/2024/12/gifheart6.gif)
(DAYS OF WINE AND ROSES – 1962)
Le pitch : Joe (Jack Lemmon), dont le métier d’attaché de presse le mène sans cesse dans diverses réunions, cérémonies et autres joyeusetés, est un alcoolique mondain. Boire est pour lui le moyen de tenir le rythme. Il rencontre Kirsten (Lee Remick, déjà à l’affiche d’EXPERIMENT IN TERROR quelques mois plus tôt). Ils tombent amoureux et se marient. Joe entraine Kirsten dans la spirale de l’alcool mais, lorsque nait leur petite fille, ils doivent prendre leurs responsabilités et arrêter de boire…
Hollywood avait déjà mis en scène les tourments de l’alcoolisme et généré au moins deux chefs d’œuvre avec LE POISON de Billy Wilder (1945) et COMME UN TORRENT de Vincente Minelli (1958). LE JOUR DU VIN ET DES ROSES vient apporter sa pierre à l’édifice en s’appuyant sur un script magnifique pour livrer ce qui reste probablement encore aujourd’hui l’une des plus brillantes variations sur le sujet. Si ce n’était pas encore clair, on remarque ici l’intérêt que porte Blake Edwards au thème de l’alcool et de la dualité qui s’opère dès lors qu’on le consomme. S’il se prête extrêmement bien aux situations comiques et à la fête, l’alcool ménage de manière perfide et sous-terraine un terrible retour de bâton. C’est dans ce film de 1962 qu’il développe le plus cette dernière partie, alors qu’il préfèrera par la suite trouver de nouveau une forme d’équilibre entre la comédie (l’alcool fait rire) et le tragique (l’alcoolisme est pathétique). Mais le thème reviendra très souvent dans sa filmographie.
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Anatomie d’une descente aux enfers.
Avec ses deux films réalisés coup sur coup en 1962, Blake Edwards semble clairement vouloir étendre son registre et toucher à autre chose qu’à la comédie. Ainsi LE JOUR DU VIN ET DES ROSES est un drame. Le film commence sur un ton léger et, devant le cabotinage d’un Jack Lemmon déchaîné, on pourrait presque croire à une suite de CERTAINS L’AIMENT CHAUD. Mais la fragilité du jeu de Lee Remick (craquante et à fleur de peau) ne trompe pas : Bientôt, la spirale infernale va commencer et l’addiction va faire ses ravages au sein d’un couple dont elle formera la troisième entité… destructrice. Le script propose donc l’équation suivante : Après avoir rapproché un homme et une femme, après avoir uni leur complicité, l’alcool va générer un lent et inexorable pourrissement. Avec l’arrivée de Debby, enfant de l’amour, va ainsi se poser le problème d’une cohabitation impossible : Celle de la parentalité et de l’alcoolisme.
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Une des plus belles chansons de tous les temps !
Après DIAMANTS SUR CANAPÉ, le duo Mancini/Mercer poursuit sur sa lancée en transcendant de nouveau le sens du film. Inspirées du poème VITAE SUMMA BREVIS (“La Vie est Courte”), les paroles de la chanson DAYS OF WINE & ROSES renforcent la descente aux enfers de Joe et Kirsten sous un torrent de mélancolie. Elle remportera l’Oscar de la meilleure chanson l’année suivante et deviendra un standard en étant reprise par tout le gratin des crooners, de Frank Sinatra à Marvin Gaye, en passant par les plus illustres jazzmen. Bien qu’elle soit aujourd’hui parfaitement surannée, elle me fait chialer à tous les coups…
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It’s Clouzot time !
Blake Edwards réalise LA PANTHÈRE ROSE en 1963. Peter Sellers y interprète un personnage secondaire mais force est de constater, avec le recul, qu’il écrase les têtes d’affiches (David Niven, Claudia Cardinale et Robert Wagner) de son charisme comique. Frappé de cette évidence, Edwards réalise dans la foulée un nouveau film sur son personnage : L’inspecteur Clouzeau (un hommage au cinéaste H.G. Clouzot, puisque le dit-inspecteur est français…). Ce sera QUAND L’INSPECTEUR S’EMMÊLE.
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La parodie.
3) QUAND L’INSPECTEUR S’EMMÊLE –
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(A SHOT IN THE DARK – 1964)
Ce second film d’une série qui en comportera huit (dont cinq avec Peter Sellers, et un sixième posthume) fait table rase du précédent et redémarre à zéro, comme dans une nouvelle continuité.
Après LA PANTHÈRE ROSE, Edwards replonge dans la comédie policière, un mélange de genres aux antipodes dans lequel il se sent manifestement à l’aise. Il va poursuivre son étude du cinéma burlesque puisque la présence de Peter Sellers, qui cabotine en improvisant moult gags dans la parfaite tradition du slapstick, lui offre le matériel idéal pour le faire.
Un embryon de mythologie interne se développe dans ce second opus, qui fera le sel de la série : la libido de l’inspecteur, le majordome chinois qui attaque son maitre dans les situations les plus inattendues (pour l’entrainer au combat !), la haine du commissaire Dreyfus… et bien entendu la faculté du héros de réussir chacune des enquêtes qui lui est confiée, tout en étant parfaitement incompétent (recette reprise dans moult déclinaisons, de MAX LA MENACE à POLICE SQUAD, en passant par AUSTIN POWERS et OSS 117 (version Dujardin)) ! En adaptant une pièce de théâtre elle-même fortement inspirée des nouvelles d’Agatha Christie et du personnage d’Hercule Poirot, Blake Edwards en livre une pure parodie. Il s’agit sans doute d’un des meilleurs films de la série des PANTHÈRE ROSE, de Blake Edwards, de Peter Sellers, et de la comédie burlesque.
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Comédie et libération des mœurs...
Les gags n’ont pas tous bien vieilli. Parfois c’est tordant – visible dans la bande annonce : Clouzot entend hurler une femme dans un immeuble, s’apprête à enfoncer la porte qui s’ouvre soudain, le laisse traverser le récital d’une cantatrice et tomber de l’immeuble par la fenêtre opposée ! – Et parfois c’est lourdingue… Mais ce qui reste encore vivace aujourd’hui, c’est une liberté de ton, une absurdité burlesque et une folie douce qui accouchent d’un spectacle loufoque complètement déjanté ! Au diapason d’une époque qui se préparait à accueillir de grands bouleversements sociétaux et révolutionnaires, qui finiront mal certes, mais qui auront permis au monde occidental de traverser une grande époque libertaire. À ce titre, le personnage interprété par Elke Sommer (qui pratique l’amour libre et fréquente les clubs nudistes) en dit long sur la libération des mœurs en marche ! Ainsi se plaçait la famille Blake Edwards : Instinctivement orientée vers Woodstock, à l’opposé des conservateurs.
Dans la même logique que LA PANTHÈRE ROSE, le succès de QUAND L’INSPECTEUR S’EMMÊLE donnera naissance à une série animée dédiée au personnage de “l’Inspecteur”.
La PANTHÈRE ROSE avait son cartoon. L’Inspector aussi !
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La musique : Il y a bien une chanson (THE SHADOWS OF PARIS) dans la scène pré-générique, mais elle n’est -exceptionnellement- pas écrite par Johnny Mercer, et elle n’est guère mémorable. En revanche, le thème principal, très 60’s, très jazz, très entêtant, très conceptuel, très avant-gardiste, tout en boucles, est sans doute l’un des plus impressionnants et l’un des plus radicaux de la discographie de Mancini.
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le cartoon !
4) LA GRANDE COURSE AUTOUR DU MONDE – ![](https://chroniquesdesartsperdus.fr/wp-content/uploads/2024/12/gifheart6.gif)
(THE GREAT RACE – 1965)
Le pitch : 1910. Le “Grand Leslie” et le Professeur Fatalitas s’opposent une rivalité farouche sur le terrain des records (celui qui ira le plus vite, le plus haut, etc.), utilisant pour ce faire toutes les machines et autres inventions les plus incroyables.
Leslie (Tony Curtis) est un irrésistible gentleman tout de blanc vêtu qui adopte un code de l’honneur sans faille (et ne se déplace jamais sans ses caisses de champagne !). Fatalitas (Jack Lemmon) est un abominable félon vêtu de noir, savant fou sur les bords, qui vit dans un château lugubre en compagnie de son gnome méprisable nommé Max (Peter Falk).
Les deux ennemis se lancent dans la course automobile du siècle : De New-York à Paris ! Fatalitas usera de toutes les perfidies pour gagner, tandis que Leslie devra supporter la présence de Maggie Dubois (Nathalie Wood), suffragette émancipée prête à user de ses charmes…
LA GRANDE COURSE AUTOUR DU MONDE est une comédie d’aventures burlesque qui épouse la mode des films d’aventures rétro-futuristes. Depuis que Walt Disney avait popularisé le genre avec le magnifique 20 000 LIEUES SOUS LES MERS en 1954, le cinéma hollywoodien se plaisait à offrir, ponctuellement, des spectacles mêlant la grande aventure avec une sorte de science-fiction pittoresque, dans la tradition des romans de Jules Verne. Celles du professeur Fatalitas font ainsi écho à cet univers connoté, qui donnera un jour naissance au Steampunk…
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Steampunk dans l’esprit.
Mais LA GRANDE COURSE AUTOUR DU MONDE est avant tout une comédie. Tout le film, trépidant, est ponctué d’une succession jubilatoire de gags burlesques. Blake Edwards adopte une approche très originale en reprenant à la lettre les gags que l’on trouvait alors dans les cartoons (explosions et chutes de plusieurs dizaines de mètres, dont les personnages ressortent indemnes mais sonnés et noircis…), très inspirés à leur tour par le cinéma muet (on pense à Harold Lloyd ou Laurel & Hardy, auxquels le film est dédié), le clou du spectacle étant d’ailleurs la scène se déroulant dans la pâtisserie de Carpanie (une principauté des Balkans), où l’on assiste à la plus grande bataille de tartes à la crème de l’histoire du cinéma ! Attention : les spectateurs ne sachant pas se remettre dans le contexte de l’époque risquent d’être hermétiques à cette série de gags potaches tels qu’ils étaient voulus par Blake Edwards, c’est-à-dire avec un second degré constant et une distanciation amusée, qui culmine au final avec l’écroulement de la tour Eiffel !
Hommage flagrant à Harold Lloyd, à la fin de l’extrait.
Il s’agit d’un humour référentiel qui puise ses sources dans le burlesque de l’époque muette, du gag éculé de la chute et de la tarte à la crème, où tout est assumé comme un spectacle factice, aux décors (et à l’humour) en carton-pâte, hérité des courts-métrages de Georges Méliès (premier cinéaste à avoir adapté les œuvres de Jules Verne). Une “catoonisation du réel”, comme le disent les intellectuels… En toute logique, cette approche cartoon donnera naissance à une célèbre série de dessins-animés : LES FOUS DU VOLANT…
D’une durée de 150 minutes (c’est un grand film d’aventures !), LA GRANDE COURSE AUTOUR DU MONDE est devenu un grand classique des comédies hollywoodiennes familiales, marqué par la griffe de l’un de ses représentants les plus emblématiques. Pour terminer, deux anecdotes : Toute la partie de déroulant en Carpanie est une parodie du PRISONNIER DE ZENDA réalisé en 1952 par Richard Thorpe. Quant au personnage du prince Hoepnick, le sosie du Pr Fatalitas, sorte de grande folle exubérante et alcoolique interprétée bien évidemment par Jack Lemmon, voilà une occasion pour l’acteur de poursuivre le même cabotinage que dans CERTAINS L’AIMENT CHAUD, réalisé par Billy Wilder en 1959 !
La musique : Il y a deux chansons dans le film, toutes-deux dans la diégèse. Une première anecdotique (style cabaret-western) : HE SHOULDN’T-A, HADN’T-A, OUGHTN’T-A SWANG ON ME ! Et une autre qui reprend le thème principal du film, interprétée par la délicieuse Nathalie Wood : THE SWEETHEART TREE. Quant au générique de début (visible plus haut), il marque clairement l’hommage au burlesque des années folles et le compositeur est au diapason de l’exercice.
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1966 et 1967.
Après avoir réalisé en 1966 une comédie de guerre assez jouissive qui aurait bien pu trouver sa place dans notre liste (QU’AS-TU FAIT À LA GUERRE, PAPA ? (WHAT DID YOU DO IN THE WAR, DADDY ?)) et une transposition de sa série PETER GUNN
en 1967, Blake Edwards retrouve Peter Sellers et, dans la folie et l’émancipation de la fin des 60’s, livre leur chef d’œuvre : THE PARTY. Une merveille de burlesque et d’humour absurde pleine d’esprit et de glamour. Une sucrerie à l’épreuve du temps. Une des plus belles comédies de l’histoire du 7° art.
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Le… pourquoi un éléphant ???
5) THE PARTY (1968) – ![](https://chroniquesdesartsperdus.fr/wp-content/uploads/2024/12/gifheart6.gif)
Le pitch : Un acteur qui déclenche des catastrophes sur les plateaux se retrouve invité par mégarde à la somptueuse réception d’un producteur d’Hollywood…
Edwards dirige Peter Sellers pour la troisième fois mais ce sera la seule et unique fois qu’ils exploreront un univers différent de celui de l’Inspecteur Clouzeau.
Le rythme indolent du film, sa volonté de coller à l’âge d’or du burlesque (et donc du cinéma muet), ainsi que le parti-pris d’étirer les séquences à l’extrême en les découpant avec précision, le rendront probablement ennuyeux pour les nouvelles générations avides de spectacle à 100 à l’heure, qui passeront à côté de sa montée en puissance rétroactive. Très sophistiqué dans sa construction formelle (sur le modèle de Jacques Tati), d’une nonchalance provocante, THE PARTY est une machine à gags qui assemble lentement les engrenages d’une bombe à retardement, laquelle explose bel et bien à la fin, une fois toute la pièce reconstituée !
Ce sommet du comique fait partie des œuvres cultes que l’on revoit sans cesse, guettant les scènes avec lesquelles on a tissé des liens complices, que l’on se répète entre connaisseurs. La séquence d’ouverture (où l’on assiste au tournage fictif de GUNGA DIN) est un monument de comique burlesque, qui annonce la couleur de manière grandiose. Par la suite, plusieurs scènes d’anthologie viendront pimenter le rythme suspendu d’un film unique en son genre, qui présente un antihéros complètement incongru : Hrundi V. Bakshi, acteur hindou aussi gentil qu’incapable de rester une minute sans déclencher une série de catastrophes qui, tel l’Effet Papillon, commencent de manière presque invisibles pour se révéler titanesques au bout du compte…
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Mister catastrophe !!!
Derrière cette avalanche de gaffes se cache une critique vitriolée de la jet-set hollywoodienne, dont Blake Edwards nous dévoile l’envers du décor, toute l’hypocrisie et toutes les bassesses les plus viles. La maladresse de Bakshi exacerbant toutes les facettes perverses d’une certaine intelligentsia superficielle et décadente du monde occidental qui n’attend qu’une seule chose : Que le dit-Bakshi mette le feu aux poudres pour imploser !
Le film se regardera aussi bien en anglais qu’en français, la traduction se révélant désopilante en transformant certains gags pour les besoins du passage à la langue de Molière ! En anglais, on profitera du délicieux “Birdie neum neum” (traduit par un “miam miam du petit oiseau” un peu moins glamour), mais on gagnera en VF (via le doublage de Michel Roux) quelques perles, tel le fabuleux “Je ne suis pas votre niaque !” (en réponse à celui qui le traite de maniaque…) !!!
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– La musique : La splendide bande-son offre un vernis classieux et délicieusement suranné à cette satire sucrée-salée. Mancini avait délibérément choisi le jazz pour colorer les films de Blake Edwards, mais aussi la bossa-nova (son dérivé latino-américain), très à la mode dans les années 60, mais dont l’utilisation quasi-systématique dans la musique de film reste une exception et une spécialité propre à notre compositeur. Un manifeste de l’école easy-listening dominé par le piano et les cuivres, tantôt doucereux et velouté (BRUNETTE IN YELLOW, CANDLELIGHT ON CRYSTAL, ELEGANT, PARTY POOP), tantôt gorgé de swing (BIRDIE NUM-NUM, CHICKEN LITTLE WAS RIGHT, WIGGY). Certains jazzmen talentueux avaient choisi de se consacrer corps et âme à cette aventure cinématographique, au point d’en devenir des artisans discrets ignorés du grand public. Et pourtant, un saxophoniste de la trempe de Plas Johnson (le fameux saxo de la PANTHERE ROSE, c’est lui !), ou un pianiste comme Jimmy Rowles n’avaient rien à envier aux stars de l’époque.
Chaque morceau est lié à une séquence du film et revient en boucle selon les scènes. La chanson-titre, NOTHING TO LOSE, est interprétée par l’actrice principale du film : Claudine Longet (c’est de la pure bossa nova), tandis que tous les musiciens de l’album se font doubler tout au long de la fameuse “party”, par des acteurs interprétant les musiciens de soirée dans la diégèse.
Au terme des années 60, dans la folie et l’insouciance des trente glorieuses, le binôme Edwards/Mancini s’impose comme la synthèse de ce qui se fait de mieux en matière d’intelligence, de classe, de glamour, d’humour raffiné et plein d’esprit.
Bonus :
Ne pas rater le magnifique chorus de saxo du grand Plas Johnson !
Nous allons à présent faire une pause.
Nous vous donnons rendez-vous bientôt pour la seconde partie de l’article.
See you soon !!!
Faut que je regarde THE PARTY. Il se passe quoi là durant la chanson Nothing to lose ? Il a envie de pisser ?😆
Marrant que tu sautes le premier panthère rose. J’ai apprécié à la première vision mais c’est vrai que Sellers vole la vedette à tout le monde et on finit par seulement attendre qu’il apparaisse pour faire une boulette. Quand j’ai prêté les films à ma mère elle n’a pas trop aimé le premier mais s’est bidonnée sur les suites.
Ouais, il a envie de pisser ! 😀
Punaise je me suis fait plaisir avec le mise en forme de l’article, les p’tits coeurs, les affiches des autres films et tout ça. C’est vraiment cool d’avoir la main pour y mettre tout ce qu’on veut.
Mais bon… C’est surtout LA GRANDE COUSE AUTOUR DU MONDE que tu dois regarder, hein…