THORGAL : LES TROIS VIEILLARDS DU PAYS D’ARAN

Chronique de la série : THORGAL
2 : LES TROIS VIEILLARDS DU PAYS D’ARAN

Date de publication : 1981
Auteurs : Jean Van-Hamme (scénario), Grzegorz Rosinski (dessin).
Genre : Heroic fantasy, médiéval fantastique, aventures.
Éditeur : Le Lombard.

À l’origine, c’était dans le journal de Tintin…

Cet article portera sur le troisième album de la série THORGAL originelle. C’est le second d’une suite explorant la saga par cycles. On y trouve cependant, comme ici, des albums autonomes, puisque chaque tome est un élément constitutif de l’ensemble de la destinée du héros qui, tel Superman, est venu des étoiles…
LES TROIS VIEILLARDS DU PAYS D’ARAN forme donc une histoire complète qui ne s’intègre pas dans un cycle contrairement, par exemple, aux deux précédents tomes qui formaient LE CYCLE DE LA REINE DES MER GELÉES.
L’album a été édité initialement en 1981, bien que l’ensemble des planches ait été pré-publié dans Le Journal de Tintin.
Le scénario est de Jean Van-Hamme, et les dessins sont l’œuvre de Grzegorz Rosinski.

Deux naïfs qui pensent pouvoir trouver le bonheur…

Le pitch : Thorgal et son épouse Aaricia ont enfin quitté le royaume des vikings du nord afin de vivre leur vie et de parcourir le monde. Alors qu’ils pénètrent dans une région inconnue, ils sont invités par un étrange nain, habillé en bouffon, à se joindre à la fête de son village. Arrivés sur les lieux, les jeunes mariés vont s’apercevoir qu’ils ont en réalité été attirés dans un piège. Effectivement, le royaume est dirigé par trois vieux sages, mais il n’a pas de souverain officiel. Aaricia est donc désignée comme la nouvelle reine, et Thorgal est chassé séance tenante ! Bien évidemment, notre héros ne va pas se laisser faire…

Un piège se referme…

Comme nous l’avons dit en introduction de l’article, ce troisième tome de la saga s’ouvre et se referme sur une histoire complète. Il constitue donc un récit à part, puisqu’il n’est pas intégré à un “cycle” comme la plupart des autres albums. Néanmoins, il s’agit d’une aventure parfaitement intégrée à l’évolution de la mythologie développée de manière interne par les auteurs, et l’on percevra bientôt à quel point le scénariste Jean Van-Hamme posait déjà certains éléments qui deviendront peu à peu les constituants de cette mythologie, comme le personnage de la Gardienne des clés et son Deuxième Monde. Cette dimension parallèle du Deuxième Monde est par ailleurs une nouvelle marque de l’originalité de la série, qui continue de s’émanciper de ses influences initiales (les divers mythes littéraires les plus connus du genre consacré, comme les mythes scandinaves, ou même les créations littéraires fondatrices de l’Heroic-fantasy), afin de trouver une identité propre.

Thorgal reviendra souvent dans le Deuxième Monde et sa Gardienne des clés…

D’un point de vue simplement formel, cette seconde aventure après LE CYCLE DE LA REINE DES MER GELÉES est une éclatante réussite. Le scénario est rondement mené, ménageant un suspense et une montée en puissance sans faille, qui va culminer au final par un “twist” inattendu redistribuant les cartes et remettant en cause tout l’ensemble du récit ! Une très impressionnante leçon de savoir faire dans le domaine de la narration, virtuose et sans fioritures, qui sera maintes fois recopiée dans le futur, mais rarement égalée.

Plus tard, l’album aura droit à une remastérisation des couleurs.

Parallèlement, Van-Hamme et Rosinski continuent d’affiner le caractère de leur héros, dont l’apparente passivité dissimule une profonde philosophie pacifiste, contrebalancée par une ténacité et un courage admirable. Une manière, plus nuancée que d’ordinaire, de composer une figure de héros indestructible, moins lisse et monolithique que la plupart des figures de ce genre. Un héros qui connaitra un destin atypique, car Van-Hamme intègre ici la ligne directrice de la série pour tous les albums à venir : Thorgal est destiné à souffrir et son existence sera jalonnée d’épreuves toutes plus douloureuses les unes que les autres, pour un parcours quasi-christique (bien qu’il ait commencé comme celui de Moïse…), histoire de boucler la boucle en matière de mythologies… Soit une véritable réflexion sur le destin, ce dernier ne cessant de rattraper notre héros chaque fois qu’il tentera d’y échapper.
En bref, le parcours d’un héros qui, à force de rechercher la tranquillité, ne fait que déclencher les affres de son destin tumultueux…

Ce n’est que le troisième album de la série, et l’on tient déjà un chef d’œuvre !

Une des magnifiques peintures impressionnistes de Rosinski, réalisée d’après cet album.
Source : Galerie et éditions DM