NUMÉRO III
Chronique du one shot : BATMAN – ARKHAM ASYLUM
Date de publication : 1989
100 pages
Auteurs : Grant Morrison (scénario) & Dave McKean (dessin)
Genre : Super-héros, horreur, thriller
Éditeur : Urban Comics (respectivement publié auparavant chez Comics USA sous le titre « LES FOUS D’ARKHAM », Reporter puis Panini Comics sous le titre « L’ASILE D’ARKHAM »)
La première couverture de la première édition VF, aux temps anciens de la première découverte…
BATMAN – ARKHAM ASYLUM est un graphic novel réalisé en 1989 par le scénariste Grant Morrison et l’illustrateur Dave McKean.
Deux histoires se superposent : La première raconte la vie tragique, au début du XXème siècle, d’Amadeus Arkham, le fondateur de l’asile du même nom, et sa longue plongée dans la folie. La seconde met en scène Batman face à ses ennemis dans les mêmes lieux, à l’époque contemporaine. En effet, les pensionnaires de l’asile pour criminels d’Arkham, avec le Joker en tête, se sont échappés de leurs cellules et ont pris en otage le personnel médical. Leur chantage est le suivant : Ils libèreront les otages si Batman accepte de prendre leur place, afin qu’il affronte pour une fois sa propre folie…
Une première pour l’univers de Batman : L’esthétique démente de Dave McKean.
ARKHAM ASYLUM a toujours été l’un de mes BATMAN préférés, avec THE KILLING JOKE et les créations de Frank Miller. C’est un de ceux que j’ai relus le plus. Heureusement d’ailleurs, tant la compréhension de l’histoire n’est pas évidente à la première lecture !
D’une noirceur abyssale, le début de l’album réussit de manière impressionnante à retrouver la même ambiance angoissante et malsaine que le prologue du film LA MAISON DU DIABLE, le chef d’œuvre de Robert Wise. Le manoir Arkham distille ainsi un malaise immédiat, comme s’il était habité par le mal. Non pas un mal d’opérette, tel qu’il est de coutume de le représenter dans les habituelles histoires de super-héros, mais un mal vénéneux, dans ce qu’il possède de pire en matière de sensations délétères et indicibles. Il faut dire que les auteurs y vont franchement dans la plongée de la violence et des ténèbres de l’âme humaine. Les méchants de l’histoire, entre les psychopathes internés du temps d’Amadeus Arkham et les ennemis récurrents de Batman, sont réellement terrifiants, et rarement ces derniers auront-ils autant suinté le mal. Ainsi, des personnages comme le Joker ou le Chapelier fou, souvent amusants dans les histoires de Batman (même encore aujourd’hui), dégagent ici une aura malsaine particulièrement palpable et nauséeuse. À ce titre, scénario, dialogues et illustrations se complètent pour offrir une atmosphère incroyablement claustrophobe et poisseuse, telle que l’on n’en avait jamais vu (ressentie ?) à l’époque dans n’importe quels comics de super-héros (à l’exception d’ORCHIDÉE NOIRE, un autre GN écrit par Nail Gaiman, et illustré par le même Dave McKean…). Même s’il faut avouer que ARKHAM ASYLUM ne suit pas vraiment les sentiers battus des comics mainstream !
Un Joker plus fou et terrifiant que jamais…
Sur le terrain des références, Grant Morrison & Dave MkKean ont semé un sacré paquet de grains tout au long de l’album afin que l’on se souvienne des œuvres qui avaient auparavant pavé le même chemin de l’horreur et de l’angoisse ténébreuse. Ainsi Robert Wise, comme on l’a vu plus haut, mais aussi et bien évidemment Edgar Poe avec le décorum putride claustrophobe, Hitchcock et son penchant pour la réalité qui soudain nous échappe, Stephen King et sa frontière ténue entre le réel et la surnaturel, ainsi que les grands classiques de l’horreur hollywoodiens. Et bien d’autres encore, dont H.P. Lovecraft, bien sûr, puisque c’est dans le titre de l’album…
Tragédie, mythologie, symbolisme, ésotérisme, onirisme et psychanalyse se télescopent avec une rare osmose tout au long de ce récit assez court, qui se révèle malgré tout incroyablement long à déguster si l’on veut en apprécier à la fois toute la densité scénaristique et la richesse picturale.
Grant Morrison écrivait alors un des comics les plus adultes et les plus sombres (autant de notions aujourd’hui galvaudées) dédiés à un super-héros de toute l’histoire du medium. Et c’est probablement l’une des œuvres qui motiva l’éditeur DC Comics pour lancer la ligne Vertigo, réservée aux adultes et aux amateurs de créations au contenu artistique plus exigeant.
Dave McKean, quant à lui, emboitait le pas de Bill Scienkievicz qui avait commencé avec ELEKTRA ASSASSIN et DAREDEVIL : LOVE & WAR (sur des scénarios de Frank Miller) à concevoir ses planches comme des tableaux, et ses images comme des peintures expressionnistes. Mais il allait encore plus loin en expérimentant ce mélange, encore inédit à l’époque, de techniques où se mêlent le dessin au crayonné, la photo, le collage et la peinture directe. Le résultat est époustouflant et marquera durablement les rétines. Il faudra attendre longtemps, avec des illustrateurs comme David Mack (DAREDEVIL : ECHO) ou J. H. Williams III (BATWOMAN) pour retrouver ce type de comics à forte teneur picturale conceptuelle dans un comic book mainstream.
Un asile bien claustrophobe !
ARKHAM ASYLUM s’impose en définitive comme un des points de rupture les plus importants dans l’histoire des comics de super-héros qui accédèrent alors à un stade nettement supérieur d’un point de vue artistique, où scénario et images se mariaient de manière conceptuelle, se destinant à un lectorat plus adulte, curieux et exigeant. À ce titre, il n’a vraiment pas pris une ride, ce qui n’est pas le cas de la majorité des productions de la même époque.
Ça vaut ce que ça vaut, mais de mon point de vue, il achève la décennie des années 80 en s’imposant comme l’une des œuvres les plus abouties en matière de super-héros, à côté de WATCHMEN et BATMAN – THE DARK KNIGHT RETURNS, élevant Grant Morrison au rang de troisième auteur majeur de la période consacrée.
Chef d’œuvre absolu.
Ils sont tous là !
That’s all folks !!!
Je suis très étonné : cet article est court ! Je dois encore voir les films de Robert Wise car je n’ai jamais vu ces références dans cette bd – forcément. D’ailleurs je n’aurais jamais pensé que des films aient pu inspirer les auteurs de ces Batman (tu en parles aussi dans GOTHIC) mais pourquoi pas.
Oui, c’est un ancien commentaire Amazon un peu remanié et quand même un peu rallongé. Je me suis dit en le rédigeant qu’il va falloir que je le relise, comme je l’ai fait avec THE KILLING JOKE, afin de compléter un peu ma chronique. Ce qui est bien justement c’est que je peux revenir sur mes articles quand j’en ai envie.
Mais oui, c’est bourré de références. C’est comme ça avec les auteurs maintenant, ils régurgitent tout leur patrimoine culturel et artistique qui est de plus en plus long au fil des siècles. Je me suis repassé LE NOM DE LA ROSE hier, et c’est très impressionnant toutes les références que j’y ai vu aujourd’hui que moi aussi je commence à avoir un peu de bagage. Sachant qu’il y en a encore probalement beaucoup qui m’échappent encore.