Anthologie des films KING KONG – 2ème partie : LES KING KONG JAPONAIS DE ISHIRŌ HONDA
Chronique des films KING KONG CONTRE GODZILLA, KING KONG S’EST ÉCHAPPÉ et LA GUERRE DES MONSTRES
Date de sortie des films : 1962, 1966 et 1967.
Genre : Fantastique, aventures, science-fiction.
1ère partie : KING KONG 1933
2ème partie – Vous êtes ici : KING KONG CONTRE GODZILLA, KING KONG S’EST ÉCHAPPÉ, LA GUERRE DES MONSTRES
3ème partie : KING KONG 1976 + KING KONG 2
4ème partie : KING KONG 2005
5ème partie : SKULL ISLAND
Les matchs du siècle !
Cet article portera sur trois films de monstres japonais (ou Kaijū Eiga) tournant autour du mythe de King Kong : KING KONG CONTRE GODZILLA, KING KONG S’EST ÉCHAPPÉ et LA GUERRE DES MONSTRES. Nous sommes ici dans la deuxième partie d’une suite d’articles sur la filmographie des singes géants. Elle est précédée d’un article sur le KING KONG originel de 1933 (et sa suite réalisée la même année) et elle sera suivie d’autres articles sur les remakes et autres itérations simiesques démesurées…
Que le meilleur gagne !
1) KING KONG CONTRE GODZILLA (KINGU KONGU TAI GOJIRA) – 1962
Le pitch : Godzilla est accidentellement libéré d’un iceberg par un sous-marin nucléaire. Poussé par sa nature placide, il se précipite sur Tokyo pour détruire la ville (sans aucun lien avec le film de 1954) ! Peu après, et puisque le hasard fait bien les choses, une expédition découvre une île inconnue dans laquelle vit un autre monstre géant, à savoir King Kong (sans aucun lien avec le film de 1933…) ! En toute logique, les membres de l’expédition ont l’excellente idée de ramener fissa ce bon gorille géant à Tokyo… qu’il se met lui aussi à détruire ! Inévitablement, les deux monstres finissent par se rencontrer et s’affrontent, après moult péripéties, avant de se séparer aux termes d’un match… nul !
Et si on jouait à casser les maisons ?
En 1962, la TOHO, firme cinématographique nippone spécialiste des Kaijū Eiga, rachète la licence KING KONG à la RKO. KING KONG CONTRE GODZILLA est alors le premier film de l’histoire du cinéma à récupérer la franchise du gorille géant.
La réalisation du projet est confiée à Ishirō Honda, celui-là même qui nous offrira la plus-part des classiques du film de monstres japonais. Dans son palmarès figure bien évidemment LE GODZILLA originel réalisé en 1954, mais aussi bien des perles, comme PRISONNIÈRES DES MARTIENS, MOTHRA CONTRE GODZILLA, RODAN, etc. Soit les principaux étendards du genre.
Non mais qu’est-ce qu’il est Kong !!! On lui avait pourtant dit que ce n’était pas un match de foot !
Comme nous l’avons vu plus haut, le scénario de KING KONG CONTRE GODZILLA est édifiant et, pris au premier degré, il constitue une véritable hallucination naturelle et instantanée. Car sachez-le : si vous n’avez pas vu le film, vous serez médusé par toute une série de révélations incroyables et stupéfiantes auxquelles vous ne vous attendez pas. Vous apprendrez ainsi que Godzilla est allergique à l’électricité (alors qu’il est pourtant capable, en temps normal, d’envoyer des décharges d’énergie nucléaire en toute simplicité !), mais que cette même électricité procure à King Kong les mêmes effets que la cocaïne ! Effectivement, notre grand singe junkie préféré se régale de ces décharges électriques (ce qui est très pratique quand on a des fils électriques à sa taille sur les pilonnes des pays civilisés), qui lui filent une pêche d’enfer et le motivent afin d’aller, non pas chanter sur les podiums, mais bel et bien casser la gueule à Godzilla !
L’un se shoote au nucléaire. L’autre à l’électricité. Bref, chacun sa came !
Avouons que cette revanche du Japon contre les USA (symbolisée par l’affrontement entre les deux géants), une quinzaine d’années après la fin de la seconde guerre mondiale, est plutôt originale !
Kitschissime et drôle d’une manière extrême, voilà un grand classique du film de monstres décomplexé qu’il fait bon regarder avec des yeux d’enfant candide.
Les effets spéciaux prêtent à rire mais sont pourtant encore très impressionnants, tant il est impossible de repérer les filtres qui séparent les monstres des acteurs en chair et en os. Il faut dire que le grand Ishirō Honda est alors un maître dans le genre consacré du Kaijū et chacun de ses films assure le spectacle en matière de destructions et autres cataclysmes, le tout mis en scène avec un immense savoir-faire à coup de maquettes magnifiquement détaillées et de très beaux plans où les miniatures se confondent avec les images réelles. En revanche, les monstres en questions sont juste des acteurs en costume de latex, et là c’est plutôt pathétique ! Si Godzilla est bien croquignolesque, King Kong est d’une laideur à toute épreuve !
On est beau gosse ou on l’est pas…
Bien que le temps fasse son office, KING KONG CONTRE GODZILLA demeure un grand moment de cinéma à l’ancienne, à la fois kitsch, édifiant et charmant. Il possède ce petit quelque chose, propre à ce genre qu’est le Kaijū Eiga, où le glauque se mêle à la féérie. Où le spectateur a cette étrange sensation, assez fascinante, d’un arrière-goût à travers lequel les peurs enfantines mâtinées de contes peuplés d’ogres menaçants échouent soudain sur une horreur bien réelle. C’est effectivement le génie d’Ishirō Honda qui est à l’œuvre, puisque ce fléau fantasmé qu’est celui de ces monstres antédiluviens venus détruire les grandes villes de notre monde civilisé tel un marteau de l’apocalypse, n’est évidemment rien d’autre que la métaphore de la bombe atomique, cette même bombe qui a détruit, pour de vrai, les villes d’Hiroshima et de Nagasaki. Ou lorsque le cinéma d’entertainment dissimule, derrière le vernis de l’innocence, une toile de fond cristallisant nos peurs bien réelles…
Tout le monde s’échappe, même les spectateurs !
2) KING KONG S’EST ÉCHAPPÉ ou LA REVANCHE DE KING KONG (KINGU KONGU NO GYAKUSHU) – 1966
Le pitch : Vous avez trouvé que le scénario de KING KONG CONTRE GODZILLA était édifiant ? Alors sachez que celui de KING KONG S’EST ÉCHAPPÉ est un monument imbattable ! Jugez plutôt : Un savant fou nommé Docteur Who (« Qui ça ? » me crie-t-on dans l’assemblée) veut apparemment conquérir le monde (bien qu’après plusieurs visions du métrage, je dois avouer que je ne suis toujours pas certain d’avoir bien compris ses réelles motivations…). Pour devenir très puissant, il décide de construire un robot géant métallique, en tout point identique à King Kong, qu’il nomme Méchanikong… Le but est d’envoyer ce nouveau Kong forer une mine afin d’y extraire une substance censée servir à la création d’une arme absolue pour assurer la domination du monde. Mais notre gorille en fer ne supporte pas la radioactivité des lieux… Qu’à cela ne tienne ! Who (silence, dans l’assemblée, s’il vous plait !) s’en va capturer le vrai Kong, pourtant bien tranquille sur son île, en train de faire du karaté avec les tyrannosaures du coin. Car Who (…) en est soudain persuadé et il s’exclame ainsi : « Bon sang mais c’est bien sûr ! le vrai King Kong sera à coup-sûr beaucoup moins sensible à mon minerai tant convoité !« …
King Kong arrive ! Êtes-vous terrifiés ?
Mais comme le titre original l’indique fort bien, le gorille ne tarde pas à s’échapper… Le spectateur, médusé, est alors amené à se poser deux des plus grandes questions existentielles de toute l’histoire du cinéma :
1) Pourquoi diantre construire un robot en forme de gorille pour extraire un minerai radioactif ? Une autre forme n’aurait-elle pas aussi bien fait l’affaire ? Je ne sais pas moi, une forme de taupe par exemple (très pratique pour creuser sous terre), ou bien juste une forme de… robot ? Faut vraiment être un savant complètement fou pour avoir des idées pareilles !
2) Pourquoi, morbleu, n’y a-t-on pas pensé avant : Capturer le vrai Kong tout de suite n’aurait-il pas permis de faire des économies tous azimuts en évitant à tout ce beau monde de construire un robot parfaitement incompétent ? Surtout s’il s’agit de se fatiguer à faire en sorte qu’il ressemble comme deux gouttes d’eau à un monstre qui attend sagement qu’on vienne le capturer ?
Méchanikong arrive ! Êêêêêtes-vous terrifiés ???!!!
KING KONG S’EST ÉCHAPPÉ (ou KING KONG ESCAPES pour les américains) est probablement le film le plus kitsch, mais aussi le plus merveilleusement naïf de toute l’histoire de la franchise du gorille géant au cinéma. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, et donc vous êtes très naïf si vous le croyez, ce n’est absolument pas la suite de KING KONG CONTRE GODZILLA, parfaitement ignoré dans le scénario du film qui nous intéresse ici, alors qu’il fut réalisé par la même équipe !
Le casting du film. Et bien moi ça me terrifie !!!
Ceci étant dit, notre histoire va nous offrir un spectacle grandiose lorsque le vrai Kong, énervé, va s’en prendre au faux Kong, qui fait « dong » quand on lui tape sur la tête (à croire qu’il n’a rien sous la caboche !). On apprendra alors que le vrai, naturel comme vous et moi, est gentil, et que le faux, qui symbolise bien évidemment la science malveillante, est méchant. Pourtant, on lui donnerait le bon Dieu sans confession, tellement il a une tête sympa (faites-lui jouer les featuring chez Winnie l’ourson et vous verrez qu’il y sera parfait !). Et puis, au bout d’un suspense absolument insoutenable, le gentil l’emportera… Quoi ? Comment ça « spoiler » ?
À plus d’un titre, cette version décomplexée et flamboyante est une véritable déclaration d’amour au premier KING KONG de 1933. Le combat entre le gorille et le T-Rex est un pur remake, en couleur, de celui du film de Cooper & Shoedsack et ce, 40 ans avant la version de Peter Jackson ! Le combat final, au sommet d’une des plus grandes tours de Tokyo, renvoie évidemment à celui du premier film. Quant au look de notre héros à poils, il a été complètement revu et corrigé depuis le précédent (celui avec Godzilla, en 1962). Il arbore désormais un sourire ravageur qui nous rappelle décidément l’original de 1933…
Méchanikong : Une pêche d’en-fer !!!
Pour le reste, le film colle à son époque. Les acteurs ont par exemple le même look et les mêmes engins que dans les films de James Bond. Pour l’anecdote, l’actrice Mie Hama, qui campe ici la terrible Madame Piranha (j’en tremble encore !), jouait la James bond girl dans ON NE VIT QUE DEUX FOIS, tourné exactement la même année ! Le casting principal est du reste occupé par des acteurs débridés mais non-bridés (Rhodes Reason et Linda Miller), histoire de favoriser l’importation du long métrage sous toute latitude… De toute manière, le film s’inspire directement d’un cartoon américain sorti l’année précédente, dans lequel on trouvait déjà un « Dr Who » et un « Méchanikong » !
Et enfin, dans le genre terrifiant : Mme Piranha et le teeerrible Dr Who !!!
C’était d’ailleurs une sorte de mode, puisque l’on retrouve notre bon vieux Kong dans moult cartoons de la même époque. Et je ne suis pas près d’oublier, moi, l’éternel enfant amoureux de tous les Kong du monde, la rencontre au sommet entre le chien détective Mumbly et le gorille géant (MUMBLY : THE RETURN OF BING BONG) dans un dessin animé sorti en 1976 ! Regarder KING KONG S’EST ÉCHAPPÉ aujourd’hui, alors qu’il s’agit peut-être de l’un des films les plus kitsch qu’il m’ait été donné de voir (et pourtant, j’en ai vu !), assure une succession d’éclats de rire. Un de mes nanars préférés, en même temps qu’un des plus grands fantasmes cinéphiliques de mon enfance, lorsque je rêvais de le voir, alors que je devais me contenter de quelques extraits diffusés par-ci, par-là…
Le premier remake de King Kong, en fait c’est celui-là !
Je me souviens d’ailleurs très bien que des trailers de ces films étaient diffusés dans des documentaires le dimanche matin, comme quoi ça m’a marqué ! En essayant de recoller les morceaux éparpillés dans ma mémoire, ce devait être des rétrospectives sur tous les films de grands singes. On devait ainsi y trouver, outre nos trois fleurons présentés ici, des perles comme KONGA (1961) ; THE MIGHTY GORGA (1969) ; KING KONG REVIENT (1976) ; QUEEN KONG (1976), et LE COLOSSE DE HONG KONG (1977), les trois derniers de la liste ayant été mis en chantier, sans opportunisme aucun, en même temps que le remake du film originel réalisé par John Guillermin en 1976… Bon, cela-dit, il faut que je cesse de m’égarer car, de toute manière, vous allez avoir droit tôt ou tard à l’article pour tous les sous-KING KONG !
Tout est dans le titre…
3) : LA GUERRE DES MONSTRES (FURANKENSHUTAIN NO KAIJŪ : SANDA TAI GAIRA) – 1966
Le pitch : Sanda, hybride entre le singe et l’homme ayant été élevé en laboratoire, a grandi de manière phénoménale, avant de s’échapper. Sa condition de cobaye génétique fait que, s’il s’écorche, le morceau de chair devenu distinct s’auto-génère et donne vie à un nouveau géant. S’est ainsi que nait Gaïa au beau milieu de l’océan, issu d’un bout de chair ayant dérivé depuis la rivière…
Sanda, élevé parmi les hommes, possède une certaine éthique qui l’empêche de tuer. Mais ce n’est pas le cas de Gaïa, qui devient rapidement une menace pour l’humanité…
Le genre d’image qui tétanisa l’enfant que j’étais quand j’étais un enfant !
Toujours réalisé par Ishirō Honda, LA GUERRE DES MONSTRES (ou WAR OF THE GARGANTUAS aux USA) est une des plus fascinantes déclinaisons du mythe de King Kong.
L’histoire, qui fait suite à celle de FRANKENSTEIN CONQUERS THE WORLD (un autre film de Ishirō Honda mais non, n’insistez pas, je ne vous dirais rien, ceci est une autre histoire !), est d’une remarquable profondeur science-fictionnelle, dans le plus pur esprit des récits d’anticipation, dont le but consiste à nous prévenir des errances et autres dangers liés aux expériences humaines.
King Kong Style…
Ishirō Honda réalise LA GUERRE DES MONSTRES en 1966, entre KING KONG CONTRE GODZILLA et KING KONG S’EST ÉCHAPPÉ. Une déclinaison du même thème qui surprend par son approche. Car si les deux autres films sont résolument tournés vers une certaine légèreté décomplexée (et cartoonesque), propre à l’évolution du genre Kaijù dans les années 60, LA GUERRE DES MONSTRES revient aux thématiques sérieuses liées aux dangers de la science telles qu’Honda les avait développées avec le premier GODZILLA et quelques autres de ses premiers longs métrages. LA GUERRE DES MONSTRES, initialement, ne prête pas à rire. Il y a même des scènes plutôt glauques et horrifiques.
Aujourd’hui, évidemment, le film est devenu très kitsch, tant dans sa mise en forme que dans certains de ses effets spéciaux. Je dis bien « certains », car la plus-part des scènes montrant les deux géants au milieu de décors miniatures sont de toute beauté, tandis que les monstres en question sont d’une laideur hallucinante, preuve vivante de l’horreur de certaines expériences humaines…
Allo maman bobo. Maman comment tu m’as fait chuis pas beau !
Pour ceux qui l’ont vu enfants, le film garde encore sa puissance évocatrice, agissant comme une sorte de relecture hardcore et horrifique du mythe de King Kong, laissant deviner que si la nature peut se rebiffer contre l’homme (ça c’est le King Kong « de base »), elle peut se révéler plus revancharde encore si l’on s’amuse à se prendre pour Dieu (ça c’est le côté Frankenstein…). Il aura auguré chez votre serviteur certains de ses plus fascinants cauchemars ! Hélas, les spectateurs le découvrant aujourd’hui risquent d’avoir du mal à franchir le cap du poids de l’âge…
À noter que le premier rôle du film est interprété par l’acteur américain Russ Tamblyn, permettant l’exportation de l’œuvre en occident !
Bon, déconnez pas, moi ça me fait vraiment flipper…
Ce n’est quand même pas juste ! Quand j’étais petit, ces films me faisaient rêver, et ils ne passaient jamais à la télé !
Ils ont aujourd’hui rejoint le club des nanars les plus kitsch, tout en restant cultes (du kitsch culte, en fait).
Tous les amateurs de films de monstres le savent : Plus c’est kitsch, plus c’est culte. Et ces films de monstres aux couleurs flamboyantes, aux magnifiques effets spéciaux malgré les grosses bébêtes incarnées à l’écran par des acteurs revêtus de costumes en latex et en caoutchouc (oui, même celui de Méchanikong était en caoutchouc !), occupent une place particulière et privilégiée au panthéon de leur genre…
Isihirō Honda nous aura laissé une filmographie impressionnante, en grande partie dévolue au genre du Kaijù Eiga, qui s’étendra sur près de trois décennies. Parmi cette multitude de films de monstres, le réalisateur qui fit de son tyrannosaure atomique la métaphore de la bombe atomique s’abattant sur Hiroshima et Nagasaki, nous aura également offert ces trois déclinaisons du mythe de King Kong. Les premières de leur genre (si l’on excepte le film KONGA de 1961), bien des années avant le remake américain de John Guillermin…
Rien que pour vos yeux…
1ère partie : KING KONG 1933
2ème partie – Vous êtes ici : KING KONG CONTRE GODZILLA, KING KONG S’EST ÉCHAPPÉ, LA GUERRE DES MONSTRES
3ème partie : KING KONG 1976 + KING KONG 2
4ème partie : KING KONG 2005
5ème partie : SKULL ISLAND
See you soon !!!