
ENTER ACTION(G) !
– Anthologie des films KING KONG – 6ème partie : Les sous-KING KONG –
Chronique des films KONGA, THE MIGHTY GORGA, KING KONG REVIENT, QUEEN KONG et LE COLOSSE DE HONG KONG
Date de sortie des films : respectivement 1961, 1969, 1976, 1976, 1977.
Durée : respectivement 1h30, 1h24, 1h27, 1h24, 1h26 minutes.
Genre : Fantastique, aventures, horreur.
1ère partie : KING KONG 1933
2ème partie : KING KONG CONTRE GODZILLA, KING KONG S’EST ÉCHAPPÉ, LA GUERRE DES MONSTRES
3ème partie : KING KONG 1976 + KING KONG 2
4ème partie : KING KONG 2005
5ème partie – KONG : SKULL ISLAND
6ème partie – Vous êtes ici : LES SOUS-KING KONG

1 : Konga, 2 : Mighty Gorga, 3 : encore lui, 4 : King Kong (A*P*E), 5 : Queen Kong, 6 : le Colosse. Notons que le plus grossier, c’est encore King Kong !
Cet article est le sixième d’une série dédiée aux films KING KONG. Il portera sur plusieurs films susceptibles d’être qualifiés de “sous-KING KONG”. Car en effet, il y eut moult bobines plus ou moins officiellement tournées vers la tentative de retrouver la magie du film originel de 1933 sans non plus pouvoir s’afficher en véritable remake.
Cela signifie que divers producteurs et réalisateurs, souvent d’un niveau de compétences discutable, ne pouvant obtenir les droits de réaliser un film officiel dans lequel on retrouverait le roi Kong, ont choisi l’option B : à savoir réaliser un film de gorille géant qui ressemblerait à du KING KONG, tout en restant dans le pastiche, mais en faisant croire, via diverses affiches et autres moyens promotionnels divers et variés, que si ce n’était pas officiellement King Kong, c’était quand même un peu King Kong…
Nous allons égrainer les principaux films de ce sous-genre qu’est le sous-KING KONG en articulant la chronique selon un même fil conducteur. Effectivement : N’ayant pas vraiment les moyens de leurs ambitions (ce qui, vous allez le constater plus d’une fois, est un euphémisme !), les créateurs de nos sous-KING KONG préférés auront rarement tenté de mettre dans la même image le gorille géant et les acteurs du film idoine. Car la chose nécessite des effets spéciaux tout de même assez poussés et, pour le coup, le budget serré-serré de ces petites productions ne le leur permettait pas vraiment… Ainsi, nous verrons que rares auront été les intéractions entre le gorille et les acteurs…
AU PROGRAMME DE CE SIXIÈME ARTICLE :
Niveaux d’appréciation :– À goûter
– À déguster
– À savourer


Not since King Kong !!! (?)
KONGA – 1961 – 
Le pitch : Après avoir été porté disparu dans une expédition au fin-fond de la jungle africaine, un scientifique, le Dr Decker (Michael Gough), revient à Londres avec un bébé chimpanzé sous un bras et un lot de plantes carnivores iconnues sous l’autre. Il aurait découvert, grâce à ces nouvelles plantes qu’il considère comme le chaînon manquant entre le monde végétal et le monde animal, un sérum pouvant décupler la taille de n’importe quel organisme vivant.
Tel le premier savant-fou venu, Decker va alors se mettre en tête de dominer le monde, avec en premier lieu l’idée d’inoculer le sérum à son chimpanzé Konga, afin de le faire grandir pour qu’il puisse assassiner ses adversaires…
Le producteur Herman Cohen avait déjà chapeauté, avec l’éminent Samuel Z. Arkoff (qui produira la magnifique série des adaptations d’Edgar Poe par Roger Corman), un film d’horreur pour l’acteur Michael Gough : CRIME AU MUSÉE DES HORREURS. Fort de ce succès, il voulait en profiter pour mélanger à la fois Michael Gough et ses projets de films pour teenagers qui dansent sur du rock’n roll entre deux attaques de monstres, qu’il avait développés tout au long de la décennie précédente à coup de I WAS A TEENAGE FRANKENSTEIN, I WAS A TEENAGE WEREWOLF (avec Michael London, futur Charles Ingals !), voire également son penchant pour les gorilles (BELA LUGOSI MEETS A BROOKLYN GORILLA et L’ABOMINABLE HOMME DES CAVERNES)…
Délocalisant volontiers ses projets en Angleterre, le bonhomme se mettait alors en tête de produire tout seul (sans l’éminent Samuel Z. Arkoff, donc…) une sorte de I WAS A TEENAGE GORILLA (titre envisagé au départ, mais changé au dernier moment en KONGA pour sonner davantage “comme King Kong” !) avec le grand Gough en tête d’affiche (à l’époque, Michael Gough avait été vu dans LE CAUCHEMAR DE DRACULA et on le reverra plusieurs fois dans les productions Hammer. Il deviendra une sorte de légende du cinéma fantastique, raison pour laquelle il terminera sa carrière auprès de Tim Burton, notamment en incarnant le majordome Alfred dans BATMAN et BATMAN LE DÉFI).

Vous vendè-je du rêve ?
Hélas, le vieux Cohen balança une grosse partie de son budget (sûrement déjà assez maigre) dans la réalisation de l’affiche du film et reversa notamment la modique somme de 25 000 dollars à la RKO (détentrice des droits de KING KONG) afin d’inscrire en rouge et en gras la phrase d’accroche “Depuis KING KONG, l’écran n’avait pas explosé avec une telle fureur spectaculaire !”
Les ayant-droits de la RKO, depuis leur tombe, doivent encore se marrer comme des baleines en se remémorant l’affaire rondement menée, tout en constatant l’abîme hallucinant qui sépare la grandiloquence de l’affiche, qui envoie quand même du bois, du résultat sur grand écran, éventuellement charmant par endroit, mais proprement minable en termes de grand spectacle et de film de monstre !
Notons qu’à l’époque, les anglais tentaient de produire leurs films de “monstre maison” afin qu’ils viennent écrabouiller leur propre capitale, comme King Kong avec New York et Godzilla avec Tokyo. On verra ainsi, en cette même année 1961, le GORGO d’Eugène Lourié, déjà réalisateur, quelques années plus tôt aux USA, d’un MONSTRE DES TEMPS PERDUS tout à fait similaire (mais animé par le grand Ray Harryhausen, alors débutant) ! Avouons que les titres “KONGA” et “GORGO” sonnent tous deux aussi bien à l’oreille de l’amateur éclairé. Un amateur, notamment, va s’en souvenir pour le prochain film de notre dossier (probablement doué pour les équations, il déduira rapidement : “KONGA + GORGO = GORGA” !)…

Rien que pour vos yeux (veuillez noter la position totalement naturelle de Michael Gough, dans la main du gorille)…
Malgré une bande-annonce et une affiche tornitruantes, on ne voit guère le gorille tout au long des 90 minutes que dure le film et ce n’est véritablement qu’à la toute fin qu’il nous joue enfin les King Kong, puisque c’est seulement arrivé-là qu’il grandit suffisamment pour pouvoir sortir de son antre et partir piétiner les monuments londoniens.
En effet, l’assistante du Dr Decker, qui est amoureuse de lui tout en le trouvant aussi savant que fou, devenue folle de jalousie car éconduite au profit d’une jeune étudiante que le savant-fou essaie alors de violer follement dans sa serre aux plantes carnivores, inocule la dernière seringue de sérum au jeune Konga, le faisant ainsi grandir plus que de raison. Dans un juste retour des choses et afin d’asséner une justice punitive méritée, Konga fera bien attention de trucider l’assistante-folle et le savant-fou, avant de se faire à son tour dézinguer tout aussi follement par l’armée anglaise…
Enter action(g) : En guise d’intéraction entre le monstre et les personnages, on devra se contenter de trois ou quatre plans totalement ringards, où l’on incruste (très mal) tantôt un Michael Gough en train de hurler dans la main géante de Konga, tantôt un Konga en arrière-plan de foule où une vingtaine de figurants en roue libre courent en hurlant sans trop savoir pourquoi…
Notons la scène la plus incroyable du film : Alors qu’il tente de se taper son étudiante préférée, et tandis qu’elle le supplie de lui foutre la paix, le Dr Decker lui sort l’une des plus grandes répliques de l’histoire du cinéma : “Tu sortiras d’ici quand tu auras promis de rester avec moi !!!”. Extraordinaire.

En haut : Hypnose sur Konga, afin qu’il obéisse aux ordres d’assassinat !
En bas : Tentative de viol dans une serre aux plantes carnivores (ou l’indiscutable climax du film)…
– La phrase-clé : “Tu sortiras d’ici quand tu auras promis de rester avec moi !!!”
– La scène-clé : “Tu sortiras d’ici quand tu auras promis de rester avec moi !!!”
– Niveau d’intéraction 1/10 : Soit trois ou quatre plans d’incrustation qui se voient comme le nez au milieu de la figure d’un gorille géant.


Tout est dans la phrase d’accroche !
THE MIGHTY GORGA – 1969 –
Le pitch : L’aventurier Mark Remington, directeur d’un cirque en faillite, décide de partir en Afrique à la recherche d’un gorille géant nommé le puissant Gorga (THE MIGHTY GORGA en VO, vous suivez ?), espérant le capturer afn d’en faire une attraction juteuse. Il demande l’aide de la ravissante April, la fille du type qui aurait découvert le gorille géant dans la pampa, puis qui aurait mystérieusement disparu on ne sait où (sûrement dans la pampa en question)… Celle-ci accepte de mener une expédition de quatre personnes, puisque c’est aussi l’occasion de retrouver son père. À leurs trousses se joint également l’expédition de Morgan (deux personnes en tout), un vil opportuniste qui ne cherche qu’à lui dérober l’héritage de son père, d’autant que ce dernier aurait, parait-il, non seulement découvert le Mighty Gorga, mais aussi un trésor fabuleux !
Le passionnant trailer, à l’image de la première moitié du film…
Qu’avons-nous là ? Un scénario patchwork d’une paresse extrême réunissant un petit groupe d’acteurs sur le retour ? Des stock-shots à gogo pour meubler et donner l’impression qu’on est ailleurs ? Des effets spéciaux dignes d’un enfant de quatre ans jouant avec des animaux en plastique ? Des répliques d’une ringardise à toute épreuve ? Un montage à la ramasse où s’amassent toutes sortes de faux raccords pitoyables ? Des costumes dignes d’une kermesse ? Des figurants n’ayant rien à voir avec le sujet ? Pas de doute, nous voilà dans le même, mais alors exactement le même type de cinéma que celui de notre cher Ed Wood !
Comment un cinéaste (en l’occurence le producteur/réalisateur/scénariste David L. Hewitt) a t-il pu imaginer un seul instant qu’un tel machin allait pouvoir lui rapporter de l’argent ? Il l’avouera lui-même plus tard : son film (tourné en cinq jours !!!) n’était pas distribuable en dehors d’un circuit de province, à l’ étranger de surcroit… Car le bonhomme (déjà coupable en 1965 d’un film intitulé LES MONSTRES S’INVITENT À LA SOIRÉE PYJAMA !!!) nous fait la totale : Des expéditions fauchées à travers une jungle factice (probablement un parc national californien), menées mollement par deux aventuriers et trois porteurs (noirs pour faire illusion, mais ils parlent anglais comme vous et moi !), des stock-shots du zoo de San Diego montés en boucle pour assurer l’exotisme, des indigènes censés être natifs de l’Afrique profonde, mais campés par des figurants blancs déguisés en indiens amazoniens (!!!), un acteur en costume de gorille géant affublé d’un masque parfaitement immobile et, pour couronner le tout, un combat entre le gorille et un tyrannosaure trônant haut la main au sommet des pires combats de monstres de toute l’histoire du cinéma (il dure environ 12 secondes) !

Y’a pas des africains, là ?
Enter action(g) : Côté intéractions, les rares moments montrant les monstres et les acteurs dans le même plan sont également parmi les plus nuls de tous les temps. Soit un plan totalement raté où le héros s’aperçoit au dernier moment que le gorille géant est en train de brailler juste à côté de lui (lequel héros sursaute en regardant dans une direction différente de celle où se trouve le gorille (qui est pourtant JUSTE À CÔTÉ, je répète !), ou encore cet instant mémorable qui voit ce même héros attaqué par une maman T-rex alors qu’il était en train de farfouiller dans son nid. Nous vivons alors un pur moment de béatitude cinématographique lorsque le héros, parce que son fusil est enrayé, finit par envoyer ses œufs à la gueule de la T-rex !

Ci-dessous, le tout en vidéo, ou la preuve que je n’ai nullement exagéré les faits…
Si vous n’avez pas encore saisi, avec THE MIGHTY GORGA, nous tenons l’un des pires nanars de l’histoire du cinéma. Et je ne vous ai pas encore révélé le plus savoureux : À maintes reprises, la caméra filme en plan fixe un indigène (parfaitement blanc, mais maquillé en homme bronzé affublé d’un drap bleu et d’un collier en plastique), probablement le chef ou le sorcier de la tribu, qui déclame des monologues pompeux, face à un Mighty Gorga venu taper la discu avec lui (mais le gorille ne sait dire que “Grrrouf” et “Rgrommmpf” !) à travers le toit en partie arraché de sa hutte. On apprend alors que la tribu vénère ce bon Mighty Gorga, et qu’elle respecte l’appétence de ce dernier pour le sang de jeune fille !
À la fin de l’histoire, ce bon Mighty Gorga reste tranquillement chez lui avec ses indigènes, le héros emballe la jolie nana qui a vingt ans de moins que lui et qui n’avait soi-disant jamais rencontré d’hommes avant (???), le méchant meurt dans d’atroces souffrances (dernier plan d’intéraction inénarable qui le voit se faire broyer par la main du gorille) après avoir tué la moitié du casting (trois personnes) et avoir rafflé le trésor magnifique (quatre ou cinq colliers de perles en plastique). Et donc tout est bien qui finit à peu-près bien…

Mais qui donc est cet acteur sans cesse filmé en monologue ???
– La phrase-clé : “Oôôô Mighty Gorga ! Je sais que ta soif de jeunes filles est grande !”
– La scène-clé : Les 12 secondes de combat entre Mighty Gorga et un T-rex en plastique !
– Niveau d’intéraction 0,5/10 : Trois plans à la ramasse.


Les multiples affiches (et autres titres) de notre troisième film… et toujours des phrases d’accroche incroyables pour attirer le chalan !
KING KONG REVIENT – 1976 – 
A*P*E – KING KONG SE RÉVOLTE
Le pitch : Puisque cette histoire n’a rien à voir avec KING KONG (la firme Paramount, qui dirigeait alors le remake produit par Dino De Laurentiis, avait fait le nécessaire en justice pour que l’affiche promotionnelle ajoute clairement la mention “À ne pas confondre avec KING KONG” !), le film (qui s’appelle initialement A*P*E) commence au milieu, c’est-à-dire lorsque Kong est emmené en bateau pour être exhibé à Disneyland (!). Mais comme celui-ci s’échappe en pleine mer, il débarque à Séoul pour y semer la panique et chopper une jolie blonde qui démarre une prometteuse carrière d’actrice…
À noter que les distributeurs francophones n’en eurent cure de la censure, et qu’ils retitrèrent carrément le film KING KONG SE RÉVOLTE au Quebec et KING KONG REVIENT en France !
Regardez bien la bande-annonce, car absolument tout le film est dedans !!!
Franchement, je veux bien vous tailler le bout de gras (si vous me permettez l’expression) mais, si vous avez vu la bande-annonce, vous avez vu le film. Car ses 87 minutes au total ne font rien d’autre que répéter et étirer les mêmes images en boucle. Vous aller y voir et y revoir et y re-revoir King Kong mouliner ses bras en se dandinant et en faisant vaguement “Grompf-grompf”, le tout dans des décors de désert et des carrières désaffectées (et désertées par les figurants !), et puis c’est tout. Par contre vous y verrez effectivement les mêmes scènes à rallonge. Vous contemplerez celle où le gorille, qui vient de s’échapper d’un bateau en plastique dans un bassin (le tout censé nous représenter un grand paquebot dans l’océan), secoue très fort pendant un temps interminable un requin géant, en vérité un véritable requin mort, acheté sur le marché au poisson le matin-même du tournage, que l’acteur en costume de singe en pilou-pilou s’évertue à remuer le plus énergiquement possible afin de nous donner l’illusion du combat de titans annoncé sur l’affiche ! Car tout comme ses confrères KONGA et THE MIGHTY GORGA, KING KONG REVIENT capitalise absolument tout sur l’accroche de son affiche coup-de-poing, profitant de l’engouement des spectateurs du monde entier pour le succès (à venir) du remake de KING KONG, certes, mais aussi pour celui des DENTS DE LA MER sorti l’année précédente !

Sur ces quatre images : Un paquebot sur l’océan… Un aileron du requin qui attaque… Et le combat du siècle juste après la sortie de la poissonnerie…
Plus interminables encore sont les scènes de dialogue, en particulier celles où un certain colonel Davis s’excite au téléphone (encore une scène reprise en boucle tout au long du film) en répétant ce que lui raconte son interlocuteur, lequel lui décrit les méfaits du grand Kong, ce qui est bien pratique afin que les passages les plus spectaculaires (où il y a parait-il des centaines de morts) se déroulent hors-champ !
Et si avec son combat contre le requin, le réalisateur Paul Leder fait aussi fort qu’Ed Wood lorsque Bela Lugosi simulait une baston contre une pieuvre (en vérité une bâche en plastique) dans BRIDE OF THE MONSTER en 1955, il nous réserve un second affrontement avec un serpent géant pas piqué des hanetons (en vérité, là encore, un simple serpent que l’acteur en pilou-pilou arrache d’un branche (mais que fait la SPA ???) avant de le jeter comme un malpropre sur la caméra (durée totale du combat : 8 secondes)) !
Faut savoir que le film a été tourné pour une diffusion au cinéma en 3D, à une époque où ce n’était pourtant pas la mode. Ainsi, vous pouvez observer dans la bande-annonce que plus d’un projectile s’en vient droit sur la caméra ! Une manière d’assurer le spectacle à moindre prix, grâce à des effets tape-à-l’œil mais totalement ringards !
Paul Leder a réalisé son film en Corée du sud mais il y fait tourner des figurants occidentaux, bénéficiant même de la participation (probablement bénévole) de l’armée américaine, pour d’autres interminables minutes nous montrant des véhicules militaires défiler à l’écran en boucle… L’idée était de damer le pion à Dino De Laurentiis en réussissant à sortir ce monument deux mois avant le film de John Guillermin !

Sur ces huit images : Les scènes de téléphone en boucle où l’on nous raconte ce qu’il se passe, hors-champ… King Kong qui enjambe une vache en plastique, puis qui écrabouille un immeuble parfaitement en carton, les magnifiques bouts de jambles de King Kong en carton-pâte… et enfin : King Kong jouant à la poupée !
Enter action(g) : Pendant longtemps, j’ai fantasmé sur tous ces faux-KING KONG et celui-là, avec son affiche tellement grandiloquente, me faisait de l’œil. Longtemps j’ai rebroussé chemin, eu égard à sa réputation de “l’un des pires navets de tous les temps” ! Il m’en aura fallu du courage, saisi à deux mains, avant que je ne me décide. Et je crois que c’est encore bien plus mauvais que ce que je craignais…
Une image promotionnelle, notamment, réalisée avant le tournage du film, pouvait suffire à refroidir les pires ardeurs, celle où l’on voit deux figurines (requin et gorille) s’empoigner dans un photo-montage épouvantable. Je vous laisse l’apprécier :

Tadaaaaaan !!!!!
N’empêche que niveau intéractions, j’aurais tendance à dire qu’on est ici au point zéro. Pour en être sûr, il faudrait que je me repasse le film en entier. Mais, heu… J’ai un sanglier sur le feu et je ne pense pas avoir le temps…
De mémoire, là, comme ça, je dirais qu’il n’y a que deux ou trois plans où l’on essaie de NOUS FAIRE CROIRE à l’intéraction, le premier avec les deux jambes géantes en carton qui se dressent devant la foule en panique (quinze personnes à tout casser) ; le second lorsque une main géante postiche achoppe l’actrice blonde ; un troisième où King Kong se promène avec la belle blonde, et qu’on voit l’acteur en pilou-pilou secouer une poupée barbie, niant complètement les rapports d’échelle (la poupée étant quatre fois plus grande que l’actrice dans la main du gorille !).
Non mais quel grossier personnage !
– La phrase-clé : “- Où va-t-il servir d’attraction ? – À Disneyland !”
– La scène-clé : Moment surréaliste où, King Kong, alors qu’il vient de fracasser quelques hélicoptères minatures vides, fait un doublé bras/doigt d’honneur face caméra…
– Niveau d’intéraction 0/10 : à vérifier, un jour…


QUEEN KONG – 1976 –
Le postulat de ce film, second sur la liste de ceux qui sortent en même temps que le remake produit par Dino De Laurentiis afin de profiter de la “King-Kongmania”, est très simple : Nous sommes dans un monde inversé où les femmes représentent le sexe fort.
Nous suivons donc les prérégrinations de la cinéaste Luce Habbit, qui embarque le pauvre jeune premier Ray Fay, qu’elle sauve de la police alors qu’il tentait de piquer une orange sur les étals d’un marché londonien. Les voilà partis sur un bateau pour un monde perdu où ils pourront tourner un film sensationnel, tandis qu’une tribu d’amazones vénère une gorille géante, c’est-à-dire Queen Kong, bien entendu…
Et l’amateur éclairé de reconnaître tous les clins d’œil appuyés au KING KONG originel de 1933, où les deux acteurs principaux, Fay Wray et Bruce Cabott, sont pastichés en Ray Fay et Luce Habbit, et où tout le monde est une femme à part le jeune blondinet qui va se faire enlever par la gorille géante, laquelle va naturellement tomber amoureuse de lui comme tout le monde (et pourtant il est plutôt moche et insupportable)…
Le milieu des années 70 semble propice à ce genre de parodie hybride, mélangeant la culture populaire et la libération des mœurs. On avait déjà eu un FLESH GORDON mêlant le porno et la SF en 1974, un ROCKY HORROR PICTURE SHOW célébrant le cinéma horrifique et la comédie musicale baignés dans le style camp en 1975, et l’on se retrouve ici avec un patchwork convocant le film d’aventures fantastiques et la comédie loufoque, le tout teinté de chansons et tourné à mort sur le féminisme pachydermique. Loin de moi l’idée, alors que je suis un féministe dans l’âme (et quand bien même j’adore chambrer la gente dame) de trouver l’option pachydermique par principe. Mais il se trouve que ce QUEEN KONG de 1976 est loin, mais alors très loin d’avoir l’autorité des autres films cités en matière de classe internationale…

Dans un monde dominé par les femmes...
Filmé en roue libre par un certain Frank Agrama (Farouk de son vrai prénom !), cette production italo-britannique ne connut jamais de sortie cinéma car, alors que les sous-KING-KONG pleuvaient, le producteur Dino De Laurentiis s’en prit tout particulièrement à QUEEN KONG, ignorant manifestement qu’il s’agissait-là d’une parodie assumée, tandis que tous les autres films le copiaient bien davantage et sans vergogne, essayant de se faire passer pour des grands spectacles au premier degré (oui je sais c’est à se taper de rire)… QUEEN KONG fut donc interdit de projection en dehors de l’Italie et de l’Allemagne et resta longtemps difficile à voir. Il fallut attendre une tardive sortie en DVD avant qu’on s’aperçoive du niveau du film en lui-même, hélas bien bas !
Car son humour, extrêmement gras et lourdingue (le pompon avec une Lady Jaws sortant de l’eau toute maquillée en rouge à lèvre et mascara) risque de ne pas vous décrocher le moindre sourire, contrairement aux autres films sérieux de notre sélection !
Pour autant, soyons honnête : il s’agit-là d’un des films les mieux troussés de notre sélection, techniquement parlant en tout cas. Et côté spectacle, on est quand même au-dessus des trois films précédents. Et si d’aventure on peut trouver les créatures complètement grotesques, comme au hasard le ptérosaure et le T-rex en costume de caoutchouc, on sait au moins que la chose est totalement assumée comme telle !

Une parodie qui n’ignore pas les codes du genre.
Enter action(g) : Si vous avez vu la bande annonce, vous avez sans doute remarqué que les intéractions monstre/humains sont beaaauuucoup plus nombreuses que dans les films précédents. Cette parodie s’était tout de même donné les moyens de ses ambitions et les effets spéciaux d’époque sont en tout cas au diapason du projet : Ringards mais bien réalisés.
Encore une fois, ce qui déconne le plus avec ce film c’est son humour (entendre les indigènes -et notamment leur chefe interprétée par Valerie Leon, une habituée des séries B- parler “bouga-bouga ouga-bouga” vous infligera un grand moment de solitude), ce qui est quand même gênant étant donné qu’il s’agit d’une comédie…
– La phrase-clé : “Ok ma reinette, emmène-moi loin d’ici !” (dit Ray Fay à sa Queen Kong)
– La scène-clé : Au même moment que la phrase-clé, on a Luce Habbit qui tente de violer le beau Ray Fay…
– Niveau d’intéraction 5/10 : Pas mal !

Côté intéraction, je crois qu’on est au top !


Le colosse lève la main sur sa tarzane (à moins qu’il prenne son pied ?).
LE COLOSSE DE HONG KONG – 1977 –
THE MIGHTY PEKING MAN / XING XING WANG
Le pitch : Un homme d’affaires sans scrupules, Lu Tien, apprend qu’un géant simiesque que l’on surnomme le colosse vit dans les montagnes de l’Inde himalayenne (notez la subtile référence au yéti). Il organise aussitôt une expédition pour aller capturer la bête, afin de l’exhiber à Hong Kong.
L’expédition est conduite par un aventurier chinois du nom de Johnny (!). Ce dernier découvre que le colosse obéit à une jeune femme de la jungle, une très jolie blonde nommée Samantha qui se promène en bikini en peau de bête et qui vole dans la jungle de liane en liane, en poussant un cri qui fait “AAAAAHAHAHAHAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!”…
Johnny, qui a séduit Samantha, emmène tout ce beau monde à Hong Kong comme prévu. Ce qu’il n’avait pas prévu par contre, c’est que la cupidité de Lu Tien ne connait pas de limites. Car en essayant de violer Samantha sous les yeux du colosse, le vil ploutocrate va déchainer la fureur du monstre, qui va à son tour se déchainer sur Hong Kong (d’où le titre)…
Ce dernier film de notre sélection est de loin le plus beau si on le prend sous l’angle de la qualité de la production et de la mise en scène. Il faut dire que la chose est produite par la Shaw Brothers, mythique firme Hongkongaise dont il s’agit par ailleurs du seul film de monstres géants, que leurs voisins japonais nomment Kaijū, au cas où vous ne le sauriez pas (relire pour ça la deuxième partie de notre série d’articles, celle consacrée aux KING KONG japonais). Et d’ailleurs, afin d’assurer de bons effets spéciaux, la Shaw Brothers fait ici appel à ses collègues japonais de la Toho, le studio spécialiste des Kaijū eiga (les films de monstres géants en général et de GODZILLA en particulier). En effet, la spécialité de la Shaw Brothers étant le Wu Xia Pian, c’est-à-dire le film de héros martial avec des sabres et des saltos, elle n’était guère à l’aise avec le Kaijū eiga, ce qui explique cela quand on juge au final le niveau de notre COLOSSE DE HONG KONG…
Car ce film, réalisé par Ho Meng-hua en 1977 pour profiter de la King-Kongmania, vaut lui aussi son pesant de cacahuètes nanardesques, et ce malgré la participation de la Toho…

Quand le colosse et sa tarzane connaissaient la dolce vita…
Si les distributeurs américains étaient complètement à côté de la plaque en renommant le film GOLIATHON (à moins qu’ils n’aient pas osé offusquer Dino De Laurentiis !), les producteurs asiatiques avaient essayé d’être un peu plus malins pour qu’on sache, comme d’habitude, que si ce n’était pas-là officiellement du KING KONG, c’était un peu du KING KONG quand même. Ainsi le titre chinois, XING XING WANG, insistait sur le “ING” comme dans KING KONG, tandis que le titre international THE MIGHTY PEKING MAN jouait carrément avec le “KING” ! Mais plus rusés encore allaient être les distributeurs français avec leur génial COLOSSE DE HONG KONG qui, inscrit en gros sur l’affiche derrière un gorille géant, annonçait clairement la couleur avec du bon gros “KONG” (et du “HONG” aussi, parce que dans votre petite tête, “HONG KONG” et “KING KONG”, ça se ressemble) !
Sans doute les auteurs du scénario pensaient-ils que tout cela serait suffisant, et qu’il ne leur restait plus qu’à reprendre les grandes lignes de l’histoire du KING KONG de base, sans se décarcasser plus que ça pour que ça fasse le job.
Afin d’insister un peu sur la note érotique, l’idée que la belle blonde soit une tarzane en bikini semblait bien trouvée. On y mettait des acteurs rodés à l’exercice (le connaisseur retiendra par exemple Ku Feng dans le rôle du méchant, un acteur phare de la Shaw Brothers), du grand spectacle, moult exotisme (avec des stock-shots à gogo) et c’était plié.
C’est cette vacuité d’écriture hélas (et on ne parle même pas des dialogues, d’un niveau de nullité stratosphérique) qui fait basculer le film dans le nanar instantané. Préférez-lui de loin, dans le même genre, LA GUERRE DES MONSTRES d’Hishiro Honda dont nous avons également parlé dans la partie dédiée aux KING KONG japonais.

Sur ces six images : Dans la jungle hostile… Un bon bain dans les sables mouvants et… Les ébats de nos jeunes tourteraux sous le regard torve de ce bon colosse…
Cette écriture en roue libre flingue donc d’emblée le film à coup de raccourcis édifiants. Par exemple, lorsqu’un interlocuteur demande au vil Lu Tien comment il compte s’y prendre pour capturer le colosse, celui-ci lui répond simplement avec le sourire : “Grâce à ce que l’homme possède et que lui ne possède pas : l’intelligence !”. Complètement bancal, le script fait passer ses personnages d’un côté et de l’autre de la barrière du bien et du mal au petit bonheur la chance : Alors qu’il est le héros, qu’il tombe amoureux de la tarzane après une rupture d’avec sa fiancée (partie convoler avec son frère !), le valeureux Johnny va complètement délaisser la sauvageonne dès le retour de son ex ! Et on le verra comme ça, passer d’un bord à l’autre jusqu’à la fin du film ! Idem avec le commandant des armées, qui promet de cesser le feu sur le colosse et sa blonde au sommet d’un building (image classique, n’est-il pas ?), puis qui change d’avis soudainement, massacrant tout le monde au passage !
Au final, le spectateur s’étonne de la subtile nuance du message écologique : Mieux vaut sauver la nature et ses bons sauvages, tant l’humanité civilisée n’est qu’un ramassis de meutriers sanguinaires ! Et que le colosse piétine autant d’indigènes dans sa région natale n’est pas la question !
À la fin reste Johnny. Seul face à la cruauté de notre monde, il va sans doute retrouver son ex…
Ainsi s’achève notre dossier avec ce dernier film qui, s’il est supérieur aux précédents sur le terrain de la production et des effets spéciaux (ce qui n’était, certes, pas bien difficile), ne vaut guère mieux au niveau de l’écriture et de la direction d’acteurs (le doublage français est également fandard lorsque l’on entend le valeureux Johnny parler avec la voix de Patrick Poivey, le doubleur attitré de Bruce Willis et de Kyle MacLachlan dans TWIN PEAKS !).

– La phrase-clé : “Attention, Attention : ordre à toutes les unités de rechercher une fille vêtue de peau de bête, je répète… une fille en peau de bête !”
– La scène-clé : Un petit faible pour la scène où, attaqués par un tigre sauvage et sanguinaire, les membres de l’expédition se jettent, en la visant bien, dans la seule flaque de sables mouvants de toute la jungle…
– Niveau d’intéraction 8/10 : Pas les meilleurs effets spéciaux de l’histoire du Kaijū eiga, mais tellement au-dessus des films précédents…

1ère partie : KING KONG 1933
2ème partie : KING KONG CONTRE GODZILLA, KING KONG S’EST ÉCHAPPÉ, LA GUERRE DES MONSTRES
3ème partie : KING KONG 1976 + KING KONG 2
4ème partie : KING KONG 2005
5ème partie : SKULL ISLAND
6ème partie – Vous êtes ici : LES SOUS-KING KONG
That’s all, folks !!!